02/02/2017
J'ai toujours été indigné contre ceux qui n'ont pas souffert l'honneur que vous leur avez fait, et qu'ils ne méritaient pas
... Dit Fanfoué Fillon à sa Pénélope adorée à son retour d'une dure épreuve d'assistante (parlementaire ?) : la représentation de son grand homme lors d'une fête locale et son courage d'avoir fait la danse des canards alors qu'elle était enceinte (de la veille ? ! ) .
Hep ! les Fillon, il est des canards qui rapportent gros ... et un Canard qui rapporte des vérités, that's life .
Viens Fanfoué ! on ne va pas se tuer au travail pour eux !
« A George Keate
Aux Délices 10è février 1762
Un travail forcé, monsieur, et une santé bien languissante, m'ont empêché longtemps de vous écrire : mais vous n'en avez pas été moins présent à mon esprit et à mon cœur . J'ai toujours été indigné contre ceux qui n'ont pas souffert l'honneur que vous leur avez fait, et qu'ils ne méritaient pas 1. Un jour, un grand seigneur passant par un village avec de l’excellent vin de Tokay en donna à boire à des paysans, qui le trouvèrent amer, et qui crurent qu'on se moquait d'eux .
J'ai commencé l'édition de Corneille . Je suis obligé de dicter presque tout, ne pouvant guère écrire de ma main , et je tâche de faire la paix entre Corneille et Shakespear, en attendant que nos rois daignent rendre la paix à l'Europe .
Votre Shakespear était bien heureux, il pouvait faire des tragédie moitié prose, moitié vers, et quels vers encore ! Ils ne sont certainement pas élégants et châtiés, comme ceux de Pope, et comme le Caton d'Adisson ; il se donnait la liberté de changer de lieu presque à chaque scène, d'entasser trente à quarante actions les unes sur les autres, de faire durer une pièce vingt-cinq ans , de mêler les bouffonneries au tragique . Son grand mérite, à mon avis, consiste dans les peintures fortes et naïves de la vie humaine .
Corneille avait assurément une carrière plus difficile à remplir ; il fallait vaincre continuellement la difficulté de la rime, ce qui est un travail prodigieux ; il fallait s'asservir à l'unité de temps, de lieu , d'action ; ne faire jamais entrer ni sortir un acteur, sans une raison intéressante ; lier toujours une intrigue avec art, et la dénouer avec vraisemblance ; faire parler tous ses héros avec une éloquence noble, et ne rien dire qui put choquer les oreilles délicates d'une cour pleine d'esprit, et d'une académie composée de gens très savants, et très difficiles 2.
Vous m'avouerez que Shakespear avait un peu plus ses coudées franches que Corneille . Au reste, vous savez combien j'estime votre nation . Je ne perds aucune occasion de lui rendre justice dans mon commentaire .
Vous me feriez un grand plaisir, monsieur, si vous vouliez bien me dire quel est l'auteur de la petite histoire de David, intitulée, The Man after god's own heart 3, et quel est l'évêché qu'on a donné à ce Warburton 4, qui a prouvé que Moïse ne connaissait ni paradis, ni enfer, ni l'immortalité de l'âme ; et qui de là conclut qu'il était inspiré de Dieu . Apparemment que cet évêque a pris le fils de Spinoza pour son chapelain .
I will be for ever dear sir your most faithfull and tender servant and friend 5
Voltaire . »
1 Allusion au livre de Keate sur Genève ; voir lettre du 22 juillet 1761 au même : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/06/27/mon-cher-free-briton.html
et lettre du 16 avril 1760 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/04/16/que-m-importe-qu-un-auteur-tragique-ait-du-genie-si-aucune-d.html
2 On trouve un passage très semblable à celui-ci dans l'Appel à toutes les nations : https://books.google.fr/books?id=BHhaAAAAcAAJ&pg=PA96&lpg=PA96&dq=Appel+%C3%A0+toutes+les+nations+voltaire&source=bl&ots=chaj_d0O4V&sig=Yha_kLtHJ90WjryvnMFay_CZbGA&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwj7xKX5xfHRAhXEChoKHWfsBpkQ6AEIOTAF#v=onepage&q=Appel%20%C3%A0%20toutes%20les%20nations%20voltaire&f=false
3 Voir lettre du 18 octobre 1761 à Le Bret : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/10/06/je-m-apercois-depuis-longtemps-que-rien-n-est-si-rare-que-de-5856229.html
4 William Warburton était évêque de Gloucester depuis 1759 : https://fr.wikipedia.org/wiki/William_Warburton
et : http://www.universalis.fr/encyclopedie/william-warburton/
5 Je serai toujours, cher monsieur, votre plus fidèle et affectionné serviteur et ami .
15:30 | Lien permanent | Commentaires (0)
J’ai eu l’honneur de vous écrire un petit mot touchant une assez grosse partie de finances
... monsieur Fillon !
Signé : le juge d'instruction .
Qui sème le vent récolte la tempête , etc.
Et qui vole un oeuf vole un boeuf , ce qui n'est pas très rassurant quand c'est en bande organisée ; il semble que le détestable couple Balkany a fait école .
Fanfoué Fillon, amateur de vitesse, de voitures de sport, vous avez encore fait une sortie de route, la dépanneuse LR, conduite par un certain Nicolas S* actuellement en RTT, n'est pas disponible ; mettez le warning, le triangle, et marchez, marchez, on ne vous attend plus nulle part .
Belle tête de ... gagnant ?
« A Ami Camp
banquier à Lyon
Aux Délices , 10è février 1762 1
Vous voilà donc veuf,2 monsieur, et chargé seul de tout le fardeau ? mais vous vous en démêlerez bien, en attendant la première place de fermier général vacante .
J’ai reçu le petit group que vous avez eu la bonté de m'envoyer .
Voici une lettre de change qui n'est pas prête d'être acquittée, et qui restera probablement quelque temps dans votre portefeuille .
J’ai eu l’honneur de vous écrire un petit mot touchant une assez grosse partie de finances . Mme Dupuits, ma voisine, veut absolument que je lui prête douze mille francs à Pâques, pour acheter une compagnie de cavalerie à son neveu .
Mme d'Albertas, mon autre voisine, demande actuellement six mille francs pour son mari ; ce mari, premier président de la chambre des comptes de Provence, est actuellement à Paris . Voudriez-vous, monsieur, avoir la bonté de lui mander que vous avez de ma part deux mille écus à son service ; que je vous en ai prié ; qu'il n'a qu'à faire son billet à ordre, soit pour une année, soit pour deux, c'est à dire de six mille trois cents, ou de six mille six cents 3.
Mille tendres remerciements de toutes vos bontés .
V.
Je suppose que vous avez eu celle de faire donner quatre louis à Grenier dont j'ignorais la demeure . »
1 Original autographe à partir de la formule, cachet « Genève ».
2 Voir lettre du 20 janvier 1762 au même : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/01/15/votre-mari-monsieur-va-bientot-quitter-votre-menage-pour-all-5899131.html
3 On voit donc que l'intérêt , pour ce genre de prêt était de 5% par an .
00:12 | Lien permanent | Commentaires (0)
01/02/2017
Vous trouvez dans le fond que je ressemble à ces vieux débauchés qui ont des maîtresses à soixante-dix ans : mais qu’a-t-on de mieux à faire ? Ne faut-il pas jouer avec la vie jusqu’au dernier moment ?
... N.B. - Ceci n'est pas autobiographique . Mais c'est sagement dit .
Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait ... dit-on aussi .
« Au cardinal François-Joachim de Pierre de Bernis
Aux Délices 10 février [1762] 1
Puisque vous êtes si bon, monseigneur, puisque les beaux-arts vous sont toujours chers, Votre Éminence permettra que je lui envoie mon commentaire sur Cinna ; elle me trouvera très impudent ; mais il faut dire la vérité : ce n’est pas pour les neufs lettres qui composent le nom de Corneille que je travaille, c’est pour ceux qui veulent s’instruire.
La critique est aisée, et l’art est difficile. 2
Et je sens plus que personne cette énorme difficulté. Je reprendrai sans doute un certain Cassandre en sous-œuvre tant que je pourrai. Je suis trop heureux que vous ayez daigné m’encourager un peu. Vous trouvez dans le fond que je ressemble à ces vieux débauchés qui ont des maîtresses à soixante-dix ans : mais qu’a-t-on de mieux à faire ? Ne faut-il pas jouer avec la vie jusqu’au dernier moment ? n’est-ce pas un enfant qu’il faut bercer jusqu’à ce qu’il s’endorme ? Vous êtes encore dans la fleur de votre âge ; que ferez-vous de votre génie, de vos connaissances acquises, de tous vos talents ? cela m’embarrasse. Quand vous aurez bâti à Vic, vous trouverez que Vic laisse dans l’âme un grand vide qu’il faut remplir par quelque chose de mieux. Vous possédez le feu sacré ; mais avec quels aromates le nourrirez-vous ? Je vous avoue que je suis infiniment curieux de savoir ce que devient une âme comme la vôtre. On dit que vous donnez tous les jours de grands dîners. Eh ! mon Dieu, à qui ? J’ai du moins des philosophes dans mon canton. Pour que la vie soit agréable, il faut fari quœ sentias 3. Contrainte et ennui sont synonymes.
Vous ne vous douteriez pas que j’ai fait une perte dans l’impératrice de Russie : la chose est pourtant ainsi ; mais il faut se consoler de tout. La vie est un songe ; rêvons donc le plus gaiement que nous pourrons. Ce n’est pas un rêve quand je vous dis que je suis enchanté des bontés de Votre Éminence, que je suis son plus passionné partisan, plein d’un tendre respect pour elle.
V. »
1 Le manuscrit est passé en dernier à la vente Sotheby, Londres le 11 juin 1968 . Bernis avait écrit à V* le 4 février 1762 .
2 Destouches, Le Glorieux, II, 5 .
3 Dire ce que tu penses ; Horace, Épîtres, I, 4 .
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