24/02/2013
Malheur à quiconque est encore calviniste ou papiste !
... Ou musulman, ou juif, toutes religions confondues avec leurs dogmes à la noix, animistes et sorciers profiteurs, sectaires de tout poil, athées intolérants,... !
A tous je dis "lachez-moi la grappe"
« A Élie Bertrand
premier pasteur à Berne
A Lausanne 24 décembre [1757]
Mon cher philosophe si votre thermomètre à l'air est si en dessous de la glace, je m'imagine que le thermomètre de votre appartement est comme le mien tout près de l'eau bouillante . Je compte passer mon hiver dans le climat doux que je me suis fait au milieu des glaces et que la liberté me rend encore plus doux .
Je plains le roi de Prusse d'acquérir tant de gloire aux dépends de tant de sang . Je plains les Français qui vont se faire tuer à deux cents lieues de leur pays et les Suisses qui les accompagnent, et les peuples qu'ils pillent et les ministres de Genève qui, lassés de leur vie douce veulent l'empoisonner en excitant contre eux-mêmes une tempête dont M. d'Alembert ne fera que rire . Je n'ai point vu l'article . Je sais seulement que d'Alembert n'a eu d'autre intention que de faire leur éloge . Il faut qu'ils le méritent par leur circonspection .
J'avais vu les petits vers de l'horloger de Genève 1. On les a un peu rajustés mais il est toujours singulier qu'un horloger fasse de si jolies choses .
Sa pendule va juste et il paraît penser comme vous . C'est aussi le sentiment de tous les magistrats
de Genève sans exception . Vous voyez que les mœurs se sont perfectionnées, on déteste les atrocités de ses pères, les misérables qui voudraient justifier l'assassinat de Servet ou de du Bourg ou de Barnevelt et de tant d'autres sont indignes de leur siècle . Quoi qu'en dise l'horloger, un historien n'a point tort de regarder la conduite de Calvin envers Servet comme criminelle . Un ministre de Genève a chargé depuis peu un de ses amis de consulter des manuscrits de Calvin qui sont à Paris dans la bibliothèque royale . Il croyait y trouver sa justification . Son ami y a trouvé tant de choses atroces qu'il en est honteux . Malheur à quiconque est encore calviniste ou papiste ! Ne se contentera-t-on jamais d'être chrétien ? Hélas Jésus Christ n'a fait brûler personne . Il aurait fait souper avec lui jean Hus et Servet .
J'ai acheté une maison auprès de Genève qui me coûte plus de cent mille livres . Voilà ce que je brûlerais demain si la tolérance et la liberté que j'ai cherchées étaient proscrites . J'ai quitté des rois pour cette liberté et je serais encore plus libre auprès d'eux quand je le voudrai, mais il vaut mieux être à soi-même qu'à un roi et c'est moi qui me retient sur les bords du lac Léman où je voudrais bien vous embrasser .
Mille respects à M. et Mme de Freidenrik .
V. »
1 V* donna son avis dans l'affaire de « l'âme atroce » comme on le voit dans sa lettre du 29 août 1757 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/12/13/il-y-a-des-sots-il-y-a-des-fanatiques-et-des-fripons-mais-je.html
L'occasion immédiate de ses Torts déclencha la veine poétique du l'horloger-poète David Rival qui décernait le blâme à toutes les personnes en cause, y compris Voltaire, en des vers malicieux :
Quant à vous , célèbre Voltaire,
Vous eûtes tort, c'est mon avis.
Vous vous plaisez dans ce pays,
Fêtez le saint qu'on y révère ...
11:44 | Lien permanent | Commentaires (0)
23/02/2013
On n'a jamais tant combattu avec le fer et avec l'argent
... Tu ne crois pas si bien dire mon pauvre Volti ! A croire que tu lis encore les nouvelles de notre pauvre monde . Désolé de ne pouvoir t'offrir la vue d'humains tolérants et fraternels .
« A Jean-Robert Tronchin
à Lyon
21 décembre [1757] au soir à Lausanne
Heureusement mon cher correspondant les nouvelles d'un prétendu échec en Westphalie sont très fausses , mais celles de la bataille de Neumark sont très vraies .Un homme arrivé d'Angleterre dit qu'on est dans le dessein de donner 80000 livres sterling de subsides au roi de Prusse 1. C'est beaucoup et il a encore un trésor . On n'a jamais tant combattu avec le fer et avec l'argent . S'il est vrai qu'on en donne à la cour de Russie pour ne rien faire et qu'on se serve du reste pour nous battre, je ne suis pas surpris que le ministère de France fasse encore un nouvel emprunt de vingt millions . Je voudrais bien savoir à vue de pays ce qui peut me rester à la fin de cette année pour voir si on ne pourrait pas placer quelque chose pour Mme Denis . Je vous renouvelle mon tendre attachement .
V. »
1 Le Parlement après avoir, à son corps défendant, voté 164 000 livres pour l' « armée d'observation », avait sans tarder voté un crédit additionnel de 1 200 000 livres .
20:49 | Lien permanent | Commentaires (0)
monsieur Jallabert va allonger sa perruque par devant
... Tandis que moi j'ai tendance à avoir les cheveux qui poussent vers l'intérieur , sans douleur .
Jallabert ?
Perruqué ? non ! blond naturel, gelé mais pas surgelé, Findus tu n'auras pas ma peau !
« Voltaire et Marie-Louise Denis
à
Jean JALLABERT
conseiller d’État à Genève
Lausanne 21 décembre [1757]
L'oncle et la nièce apprennent avec le plus grand plaisir que monsieur Jallabert va allonger sa perruque par devant 1. Ils lui font les plus sincères compliments et se flattent que sa nouvelle dignité ne l'empêchera pas de venir quelquefois dans l'ermitage nommé les Délices où il trouvera deux solitaires pénétrés pour lui de tous les sentiments qu'ils lui doivent .
V. et D. »
1Jallabert était un homme de science d'une certaine originalité, directeur de la bibliothèque de Genève, et conseiller du Conseil des Deux Cents il est nommé au Petit Conseil à cette époque .http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Jallabert
19:56 | Lien permanent | Commentaires (0)
J'ose penser que cet homme sage attendra, il sait qu'on n'accommode guère les procès que quand les deux parties n'ont plus d'argent pour plaider
... Les plaideurs finissent souvent à poil, les avocats s'engraissent, la justice rame et ramasse .
Quelques cas exceptionnels , style Tapie, mais tout le monde n'est pas fortuné à ce point .
« A M. Jean-Robert TRONCHIN
à Lyon
Lausanne, 20 décembre [1757].
Vous savez mon cher monsieur, la nouvelle victoire du roi de Prusse 1 les cinquièmes jours du mois lui sont favorables. M. le maréchal Keith, qui m'écrit du 8 au milieu de ses-montagnes, ne me mande point que les Prussiens aient repris Breslau, comme on le dit.
Ce qu'il y a de plus triste, et ce que je ne veux pas croire, c'est qu'une lettre de l'armée de Richelieu parle aussi d'une bataille que nous venons de perdre contre les Hanovriens 2. Si malheureusement cette nouvelle se confirme, voilà cent mille hommes et deux cents millions de perdus, comme dans la guerre de 1741. Dans ces circonstances malheureuses, vous m'avouerez que les affaires générales seraient plus difficiles à ajuster que des billets de confession. Peut-être le résultat de tant de vicissitudes sera que la cour de France aurait pu donner la paix, il y a quatre mois, et ne pourra pas même la recevoir dans deux.
Dieu veuille que la nouvelle de la prétendue défaite de M. de Richelieu soit sans fondement, et que les prophéties de madame la margrave soient fausses . Ses desseins sont plus agréables que ses prophéties. Elle ne respire que la paix. Le chaos serait beau à débrouiller. Il serait bien rare de s'accommoder avec le roi de Prusse sans se brouiller avec l'impératrice, et de rester maître du Hanovre sans avoir à craindre le roi de Prusse. Mais je crois que les d'Ossat 3 et les Richelieu auraient peine à résoudre un pareil problème. Qui en sait plus qu'eux tous le résoudra. Mais il y a sur les bords de notre Rhône, et près de la. cathédrale où vous n'allez point, un homme 4 qui peut-être est le seul capable dans l'Europe de voir et de faire ce qui est convenable. J'ose penser que cet homme sage attendra, il sait qu'on n'accommode guère les procès que quand les deux parties n'ont plus d'argent pour plaider.
Me voici à Lausanne toujours sur les bords de mon lac dans une maison charmante qui même pourrait se passer de vos baguettes dorées que j'attends . J'y jouis d'un repos que je souhaite à quiconque est sur le Veser, sur l'Elbe ou sur l'Oder . Ma nièce et moi nous vous embrassons de tout notre cœur . »
1 Celle de Lissa ou Leuthen le 5 décembre 1757 près de Breslaw , entre le roi de Prusse et le prince Charles, qui est battu. La ville de Breslaw est obligée de se rendre aux Prussiens, qui reprennent ensuite une bonne partie de la Silésie, dont les Autrichiens s'étaient rendus maîtres. Dans l'espoir de prendre ses quartiers d'hiver en Silésie, le prince Charles et Daun avaient marché sur Leuthen, mais Frédéric II prévoyant ce mouvement manœuvra si bien que le 19 décembre il défit les Autrichiens tuant ou faisant prisonniers 53000 hommes sur un total de 90000, n'ayant lui-même que 40000 hommes combattant .
Le prince Charles-Joseph de Ligne (1735-1814), alors jeune officier au service d’Autriche, prit part aux campagnes en Europe centrale et fut mêlé de fort près à de nombreux combats ; voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles-Joseph_de_Ligne
3 Célèbre diplomate, né en 1536, mort en 1601 : http://fr.wikipedia.org/wiki/Arnaud_d%27Ossat
14:47 | Lien permanent | Commentaires (0)
22/02/2013
On a tué une centaine de ces affamés
... Pour le moins ! dit Jean-Claude Duvalier, ex- Baby Doc, en Haïti .
... Au bas mot ! se vante-t-on au Front Al-Nosra composé de terroristes ( pléonasme) salafistes djihadistes en Syrie .
... Pas encore, mais veut mieux faire ! clame le mouvement terroriste islamiste à Hyderabad .
... Petits joueurs ! affirme Laurent Gbagbo en Côte d'Ivoire .
... Par heure ! dit la mouche tsé tsé à son copain le moustique .
... Et on ne s'en tiendra pas là ! disent tous les hommes en arme des pays miséreux .
« A Jean-Robert Tronchin
à Lyon
17 décembre [1757]
Nous partons demain pour Lausanne mon cher correspondant . Je n'ai que le temps de vous le dire . Il faut aussi en courant vous parler de la petite affaire entre M. de Caraman 1 et 1200 Hanovriens et Hessois qui s'avisaient de poursuivre notre arrière-garde dans notre retraite . On a tué une centaine de ces affamés . Mais il est douloureux de se retirer .
Son éminence 2 doit avoir incessamment une lettre du montagneux pays de la Franconie . C'est toujours un commencement . Je vous supplie de lui présenter mes profonds respects et mes vœux pour sa santé et pour le bien public .
Je vous prierai quand vous serez de loisir de vouloir bien mettre au net mon petit compte pour mes étrennes .
Mme Denis et moi nous vous embrassons tendrement .
V. »
1 Victor-Maurice de Riquet , comte de Caraman, avait commandé avec succès l'arrière-garde française .http://fr.wikipedia.org/wiki/Victor_Maurice_de_Riquet_de_Caraman-Chimay et http://www.connaissancesdeversailles.org/t2522-le-premier-projet-des-jardins-anglo-chinois-du-petit-trianon
16:02 | Lien permanent | Commentaires (0)
On parle de je ne sais quelles croquignoles
... Qui chez moi ne sont pas féminines et bonnes à croquer !
Instinctivement, au masculin singulier, Croquignol me ramène aux jours d'été, jours de vacances pluvieux où je me jetais sur Les Pieds Nickelés chez mon grand-père et apprenais presque par coeur les aventures de Croquignol (au long nez, avec un petit côté Charles Trenet-Fou chantant), Filochard (borgne) et Ribouldingue (barbe en bataille). Leur ingéniosité dans la filouterie n'avait d'égal que leur invincible propension à perdre le bien mal acquis . Le système D dans toute sa beauté m'égayait, la morale triomphante (la police) me laissait avec un goût d'inachevé et quasi d'injustice . Aujourd'hui, le système D m'enchante toujours, et la police m'agace toujours , essentiellement quand je suis garé en zone bleue ou devant un parcmètre un jour sans monnaie .
« A Marie-Ursule de Klinglin, comtesse de Lutzelbourg
Aux Délices 17 décembre [1757]
Et monsieur votre fils, madame, ? que devient-il ? J'ai toujours peur ; je vous prie de m’en dire des nouvelles . On parle de je ne sais quelles croquignoles que MM. de Hanovre nous ont données près de Harbourg 1. Monsieur votre fils est tout propre à s'être présenté là des premiers, et avoir fourré son nez plus avant que d'autres . Je vous supplie madame de dissiper mes inquiétudes . Je vais à Lausanne dans le moment . Je voudrais bien que l'île Jar 2 fut dans mon lac . C'est avec une douleur extrême que j'envisage cette éternelle séparation . Avez-vous toujours la consolation de Mme de Brumath 3? Je vous présente à toutes deux mes respects et mes regrets .
V. »
1 Voir : http://books.google.fr/books?id=RZBDAAAAcAAJ&pg=PA20&lpg=PA20&dq=guerre+de+sept+ans+%22harbourg%22&source=bl&ots=cxbTNQLGdB&sig=0cuCmGN6lqkEQeo0ecz5J4NjprI&hl=fr&sa=X&ei=bDInUcjYHvOp0AWV_4HoBg&ved=0CEcQ6AEwBA#v=onepage&q=guerre%20de%20sept%20ans%20%22harbourg%22&f=false
3 Mme Zuckmantel de Brumath, sœur de l’envoyé de Prusse à Mannheim, que V* appelle « sœur Broumath » , amie et dame de compagnie de la comtesse ..
10:13 | Lien permanent | Commentaires (0)
21/02/2013
Si j'étais plus jeune , si j'avais de la santé les choses ne se passeraient pas ainsi
... Oh ! là là !! vous verriez ce que vous verriez !
« A Charlotte-Sophie von Altenburg, comtesse Bentinck
Aux Délices 17 décembre [1757]
Puisque vous voulez madame mettre le portrait de votre saint 1 dans votre oratoire, voici l'antienne qui peut convenir à vos sentiments pour lui .
De l'auguste Thérèse il mérita le choix,
Il fait le bonheur de l'empire,
Le voir , l'entendre quelquefois
Est le bonheur que je désire .2
J'exprime mes idées avec les vôtres madame, mais je suis un vieux Suisse qui n'est pas fait pour prétendre à la jouissance comme vous . Si j'étais plus jeune , si j'avais de la santé les choses ne se passeraient pas ainsi . J'aurais fait mon pèlerinage à Vienne, j'aurais tâché d'entrevoir de loin l’immortelle Thérèse, de pouvoir m'approcher un peu du grand homme qui vous enchante, de remercier le très aimable M. de Durazzo 3, de faire quelques coquetteries à la belle Idamé 4 dont vous êtes si contente . Au lieu de me donner toutes ces belles fêtes, je vais quitter les neiges du voisinage de Genève pour les glaçons de Lausanne, je vais madame, au lieu de vers doux et galants en faire de tristes sur vos perfidies 5, sur vos inconstances, sur les promesses trompeuses que vous m'aviez faites de venir philosopher avec moi sur le beau billet que vous avez donné à Panchaud ; tantôt vous poursuivez votre procès, tantôt vous partez pour Venise, puis vous vous engagez pour le pays de Vaud, de là vous faites votre paquet pour Rome, et somme totale, vous restez à Vienne . Je le crois bien vraiment . La gloire de votre auguste Thérèse et les succès de votre grand homme, de belles victoires, de belles fêtes, tout cela vaut bien la Suisse . Souvenez-vous au moins de moi madame quand vous aurez gagné quelque nouvelle bataille et pris quelque capitale .
Mille respects,
V. »
1 Kaunitz ; voir lettre du 5 décembre 1757 à la comtesse : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/02/11/on-pouvait-avoir-au-printemps-une-paix-glorieuse-voila-ce-qu.html
3 Giacomo Durazzo qui fut ambassadeur de Gênes à Vienne : http://fr.wikipedia.org/wiki/Giacomo_Durazzo
4 Personnage de L'Orphelin de la Chine : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-l-orphelin-de-la-chine-avertissement-114073427.html
5 Voir les mêmes reproches dans sa lettre du 5 décembre 1757 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/02/11/on-pouvait-avoir-au-printemps-une-paix-glorieuse-voila-ce-qu.html
20:00 | Lien permanent | Commentaires (0)