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10/08/2020

Voici surtout le temps de vivre pour soi et ses amis, et de sentir le néant de toutes les brillantes illusions... c’est un grand plaisir, à mon gré, de dire ce qu’on pense. Le contraire est un esclavage humiliant

... Il n'est pas plus juste déclaration . Esclaves de tous partis et toutes religions, limez vos chaînes, renvoyez vos gourous, pensez par vous-mêmes ! Peut-être est-ce trop vous demander ?

Pour moi et mes amis , un musicien franc et massif , si jamais vous avez un coup de blues : https://www.arte.tv/fr/videos/097995-008-A/chilly-gonzale...

 

 

« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

22 avril [1765] 1

Il faut donc que vous sachiez, madame, qu’il y avait un prêtre dans mon voisinage . Son nom était d’Estrées et ce n’était point la belle Gabrielle, et ce n’était point le cardinal d’Estrées ; car c’était un petit laquais natif du village d’Estrées, lequel vint à Paris faire des brochures, se mettre dans ce qu’on appelle les ordres sacrés, dire la messe, faire des généalogies, dénoncer son prochain, et qui enfin a obtenu un prieuré à ma porte, et non pas à ma prière. Il était là le coquin, et il écrivait en cour, (comme nous disons nous autres provinciaux) ; il écrivait même en parlement, et il y avait du bruit, et j’étais très peu lié avec madame de Jaucourt, et je ne savais pas si elle était plus philosophe qu’huguenote ; et il y a des occasions où il faut ne se mêler absolument de rien . M’entendez-vous à présent ? m’entendez-vous, madame ? et ignorez-vous combien l’Inquisition est respectable ? Vous êtes au physique malheureusement comme les rois sont en morale : vous ne voyez que par les yeux d’autrui. Mandez-moi s’il y a sûreté 2 ; et soyez très sûre que toutes les fois qu’on pourra vous amuser sans rien risquer, sans vous compromettre, on n’y manquera pas.

Ma situation est un peu épineuse ; il y a des curieux qui ouvrent quelquefois les lettres arrivant de Genève. Vous m’entendez parfaitement, et vous devez savoir que je vous suis tendrement attaché. Je donnerai, quand on voudra, un de mes yeux pour vous faire rattraper les deux vôtres.

M. le chevalier de Boufflers, avec son esprit, sa candeur, sa gaucherie pleine de grâces et la bonté de son caractère, ne sait ce qu’il dit. Le fait est que je suis dans un climat singulier, qui ne ressemble à rien de ce que vous avez vu. Il y a, dans une vaste enceinte de quatre-vingts lieues, un horizon bordé de montagnes couvertes d’une neige éternelle. Il part quelquefois de cet Olympe de neige un vent terrible qui aveugle les hommes et les animaux ; c’est ce qui est arrivé à mes chevaux et à moi par notre imprudence. Mes yeux ont été deux ulcères pendant près de deux ans. Une bonne femme m’a guéri à peu près ; mais quand je m’expose à ce maudit vent, adieu la vue. C’était à M. Tronchin à m’enseigner ce qu’il fallait faire, et c’est une vieille ignorante qui m’a rendu le jour. Il faut, à la gloire des bonnes femmes, que je vous dise que, dans notre pays, nous sommes fort sujets au ver solitaire, à ce ver de quinze ou vingt aunes de long, qui se nourrit de notre substance, comme cela doit être dans le meilleur des mondes possible ; c’est encore une bonne femme qui en guérit, et le grand Tronchin en raisonne fort bien . Sachez encore, madame, que les femmes commencent à inoculer la petite-vérole, qu’elles en font un jeu, tandis que votre parlement donne des arrêts contre l’inoculation, et que vos facultés welches disent des sottises. Voyez donc combien je respecte le beau sexe !

La Destruction des jésuites est la destruction du fanatisme. C’est un excellent ouvrage ; aussi votre inquisition welche l’a-t-elle défendu. Il est d’un homme supérieur qui vient quelquefois chez vous . C’est un esprit juste, ferme, éclairé, qui fait des Welches le cas qu’il doit . Il contribue beaucoup à détruire, chez les honnêtes gens, le plus absurde et le plus abominable système qui ait jamais affligé l’espèce humaine. Il rend en cela un très grand service . Avec le temps, les Welches deviendront Anglais. Dieu leur en fasse la grâce !

M. le président Hénault m’a mandé qu’il a quatre-vingt et un an 3 . Je ne le croyais pas. La bonne compagnie devrait être de la famille de Mathusalem. J’espère du moins que vous et vos amis serez de la famille de Fontenelle . Mais voici le temps de dire avec l’abbé de Chaulieu  :

Ma raison m’a montré, tant qu’elle a pu paraître,

Que rien n’est en effet de ce qui ne peut être ;

Que ces fantômes vains sont enfants de la peur, etc.4

Voici surtout le temps de vivre pour soi et ses amis, et de sentir le néant de toutes les brillantes illusions.

Madame la duchesse de Luxembourg n’a point répondu au petit mémoire dont vous me parlez 5. Il est clair que son protégé à tort avec moi ; mais il est sûr aussi que je ne m’en soucie guère, et que je plains beaucoup ses malheurs et sa mauvaise tête.

Vous ne me parlez point des Calas. N’avez-vous pas été un peu surprise qu’une famille obscure et huguenote ait prévalu contre un parlement, que le roi lui ait donné trente-six mille livres, et qu’elle ait la permission de prendre un parlement à partie ? On a imprimé à Paris une lettre que j’avais écrite à un de mes amis, nommé Damilaville 6. Il y a dans cette lettre un fait singulier qui vous attendrirait si vous pouviez avoir cette lettre.

En 7 voilà, madame, une un peu 8 bien longue, écrite toute de ma main . Il y a longtemps que je n’en ai tant fait . Je crois que vous me rajeunissez.

Je tâcherai de vous faire parvenir tout ce que je pourrai par des voies indirectes. Quand vous aurez quelques ordres à me donner, ayez la bonté de faire adresser la lettre à monsieur Wagnière, chez M. Souchay, négociant à Genève, et ne faites point cacheter avec vos armes. Avec ces précautions, on dit ce que l’on veut ; et c’est un grand plaisir, à mon gré, de dire ce qu’on pense. Le contraire est un esclavage humiliant .

Adieu, madame ; je suis honteux d’avoir recouvré un peu la vue pour quelques mois, pendant que vous en êtes privée pour toujours. Vous avez besoin d’un grand courage dans le meilleur des mondes possibles. Que ne puis-je servir à vous consoler ! 

V. »

1 Un main contemporaine a ajouté 1764 à la date sur le manuscrit ; la lettre a été pour la première fois correctement datée par Beuchot . Celle à laquelle V* répond n'est pas connue .

2 Pour l'envoi de livres infernaux par les mains de Mme de Jaucourt .

3 Hénault date en effet sa lettre comme suit : »Paris 19 mars 1765 . et l'an de notre vie 81 où je suis entré heureusement le 8 février . »

4 Ode sur la mort ( à M. le marquis de La Fare), de Chaulieu ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Sur_la_mort,_conform%C3%A9...)

7 En ajouté en marge par V*.

8 V* a d'abord écrit lettre remplacé par peu .

09/08/2020

On en donne à ceux qui savent les placer

... Quoi donc ?

Des dollars ! Voir , pour ceux qui ont envie de placer leur maigre retraite, ce qu'il faut faire et ne pas faire : https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/08/04/le-dol...

D'un coup, on se sent un peu déprimé, seul, devant son nourrain (comme disait maître Capelovici )! Que faire ?

PORC - Blog de xx-love-animals-xx

Attention aux tours de cochon !

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

22 Avril 1765.

A Monsieur Joaquim Deguia, marquès de Marros, à Ascoitia, par Bayonne, en Espagne.

C’est, mon cher frère, l’adresse d’un adepte de beaucoup d’esprit, qui s’est adressé à moi, et qui brûlerait le grand inquisiteur, s’il en était le maître. Je vous prie de lui envoyer par la poste un des rubans d’Angleterre qu’un fermier-général vous a apportés 1. Cette fabrique prend faveur de jour en jour, malgré les oppositions des autres fabricants, qui craignent pour leur boutique. Ces petits rubans sont bien plus commodes et d’un débit plus aisé que des étoffes plus larges . On en donne à ceux qui savent les placer. Envoyez-en un à madame du Deffand à Saint-Joseph, deux à madame la marquise de Coaslin 2, à l'hôtel de Coaslin, rue Saint-Honoré .

Sirven est chez moi, il y griffonne son innocence et la barbarie visigothe. Nous achevons, le temps presse ; voici un mot pour le véritable Élie, avec les pièces. Nous vous les adressons à vous, mon cher frère, dont la philosophie consiste dans la vertu autant que dans la sagesse. Écr l'inf .»

1 Un des exemplaires du Dictionnaire philosophique apportés par Delahaye ; voir lettre du 1er avril 1765 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/07/08/vous-me-feriez-plaisir-de-m-instruire-des-sentiments-du-public-que-vous-ave.html

2 Renée-Angélique de Talhouet de Keravéon, marquise de Coislin : https://gw.geneanet.org/genroy?lang=en&n=de+talhouet+de+keraveon&oc=0&p=renee+angelique

08/08/2020

C’est une époque singulière dans l’histoire de l’esprit humain

... On réfléchit, on ergote, on coupe les cheveux en quatre et  on ne fait rien . Dans le même temps, et ça ne fait pas avancer le schmilblick, on se dispense de réfléchir, et on fait n'importe quoi . Est-il trop optimiste de penser qu'on va enfin trouver un modus vivendi étayé par un modus operandi viable .

Qui sait ?

 

 

« A Pierre-Jean-Baptiste Nougaret

Au château de Ferney, 20 avril [1765]

Ma déplorable santé, monsieur, ne m’a pas permis de vous remercier 1 plus tôt ; mais elle ne me rend pas moins sensible à l’honneur que vous m’avez fait. Vos vers et votre prose prouvent également vos talents et la bonté de votre cœur. On voit pour la première fois, dans l’affaire de Calas, le Parnasse réformer les arrêts des parlements, sans qu’ils puissent s’en plaindre. C’est une époque singulière dans l’histoire de l’esprit humain.

Agréez, monsieur, mes très sincères remerciements, et les sentiments d’estime avec lesquels j’ai l’honneur d’être, etc.

V. »

1 Nougaret, « auteur très fécond et très médiocre » comme dit Beuchot, vient manifestement d'envoyer à V* son Ombre de Calas le suicidé à sa famille et à son ami dans les fers, dédiée à V* : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1040668x.image . Il se trouve en prison pour avoir composé et diffusé de la littérature obscène .

Voir : https://data.bnf.fr/fr/12001097/pierre-jean-baptiste_nougaret/

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre-Jean-Baptiste_Nougaret

07/08/2020

Son malheur ne lui [a] peut-être pas laissé assez de netteté dans l’esprit pour répondre catégoriquement à toutes les questions que vous pourrez lui faire

... C'est ce que je pense en voyant les reportages lors de catastrophes telles que celle de Beyrouth , cyclones et incendies . Les rescapés, à des questions souvent oiseuses, donnent des versions parfois bien étranges, et là je pense particulièrement à ces Beyroutins qui font un lien direct entre le son d'un avion qu'ils ont entendu, mais non vu, et les mortelles explosions subies . Un peu de folie ne doit pas étonner dans ce pays complètement désaxé depuis trop longtemps . Explosion = attentat !

Radio-trottoir vit encore . Alors :

https://www.youtube.com/watch?v=AfpSRnahQig

 

 

« A Jean-Baptiste-Jacques Élie de Beaumont

19è avril 1765 à Ferney

Protecteur de l’innocence, vainqueur du fanatisme, homme né pour le bonheur des hommes, je crois que vous avez toutes les pièces nécessaires pour agir en faveur de la pauvre famille Sirven, que vous voulez bien prendre sous votre protection. Vous avez, je crois, au bas de la sentence du juge du village, l’extrait de l’arrêt du parlement de Toulouse, authentiquement certifié sur papier timbré. Vous savez que ces arrêts par contumace s’appellent délibération dans la langue d'Oc, et ce mot de délibération doit se trouver au bout de votre pancarte. Sirven a perdu, par cette aventure, tout son bien qui consistait dans un fonds de dix-neuf mille francs, outre quinze cents livres de rentes net que lui valait sa place. Voilà toute une famille expatriée, couverte d’opprobre, et réduite à la plus cruelle misère. Le procès qu’on lui a fait me paraît absurde, l’enlèvement de sa fille affreux, la sentence un attentat contre la justice et contre la raison. S’il s’agissait de comparaître devant tout autre tribunal que celui de Toulouse, j’enverrais cette malheureuse famille se remettre à la discrétion de ses juges naturels ; mais je crains que les juges de Toulouse ne soient plus ulcérés que corrigés. Qui peut répondre que sept ou huit têtes échauffées ne se vengeront pas sur les Sirven du triomphe que vous avez procuré aux Calas ? J’attends votre décision. Je voudrais que vous puissiez sentir à quel point je vous révère, je vous admire, et je vous aime.

Mille respects à votre digne compagne.

V.



P.S. – Je reçois dans ce moment, monsieur, votre lettre pour moi, et le paquet pour les Sirven 1. Je vais envoyer chercher cet infortuné père. Son malheur ne lui [a] peut-être pas laissé assez de netteté dans l’esprit pour répondre catégoriquement à toutes les questions que vous pourrez lui faire. Nous tâcherons cependant de vous fournir des éclaircissements. Quelque tournure que prenne cette affaire, elle ajoutera bien des fleurons à votre couronne. Vous êtes trop bon d’avoir bien voulu répondre au petit mémoire à consulter sur une maison. Je vous en remercie tendrement. L’affaire fut accommodée dès que j’eus envoyé mon mémoire. Les juifs qui faisaient ces étranges difficultés n’osèrent pas les soutenir, et les principaux intéressés n’ont pas balancé un moment à faire tout ce qui était convenable. Votre nom est tellement en vénération dans ce pays-ci, qu’on n’oserai[t] pas faire une chose désapprouvée par vous. »

1 La lettre du 11 avril 1765, partiellement citée : voir http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/07/31/j... . Élie de Beaumont y avait joint une lettre et un mémoire destinés à Sirven en demandant à V* de « lui dire de faire la plus grande diligence . »

06/08/2020

Je ne vous fais point d’excuse de prendre la liberté de vous écrire sans avoir l’honneur d’être connu de vous...Pardonnez cette démarche que ma compassion pour les malheureux et ma vénération pour le parlement et pour votre personne me font faire

... Si la compassion de Voltaire pour les malheureux victimes d'injustices est réelle, on peu mettre un bémol et jouer scherzo sa partition vénérant le parlement .

 

 

« A Pierre Desinnocends

A Ferney 19 avril 1765 1

Monsieur,

Je ne vous fais point d’excuse de prendre la liberté de vous écrire sans avoir l’honneur d’être connu de vous. Un hasard singulier avait conduit dans mes retraites, sur les frontières de la Suisse, les enfants du malheureux Calas . Un autre hasard y amène la famille Sirven, condamnée à Castres, sur l’accusation ou plutôt sur le soupçon du même crime qu’on imputait aux Calas.

Le père et la mère sont accusés d’avoir noyé leur fille dans un puits, par principe de religion. Tant de parricides ne sont pas heureusement dans la nature humaine ; il peut y avoir eu des dépositions formelles contre les Calas ; il n’y en a aucune contre les Sirven. J’ai vu le procès-verbal 2, j’ai longtemps interrogé cette famille déplorable . Je peux vous assurer, monsieur, que je n’ai jamais vu tant d’innocence accompagnée de tant de malheurs : c’est l’emportement du peuple du Languedoc contre les Calas qui détermina la famille Sirven à fuir dès qu’elle se vit décrétée. Elle est actuellement errante, sans pain, ne vivant que de la compassion des étrangers. Je ne suis pas étonné qu’elle ait pris le parti de [se] soustraire à la fureur du peuple, mais je crois qu’elle doit avoir confiance dans l’équité de votre parlement.

Si le cri public, le nombre des témoins abusés par le fanatisme, la terreur, et le renversement d’esprit qui put empêcher les Calas de se bien défendre, firent succomber Calas le père, il n’en sera pas de même des Sirven. La raison de leur condamnation est dans leur fuite. Ils sont jugés par contumace, et c’est à votre rapport, monsieur, que la sentence a été confirmée par le parlement.

Je ne vous cèlerai point que l’exemple des Calas effraie les Sirven, et les empêche de se représenter. Il faut pourtant ou qu’ils perdent leur bien pour jamais, ou qu’ils purgent la contumace, ou qu’ils se pourvoient au conseil du roi.

Vous sentez mieux que moi combien il serait désagréable que deux procès d’une telle nature fussent portés dans une année devant Sa Majesté ; et je sens, comme vous, qu’il est bien plus convenable et bien plus digne de votre auguste corps que les Sirven implorent votre justice. Le public verra que si un amas de circonstances fatales a pu arracher des juges l’arrêt qui fit périr Calas, leur équité éclairée, n’étant pas entourée des mêmes pièges, n’en sera que plus déterminée à secourir l’innocence des Sirven.

Vous avez sous vos yeux toutes les pièces du procès . Oserai-je vous supplier, monsieur, de les revoir ? Je suis persuadé que vous ne trouverez pas la plus légère preuve contre le père et la mère en ce cas, monsieur, j’ose vous conjurer d’être leur protecteur.

Me serait-il permis de vous demander encore une autre grâce ? c’est de faire lire ces mêmes pièces à quelques-uns des magistrats vos confrères. Si je pouvais être sûr que ni vous ni eux n’avez trouvé d’autre motif de la condamnation des Sirven que leur fuite ; si je pouvais dissiper leurs craintes, uniquement fondées sur les préjugés du peuple, j’enverrais à vos pieds cette famille infortunée, digne de toute votre compassion ; car, monsieur, si la populace des catholiques superstitieux croit les protestants capables d’être parricides par piété, les protestants croient qu’on veut les rouer tous par dévotion, et je ne pourrais ramener les Sirven que par la certitude entière que leurs juges connaissent leur procès et leur innocence.

J’aurais le bonheur de prévenir l’éclat d’un nouveau procès au conseil du roi, et de vous donner en même temps une preuve de ma confiance en vos lumières et en vos bontés. Pardonnez cette démarche que ma compassion pour les malheureux et ma vénération pour le parlement et pour votre personne me font faire du fond de mes déserts.

J’ai l’honneur d’être avec respect, monsieur, votre, etc. »

1 Cette lettre est apparemment une lettre ouverte . Le destinataire est identifié par Galland . Desinnocends est l'un des juges qui avaient voté pour l'exécution de Jean Calas .Voir : https://books.google.fr/books?id=DMNYDwAAQBAJ&pg=PT103&lpg=PT103&dq=pierre+desinnocends&source=bl&ots=ZAakyNXi34&sig=ACfU3U3B7Lm9iD-LAYtBSXnciZQEyskt5w&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwi70c64lP3qAhWOxoUKHQebCNMQ6AEwBHoECAkQAQ#v=onepage&q=pierre%20desinnocends&f=false

2 Dans sa lettre à V* du 11 avril 1765, Élie de Beaumont met ce post-scriptum : « M. Damilaville vient de me faire remettre à l'instant la copie de la sentence de Mazamet . C'est le comble de l'absurdité et de l'horreur . On ne pourrait croire l’existence d'une telle pièce sans l'avoir lue . Un père et une mère dûment atteints et convaincu du crime de parricide et pour cela seulement pendus, et les deux dûment atteintes CONVAINCUES et complices dudit crime de parricide et pour toute peine condamnées à assister à l'exécution de leur père et mère, et au bannissement hors la ville et juridiction de Mazamet, permis à elles de se promener sur la frontière de cet immense territoire de ce Mazamet . Bon Dieu à quels temps sommes-nous réservés de voir rendre de pareils jugements, de les voir confirmer par un parlement, et par un parlement qui venait d'avoir une si cruelle leçon . Laissez-moi faire, monsieur, et soyez sûr que votre Sirven que j'appellerai aussi bientôt notre Sirven, sera dans peu satisfait avec éclat . »

05/08/2020

On examine l'ouvrage dans l'idée d'y trouver des choses dangereuses

... Voir , et en particulier à propos de la PMA : https://www.vie-publique.fr/loi/268659-loi-bioethique-pma

Les catho intégristes freinent des quatre fers , comme d'hab' . Je ne me prononce pas pour les autres religions qui ont sans doute elles aussi leurs visions de ce que doit être une famille selon dieu et ses prophètes .

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

19è avril 1765 1

Mon cher frère, je suis confondu, pétrifié ; c'est donc un secret que l'expulsion des jésuites, puisqu'il est défendu d'en parler . Point de bruit si je ne le fais est donc la devise des maîtres des actions et des pensées des hommes ? J'espère au moins qu'on ne perdra rien pour attendre, et que dans quelque temps ce charmant ouvrage paraîtra . Les Bazin de Hollande n'étaient pas encore arrivés quand M. Delahaye partit avec les Caloyer 2. Ces Caloyer m'ont paru fort augmentés, et capables de faire beaucoup de bien . Vous avez une petite liste des personnages auxquelles on peut en envoyer, et vous trouverez sans doute quelque adepte qui se chargera aisément du reste .

Les Bazin sont d'un genre tout différent . Ils ne me semblent pouvoir faire fortune qu'auprès de ceux qui connaissent un peu l'histoire ancienne . Je crois qu'ils n’essuieront pas le sort de la Destruction . L'étiquette du sac n'inspire pas la même défiance . Le nom seul de jésuite effarouche la magistrature . On examine l'ouvrage dans l'idée d'y trouver des choses dangereuses . Des fatras d’histoire donnent moins d'alarme . La destruction des Babyloniens par les Persans effarouche moins que la destruction des jésuites par les jansénistes .

L'enchanteur Merlin est très instamment prié de n'en pas faire une édition nouvelle avant de faire écouler celle d'un pauvre diable à qui j'ai donné ce petit morceau pour le tirer de la pauvreté . Je crois que l'enchanteur se tirera bien de sa secondé édition ; l'ouvrage m'a paru assez curieux et assez neuf . Je n'en ai envoyé que quelques feuilles en divers paquets à M. d'Argental, sous le couvert d'un ministre . Mandez-moi, mon cher frère, si je puis en user de même avec vous, en me servant de l'adresse de M. Gaudet 3, et en lui adressant les paquets par Lyon .

Je ne verrai Gabriel que dans quelques jours . C'est un petit voyage d'aller de Genève chez moi, l'allée et le retour prennent une journée .

Mon cher frère, je vous embrasse . Écr l'inf. »

04/08/2020

Il faut à présent que le fanatisme rougisse, se repente, et se taise ... ce siècle sera le tombeau du fanatisme

... Optimiste , inénarrable Candide !

https://www.youtube.com/watch?v=AzBlD5TrfWI&list=RDjt...

 

 

« A François Achard Joumard Tison, marquis d'Argence etc.

au château de Dirac

près d'Angoulême

19è avril 1765 à Ferney

Que diront donc, mon cher marquis, les ennemis de la raison et de l’humanité, quand ils apprendront que le roi a daigné donner trente-six mille livres à la famille Calas, avec la permission de prendre à partie les homicides qui ont fait rouer un innocent ? Il faut à présent que le fanatisme rougisse, se repente, et se taise. Au reste, l’arbre qui a porté dans tous les temps de si détestables fruits doit être jeté au feu par tous les honnêtes gens.

Ce qui vous surprendra, c’est qu’il y a une affaire à peu près semblable à celle des Calas sur le tapis. Tâchez, si vous avez quelque correspondant à Paris, d’avoir une lettre imprimée de M. de Vol*** à M. Dam*** etc. Elle pourra vous étonner et vous attendrir. Bénissons le ciel, qui permet que la raison s’étende de tout côté chez les Welches : ce siècle sera le tombeau du fanatisme.

Pardonnez si je vous écris des lettres si courtes ; mais j’en suis si accablé que cela prend tout mon temps. »