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17/03/2020

c’est un exercice qui apprend à la fois à bien parler et à bien prononcer, et qui donne même de la grâce au corps comme à l’esprit. La déclamation est au rang des beaux-arts

... Certes .

Mais les déclarations, de guerre en l'occurence, tant présidentielles que ministérielles, me semblent singulièrement dénuées des qualités de la déclamation . Si on ne peut l'incriminer aux textes, on doit simplement se plaindre des orateurs .

Tant pis si maintenant il y a 3 policiers/gendarmes mobilisés pour chaque commune de France pour réprimer ce nouveau délit - rupture du confinement- qui me rappelle la répression du vagabondage d'autrefois .

Tant mieux si la pollution diminue .

Tant pis si les bourses jouent au yoyo .

Tant mieux si le prix du  pétrole coule .

Tant pis si mes quelques louis d'or, gagnés par un vaillant grand-père, font la culbute . Usw ...

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Confiné en tête-à-tête .

 

 

« A Madeleine-Angélique de Neuville-Villeroy, duchesse de Luxembourg

9 janvier 1765 1

Madame, l’honneur que j’ai eu de vous faire ma cour plusieurs années, vos bontés, mon respectueux attachement, me mettent en droit d’attendre de vous autant de justice que vous accordez de protection à M. Rousseau de Genève.

Il publie un livre qui jette un peu de trouble dans sa patrie ; mais qui croirait que dans ce livre il excite le conseil de Genève contre moi ? Il se plaint que ce Conseil condamne ses ouvrages et ne condamne pas les miens, comme si ce Conseil de Genève était mon juge. Il me dénonce publiquement, ainsi qu’un accusé en défère un autre. Il dit que je suis l’auteur d’un libelle intitulé, Sermon des Cinquante , libelle le plus violent qu’on ait jamais fait contre la religion chrétienne, libelle imprimé, depuis plus de quinze ans, à la suite de l’Homme-machine, de La Mettrie 2, ouvrage d'ailleurs écrit d'un style grossier, et dans lequel nul trait d'esprit ne [dégu]ise ce que le sujet a de ré[voltant] .

Est-il possible, madame, qu’un homme qui se vante de votre protection joue ainsi le rôle de délateur et de calomniateur ? Il n’est point d’excuse, sans doute, pour une action si coupable et si lâche ; mais quelle peut en être la cause ? La voici, madame .

Il y a cinq ans que quelques Genevois venaient chez moi représenter des pièces de théâtre ; c’est un exercice qui apprend à la fois à bien parler et à bien prononcer, et qui donne même de la grâce au corps comme à l’esprit. La déclamation est au rang des beaux-arts. M. d’Alembert alors fit imprimer, dans le Dictionnaire encyclopédique, un article sur Genève, dans lequel il conseillait à cette ville opulente d’établir chez elle des spectacles. Plusieurs citoyens se récrièrent contre cette idée ; on disputa, la ville se partagea. M. Rousseau, qui venait de donner un opéra et des comédies à Paris, écrivit de Montmorency contre les spectacles.

Je fus bien surpris de recevoir alors une lettre de lui conçue en ces termes : « Monsieur, je ne vous aime point, vous corrompez ma république, en donnant chez vous des spectacles : est-ce là le prix de l’asile qu’elle vous a donné ?3 »

Plusieurs personnes virent cette lettre singulière ; elle l’était trop pour que j’y répondisse  [je] me contentai [de le p]laindre ; et même, en dernier lieu, quand [il] fut obligé de quitt[er la] France, je lui fit offrir pour asile cette même campagne qu’il me reprochait d’avoir choisie près de Genève. Le même esprit qui l’avait porté, madame, à m’écrire une lettre si outrageante l’avait brouillé en ce temps-là avec le célèbre médecin M. Tronchin, comme avec les autres personnes qui avaient eu quelque liaison avec lui.

Il crut qu’ayant offensé M. Tronchin et moi, nous devions le haïr ; c’est en quoi il se trompait beaucoup ; je pris publiquement son parti quand il fut condamné à Genève ; je dis hautement qu’en jugeant son roman d’Émile, on ne faisait pas assez d’attention que les discours du Vicaire savoyard, regardés comme si coupables, n’étaient que des doutes auxquels ce prêtre même répondait par une résignation qui devait désarmer ses adversaires . Je dis que les objections de l’abbé Houteville contre la religion chrétienne sont beaucoup plus fortes et ses réponses beaucoup plus faibles . Enfin, je pris la défense de M. Rousseau. Cependant M. Rousseau vous dit, madame, et fit même imprimer que M. Tronchin et moi nous étions ses persécuteurs. Quels persécuteurs qu’un malade de soixante et onze ans, persécuté lui-même jusque dans sa retraite, et un médecin consulté par l’Eu[rope entière], uniquement occupé de soulager les maux des hommes, et qui certainement n’a pas le temps de se mêler de leurs misérables querelles .

Il y a plus de dix ans que je suis retiré à la campagne auprès de Genève, sans être entré quatre fois dans cette ville . J’ai toujours ignoré ce qui se passe dans cette république ; je n’ai jamais parlé de M. Rousseau que pour le plaindre. Je fus très fâché que M. le marquis de Chimène l’eût tourné en ridicule 4. J’ai été outragé par lui, sans lui jamais répondre ; et aujourd’hui il me dénonce juridiquement, il me calomnie dans le temps même que je prends publiquement son parti. Je suis bien sûr que vous condamnez un tel procédé, et qu’il ne s’en serait pas rendu coupable s’il avait voulu mériter votre protection. Je finis, madame, par vous demander pardon de vous importuner de mes plaintes ; mais voyez si elles sont justes, et daignez juger entre la conduite de M. Rousseau et la mienne 5.

Agréez le profond respect et l’attachement inviolable avec lequel je serai toute ma vie,

madame.

Je ne peux avoir l’honneur de vous écrire de ma main, étant presque entièrement aveugle. »



1 La copie Beaumarchais-Kehl, endommagée, contient des mots incomplets ou manquants, corrigée par une copie contemporaine qui malgré tout est passablement corrompue aussi .

2 Le Sermon des cinquante est daté fictivement de 1749 .

5 La duchesse se garda bien de vouloir arbitrer ; dans une lettre à Mme Du Deffand du 16 octobre 1765, V* précise qu'elle ne lui répondit pas ; voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/10/correspondance-annee-1765-partie-30.html

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