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13/01/2015

La moitié de l'ouvrage est un tissu de calomnies; mais ce qu'il y a de vrai fera passer ce qu'il y a de faux à la postérité

... Valérie Trierweiler  ! Valérie ... !!

Voltaire a lu ton livre , il n'a pas aimé !

Malheureusement il a diablement raison .

Moi, je ne l'ai pas lu , je lui fais confiance et je tiens à ne pas gaspiller mon temps  .

 J'ai mieux à faire , non ? joystick xbox.jpg

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« A Élie BERTRAND

premier pasteur de l’Église française

à Berne
7 janvier [1760]
Je vous souhaite une vie tolérable, mon cher philosophe, car pour une vie heureuse et remplie de plaisirs, cela est trop fort après tout ce qui arrive aux annuités, actions et billets de la Compagnie des Indes. Tout périt ; je laisse là mes bâtiments, et mea me virtute involvo 1.
On a imprimé mes lettres 2 que M. de Haller avait fait courir. Il a oublié apparemment cet article dans les principes de l'irritation 3 : Magis magnos clericos non sunt magis magnos sapientes 4. Je ne concois pas comment vos magis magni clerici peuvent accorder des lettres de naturalité à un voleur 5 avéré . Il me semble que la vertu de la république de Berne devait être inflexible.
A propos de vertu, mes tendres respects à M. et Mme de Freudenrick .
Ce n'est pas une affaire de vertu que trois éditions faites en Angleterre de la Vie de Mme de Pompadour 6. La moitié de l'ouvrage est un tissu de calomnies; mais ce qu'il y a de vrai fera passer ce qu'il y a de faux à la postérité.
Adieu : je lève les épaules quand on me parle du meilleur des mondes possibles. Je vous embrasse de tout mon cœur.

V. »

1 Horace, livre III, Odes ,XXIX, vers 54-55 : avec une inversion ; et je me drape dans ma vertu .

2 La lettre de Voltaire du 24 mars 1759 à Haller ( http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/05/09/v... ) et la réponse de Haller ( page 39, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f51.image.r=3782 ) à la lettre du 13 février 1759 ( http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/04/23/je-ne-dois-rien-faire-a-demi-5353273.html ) avaient été imprimées à la suite d'une édition encadrée du Précis de l' Ecclésiaste et du Cantique des cantiques, Liège, 1759, in-8°, avec un portrait de Voltaire sur le frontispice.

5 François Grasset. Les lettres de naturalisation ne lui furent pas accordées; voyez la lettre du 22 janvier 1760  : page 285 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f297.image.r=4030

.

6 La Vie de la marquise de Pompadour avait paru, en anglais, à Londres, en deux volumes in-16. Cette Vie, qui eut quatre éditions, fut traduite en français par P.-Ant. de La Place. Voir lettre du 18 décembre 1759 à Constant de Rebecque : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/12/29/on-ne-peut-s-empecher-de-lire-la-vie-bien-ou-mal-ecrite-vrai-5522273.html

 

je crois que je mangerais de caresses M. du Triangle , si cette familiarité française était compatible avec le décorum germanico-impérial

... Aurait chuchoté François Hollande à Angela !

Honni soit qui mal y pense, bien sûr .

Mais à quoi ce coquin de Volti pouvait-il penser ? Vous pensez ce que je pense ? je n'arrive pas à croire à son ingénuité dans ce cas . 

 

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 Dessous coquin ?

 

« A Charlotte-Sophie von Altenburg, comtesse Bentinck

Aux Délices 7 janvier 1760

Vous mettez madame des feuilles de rose dans votre dernière lettre ; mais je vous avoue que j'aime encore mieux celles où vous mettiez des feuilles de laurier . Je crus d'abord en voyant votre écriture que c’était une victoire , et la dame saucée 1 dans les ruisseaux de Francfort, et volée par les Freitag et les Smith, tressaillit d'aise . Il est vrai que nous trouvâmes dans votre charmante lettre tout ce qui peut consoler de ne vous pas voir entièrement victorieux . Vous prodiguez les grâces si vous ne prodiguez pas les bonnes nouvelles .

Je suis bien honteux de ne m'être pas vanté à vous d'être connu de Mme l’ambassadrice de France, 2 mais vous m'avouerez que ce n'est pas avoir eu l'honneur de la voir , que d'avoir été honoré d'un de ses regards dans la foule . Il faut la voir comme vous la voyez, madame, très souvent, et connaître son caractère dont vous êtes enthousiasmée avec raison . C'est un bonheur dont j'ai joui autrefois auprès de monsieur l'ambassadeur, et le souvenir m'en est bien cher .

Quant à votre grand procès je crois que je mangerais de caresses M. du Triangle 3, si cette familiarité française était compatible avec le décorum germanico-impérial : mais que ce digne protecteur de l’équité et du droit naturel vous fasse donc rendre toutes vos terres usurpées ; qu'il échauffe donc le zèle de vos amis, qu'il les rende aussi constants aussi inébranlables que vous et lui . Vous ne pourriez faire qu'un pitoyable arrangement : faudrait-il après avoir dépensé tant d'argent dans un procès si juste, en abandonner le fruit par un compromis qui ne vous vaudrait pas la dixième partie de ce qui vous en a coûté pour vous faire rendre justice ? Cette justice est lente, je l'avoue, mais à la fin il faudra bien rendre un arrêt définitif en votre faveur, puisque vous avez gagné tant d'accessoires . Vous avez nagé dix lieues en mer . Vous lasserez vous à la vue du port ? Non, sans doute, et je crois que c'est l'avis de votre habile avocat pour qui j'ai une si grande vénération .

Ah madame si j'avais jeunesse et santé j'irais comme vous voir l'Italie ; mais je passerais assurément par Vienne .

Les saucés de Francfort sont à vous pour jamais .

V. »

1 Marie-Louise Denis .

2 La comtesse de Choiseul .

3 Le chancelier Kaunitz ; voir lettre du 9 septembre 1758 à la comtesse Bentinck : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/10/22/tout-le-monde-avoue-qu-il-faut-etre-philosophe-qu-il-faut-et.html

 

 

Pour moi, je ne mourrai point entre deux capucins .... Pourtant je suis heureux ; ô dieux !

...

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Je mourrais volontiers entre deux cappucino !

 

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« A Jean-Henri-Samuel Formey 1

On m'envoie cette lettre ouverte 2; je profite de l'occasion pour vous souhaiter la santé et la paix . Soyez secrétaire éternel . Votre roi est toujours un homme unique , étonnant, inimitable ; il fait des vers charmants dans les temps où un autre ne pourrait faire une ligne de prose ; il mérite d’être heureux . Mais le sera-t-il ? Et s’il ne l'est pas, que devenez-vous ? Pour moi, je ne mourrai point entre deux capucins 3 . Ce n'était point la peine d'exalter son âme pour voir l'avenir . Quelle plate et détestable comédie que celle de ce monde !

Sum felix tamen , o superi : nullique potestas

haec auferre deo.4

Je vous en souhaite autant et vale .

V.

Aux Délices , le 6 janvier [1760] »

1 Formey transcrivit cette lettre avec des variantes de détail dans une lettre à Algarotti du 12 février 1760

2 Dans une lettre à Formey du 24 décembre 1759, Pierre-Jean Grosley dit lui envoyer un paquet par l'intermédiaire de V* et avec son accord .

3 Comme Maupertuis .

4 Pourtant je suis heureux ; ô dieux ! Et aucune divinité n'a le pouvoir de m'enlever ces biens .

 

12/01/2015

il est des circonstances où un homme qui a eu le malheur d'écrire doit au moins, en qualité de citoyen, réfuter la calomnie

...

 

 

 

« A Pierre ROUSSEAU
au Journal Encyclopédique
[vers le 5 Janvier 1760]. 1
Quelque répugnance, messieurs, qu'on puisse sentir à parler de soi-même au public, et quelque vains que puissent être tous les petits intérêts d'auteurs, vous jugerez peut-être qu'il est des circonstances où un homme qui a eu le malheur d'écrire doit au moins, en qualité de citoyen, réfuter la calomnie. Il n'est pas bien intéressant pour le public que quelques hommes obscurs aient, depuis dix ans, mis leurs ouvrages sous le nom d'un homme obscur tel que moi ; mais il m'est permis d'avertir qu'on m'a souvent apporté, dans ma retraite, des brochures de Paris, qui portaient mon nom avec ce titre : imprimé à Genève.
Je puis protester que non-seulement aucune de ces brochures n'est de moi, mais encore qu'à Genève rien n'est imprimé sans la permission expresse de trois magistrats, et que toutes ces puérilités, pour ne rien dire de pis, sont absolument ignorées dans ce pays, où l'on n'est occupé que de ses devoirs, de son commerce et de l'agriculture, et où les douceurs de la société ne sont jamais aigries par des querelles d'auteurs.
Ceux qui ont voulu troubler ainsi ma vieillesse et mon repos se sont imaginé que je demeurais à Genève. Il est vrai que j'ai pris, depuis longtemps, le parti de la retraite, pour n'être plus en butte aux cabales et aux calomnies qui désolent, à Paris, la littérature ; mais il n'est pas vrai que je me sois retiré à Genève. Mon habitation naturelle est dans des terres que je possède en France, sur la frontière, et auxquelles Sa Majesté a daigné accorder des privilèges et des droits qui me les rendent encore plus précieuses. C'est là que ma principale occupation, assez connue dans le pays, est de cultiver en paix mes campagnes, et de n'être pas inutile à quelques infortunés. Je suis si éloigné d'envoyer à Paris aucun ouvrage que je n'ai aucun commerce, ni direct ni indirect, avec aucun libraire, ni même avec aucun homme de lettres de Paris; et, hors je ne sais quelle tragédie, intitulée l'Orphelin de la Chine, qu'un ami 2 respectable m'arracha il y a cinq à six années, et dont je fis le médiocre présent aux acteurs du Théâtre-Français, je n'ai certainement rien fait imprimer dans cette ville.
J'ai été assez surpris de recevoir, le dernier de décembre, une feuille 3 d'une brochure périodique, intitulée l'Année littéraire, dont j'ignorais absolument l'existence dans ma retraite. Cette feuille était accompagnée d'une petite comédie qui a pour titre la Femme qui a raison, représentée à Karonge, donnée par M. de Voltaire, et imprimée à Genève. Il y a dans ce titre trois faussetés. Cette pièce, telle qu'elle est défigurée par le libraire, n'est assurément pas mon ouvrage ; elle n'a jamais été imprimée à Genève ; il n'y a nul endroit ici qui s'appelle Karonge 4, et j'ajoute que le libraire de Paris qui l'a imprimée sous mon nom, sans mon aveu, est très- répréhensible.
Mais voici une autre réponse aux politesses de l'auteur de l'Année littéraire. La pièce qu'il croit nouvelle fut jouée, il y a douze ans, à Lunéville, dans le palais du roi de Pologne, où j'avais l'honneur de demeurer. Les premières personnes du royaume, pour la naissance, et peut-être pour l'esprit et le goût, la jouèrent en présence de ce monarque. Il suffit de dire que Mme la marquise du Châtelet-Lorraine représenta la Femme qui a raison avec un applaudissement général. On tait par respect le nom des autres personnes illustres qui vivent encore, ou plutôt parla crainte de blesser leur modestie. Une telle assemblée savait, peut-être aussi bien que l'auteur de l'Année littéraire, ce que c'est que la bonne plaisanterie et la bienséance. Les deux tiers de la pièce furent composés par un homme 5 dont j'envierais les talents, si la juste horreur qu'il a pour les tracasseries d'auteur et pour les cabales de théâtre ne l'avait fait renoncer à un art pour lequel il avait beaucoup de génie. Je fis la dernière partie de l'ouvrage ; je remis ensuite le tout en trois actes, avec quelques changements légers que cette forme exigeait. Ce petit divertissement en trois actes, qui n'a jamais été destiné au public, est très-différent de la pièce qu'on a très-mal à propos imprimée sous mon nom.

Vous voyez, messieurs, que je ne suis pas le seul qui doive des remerciements à l'auteur de l'Année littéraire, pour ces belles imputations de grossièreté tudesque, de bassesse, et d'indécence, qu'il prodigue 6. Le roi de Pologne, les premières dames du royaume, des princes mêmes, peuvent en prendre leur part avec la même reconnaissance ; et le respectable auteur que j'aidai dans cette fête doit partager les mêmes sentiments.
Je me suis informé de ce qu'était cette Année littéraire, et j'ai appris que c'est un ouvrage où les hommes les plus célèbres que nous ayons dans la littérature sont souvent outragés. C'est pour moi un nouveau sujet de remerciement. J'ai parcouru quelques pages de la brochure; j'y ai trouvé quelques injures un peu fortes contre M. Lemierre. On l'y traite d'homme sans génie, de plagiaire, de joueur de gobelets, parce que ce jeune homme estimable a remporté trois 7 prix à notre Académie, et qu'il a réussi dans une tragédie longtemps honorée des suffrages encourageants du public.
Je dois dire en général, et sans avoir personne en vue, qu'il est un peu hardi de s'ériger en juge de tous les ouvrages, et qu'il vaudrait mieux en faire de bons.
La satire en vers, et même en beaux vers, est aujourd'hui décriée ; à plus forte raison la satire en prose, surtout quand on y réussit d'autant plus mal qu'il est plus aisé d'écrire en ce pitoyable genre. Je suis très-éloigné de caractériser ici l'auteur de l'Année littéraire, qui m'est absolument inconnu. On me dit qu'il est depuis longtemps mon ennemi. A la bonne heure ! on a beau me le dire, je vous assure que je n'en sais rien.
Si, dans la crise où est l'Europe, et dans les malheurs qui désolent tant d'États, il est encore quelques amateurs de la littérature qui s'amusent du bien et du mal qu'elle peut produire, je les prie de croire que je méprise la satire, et que je n'en fais point. »

1 Cette lettre a été imprimée dans le Journal encyclopédique, daté du 1er janvier 1760, page 110, comme adressée aux auteurs de ce journal, que rédigeait Pierre Rousseau. Elle a été reproduite dans le Mercure de 1760, tome II de janvier, page 143.

Copie Beaumarchais-Kehl ; « Lettre de M. de Voltaire au sujet de La Femme qui a raison, adressée aux auteurs de ce journal » : Journal encyclopédique, Bouillon,1er janvier 1760, c'est le texte le plus ancien et qui , en conséquence, a té suivi de préférence à celui du Mercure de France de janvier 1760 que reprend la copie Beaumarchais . Malgré la date du 1er janvier que donne l'éditeur, la lettre correspond à celles des 4 et 7 janvier 176 à Thieriot et Mme d'Epinay , d'où la date proposée . Le Journal encyclopédique accompagne la lettre de la note suivante : Lorsque M. de Voltaire nous a fait l'honneur de nous adresser cette lettre, il n'avait pas sans doute encore reçu le volume de notre journal dans lequel nous rendons compte de cette comédie . Si sur la foi du titre, nous l'avons présentée comme étant de cet illustre auteur, du moins avons nous la consolation d'avoir rendu justice à ce qu'il y avait de bon . Pouvait-on, aux traits que nous avons cité, méconnaître sa plume ? Ces beautés nous ont induits en erreur ; nous en convenons de bonne foi ; et d'ailleurs nous ne présumions pas qu'il y eût des hommes assez impudents pour mettre le nom d'un auteur à un ouvrage qu'il n'a point fait . »

3Fréron avait commencé la guerre à l'occasion de Candide, puis de la Femme qui a raison. La lettre de Voltaire la décida. Fréron y répondit dans l'Année littéraire, 1700, tome IV, page 7. Il feint de croire que la lettre n'est pas de Voltaire. (Beuchot) . C'est la malsemaine dont Voltaire parle dans la lettre du 15 décembre 1759 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/12/25/quid-agis-dulcissime-rerum-que-fais-tu-toi-qui-m-est-cher-en-5520053.html

Voir aussi lettre du 4 janvier à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/01/11/j-aime-il-est-vrai-tirer-sur-le-jesuite-sur-le-moliniste-sur-5531064.html

4 L'édition de 1759 de la Femme qui a raison ne portait pas sur le titre Karonge, comme le dit Voltaire, mais Caronge, ainsi que Beuchot l'a dit page 573 du tome IV. Le nom du village, aujourd'hui ville de Carouge, près de Genève, étant ainsi défiguré, Voltaire faisait une observation juste, mais sévère, et sur laquelle il savait bien à quoi s'en tenir.

5 Sans doute Saint-Lambert, selon Clogenson . Mais rien de ce que dit V* ne s'applique à lui , ce qui est bien naturel puisque la pièce est toute de V* lui-même .

6 Le 12 novembre 1759, dans un article de l'Année littéraire, VII, 145-188, à l'occasion d'un compte rendu de la tragédie d'Hypermnestre, Fréon se vengea en publiant dans le numéro de son journal du 26 mai 1760 un compte rendu satirique de la présente lettre .

7 Lemierre, auteur entre autres de Guillaume Tell, obtint au total cinq prix académiques sans être pour autant un plus grand auteur dramatique .

 

11/01/2015

Il me semble que le temps présent n'est pas celui d'écrire, mais de se battre,..., et ne devoir la paix qu'à son courage

... No comment !

Ayons ce courage voltairien sans cesse !

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 http://prixpublicpaix.org/les-24-h-pour-la-paix-2015/

 

« A François de Chennevières

5 janvier 1760

Je ne peux commencer l'année par de jolis vers comme vous, mon cher monsieur, ma santé un peu altérée influe un peu sur ma pauvre imagination, mais on peut très bien manquer d'esprit sans manquer de reconnaissance ; si vous voulez des vers, Mlle de Bazincour vous en fera ; elle m’en montra ces jours passés de très jolis de sa façon, et dans lesquels il n'y avait qu'une faute très légère ; tout malingre que je suis il m'a fallu pourtant faire un peu de prose . Permettez que je vous l'envoie et que je vous supplie de la faire passer à sa destination , elle ne mérite pas le port immense qu'elle coûterait à ceux qui la recevrait .

Il me semble qu'il y a autant de tracasseries au Parnasse que dans les cours ; on me mande de tous côtés qu'on croit Marmontel auteur d'une détestable parodie contre M. le duc d'Aumont et de M. d'Argental ; on le croit à la Bastille 1, et moi qui crois peu de chose, je ne crois assurément rien de tout cela . Ce ne peut être qu'un laquais de comédien qui ait fait cet impertinent ouvrage ; et si c'était le laquais de Marmontel, il l'aurait sans doute chassé . Il me semble que le temps présent n'est pas celui d'écrire, mais de se battre, et puisque le roi a donné un si grand exemple en se privant de son argenterie, et que la nation l'a suivi; elle doit actuellement employer le fer contre les Anglais et les Hanovriens, et ne devoir la paix qu'à son courage ; on attend beaucoup de M. le maréchal de Broglie ; j'ai ouï dire il y a plus de douze ans à M. le maréchal de Belle-Isle, que s'il y avait quelqu'un qui pût rétablir les affaires de la France ce serait M. de Broglie . Il me semble que cela fait bien de l'honneur à tous deux, car alors M. le maréchal de Belle-Isle n'était pas trop bien avec le père 2 .

Mandez-moi je vous prie quelle est la sœur de votre aimable ministre M. le duc de Choiseul 3. N'y a-t-il rien de nouveau ? Vale et nos ama 4 . Respects à la sœur du pot .

Je vous demande pardon de l'endosse que je vous donne, de faire cacheter pour moi trois paquets . J'abuse de votre amitié . Mais vous le pardonnerez . »

2 C'était pendant les négociations qui devaient aboutir à la paix d'Aix-la-Chapelle en 1748 .

3 Il s'agissait de Béatrix de Choiseul-Stainville, femme d'Antoine-Antonin, duc de Gramont .

4 Porte-toi bien et aime-nous .

 

 

J'aime il est vrai tirer sur le jésuite, sur le moliniste, sur les billets de banque appelé billets de confession, sur toutes les pauvretés de notre siècle

... Cette déclaration de Voltaire n'est que celle de Charlie Hebdo avec deux siècles et demi d'avance .

A-t-on brûlé l'oeuvre de Voltaire ? oui .

A-t-on voulu faire taire Voltaire ? oui .

Voltaire s'est-il tu ? non . 

Voltaire a-t-il défendu la liberté de penser jusqu'au bout ? oui .

Alors, Charlie est un de ses successeurs et doit vivre .

Il fait grincer des dents, tant mieux ; il fait peur aux bénis-oui-oui, qu'il continue, ce sont  des lâches ; il fait rire, qu'il en soit remercié ; il crie "liberté et tolérance" , qu'on en soit bien conscient toujours .

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« A Nicolas-Claude Thieriot

4 janvier [1760]

Quelles misères de tous côtés : quel peuple que mes chers Parisiens qui s'amusent de platitudes et de tracasseries quand l’État souffre dans toutes ses parties, quand la France est épuisée de sang et d'argent ! L'empereur Julien disait 1 qu'il les aimait parce qu'ils étaient sérieux . Ils ont bien changé . Je parierais contre Marmontel lui-même qu'il n'est pas l'auteur de la malheureuse parodie 2 qu'on lui impute . Cela n'est ni de son esprit ni de son cœur .

Quel est le fait d'imprimeur qui s'avise de défigurer si indignement , la femme qui a tort entre ses mains . Et puis voilà cet autre animal de Fréron 3 qui croit que c'est un ouvrage nouveau et qui ne sait pas que cela fut joué il y a douze ans dans une petite fête que l'on donnait au roi Stanislas dans un appartement de Lunéville . Mme du Châtelet y jouait le premier rôle . La pièce n'était pas assurément telle qu'on vient de la donner 4. Ce Fréron saisit la chose comme un dogue affamé qui ronge le premier os qu'on lui présente .

J'aime il est vrai tirer sur le jésuite, sur le moliniste, sur les billets de banque appelé billets de confession, sur toutes les pauvretés de notre siècle mais c'est en grave historien et je ne m’abaisse pas à turlupiner frère Berthier . Je réserve ces messieurs pour l'article de l'histoire où il sera question du roi de Portugal, et du Paraguay . J'ai sur cela de bonnes anecdotes et très sures qui me viennent de Lisbonne . C'est l'amusement de ma vieillesse . Je n'ai, mon ancien ami, ni votre santé, ni la face large dont vous avez fait l'acquisition, mais je suis étonné d'être plus fort que [je] n'étais à paris . C'est la récompense de la retraite .

Connaissez-vous le dictionnaire de santé 5? Si vous en faites cas je le ferai venir . N'y a-t-il pas quelque petit almanach bien amusant ? Indiquez-m'en un je vous prie . J’aime à prendre de vos almanachs . Dites-moi donc ce que vous savez de ces arrangements de nos fortunes . Je suis obligé d'interrompre mes bâtiments . Qu'est devenu M. de Forbonnais 6? Je relis son livre 7. C'est je crois le seul qui fasse connaître l'intérieur du royaume . Où est l'auteur ? Vite que je le remercie , et vale .

V.

Vous recevrez mes chiffons pour Versailles, il faut avoir de l'attention . »

1 V* a lu dans la Vie de l'empereur Julien, de La Bléterie, 1751, : « En général, il aima beaucoup les Gaulois et n'en fut pas moins aimé . La simplicité, la franchise et les mœurs austères de ces peuples sympathisaient extrêmement avec son humeur affable, populaire, ennemie du faste et des plaisirs . » Voir : https://books.google.fr/books?id=88xfVEDYHZcC&pg=PA514&lpg=PA514&dq=Vie+de+l%27empereur+Julien,+de+La+Bl%C3%A9terie&source=bl&ots=3czqW1WbE2&sig=Ge0YWz5lM-N4a5DyuBL8y1zFRAU&hl=fr&sa=X&ei=8L6xVKucMdKs7AbcxoCoBA&ved=0CEAQ6AEwBQ#v=onepage&q=Vie%20de%20l%27empereur%20Julien%2C%20de%20La%20Bl%C3%A9terie&f=false

2 V* a vu juste ; la parodie en question, où figurent le duc d'Aumont et d'Argental, et qui avait paru dans la Correspondance littéraire, IV, 184-187, était en fait de Bay de Cury . Thieriot lui avait écrit  le 29 novembre 1759: «  Le bruit court dans Paris que Marmontel a été mené hier au soir coucher près de mon ermitage . M. le duc d'Aumont le croyait auteur de la parodie de la scène de l'abdication de l'empire dans Cinna . C'est une mauvaise plaisanterie piquante dont M. d'Argental n'a fait que rire, mais que M. le duc d'Aumont n'a pas pris de même […] ce que je trouve de pis, c'est la perte de dix ou douze mille livres que lui rapportait le Mercure dont il est fort menacé . »

4 Mme du Châtelet parle dans une lettre du 30 novembre 1748 à d'Argental, d'une « comédie en un acte en vers, qui est très jolie et que nous avons jouée pour notre clôture »

5 Histoire de la santé et de l'art de la conserver, traduit de l'anglais , 1759, Jacques [James] Mackenzie

6 Pressenti pour remplacer Silhouette, Véron de Forbonnais avait décliné cette offre mais avait accepté de conseiller éventuellement le ministère . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_V%C3%A9ron_Duverger_de_Forbonnais

 

10/01/2015

Il faudrait que vous eussiez la bonté de venir coucher chez nous ; une heure de conversation fait plus et mieux que mille lettres

... Voilà ce que François Hollande a dû dire ou aurait dû dire à tous ces chefs d'Etats et de gouvernements qui viendront dimanche soutenir la république française et, du bout des lèvres pour beaucoup d'entre eux, la liberté de la presse .

Je me contrefiche des états d'âme de la Marine et son parti qui n'ont pas manqué d'attaquer à tort Charlie en son temps, ce n'est qu'une vieille peau, comme son père  .

Je me réjouis aussi de voir défiler une cohorte de faux culs de toutes obédiences religieuses qui n'ont jamais manqué une occasion de gueuler "au sacrilège", "à l'outrage", "au blasphème" pour couler un journal qui leur mettait la vérité en face .

Ah , le blasphème ! qu'elle invention de cerveaux malades ; je ne peux pas le voir autrement qu'une offense d'un catho envers la religion catholique, d'un muslim envers un soi disant prophète, d'un juif envers je ne sais qui . S'il n'y a pas ce distingo, alors j'accuse tous les religieux de blasphème envers moi laïc non croyant .

 

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Celui-ci est un homme de paix et tolérance selon mon coeur

 

 

« A Louis-Gaspard Fabry

4 janvier [1760] 1

J'ai relu, monsieur, avec une nouvelle attention , et un plaisir nouveau, vos deux mémoires sur le pays de Gex . Il m'est venu dans la tête une idée que je soumets à vos lumières .

Ne pourrait-on pas après avoir fait sentir aux fermiers généraux combien le pays de Gex leur est à charge, leur proposer d'accepter une somme de trois cent mille livres au nom du pays, avec la faculté pour tout remboursement, d'acheter le sel au même prix que 2 Genève, et les Grisons, et de le vendre à l'étranger et au pays de Gex, et surtout à Genève ; ceux qui fourniraient les 300 mille livres au nombre desquels vous seriez pour si petite somme qu'il vous plairait, se chargeraient de l'entretien des chemins . Plus de gardes, pas même à Versoy . La liberté et l'abondance seraient le partage du pays de Gex sous votre administration, point d'impôt sous le nom de rachat de gabelles, nulle gêne, rien que du profit .

Vous seriez à la tête de la compagnie qui avancerait les cent mille écus .

Cette compagnie demanderait à fournir le sel au pays de Gex, à Genève, à Versoy, et au pays de Vaud, s’il est possible, à tout l'étranger .

Elle achèterait 12000 minots 3 de sel par an, au moins chaque minot reviendrait à environ 6 livres ou 7 livres 4 . Elle en vendrait au pays de Gex et à l'étranger, le même prix que Genève a fixé .

Elle pourrait faire annuellement un profit de 60000 livres au moins .

 

Sur ces 60000 livres on donnerait aux associés environ pour les deniers de leurs avances

 

30000 £

L'entretien de tous les cheminements par an ponts et chaussées

 

6000 £

Frais de régie ; et gratifications aux associés qui travailleraient

 

24000 £

 

60000 £

 

On pourrait encore exiger des fermiers généraux qu'ils nous vendissent tous les ans une certaine quantité de tabac, au prix coutant .

Par ces opérations on fournirait aux fermiers généraux cent mille écus dans les besoins pressants .

On aurait de ces cent mille écus une rente très considérable ; le pays de Gex serait riche, et l'administration n'y perdrait pas . Vous demanderez où l'on peut trouver 300000 livres, vous en trouverez quatre cent mille dans huit jours .

Je vous prie, monsieur, d’examiner cette idée, et de vouloir bien la rectifier ; il me semble qu'on en peut tirer quelque avantage, et que le plomb peut devenir or, en passant de ma tête dans la vôtre .

Il faudrait que vous eussiez la bonté de venir coucher chez nous ; une heure de conversation fait plus et mieux que mille lettres .

J'ai l'honneur d'être bien sincèrement

monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur

V.

Celui qui m'a proposé cette affaire paraît en état de trouver en peu de temps les 300000 . mais il faudrait qu'un homme comme vous, monsieur, qui connait si bien le pays, rédigeât sa proposition, et la rendît praticable . »

1 A la suite de cette lettre, V* rédigea un mémoire, qui est conservé , sur la même affaire . Il y propose, en gros , le rachat de la gabelle par un versement annuel à la ferme de trente mille livres, qui serait récupéré grâce à une imposition de 5 sols par habitant et de 10 sols par tête de bétail .

2 V* a d'abord écrit , puis rayé qu'à .

3 La mine correspondait à environ 78 litres3/4, le minot valant la moitié d'une mine .

4 Ou 7 £ est ajouté par V*.