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31/12/2014

Nous sommes pauvres et humiliés, mais que ne fait-on pas pour les personnes qu'on ose aimer !

...

pauvres et humiliés.jpg

 

Rien à ajouter .

 

« A Charlotte-Sophie von Altenburg, comtesse Bentinck

Aux Délices 22 décembre 1759

Vous ne sauriez croire, madame, combien je vous ai d'obligation de vouloir bien me donner des nouvelles de votre procès . Chaque petit incident que vous gagnez est pour moi un petit triomphe, mais la justice divine et la justice humaine sont bien lentes ; votre avocat a beau être un génie supérieur, il a beau tourner votre affaire de tous les sens, je serai toujours inquiet et affligé jusqu'au jugement définitif .

Il y a quelque temps que je m'avisai de donner une petite fête dans mon ermitage 1, c'était une tragédie nouvelle, c'était une illumination, c'était un feu d'artifice : mais le jour que j'apprendrai le gain de votre cause je vous avertis que je me ruine en fusées volantes , et que j'ouvre le bal . Les illuminations seront toutes en triangle 2. Vous me direz , madame, qu'il n'appartient pas à un Français de faire des feux de joie . Je le sais bien . Nous sommes pauvres et humiliés, mais que ne fait-on pas pour les personnes qu'on ose aimer ! Nous vous sommes inutilement attachés ma nièce et moi, nous ne pouvons vous être bon à rien . C'est bien le moins que nous fassions éclater nos sentiments quand nos justes souhaits seront accomplis . Mais le seront-ils , madame ? Daignez nous donner des espérances sur tout ce qui vous touche . Je suis si occupé de vos affaires que je ne vous parle point des affaires publiques . J'ignore à quoi aboutissent les propositions du roi d'Angleterre . J’ignore s'il est vrai que M. le maréchal Daun ait donné bataille au roi de Prusse le six de ce mois comme on le dit . Nous en serons instruits dans deux jours . Nous avons ici un neveu de M. de Soltikof qui n'a jamais de nouvelles de son oncle . Mais les Genevois sont le peuple de la terre qui a le plus de correspondances, et qui est le mieux instruit de ce qui se passe en Europe ; nous avons su toutes les nouvelles d’Allemagne quatre jours avant la cour de France . Pour moi, madame, je regarde en philosophe tous ces grands évènements, et pourvu que votre admirable avocat réussisse pleinement dans la cause qu'il a entreprise et qu'il soutient avec tant de sagacité , je suis content . Comptez madame sur mon zèle, sur mon respects et sur mon attachement inviolable .

V. »

1 On a ici une confirmation de la surprenante fête donnée et relatée dans la lettre du 6 novembre 1759 à Albergati Capacelli : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/11/14/j-attends-quelque-chose-de-mieux-que-vos-ordres-5489878.html

2 Nouvelle allusion à Kaunitz, instigateur de la Triple Alliance, voir lettre du 9 septembre 1758 à la comtesse Bentinck : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/10/22/tout-le-monde-avoue-qu-il-faut-etre-philosophe-qu-il-faut-et.html

 

 

30/12/2014

Je me préparerai à tout en faisant mes Pâques dans ma paroisse; je veux me donner ce petit plaisir en digne seigneur châtelain

... Et auparavant je me ferai sonner les cloches .

 

DSC04314 sonner les cloches.png

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'ARGENTAL.
22 décembre [1759].
Ma dernière lettre 1 était déjà partie, et mon cœur avait prévenu le vôtre, mon respectable ami, avant que je reçusse les dernières marques de votre amitié et de votre confiance. Vous me confirmez tout ce que j'avais imaginé, votre douleur raisonnable, et les consolations de M. le duc de Choiseul. Il me semble que sa belle âme était faite pour la vôtre. En qui peut-il mieux placer sa confiance qu'en vous? N'y a-t-il pas de la modestie à lui à penser que c'est le ministère d'Angleterre qui jette les premiers fondements de la paix? Mais n'y a-t-il pas aussi un peu d'insolence à moi à penser que je crois savoir que c'est M. le duc de Choiseul lui-même qui a tout préparé, et que c'est sur une de
ses lettres, envoyée certainement à Londres, que M. Pitt s'est déterminé? M. le duc de Choiseul lui-même ne m'ôterait pas de la tête qu'il est le premier auteur de la paix que toute l'Europe, excepté Marie-Thérèse, attend avec empressement. Cependant si Luc pouvait être puni avant cette heureuse paix! Si le chemin de la Lusace et de Berlin étant ouvert par le dernier avantage du général Beck, quelque Haddick 2 pouvait aller visiter Berlin! Vous voyez, divin ange, que, dans la tragédie, je veux toujours que le crime soit puni. On parle d'une grande bataille donnée le 6 entre Luc et l'homme à la toque bénite 3 ; on la dit bien meurtrière. Trois lettres en parlent; il n'y a peut-être pas un mot de vrai; nous ne le saurons que dans deux jours. Je m'intéresse bien vivement à cette pièce. Dès que les Autrichiens ont un avantage. M. le comte de Kaunitz 4 dit à Mme de Bentinck : « Écrivez vite cela à notre ami. » Dès que Luc a le moindre succès, il me mande : « J'ai frotté les oppresseurs du genre humain. » Cher ange, dans ces horreurs, je suis le seul qui aie de quoi rire ; cependant je ne ris point, et cela à cause des culs noirs, des annuités, des loteries, et de Pondichéry : car sempre temo per Pondichery .5
Pour nos Chevaliers 6, ils sont à vos ordres. Il faudra s'attendre aux insultes de ce polisson de Fréron, aux cris de la canaille.
Je me préparerai à tout en faisant mes Pâques dans ma paroisse; je veux me donner ce petit plaisir en digne seigneur châtelain.
Et ce M. d'Espagnac ! quel homme! quel grand chambrier ! quel minutieux seigneur! Il ne finira donc jamais? Mais, à propos, je vous prépare des gantelets, des gages de bataille pour Pâques.
Et pourquoi ne pas jouer Rome sauvée sur votre vaste théâtre cet hiver 7? pourquoi ne pas entendre les cris de Clytemnestre 8 ? ne faut-il rien hasarder?

Mille tendres respects à Mme Scaliger.

V. »

2 Le feld-maréchal autrichien ,comte de Haddick, entré à Berlin les 16 et 17 octobre 1757, avec quatre mille hommes seulement, y avait levé, au nom de Marie-Thérèse, une contribution de 800 000 fr. le comte Gottlieb-Heinrich Tottleben, général russe, l'un des généraux d'Élisabeth, exécuta un semblable coup de main sur Berlin le 9 octobre 1760.

3 Daun.

4 Venceslas de Kaunitz-Rietberg, qui porta plus tard le titre de prince. Il avait beaucoup contribué au traité de 1756, si funeste à la France.

5 Je crains toujours pour Pondichéry ; V* s'intéresse particulièrement aux Indes , où il a des intérêts, plutôt qu'au Canada .

6 Tancrède.

7 Cet hiver est ajouté au-dessus de la ligne . Rome sauvée ne fut reprise qu'en février 1762 .

8 Dans la tragédie d'Oreste qui ne fut reprise qu'en juillet 1761 .

 

 

29/12/2014

Que ne puis-je être au nombre de ceux qui vous voient et qui vous consolent !

...

DSCF0677 je suis accro.png

 

 Je suis accro !

 

 

« A Jacob Vernes

ministre

chez monsieur son père

[vers le 20 décembre 1759]

Mon cher ami, je n'apprends que dans ce moment ce malheur funeste 1. J'en suis pénétré comme vous ; et quoique je craigne d'aigrir votre juste douleur je ne peux m'empêcher de vous dire à quel point je la ressens . Que ne puis-je être au nombre de ceux qui vous voient et qui vous consolent ! Ne me répondez point, n'ajoutez point cette peine à celle que vous écrivez 2. Recevez seulement le témoignage de ma douleur et de mon amitié avec la même sensibilité que je vous écris .

V. »

1 La femme de Vernes, née Marie-Françoise Clarenc de Puylaurens, est morte le 14 décembre . Elle avait épousé Vernes le 8 janvier 1759 et n'avait que 18 ans .Voir aussi : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacob_Vernes

2 Mot remplacé d'une autre main sur la manuscrit par éprouvez .

 

on ne peut s’empêcher de lire la vie bien ou mal écrite, vraie ou fausse, d'une personne qu'on a vu naître, avec laquelle on a vécu, et qui joue un rôle si considérable

... Voila ce qui aurait dû limiter le nombre de lecteurs de Merci pour ce moment de cette revancharde Valérie Trierweiler au nombre de doigts d'un manchot .

Ou alors la foule de lecteurs de cette prose prouverait que François Hollande "joue un rôle si considérable" qu'on doit impérativement tout savoir de lui, taille de slip comprise . Passons ....

 

bebe-cigogne.jpg

Arrivée du bébé Hollande, prise par un paparazzo alsacien qui ne veut pas faire alliance avec la Lorraine

 

 

« A David-Louis Constant de Rebecque, seigneur d'Hermenches

capitaine des gardes etc.

à La Haye

18è décembre 1759

Autant que je suis sensible à vos bontés, monsieur, autant je suis honteux de ma curiosité ; je me doute bien que l'histoire que j'avais tant d'envie de voir 1 est un mauvais livre ; mais on ne peut s’empêcher de lire la vie bien ou mal écrite, vraie ou fausse, d'une personne qu'on a vu naître, avec laquelle on a vécu, et qui joue un rôle si considérable ; pour les lettres de M. le maréchal de Belle-Isle 2, c'est un monument plus authentique . Je ne peux trop vous remercier de l'un et de l'autre . Il est vrai que je ne regrette pas beaucoup Lausanne cette année ; vous n'y êtes point , monsieur, et l'on dit même que vous fixez votre séjour en Hollande ; et 3 ce cas je pourrais bien ne pas sortir de mes terres . On s'affectionne de son ouvrage, quoiqu'on ait peu de temps à en jouir . Vous ne sauriez croire combien vous avez été regretté par toute la troupe de Tournay ; nous avons senti votre absence, d'autant plus qu'on ne pouvait vous remplacer ; monsieur votre frère s'est perfectionné, il joue très honnêtement le tragique ; nous comptons bien l'employer cet été, car pour l'hiver il n'y a pas moyen d'avoir du plaisir dans ce pays-ci ; messieurs les Genevois ferment leurs portes de trop bonne heure .

Il me semble, monsieur, que la maison de Brunswic joue actuellement le plus beau rôle de l'Europe ; elle gagne des batailles et offre la paix . Je vous avoue que M. le prince Louis est actuellement des princes de l'Europe celui qui m'est le plus cher . Que le bon Dieu bénisse son ouvrage . Mais s'il est vrai que l'on vienne de détruire encore un gros détachement de Prussiens, et que le chemin de Berlin soit ouvert, je ne crois pas qu'en ce cas la cour de Vienne soit fort empressée à rendre la paix à l'Europe . Je doute pourtant encore de ce dernier événement, et de la victoire du général Beck qu'on nous annonce ; si cela était le roi de Prusse m'aurait envoyé des vers ; car il m'en dépêcha une centaine, le propre jour de l'affaire de Maxen 4. Il faut avouer que personne n'a fait tant de vers et donné tant de batailles . Adieu monsieur 5. Comptez que toutes la troupe des Délices vous est très attachée, je dis la troupe car nous sommes cinq acteurs de fondation dans la maison, en comptant un gascon . Tout ce qui se passe à Paris ne me donne pas grande envie d'y retourner, avouez aussi que vous ne me conseilleriez pas de retourner à Berlin . Yu diener 6.

V. »

1 L'Histoire de Mme la marquise de Pompadour, 1759, de Marianne-Agnès Falques : http://books.google.fr/books?id=qCw6AAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

3 Omission de en, ou remplacé par et ?

5 A partir d'ici, plus d'une ligne est soigneusement biffée .

6 Votre serviteur . Yu est un barbarisme ou une faute de lecture du manuscrit pour Ihr .

 

28/12/2014

ce monde-ci est une pauvre mascarade ; je conçois à toute force comment on peut dissimuler ses opinions pour devenir cardinal ou pape ; mais je ne conçois guère qu'on se déguise sur le reste

... Cardinal, pape, président, sénateur, député et autre bandes d'élus ... Mais rassurons nous, tout ça "c'était avant" (comme dit ma pauvre mère) et 2015 va tout changer , en bien, évidemment ! le compte à rebours est commencé , je prépare mes yeux, mes oreilles et mes quelques neurones qui ont survécu au gavage de niaiseries, à un monde plus franc .

 

 Fixez le centre de l'image 20 secondes puis regardez votre voisin(e) . Eh oui , la vérité est trou/tremblante !

 

« A Saverio Bettinelli 1

18è décembre 1759, aux Délices près de Genève

Votre souvenir, monsieur, m'est bien cher, et il m'est si doux de recevoir de vos nouvelles, que je veux beaucoup de mal au jeune homme que vous chargeâtes de votre paquet à Vérone, et qui ne me l'a fait rendre qu'au bout de deux mois 2; vous écrivez si bien dans ma langue que je n'ose vous répondre dans la vôtre ; d'ailleurs ma mauvaise santé me force à dicter, et mon secrétaire n'a pas comme moi le bonheur d’entendre cette belle langue italienne à laquelle vous prêtez de nouveaux charmes ; si j'étais moins vieux, et si j'avais pu me contraindre, j'aurais certainement vu Rome, Venise et votre Vérone ; mais la liberté suisse et anglaise, qui a toujours fait ma passion, ne me permet guère d'aller dans votre pays voir les frères inquisiteurs, à moins que je n'y sois le plus fort ; et comme il n'y a pas d'apparence que je sois jamais général d'armée, ni ambassadeur, vous trouverez bon que je n'aille point dans un pays où l'on saisit aux portes des villes les livres qu'un pauvre voyageur a dans sa valise . Je ne suis point du tout curieux de demander à un jacobin, à un dominicain, permission de parler, de penser et de lire ; et je vous dirai ingénument que ce lâche esclavage de l'Italie me fait horreur . Je crois Saint Pierre de Rome fort beau, mais j'aime mieux un livre anglais écrit librement , que cent mille colonnes de marbre . Je ne sais pas de quelle liberté vous me parlez auprès du monte Baldo 3; je ne connais d'autre liberté que celle de ne dépendre de personne ; c'est celle où je suis parvenu après l'avoir cherchée toute ma vie . J'ai eu le bonheur d'acquérir dans le voisinage de la petite maison où vous m'avez vu, des terres absolument libres et par conséquent faites pour moi ; la félicité que je me suis faite redoublera par votre commerce, je recevrai avec la plus tendre reconnaissance, les instructions que vous voulez bien me promettre sur l'ancienne littérature italienne , et j'en ferai certainement usage dans la nouvelle édition de l’Histoire générale ; histoire de l'esprit humain beaucoup plus que des horreurs de la guerre, et des fourberies de la politique ; je parlerai des gens de lettres beaucoup plus au long que dans les premières ; parce qu'après tout ce sont eux qui ont civilisé le genre humain ; l'histoire qu'on appelle civile et religieuse n'est que le tableau de la sottise et des crimes .

Je fais grand cas du courage avec lequel vous avez osé dire que Dante était un fou, et son ouvrage un monstre ; j'aime encore mieux pourtant ce monstre que tous les vermisseaux appelés Sonetti qui naissent et qui meurent par milliers dans l'Italie, de Milan jusqu'à Otrante 4. Algarotti a donc abandonné le triumvirat comme Lépidus ?5 Je crois que dans le fond il pense comme vous sur le Dante 6, il est plaisant que même sur ces bagatelles, un homme qui pense n'ose dire son sentiment qu'à l'oreille de son ami ; ce monde-ci est une pauvre mascarade ; je conçois à toute force comment on peut dissimuler ses opinions pour devenir cardinal ou pape ; mais je ne conçois guère qu'on se déguise sur le reste ; ce qui me fait aimer l’Angleterre c'est qu'il n'y a d'hypocrisie en aucun genre; j'ai transporté l'Angleterre chez moi, estimant d'ailleurs infiniment les Anglais et les Italiens, et surtout vous, monsieur, dont le génie et le caractère sont faits pour plaire à toutes les nations, et qui mériteriez d'être aussi libre que moi .

E saro sempre di cuore moi signore il vr hmo , e vero stre 7.

V.

Je trouve en ce moment dans votre paquet de beaux vers latins de M. Casarotti 8, je voudrais bien l'en remercier, mais je n'ai point son adresse ; d'ailleurs je suis très incommodé, et vous voyez d'ailleurs que je ne peux écrire de ma main . »

2On ne connait que quelques phrases de cette lettre du 10 Novembre 1759 de Bettinelli .

3 A l'est du lac de Garde, près de Vérone, où s'était fixé Bettinelli . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Monte_Baldo

4 Otrante ou Tarante, partie la plus méridionale de l'Italie . http://fr.wikipedia.org/wiki/Otrante

6 Voir Arturo Farinelli, Dante e Francia d'all' et à media al secolo di Voltaire, 1908, prend argument de cette lettre pour établir l'influence de Dante sur la France à cette époque . Voir : https://archive.org/stream/danteelafranciad00fari#page/n3/mode/2up

7 Je serai toujours de tout mon cœur, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur .

8 Melchiore Cesarotti, qui devait traduire plus tard, en 1780 à Padoue, une pièce de V* sous le titre La Semiramide . Suivant une copie de la présente lettre conservée à la bibliothèque communale de Mantoue, Carteggio Bettinelliano, Voltaire, n°4, il avait envoyé à V* quelques vers d'hommage . Voir : http://laboratoireitalien.revues.org/545

 

27/12/2014

il ne faut jamais songer à ce qu'on a perdu, il faut penser à bien employer ce qui reste.

... Se disait un chauve sachant faire des économies sérieuses en shampoing et coiffeur, sans compter le temps gagné à ne plus avoir à discipliner un épi rebelle .

Temps perdu, heures présentes et à venir bien employées, c'est la balance de la  vie . Je n'irai pas, comme ce Proust dont je n'ai pu lire plus d'une page, à la recherche du temps perdu, ce serait redoubler la peine .

 bien_ou_mal.jpg

 

 

« A Élie BERTRAND, premier

pasteur de l’Église française

à Berne
18è décembre 1759
Je m'intéresse bien vivement, mon cher monsieur, à tout ce qui peut toucher Mme de Freudenreich ; je crains de ne pas assez ménager sa douleur 1, en lui écrivant une de ces lettres de condoléance qui ne sont, comme dit La Fontaine, que des surcroîts d'affliction 2. J'ai pris le parti d'adresser ma lettre à M. de Freudenreich. Je reconnais bien votre amitié à la part que vous m'avez faite de ce qui regarde une famille qui me sera toujours respectable et bien chère.
Je vous plains si vous avez mis quelque chose sur les fonds publics de France ; il n'y a pas d'apparence que nos pertes immenses soient sitôt réparées. J'ai embarqué comme vous une grande partie de ma fortune sur ce frêle vaisseau de la foi publique ; mais il ne faut jamais songer à ce qu'on a perdu, il faut penser à bien employer ce qui reste.
S'il est vrai qu'un corps prussien de huit mille hommes ait été battu 3 par les Autrichiens, et que le maréchal de Daun se soit ouvert les chemins de Berlin , je tiens le roi de Prusse plus à plaindre que vous et moi.
Je vous embrasse de tout mon cœur.

Vre.

S'il est vrai que le général Beck ait battu un corps prussien et se soit ouvert le chemin de Berlin 4. »

1 L'oncle de Mme de Freudenreich , Benjamin Anton Tillier, venait de mourir sur le champ de bataille .Voir page 2 : http://www.schlossmuseumnidau.ch/images/Vision_f_20081.pdf

2 De certains compliments de consolation
Qui sont surcroît d'affliction.
LA FONTAINE, livre VIII, fable XIV : Les obsèques de la lionne ;
http://www.lafontaine.net/lesFables/afficheFable.php?id=160

3 Le 3 décembre 1759, le général Levin Philip von Beck , l'un des généraux qui servaient sous Daun, avait enlevé un corps de quinze cents Prussiens, près de Meissen, sur la rive droite de l'Elbe. faisant de nombreux prisonniers .

Voir page 66 : https://books.google.fr/books?id=0AFa5cy1SJ0C&pg=PA66&lpg=PA66&dq=g%C3%A9n%C3%A9ral+Levin+Philip%2B1759&source=bl&ots=RQ2NkI6rzA&sig=m6s642_D_nTUyvNJs1Jteu6Vlfc&hl=fr&sa=X&ei=IY2eVKexOqrV7QbWxIHoDg&ved=0CD0Q6AEwBA#v=onepage&q=g%C3%A9n%C3%A9ral%20Levin%20Philip%2B1759&f=false

4 Ce dernier paragraphe omis par les éditions modernes était manifestement destiné à compléter ou remplacer le début du troisième paragraphe .

 

je crois qu'il faudra bien du temps pour rétablir la circulation et la confiance

... Et vous sentez bien qu'il ne s'agit pas là des conditions de circulation routière alors qu'on parle d'alerte météo dans 19 départements : attention nous sommes en hiver et il va neiger , quel scoop !

Il peut être question des chauffeurs de taxis qui savent à l'occasion, tout comme les routiers et les cheminots semer le soukh et geler eux aussi les déplacements de leurs concitoyens qui n'en  peuvent mais .

Malheureusement, on fait un constat tristounet à propos de notre politique

confiance Charles_Alexandre_de_Calonne.jpg

 

« A Jean-Robert TRONCHIN

à Lyon
Je commence à espérer la paix, et je pense que cet événement si désirable est ou sera la suite de ce que je vous mandai il y a quelque temps. Mais je crois qu'il faudra bien du temps pour rétablir la circulation et la confiance.
Ne soupçonnez-vous pas que M. Silhouette voulait faire rendre gorge à certains financiers, et que ceux-ci l'ont culbuté?1 Il allait trop vite, il effarouchait; peut-être de bonnes intentions trop
précipitées l'ont perdu. S'il y a quelques nouvelles je vous prie de m'en faire part . Je n'en sais point encore d'Allemagne .

Si vous pensez, mon cher monsieur que le vin que vous avez eu la bonté 2 soit de garde je vous prie de m'en envoyer encore deux pièces .

J'ai écrit à Paris pour les livres qu'on ne peut trouver à Lyon .

Nulle nouvelle sinon qu’on attend la réponse de Vienne pour avoir la paix . Le roi de Prusse inattaquable dans son camp de Meissen et le duc de Virtemberg battu la font espérer .

Votre très humble serviteur

V.

17 décembre [1759] 3»

2 V* a oublié quelques mots, sans doute de m'envoyer . Voir lettre du 6 octobre 1759 à JR Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/10/26/n-auriez-vous-point-du-nectar-cette-annee-en-beaujolais-rien-5476966.html

3 Année ajoutée sur le manuscrit .