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22/01/2015

être tympanisé par un faquin comme Fréron, c'est être condamné aux bêtes

...

envoyé aux bêtes.jpg

 

Voir un petit texte de Balzac : http://fr.wikisource.org/wiki/Sc%C3%A8nes_de_la_vie_priv%...

 On peu y lire , sans fatwah : " Mahomet a été bien grand quand il a vu quelqu’un pour soutenir à tort et à travers qu’il était prophète."

 

 

« A François de Chennevières

premier commis de la guerre

etc.

à Versailles

16 janvier [1760]

Puisque Marmontel 1 est à la Bastille , vous voyez mon cher monsieur que ce n'est plus à lui que s'adresse le petit avertissement qui doit être dans le Mercure 2. Je vous supplie de le faire parvenir au bureau de ce journal quelque soit l'auteur qui en soit chargé . Je vous avoue que je serais bien aise que cet avertissement fût un peu connu . Il est très désagréable à mon âge d'être tympanisé 3 par un faquin comme Fréron, c'est être condamné aux bêtes . Je vous serai obligé d'envoyer les lettres à leur destination . Nous vous faisons tous les plus tendres compliments .

V. »

1 Le 27 avril 1758, Mme de Pompadour le fit nommer auteur du Mercure de France avec pour auxiliaires Coste et Suard. Pour avoir mécontenté le duc d'Aumont, il fit un bref séjour à la Bastille, du 28 décembre 1759 au 7 janvier 1760 (lettre de M. à Diderot, Corr., t. I, n 50 ; Mercure de France, mars 1758, p. 480 et suiv.).

2 Le texte envoyé par V* est celui de la lettre du 5 janvier 1760 au Journal encyclopédique : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/01/12/il-est-des-circonstances-ou-un-homme-qui-a-eu-le-malheur-d-ecrire-doit-au-m.html

et qui parut dans Le Mercure peu après l'édition du Journal encyclopédique de Pierre Rousseau .

3 Tympaniser signifie « signaler bruyamment » ; http://fr.wiktionary.org/wiki/tympaniser

 

 

demain matin vous aurez le terrible salmigondis qui la suit et qui fera dresser les cheveux sur la tête

... Je n'ai pas besoin de vous préciser qu'il s'agit là, du "salmigondis" des déclarations de l'inénarrable blonde-couleurs-et-pointes Marine Le Pen , jamais en peine pour ratisser large et tenter de rallier tout ce qui peut rapporter voix, fric, pouvoir .

Continue ton cirque Marine, tu n'amuses que ton vieux crouton de père qui pédale de plus en plus dans la semoule, je ne te dis pas le couscous qu'il nous prépare, immangeable, comme toi tu es imbuvable !

A ce propos voir sans attendre le numéro 218 de Vigousse , et en particulier ici, Caro : http://www.vigousse.ch/dessins.php

 

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 A vue de nez c'est la Marine Nazionale

 

« A Gabriel Cramer

[janvier 1760 ?]

[…] demain matin vous aurez le terrible salmigondis qui la suit et qui fera dresser les cheveux sur la tête . Le tout ensemble fera mourir une douzaine de jésuites subitement . Quant à vos prêtres je tirerai dessus à balle des créneaux de Tournay. »1

1 Manuscrit olographe qui ne consiste que dans une feuille dont le haut est déchiré . Ce billet pourrait se rapporter à la Relation du voyage de frère Garassise, neveu de Frère Garasse, successeur de frère Berthier, que V* appelait la Berthiade-Garassise . Elle fut d'abord publiée dans l'édition de 1760 de La Relation […] du jésuite Berthier .

 

21/01/2015

prescrire une méthode générale que je tâcherais de proportionner aux différents tempéraments, en donnant, par exemple, des doses plus fortes aux tempéraments plus robustes ?

... Voltaire nous fait une démonstration de médecine holistique avant l'heure , avec de pauvres moyens, mais le coeur y est .

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 Et pour qui est le remède de cheval ?

 

 

« A Monsieur le docteur Théodore Tronchin

à Genève

[janvier 1760]

Mémoire

Les maladies continuent dans les campagnes, ce sont des fièvres doubles tierces , ou continues avec redoublement . Plusieurs malades sont attaqués d'un flux de sang, sont fort agités, et ont beaucoup d'inquiétude dans les jambes . Le domestique qui m'est mort aux Délices, et qui avait éprouvé ces symptômes commença, dès qu'il se sentit attaqué, par aller se faire saigner à Genève, sans consulter personne ; prit beaucoup de quinquina et augmenta beaucoup son mal . Un de ses frères, fermier dans le pays, lui amena un médecin fort fameux du village de Chêne . Cet illustre médecin qui je crois ne sait pas lire, a fait languir le malade tout le moins qu'il a pu .

J'ai traité le jeune garçon dont je prends soin en suivant de point en point les ordres de monsieur Tronchin . Il est dans la convalescence ; je traiterai de même les fièvres qui ne sont point accompagnées de flux de sang, mais pour ces dernières qui courent aussi dans Genève, et dont monsieur Tronchin a connu le caractère, pourrait-il avoir la bonté de me prescrire une méthode générale que je tâcherais de proportionner aux différents tempéraments, en donnant, par exemple, des doses plus fortes aux tempéraments plus robustes ?

Notre pays de Gex n'est pas assez peuplé pour y tuer nos laboureurs et nos vignerons .

Mon cher docteur, quand je vins ici je ne m'attendais pas que je serai en vie en 1760, et que j'aurais soin de la vie des autres . Vous avez raison de dire que la vie qui reste aux Français est bien malheureuse . On les a traités comme le médecin de Chêne a traité mon domestique . N'êtes-vous pas dans le cas de souffrir beaucoup des remèdes de nos ministres ? n'avez-vous pas une suppression d'annuités et de billets ? J'ai peur que le mal ne soit incurable .

A dimanche .

V. »

 

faut-il plutôt laisser faire la nature ?

...

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 Après l'épilation, soins anti-rides et une petite liposuccion ?

 

 

« A Théodore Tronchin

professeur

[janvier 1760]

Dieu d'Epidaure, quelle est donc cette maladie qui attaque tant de monde ? J'ai neuf malades à Ferney, tous ayant la même fièvre .

Quelle est la méthode générale qu'il faut suivre dans ce mal endémique ?

Il m’est mort aux Délices un garçon de trente ans très vigoureux et de plus excellent sujet que je regrette .

L'enfant dont je vous ai importuné m'inquiète . Fièvre continue avec redoublements, ventre tendu comme un tambour, deux fois l'émétique, répugnance invincible au petit lait . Faudra-t-il une troisième dose de deux grains dans deux pintes ou chopines 1 d'eau de chicorée, faut-il plutôt de la manne 2, faut-il plutôt laisser faire la nature ? Que signifie ce ventre tendu comme un tambour de basque ?

Vous ne me parlez point de mademoiselle votre fille . Parlez-moi du moins de nos flottes . Vale et ama nos .3

V. »

1 Ou chopines est ajouté au dessus de la ligne .

2 Laxatif , fraximus ornus

3 Porte-toi bien et aime nous .

 

 

20/01/2015

il est désagréable qu'on m'impute continuellement des sottises que je n'ai pas seulement lues, et que je méprise autant que la plupart des brochures de Paris

... Voila ce qu'aurait pu dire le monde musulman s'il avait été un tant soit peu civilisé et  tolérant .

On a vu  plutôt  des bas-de-plafond faire parler les balles et les machettes . C'est trop leur demander que d'épargner des vies , ce sont des impuissants qui croient dominer le monde par la terreur ; je leur dit : "vos jours sont comptés", et tout comme il est écrit :

Dn 5,24. C'est pourquoi Il a envoyé l'extrémité de cette main, qui a écrit ce qui est marqué sur la muraille.

Dn 5,25. Or voici l'écriture qui a été tracée: Mané, Thécel, Pharès.

Dn 5,26. Et voici l'interprétation de ces mots. Mané: Dieu a compté ton règne et y a mis fin.

Dn 5,27. Thécel: tu as été pesé dans la balance, et tu as été trouvé trop léger.

Dn 5,28. Pharès: ton royaume a été divisé, et donné aux Mèdes et aux Perses.

Et j'ajouterai que ce n'est pas LE prophète barbu qui est prétexte à guerre prétendue sainte , qui pourra y changer quoi que ce soit : vous périrez, vous pourrirez .

 mane thecel phares.gif

 

 

 

 

 

 

 

« A Michel Lambert 1

Libraire

proche la Comédie française

à Paris

[vers le 15 janvier 1760]2

Je suis obligé , monsieur, de me plaindre à vous, de ce que vous avez imprimé sous mon nom une comédie intitulée La Femme qui a raison, sans me consulter . Elle n'est certainement pas de moi dans l'état pitoyable où je l'ai vue ; et je n'ai pas mérité que vous me fissiez cet outrage , qui choque également les bienséances et les lois ; il n'est certainement pas permis de se servir du nom de qui que ce soit sans son aveu . On me mande aussi de Paris que vous imprimez souvent des injures contre moi dans un ouvrage périodique, intitulé l'Année littéraire . Comme je ne me suis attiré, monsieur, ni aucun de ces procédés, ni aucun de ces outrages, je crois que vous devez vous les reprocher . Je suis très loin d'y faire une attention sérieuse, mais il est désagréable qu'on m'impute continuellement des sottises que je n'ai pas seulement lues, et que je méprise autant que la plupart des brochures de Paris sont méprisables, vous pouvez gagner de l'argent par des voies plus dignes de vous et de votre profession.

Voltaire

gentilhomme ordinaire du roi

l'un des 40 de l'Académie »

2 Pour la suite des relations avec Michel Lambert, citons un extrait d'une lettre de Gabriel Cramer à Grimm, du 4 février 1760 : « Si M. Lambert nous eût fait il y a trois ou quatre ans, l'ouverture qu'il nous fait aujourd'hui par votre canal , il aurait et nous aussi beaucoup d'argent qui a passé en d’assez mauvaises mains ; car à vous en parler vrai , nos relations avec Robin ne m'ont jamais plu ; je ne sais comment diable tout cela s'est enfilé, car je n'ai jamais compris la nécessité de faire à mes dépens, la fortune d'un homme à qui elle ne va pas du tout . Si donc M. Lambert est de bonne foi dans l'intention de se lier avec nous, et de ne rien contrefaire de ce que je lui enverrai, je consens de tout mon cœur à rompre avec Robin, avec lequel je puis terminer dans quinze jours . Nous pourrions commencer M. Lambert et moi sous des auspices assez passables : le czar, l'infâme ,,,[La Pucelle] , et des petits chapitres . Le czar (je parle du premier volume) est en magasin depuis plusieurs mois ; les cartes de M. Danville sont arrivées ici, l'exemplaire envoyé à Pétersbourg n'est point parvenu, on en renvoiera un autre, et l'on n'attend qu'une approbation du grand chambellan pour achever l'ouvrage ; lequel sera mis sous presse sur-le-champ, puis expédié à Paris en tel nombre que l'on jugera convenable . Il y aura une édition en 8° et une édition 12° . la chère infâme est toute prête à paraître au grand jour, sa parure est la plus élégante du monde ; nous attendons des gravures délicieuses (quoiqu'honnêtes) que nous avons fait faire pour rendre la chose plus touchante . Quant au volume de mélanges je compte qu'au premier jour je le mettrai sous presse ; mais il me semble que pour celui-là je serais embarrassé à refuser à Robin un nombre d'exemplaires pour compléter ce qui peut lui rester des œuvres . L'analyse de l'Esprit est partie depuis quinze jours ; j'ai donné ordre à Robin de vous remettre tous les exemplaires que vous aurez la bonté de lui demander . […] vous ne connaissez pas encore le Voyage de frère Garassise à Lisbonne ; il est sous presse à la suite de la Bertiade ; si nous nous arrangeons avec M. Lambert, ce sera la dernière chose que recevra Robin . »

Le 27 avril 1760, dans sa lettre à d'Argental, V* écrit : «  Faudra-t-il qu'un libraire, tel que Michel Lambert, qui a l'insolence d'imprimer toutes les pauvretés que Fréron débite contre moi, gagne cent louis d'or à imprimer malgré moi mon ouvrage? Cela est-il juste ? »

 

19/01/2015

Il faut, en vérité, aller dans un nouveau monde pour avoir du plaisir par le temps qui court

... Heureusement Voltaire ne nous envoie pas dans "l'autre" monde comme ont tendance à le faire trop souvent à mon goût, quotidiennement pour être vrai, les cinglés terroristes mahométans ou autres . Le "nouveau" monde offre en effet plus de plaisir, il n'est qu'à le demander aux participants du Dakar, ce fameux Paris-Dakar qui a dû s'exiler pour éviter les voleurs et assassins . Pourquoi faut-il que des minorités mettent le monde à feu et à sang ?

 nouveau monde.jpg

 

 

« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de SAXE-GOTHA
Aux Délices, 15 janvier 1760, en réponse à la lettre

dont V. A. S. m'honore, du 3 janvier.
Madame, pourquoi n'y suis-je pas? Pourquoi ne suis-je pas le témoin des plaisirs et des talents de votre illustre famille? Votre Altesse sérénissime fait en tout temps mes regrets. Madame la princesse votre fille se fait donc Américaine 1 ? Le prince aîné est Zamore ! Il faut, en vérité, aller dans un nouveau monde pour avoir du plaisir par le temps qui court. Je vois la grande maîtresse des cœurs qui leur donne des leçons : car il me semble que je l'ai entendue très-bien réciter, et mieux sans doute que le maître de langue, quel qu'il soit. Nous n'avons ici, madame, dans la ville de Jean Calvin, aucun dessinateur capable de dessiner un habit de théâtre, pas même un surplis; mais je vais y suppléer. Une espèce d'habit à la romaine pour Zamore et ses suivants, le corselet orné d'un soleil, et des plumes pendantes aux lambrequins ; un petit casque garni de plumes, qui ne soit pas un casque ordinaire. Votre goût, madame, arrangera tout cet ajustement en peu d'heures. Si on peut avoir pour Alzire une jupe garnie de plumes par devant, une mante qui descende des épaules et qui traîne, la coiffure en cheveux, des poinçons de diamant dans les boucles, voilà la toilette finie. Pour Alvarès et son fils, le mieux serait l'ancien habit à l'espagnole, la veste courte et serrée, la golille 2, le manteau noir doublé de satin couleur de feu, les bas couleur de feu, le plumet de même. Montèze, vêtu comme les Américains. Voilà, madame, tout ce que votre tailleur peut dire ; mais, en qualité d'auteur, Votre Altesse sérénissime est bien convaincue que je voudrais être le maître de langue.
J'ignore quel est le bel homme qui s'est donné pour le médecin Tronchin 3 ; le véritable est encore à Genève, et peut-être n'en sortira pas. Pour Mlle Pertriset 4, j'ai eu l'honneur de lui écrire, madame, et de lui envoyer le compte qu'on m'a remis pour le banquier 5 que Votre Altesse sérénissime protège. Je me flatte qu'elle m'aura mis aux pieds de Votre Altesse sérénissime, et de toute votre auguste maison.
Freytag doit être bien étonné d'être trépassé d'une mort naturelle 6. Hier il vint chez moi un Prussien, fils du général Brédau. Je lui demandai des nouvelles de tous ceux que j'avais vus chez le roi ; madame, il n'y en a pas un en vie. Ô monde, que tu es néant !
Daignez, madame, agréer les profonds respects de V. »

Elle allait jouer Alzire . La duchesse écrivait à V* le 3 janvier 1760 : « Mes enfants se sont proposés de jouer Alzire que j'aime tant, et ils ignorent tout comme moi comment ils doivent s'habiller ? J'ose donc vous conjurer de nous mettre au fait [...] le plus simple serait si vous vouliez sur un petit bout de papier me faire dessiner l'habillement et y ajouter à côté l'explication […] Mes enfants n'ont jamais encore joué la tragédie mais plusieurs petites pièces de comédies […] D'ailleurs nous avons ici un maître de langue français qui déclame très joliment et qui se donne beaucoup de peine pour les instruire . Ma fille apprend le rôle d'Alzire et mon fils aîné celui de Zamore . » L'action d'Alzire se passe au Pérou : http://www.theatre-classique.fr/pages/programmes/edition.php?t=../documents/VOLTAIRE_ALZIRE.xml

2 Espèce de collet porté en Espagne (Littré)

3 « Selon toutes les apparences M. Tronchin a passé par ici incognito pour se rendre à Berlin . Nous apprîmes cette nouvelle par les gazettes et en même temps par des lettres particulières de Frankfurth » écrit la duchesse le 3 janvier 1760 . Voir aussi lettre du 7 janvier 1760 à Mme d'Epinay : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/01/15/antecedentem-scaelestum-persequitur-pede-poena-claudo-le-crime-a-beau-prend.html

5 II s'agit d'une réponse de Choiseul à Frédéric II.

6 « […] ce vilain Freytag a passé le pas par un coup d'apoplexie : je crois qu'il est mort à Hambourg », toujours lettre du 3 janvier 1760 à V*.

 

18/01/2015

J'ai vu en ma vie bien des hiboux se croire aigles.

... Et récemment, un coquelet nommé Sarkozy, tenter de faire briller ses plumes en premier rang, pour épater ses poules sans doute, à la limite de faire la roue (comme Lepaon ?), et de se dresser sur ses petits ergots, et de tendre le col comme pour coquericoter . Je lui prédits un avenir de volaille : la casserole (il ne sera pas besoin d'en chercher , il en traine assez pour équiper Top Chef).

 

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'ARGENTAL.
11 janvier 1760
Je conçois très-bien, mon divin ange, que vous enverrez plus d'un courrier pour raccommoder la balourdise de ce monsieur, soi-disant d'Aragon, qui stipula si mal les intérêts du duc de Parme dans le traité croqué d'Aix-la-Chapelle 1. Cet homme cependant passait pour un aigle. J'ai vu en ma vie bien des hiboux se croire aigles. Et que dirons-nous de ceux qui nous ont attiré cette belle guerre avec l'Angleterre, en ne sachant pas ce que c'était que l'Acadie ? Mon cher ange, le monde va comme il peut.
Je n'ai d'espérance que dans M. le duc de Choiseul. Mes annuités, actions, billets de loterie, font mille vœux pour lui.
Le tripot consolerait un peu de toutes les misères qui nous accablent ; mais, divin ange, j'ai fait bien des réflexions. Si la pièce réussit, peu de plaisir m'en revient, comme je vous l'ai déjà dit ; si elle tombe, force tribulations me circonviennent : parodies, brochures, foire, épigrammes, journaux, tout me tombe sur le corps. J'ai soixante et six ans, comme vous savez, et je ne veux plus mourir de la chute d'une pièce de théâtre.
Je vous enverrai, n'en doutez pas, la Chevalerie, à laquelle je ne peux plus rien faire ; mais je vous supplierai de ne la donner qu'à bonnes enseignes, supposé même que vous daigniez vous amuser encore à ces bagatelles, après les impertinences d'Auguste et de Cinna. J'ai lu cette sottise, et j'ai été bien étonné qu'on l'attribuât à Marmontel 2.
A l'égard de Luc, je n'ai fait autre chose qu'envoyer à M. le duc de Choiseul les lettres qu'il m'écrivait, pour lui être montrées.
Je n'ai été qu'un bureau d'adresse. Il voit d'un coup d'œil ce qu'il peut faire de ces épîtres, si tant est qu'on en puisse faire quelque chose. Mais j'ai demandé à M. le duc de Choiseul une autre grâce,
qui n'a nul rapport à Luc : voici de quoi il est question. Il faut plaire aux gens avec qui l'on vit. Le conseil de Genève a condamné à 10 000 livres d'amende un citoyen qu'il aime, et qu'il a condamné malgré lui, sur une contravention faite par son commis, dans son commerce avec la France. Son procès a été fait à la réquisition du résident du roi à Genève 3. Le coupable en question se nomme Prévost : il est le moins coupable de tous ceux qui étaient dans le même cas ; ce cas est la contrebande. Ce Prévost est ruiné : il a une femme qui pleure, des enfants qui meurent de faim. Le conseil veut bien lui remettre une partie de sa peine, mais il ne peut pas avoir cette condescendance sans savoir auparavant si M. le duc de Choiseul le trouve bon 4. Il ne veut pas en parler à M. de Montpéroux, résident de France, de peur de se compromettre, et de compromettre même le résident. On s'est donc adressé à moi. J'ai pris la liberté d'en écrire à M. le duc de Choiseul, et je vous conjure seulement d'obtenir qu'il vous dise qu'on peut faire grâce à ce pauvre diable, et qu'il n'en saura rien. Faites cette bonne œuvre le premier mardi, mon divin ange ; on ne peut mieux employer un mardi.
Joue-t-on le Gladiateur 5 ? Espère-t-on quelque chose de M. Bertin 6? Avez-vous vu M. Tronchin de Lyon ? Avez-vous reçu quelque consolation de Cadix? Payera-t-on nos rentes? Madame Scaliger, comment vous portez-vous ? Je baise bien tendrement le bout de vos ailes; autant fait Mme Denis.
Vraiment, mon divin ange, j'oubliais l'abbé d'Espagnac. Je ne croyais pas qu'avec de l'argent vous eussiez besoin d'un pouvoir.
Votre nom seul est pouvoir ; mais voilà la pancarte que vous ordonnez. »

1 Du 18 d'octobre 1748, avec le comte Saint-Séverin d’Aragon, qui représenta la France au congrès d’Aix-la-Chapelle , avait accordé les duchés de Parme , Plaisance et Guastalla à Don Philippe ; sur des compensations en faveur de ce dernier, voir lettre du 14 janvier 1760 de Choiseul à V* , en note iv de la lettre du 26 janvier de V* à la duchesse de Saxe-Gotha : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/01/26/j-aurai-toujours-beaucoup-de-respect-pour-les-belles-et-tout.html

2 La parodie de la scène 1re de l'acte II de Cinna, de Bay de Cury, intendant des menus-plaisirs, qui, ayant, dans un prologue, tourné en ridicule les gentilshommes de la chambre, fut obligé de quitter sa charge. Quelque temps après, et en 1i59, il fit cette parodie de Cinna pour laquelle fut persécuté Marmontel, à qui on l'attribua. Cette parodie, dont les interlocuteurs sont le duc d'Aumont, d'Argental et Lekain, a été imprimée à la fin du tome second du Journal de Collé, mais n'est pas dans tous les exemplaires. ( Beuchot)
La parodie de
Cinna dont Bay de Cury est l'auteur a été donnée par M. Maurice Tourneux dans son édition de la Correspondance de Grimm, tome IV, page 184; Paris, Garnier frères, 1878.

3 Montpéroux.

4 Choiseul était déjà intervenu en faveur de Jean Prévost .

5 Spartacus, de Saurin, qui devait être joué le 22 février 1760 ; voir lettre du 24 octobre 1759 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/11/06/j...

 

6 Henri-Léonard-Jean-Baptiste Bertin, lieutenant général de police en octobre 1757, et contrôleur général des finances le 21 novembre 1759, successeur de Silhouette, puis ministre d'État en 1762. Voir : http://data.bnf.fr/12491592/henri_leonard_jean-baptiste_bertin/

et : http://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Bertin