05/07/2017
Je suis sûr que les connaisseurs rendront ce qu'ils doivent au mérite
... de madame Simone Veil, femme dont on doit se souvenir pour son courage et son exemplarité .
Mes respects Madame .
Vous avez amélioré le monde ...
« Au marquis Francesco Albergati
Capacelli, senatore di Bologna
à Bologna
13è auguste 1762, aux Délices 1
Je suis presque toujours réduit, monsieur , à vous écrire d'une main étrangère . Cela gêne beaucoup mon cœur et mon impatience . Vous êtes sans doute actuellement dans votre beau château , l'asile des muses, et surtout de Melpomène . Le favori de Thalie 2 a donc pris une autre route que Genève . Je ne saurais me consoler qu'il ait donné la préférence à Lyon, nous lui aurions fait l'accueil qu'on faisait ou qu'on devait faire à Ménandre 3. Je ne sais pas s'il sera fort content de Paris ; il trouvera la comédie italienne réunie avec la foire, et ne donnant plus que des opéras-comiques . D'ailleurs la malheureuse guerre dans laquelle nous sommes engagés depuis sept ans, n'est guère favorable aux beaux-arts . Je suis sûr que les connaisseurs rendront ce qu'ils doivent au mérite de M. Goldoni, mais je voudrais que son voyage lui fût utile .
Voilà , monsieur, bien des sujets de tragédies dans ce siècle . L'empereur de Russie détrôné par sa femme, est mort, dit-on, d'une colique violente ; le prince Ivan, empereur légitime, enfermé depuis plus de vingt ans dans une île de la mer glaciale 4, où sa mère est morte ; la reine de Pologne 5 expirant de douleur sur les ruines de sa capitale ; le prince Édouard 6, héritier du trône de la Grande-Bretagne, trainant sa misère obscure dans les Ardennes ; les rois de France et de Portugal assassinés 7, vous m'avouerez qu'on aurait tort de ne pas convenir que notre siècle est fertile en sujets de théâtre . Heureux ceux qui voient du port tant d'orages ! Il n'y a point de retraite qui ne soit préférable à des trônes élevés au milieu de tant d'écueils .
Jouissez, monsieur, des douceurs de la paix, de votre considération ; de votre tranquillité, des beaux-arts que vous protégez . Je m'intéresse vivement à vos succès et à vos plaisirs , conservez-moi vos bontés, vous savez combien elles me sont chères, et combien je vous respecte .
V. »
Mille compliments je vous prie à M. Paradisi à qui je dois autant de remerciements que d'estime . »
1 L'édition de Kehl supprime l'initiale et le post-scriptum , comme la copie Beaumarchais, suivie par toutes les éditions .
2 Goldoni qui se rendait à Paris, devait écrire une lettre à V* de « Lyon 17 août 1762 » dont seul l'en-tête est parvenu jusqu'à nous . Voir début de la lettre du 25 août 1762 à Capacelli : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1762-partie-24-123150901.html
4 Voir lettre du 7 août 1762 aux d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/07/02/je-voudrais-que-quelque-bonne-ame-put-dire-au-roi-sire-voyez-5959449.html
5 Marie-Josèphe d'Autriche, épouse d'Auguste III de Pologne, qui mourut en 1757 ; voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Marie-Jos%C3%A8phe_d%27Autriche
6 Le « jeune prétendant » séjourna dans les Ardennes en 1747-1748 ; voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_%C3%89douard_Stuart
7 Il ne s'agit en fait que des tentatives d’assassinat avortées de 1757 et 1758 , Damiens sur Louis XV (https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert-Fran%C3%A7ois_Damiens ) et la famille Tavora sur Joseph Ier (https://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_Ier_(roi_de_Portugal)
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04/07/2017
les aventures présentes feront suspendre le dernier chapitre de la guerre du continent
... No Brexit ! too late ! :-((
No Frexit ! that's right.
« A Gabriel Cramer 1
[vers le 10 août 1762]
[...2] les aventures présentes feront suspendre le dernier chapitre de la guerre du continent ; et nous imprimerons les lettres de Henri IV en attendant que Mme Catherine ait fait couper la tête de Pierre Ulric, ou que Pierre Ulric ait fait étrangler dame Catherine .
Je prie monsieur Cramer de vouloir bien m'envoyer quelques exemplaires des Canning et Calas . »
1Edition Lucien Cramer , Une Famille genevoise : les Cramer, 1952 .
2 Le manuscrit n'est qu'une feuille étroite dont le sommet a été arraché . Pour la date, voir lettres du 7 et du 8 aout 1762 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/07/02/je-voudrais-que-quelque-bonne-ame-put-dire-au-roi-sire-voyez-5959449.html
08:22 | Lien permanent | Commentaires (0)
tout le monde est à la campagne
... ou plus exactement dans les jardins du château de Versailles, sénateurs et parlementaires, ministres et président de la République, bel exemple de décentralisation qui semble devenu rituel sinon traditionnel , un tantinet cher à mes yeux de contribuable, et non cher à mon coeur .
A noter * que Mélenchon capable de se faire élire un peu n'importe où pourvu que ça rapporte , n'est capable que de mener des manif' stériles, César à la petite semaine qui préfère être le premier place de La Bastille, que le second à Versailles .
A noter ** : http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2017/07/03/20002-20170...
« A Philippe Debrus
à Genève
Mariette travaille à un nouveau mémoire ; il me mande qu'il [est]1 à désirer que l'affaire ne soit jugée que cet hiver, parce que tout le monde est à la campagne , et que nous avons besoin de rassembler toutes nos troupes .
J'embrasse tendrement monsieur Debrus et ses amis .
9è august [1762] à Ferney. »
1 Wagnière a oublié sans doute est .
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03/07/2017
les emplettes et l'emploi
... sont bien d'actualité en cette période de soldes, où faute de réduire le chômage on réduit le montant des emplettes , après avoir tenté vainement de retrouver une silhouette idéale pour frimer sur la plage .
Mais pas que ! hélas ...
« A Ami Camp
Aux Délices 9 august [1762]1
J'enverrai chercher, monsieur, chez M. Cathala les 120 louis d'or que vous avez eu la bonté de m'envoyer . Tout ce que vous avez fourni à Mme Denis sera à ma charge, et dorénavant les nouveaux frais qu'elle pourra faire seront levés sur les 120 louis que vous voulez bien m'envoyer par mois . Vous retiendrez sur ces cent vingt louis le paiement de ces bagatelles dont vous avez la complaisance de procurer les emplettes et l'emploi . Vous êtes trop bon, nous sommes elle et moi pénétrés de reconnaissance .
Permettez que je vous adresse pour 13 000 livres de lettres de change sur Lyon . Vous connaissez, monsieur, les sentiments avec lesquels je serai toute ma vie votre très humble et très obéissant serviteur .
Voltaire . »
1 L'édition Hawkins n'identifie pas le destinataire . C'est peut-être l'adresse de la présente lettre « à monsieur / monsieur Camp et / compagnie / à Lyon » , mention de service « 13è août » qui est conservée à Genève .
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02/07/2017
on ne demande que la justice la plus exacte ; tout dépend de l'opinion des juges, et cette opinion dépend beaucoup de celle du public
... Ou plus exactement de celle du jury . Si le public était seul juge, je parierais mon dernier Kleenex que l'on aurait une justice aussi jetable que lui après usage .
« A Philippe Debrus
[vers le 7 août 1762] 1
Je bénis, monsieur, le maître de la vie et de la mort qui vous rend votre santé ; je m'y intéresse tendrement, et j'espère bientôt venir vous le dire .
Je suis fort de votre avis que Mme Calas aille trouver M. Quesnay 2 , mais je ne sais si elle se doit trouver sur le passage du roi , à moins qu'il y ait quelqu'un qui la fasse remarquer à Sa Majesté et qui lui en ait déjà parlé ; sans quoi cette démarche sera tout à fait inutile . D'ailleurs, ne croyez pas que sa présence et son deuil puissent avoir la moindre influence sur l'évènement du procès . Ce n'est point ici une affaire de faveur et de grâce, on ne demande que la justice la plus exacte ; tout dépend de l'opinion des juges, et cette opinion dépend beaucoup de celle du public qui a pris avec chaleur le parti de cette famille infortunée . Laissons je vous en conjure commencer le procès ; ce sera alors que nous redoublerons nos batteries ; il faudra bien qu'on mène Mme Calas chez les juges ; il faudra surtout que ce soit un homme intelligent qui la conduise chez eux en grand deuil, et plût à Dieu qu'elle fût même accompagnée d'un de ses enfants ! Leur présence seule vaudra cent pages d'écritures .
Si Mme Calas était une femme éloquente, dont la figure, les discours, et les larmes fissent une profonde impression sur les esprits, si elle savait dire de ces choses qui ébranlent l'imagination des hommes, et qui pénètrent le cœur , je lui dirais, montrez vous partout, parlez à tout le monde ; mais ce n'est pas là son caractère ; M. Crommelin en est convenu avec moi, il pense que dans le moment présent il faut qu'elle se montre peu, et qu'on agisse beaucoup pour elle . Je vous réponds que nous agissons bien, que tout ira bien ; et je parierais cent contre un pour le gain de son procès .
Tranquillisez-vous donc, mon cher monsieur, et que votre vertu soit moins inquiète . L'homme du monde le mieux disposé est monsieur le contrôleur général, j'en ai des preuves certaines ; et je ne désespère pas de faire obtenir une petite pension, à cette veuve dès que l'infâme arrêt de Toulouse sera cassé .
Je vous embrasse du meilleur de mon cœur, et je suis entièrement à vos ordres .
V. »
1Le manuscrit est endossé « août 1762 » et l'édition place la lettre entre le 5 et le 9 .
2 Les physiocrates, dont Quesnay était un des principaux représentants, avaient alors quelque influence sur le roi . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Quesnay
et : http://ses.ens-lyon.fr/articles/les-grands-themes-25510
et : https://www.alternatives-economiques.fr/francois-quesnay-fondateur-de-physiocratie/00025714
15:47 | Lien permanent | Commentaires (0)
Je voudrais que quelque bonne âme pût dire au roi , Sire, voyez à quel point vous devez aimer ce parlement
... Monsieur le président jusqu'à quel point pourrez-vous aimer ce parlement ?
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
7 auguste 1762
Mes divins anges, mon cœur est bien gros. Je suis atterré de la piété du bailli de Froulai 1, et j’aime cent fois mieux le bailli du Droit du Seigneur. Est-il possible qu’il se soit déclaré contre les comédiens et contre ce bon curé de Saint-Jean de Latran ? Il n’aurait jamais fait pareille infamie du temps de mademoiselle Lecouvreur et du chevalier d’Aydie.
Mon second tourment est l’inquiétude que j’ai pour dame Catherine 2 ; j’ai bien peur que ce vieux héros de comte de Munich n’ait pris le parti de l’ivrogne Pierre Ulric 3. Il est généralissime. Il aime peu les dames depuis qu’une d’elles l’a envoyé en Sibérie ; il est un peu Prussien : tout cela me donne beaucoup d’embarras.
Ma troisième douleur est l’affaire des Calas. Je crains toujours que M. le chancelier ne prenne le prétexte d’un défaut de formalités, pour ne pas choquer le parlement de Toulouse. Je voudrais que quelque bonne âme pût dire au roi , Sire, voyez à quel point vous devez aimer ce parlement , ce fut lui qui, le premier, remercia Dieu de l’assassinat de Henri III, et ordonna une procession annuelle pour célébrer la mémoire de Saint-Jacques Clément, en ajoutant la clause qu’on pendrait, sans forme de procès, quiconque parlerait jamais de reconnaître pour roi, votre aïeul Henri IV.
Henri IV gagna enfin son procès ; mais je ne sais si les Calas seront aussi heureux ; je n’ai d’espoir que dans mes chers anges, et dans le cri public. Je crois qu’il faut que MM. de Beaumont et Mallart fassent brailler en notre faveur tout l’ordre des avocats, et que, de bouche en bouche, on fasse tinter les oreilles du chancelier, qu’on ne lui donne ni repos ni trêve, qu’on lui crie toujours, Calas ! Calas !
Ma quatrième inquiétude vient de la famille d’Alexandre 4. Je l’ai envoyée à l’Électeur palatin, en lui disant qu’il ne fallait point la faire jouer, et sur-le-champ il a distribué les rôles. Je vais lui écrire pour le prier de ne la point imprimer, et il l’imprimera 5. Je crois que, pour me dépiquer, je serai obligé d’en faire autant. Je suis presque aussi content de Cassandre qu’un Palatin ; mais il se pourrait faire que mon extrême dévotion dans cet ouvrage, ma confession, ma communion, ma Statira mourant de mort subite, mon bûcher, etc., donnassent quelque prise à mes bons amis les Fréron et consorts. J’ai écrit la pièce de mon mieux ; mais je crois qu’il faut accoutumer le public, par la voie de l’impression à toutes ces singularités théâtrales ; c’est, à mon sens, le meilleur parti, d’autant plus qu’étant dans le goût des commentaires, j’en ai fait un sur cette pièce qui est extrêmement profond et merveilleux ; maître Joly de Fleury pourrait en être tout ébouriffé.
Je vous enverrai Hérode et Mariamne incessamment ; vous y verrez une espèce de janséniste 6, essénien de son métier, que j’ai substitué à Varus, comme je crois vous l’avoir déjà dit. Ce Varus m’avait paru prodigieusement fade. Je baise toujours du meilleur de mon cœur le bout de vos ailes, et présente mes respects et remerciements à madame d’Argental.
V.»
1 Froulai était ambassadeur de Malte à Paris . L'église de Saint-Jean de Latran où s'était célébré le service pour Crébillon avait le titre de commanderie de Malte .Voir page 324 : https://books.google.fr/books?id=uoS4r5_J2ZcC&pg=PA324&lpg=PA324&dq=froulai+1762+ambassadeur+de+malte&source=bl&ots=pnACDtB9kI&sig=Fj_aEWjDZtoqQL0SmGF3gk9i1pQ&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjqwqelqOnUAhWBSBQKHVFSC50Q6AEINTAD#v=onepage&q=froulai%201762%20ambassadeur%20de%20malte&f=false
2 Catherine II, la révolution de palais avait eu lieu le 9 juillet 1762 ; voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Catherine_II
et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_III_(empereur_de_Rus...)
3 L'impératrice Anne avait déclaré son petit-neveu Ivan (né en 1740) son successeur . Quand Élisabeth monta sur le trône, il n'avait que deux ans : elle le fit emprisonner . Quand à son tour Catherine s'empara du pouvoir, elle ordonna qu'il fût immédiatement mis à mort si quelque tentative était faite pour le libérer . Il fut effectivement tué dans la nuit du 5 au 6 juillet 1764 . Quant au comte de Munich il avait été exilé lors de l'accession au trône d’Élisabeth . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lisabeth_Ire_(imp%C3%...)
et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Anne_(imp%C3%A9ratrice_de_R...)
4 La tragédie d'Olympie .
5 Collini effectivement publia la pièce d'Olympie en 1763 . l’Électeur palatin remerciait V* le 28 juillet 1762 pour sa « famille d'Alexandre » ajoutant : « La pièce, telle qu'elle est, me paraît de toute beauté et ressemble à vos autres productions . »
6 Sohême, dans la version primitive d'Hérode et Mariamne, 1725, qui était déjà une version remaniée de Mariamne, représentée en 1724 . Varus y représente le gouverneur romain amoureux de Mariamne .
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01/07/2017
la crainte d'une excommunication injuste ne doit empêcher personne de faire son devoir
... Qu'on se le dise !
« A Étienne-Noël Damilaville
[5è août 1762] 1
Est-il bien vrai que l'archevêque de Paris ait puni le curé de Saint-Jean-de Latran d'avoir prié Dieu pour les trépassés ? Il ne se contente donc pas d'avoir persécuté les mourants, il en veut encore aux morts ! Mais il paraît qu'il se brouille toujours avec les vivants 2.
On ne voit pas en quoi a péché ce pauvre curé quand il a fait un service pour l'âme poétique de M. de Crébillon . En effet, quoique cet auteur ait traité le sujet d'Atrée, il était chrétien, et son Rhadamiste durera peut-être aussi longtemps que les mandements de monsieur l'archevêque ; si le curé a été suspendu pour avoir fait ce service aux dépens des comédiens du roi, le service n'est-il pas toujours fort bon, et l'argent des comédiens n'a-t-il pas de cours ?
Il faudrait donc excommunier monsieur l'archevêque pour recevoir tous les ans environ cent mille écus que lui fournissent les spectacles de Paris et qui sont le plus fort revenu de l'Hôtel-Dieu . L'abbé Grizel, qui sait ce que vaut l'argent, et à quoi il faut l'employer , vous dira que le prélat risque beaucoup ; car si les comédiens fermaient leurs spectacles ; l’Église serait privée d'un secours considérable .
Il est vrai qu'on peut persuader aux comédiens de continuer toujours à jouer, malgré la persécution, parce que la crainte d'une excommunication injuste ne doit empêcher personne de faire son devoir 3. Mais cette proposition ayant été condamnée par les frères jésuites, et par le pape, il se pourrait bien faire qu'on manquât de spectacles à Paris, dans la crainte d'être excommunié par l'archevêque .
Si un Turc vient dans cette ville, comme en effet un fils circoncis 4 de M. le bacha de Bonneval y viendra dans quelque temps, s'il fait célébrer un service pour l'âme de 5 quelque chrétien de sa maison, son argent sera reçu sans difficulté ; et tandis qu'il criera Allah Allah, on chantera des De profundis .
Pourquoi traiter les comédiens plus mal que les Turcs 6? ils sont baptisés, ils n’ont point renoncé à leur baptême . Leur sort est bien à plaindre, ils sont gagés par le roi et excommuniés par les curés ; le roi leur ordonne de jouer tous les jours, et le rituel de Paris le leur défend ; s'ils ne jouent pas, on les met en prison ; s'ils font leur devoir, on les jette à la voirie . Ils sont défendus dans l'ordre des lois, dans l’ordre des mœurs, dans l'ordre des raisonnements par Huern de l’ordre des avocats, et ils sont condamnés par l'avocat Dains . On les traite chrétiennement 7 pendant leur vie, et à leur mort, en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, tandis qu'à Paris où ils réussissent le mieux, on cherchera à les couvrir d'opprobre, tout le monde veut entrer pour rien chez eux, et on leur ferme la porte du paradis . On se fait un plaisir de vivre avec eux, et on ne veut pas y être enterré ; nous les admettons à nos tables, et nous leur fermons nos cimetières . Il faut avouer que nous sommes des gens bien raisonnables et bien conséquents !8
Mon cher frère 9, vous nous faites espérer qu'on pourra enfin demander justice pour les Calas . Il est plaisant qu'il faille s'adresser à l'abbé Chauvelin pour imprimer en sureté une lettre de Donat Calas . Votre zèle et votre prudence n'ont rien négligé . Nous vous avons, mon cher frère, plus d'obligation qu'à personne .
Est-il possible qu'il soit si aisé d'être roué et si difficile d'obtenir la permission de s'en plaindre ! »
1 Le texte de cette lettre se présente différemment selon qu'on se réfère à un original (ou copie) de la main de Wagnière, suivi en gros par l'édition de Kehl, ou à la copie Beaumarchais-Kehl ou à une autre copie ancienne proche de celle-ci qui semble avoir servi à l'établissement non de l'édition de Kehl , mais de la Correspondance littéraire . C'est le premier qu'on trouvera ci-après . Les variantes du second seront désignées par le sigle BK (copie Beaumarchais-Kehl) . La date est portée sur le manuscrit 1 par d'Argental . On peut penser que les éditeurs de Kehl, après avoir établi leur copie, peut-être d'après un brouillon, auront trouvé la lettre réellement envoyée .
2 Ce membre de phrase, depuis mais il paraît, est remplacé dans BK par : Il me paraît bien injuste de refuser des De profundis à Crébillon, tandis que toutes ses pièces en méritent, hors Rhadamiste.
3 Ceci est une des thèses jansénistes condamnées par la bulle Unigenitus.
4 Le fils de Bonneval aurait été comte de Latour s'il n'était devenu Soliman Aga .
5 l'âme manque dans BK .
6 Dans le Pot pourri, chapitre V, on réclame au contraire des mosquées pour les Turcs .
7 BK ajoute même .
8 BK ajoute ces mots qui paraissent nécessaires : Qu'on ait mis ou non le curé de Saint-Jean-de-Latran au séminaire, en tout cas voici ce qu'un tolérant écrit sur cette matière . C'est ici la fin du manuscrit 1, manuscrit 3 et Correspondance littéraire .
9 Ces trois mots sont supprimés dans BK, qui remplace enfin par au moins à la ligne suivante .
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