27/05/2020
Vous me méprisez, monsieur, parce que je suis devenu pauvre , et que je ne vous ai demandé que cent bouteilles de vin cette année
... Effectivement, c'est à peine la portion congrue. Ce cher Volti n'est pas renommé pour ses écarts de boisson, si ce n'est le café, son péché pardonnable .
http://poudouvre.over-blog.com/2017/02/anciennes-mesures-...
« A Antoine-Jean -Gabriel Le Bault
A Ferney par Genève, 11 mars 1765
Vous me méprisez, monsieur, parce que je suis devenu pauvre , et que je ne vous ai demandé que cent bouteilles de vin cette année 1; mais c'est précisément par cette raison-là-même que je m'attends à vos bontés . D'ailleurs, j'ai encore un tonneau tout entier de votre bon vin . Je suis le seul chez moi qui en boive, comme j'ai eu l’honneur de vous l'écrire, et j'en bois environ un demi-setier 2 par jour . C'est une affaire de santé, et non pas de luxe . Je suis indigne d'être bourguignon . Ayez pitié de mon indignité, de ma misère et de mes maladies, et daignez m'envoyer à Lyon, à l'adresse de M. Camp, par les premiers rouliers, les cent bouteilles du cordial que je vous demande .
Je présente mon respect à madame Le Bault . J'ai l'honneur d'être avec les mêmes sentiments, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
1 Voir : https://avis-vin.lefigaro.fr/connaitre-deguster/o28482-la-bouteille-de-vin-trois-siecles-de-bons-et-loyaux-services
2 Soit un quart de litre ; voir : https://www.cnrtl.fr/definition/setier
et : https://www.persee.fr/doc/rnord_0035-2624_1976_num_58_229_3372
et : https://fr.geneawiki.com/index.php?title=Poids_et_mesures...
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26/05/2020
je ne quitterai jamais ma retraite : on s'attache à ce qu'on a embelli
...
« A Charles-Jean-François Hénault
A Ferney , 11 mars 1765
Eheu ! Fugaces, Postume, Postume,
Labuntur anni .1
Notre chronologie, mon cher et illustre confrère, commence à peu près à la même date, mais vous avez sur moi l’avantage d'être plus heureusement né de toutes façons . Vivez longtemps et sainement, et voyez une vingtaine d'éditions nouvelles de votre utile et charmant ouvrage 2. J’écris rarement et la raison en est que je suis toujours accablé de maladies et presque aveugle . Un horizon de montagnes de glace qui s'élèvent au-dessus des nues et que je vois de mes fenêtres à plus de vingt-cinq lieues change quelquefois mon climat de Naples en climat de Sibérie, attriste le plus beau pays de la nature, et me rend perclus de mes membres . Cependant je ne quitterai jamais ma retraite : on s'attache à ce qu'on a embelli . J'ai d'ailleurs l'avantage singulier de posséder une terre qui ne doit rien à personne, et je ne la troquerais pas pour celle de Pompignan .
Je soupçonne Mme Du Deffand de n'être pas excessivement contente de moi, mais elle a tort . Je ne pouvais, ni ne devais mettre entre les mains de personne au monde un ouvrage tout à fait indévot, auquel je n'ai d'ailleurs nulle part . Je devais encore moins le confier à Mme de Jaucourt qui a le malheur d'être calviniste, et qui en cette qualité est attachée à la lettre de l'Ancien et du Nouveau Testament . Je n'ai point voulu me fourrer dans les querelles de rabbins ; encore moins laisser soupçonner ma foi qui est bien intacte, comme vous savez .
Voudriez-vous revoir pour votre nouvelle édition l'endroit où vous parlez du jugement porté contre Charles VII, alors dauphin, sous l'année 1420 ? Vous pouvez consulter Jean Juvénal des Ursins 3; vous trouverez en note qu'il fut banni et exilé du royaume à la requête du procureur général du roi etc.
Vous pouviez aussi , à l'année 1450 éclaircir en deux lignes l'article de Bérenger . Première hérésie, dites-vous, sur la réalité , etc. c'est en effet le premier hérétique condamné à ce sujet, mais il s'en faut bien qu'il ait été le premier de son opinion . Voyez si vous êtes d'humeur de dire que Ratramne 4 avait soutenu ce sentiment du temps de Charles Le Chauve, et Claude de Turin 5 avant Ratramne .
Voulez-vous bien aussi revoir l’article de l'avocat général Guérin : vous le pendez en 1554, en parlant de Cabrières et de Mérindol, année 1545 . Je crois qu'il eut l'honneur d'être décapité en 1552 . C'est à vous à juger mes représentations comme un souverain de celles de ses sujets .
Le Journal encyclopédique dont vous me parlez a été longtemps le meilleur de l'Europe ; il faiblit un peu depuis quelque temps .
Adieu, monsieur ; on ne peut ni vous révérer , ni vous aimer plus que je fais . »
1Hélas ! Postumus, Postumus, elles coulent, fugitives , les années ; Horace, Odes, II, xiv, 1-2 : http://fonsbandusiae.fr/spip.php?article188
2 La septième édition de l'Abrégé vient de paraître ; Hénault a écrit à V* le 3 mars 1765 : « Je m'occupe pour la dernière fois de mon histoire , et il faudra que vous enduriez ma dernière édition, décorée des nouvelles vignettes de Cochin […] » Voir aussi sa réponse du 19 mars 1765 . Quoique les critiques de V* soient bien fondées, il n'en tiendra pas compte dans l'l’édition qui suivra .
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25/05/2020
Il est vrai que vous avez adouci quelquefois mes souffrances par vos jolis vers
... M. Jean-Loup Dabadie , merci . On ira tous au paradis : https://www.youtube.com/watch?v=DBXaKjMsTbI
« A François de Chennevières, Premier commis
aux bureaux de la Guerre etc. etc.
à Versailles
11è mars 1765 à Ferney 1
Il est vrai que je suis malade, mon cher confrère, mais il y a soixante ans que je le suis . Je n'ai jamais connu la santé . Je me suis accoutumé à souffrir de bien des façons ; il n'y a pas d'autre parti à prendre dans le meilleur des mondes possibles . Il est vrai que vous avez adouci quelquefois mes souffrances par vos jolis vers, mais bientôt je ne pourrai plus lire du tout . Mme Denis est actuellement un peu malade ; mais ce qui chez moi est une vieille habitude n'est chez elle qu'un petit accident . Nous vous embrassons tendrement vous et la sœur du pot . »
1 L'édition Gauthier-Villars change à tort l'année pour 1763 .
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24/05/2020
Je lui demande en grâce de ne pas négliger une affaire qui me soucie si sensiblement
... Oui, monsieur Franck Riester, ministre de la Culture, et vous aussi monsieur Philippe Bélaval, président du Centre des Monuments Nationaux , j'ai ce souci : quand donc pourra-t-on visiter à nouveau le château de Voltaire, et au moins avoir accès au parc ?
Autre souci, où est "Premier désir", cette si jolie statue d'Eve, d'Emile Lambert, que j'ai eu la désagréable surprise de ne plus voir sur aucune photo récente ? Bibliquement chassée du paradis, elle était si bien chez Voltaire, libre .
R.S.V.P.
« A Gabriel Cramer
[vers le 10 mars 1765]
Je prie monsieur Cramer plus que jamais d'ordonner qu'on envoie sans différer chez Souchay l'épreuve de cette feuille qu'il m'a promise . Il s'agit d'une affaire aussi intéressante que celle des Calas, et à laquelle monsieur Cramer prendrait autant d'intérêt que moi, s'il connaissait les personnes que je veux servir . Je lui demande en grâce de ne pas négliger une affaire qui me soucie si sensiblement . S'il lui manque quelque chose pour compléter quelque tome, il n'aura qu'à parler . »
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23/05/2020
Paris est ivre , on craint qu'ayant cuvé son vin, il ne lui reste une grande pesanteur de tête
... Voici le remède pour ceux qui ont forcé la dose en fêtant le déconfinement : https://www.youtube.com/watch?v=jF06KtI3uZw&list=UU55...
Pour tous ceux qui croient qu'ARTE est trop sérieuse ( ou sérieux ?) et que nul n'est plus drôle que Cyril Hanouna
« A Etienne-Noël Damilaville
8è mars 1765
Mon cher frère, vous m'apprenez deux nouvelles bien intéressantes ; on juge les Calas 1, et le généreux Élie veut encore défendre l'innocence des Sirven . Cette seconde affaire me parait plus difficile à traiter que la première, parce que les Sirven se sont enfuis, et hors du royaume ; parce qu'ils ont condamnés par contumace ; parce qu'ils doivent se représenter en justice ; parce qu'enfin ayant été condamnés par un juge subalterne, la loi veut qu'ils en appellent au parlement de Toulouse . C'est au divin Élie à savoir si l'on peut intervertir l’ordre judiciaire, et si le Conseil a les bras assez longs pour donner cet énorme soufflet à un parlement . Je crois qu’en attendant il ne serait pas mal de lâcher quelques exemplaires d’une certaine lettre sur cette affaire 2.
Quand à celle que j'ai écrite à Cideville 3, il est discret, et je lui ai bien recommandé de se taire . Je dis ici à tout le monde que la Destruction est d'un génie supérieur, et que cependant elle n'est pas de M. d'Alembert . Quoi qu'il en soit, les nez fins le flaireront à la première page . Tout l 'ouvrage sent l'Archimède Protagoras d'une lieue de loin . Qu'il dorme en paix, la nation le remerciera avant qu'il soit peu .
J'ai reçu le paquet que vous avez eu la bonté de m'envoyer . Je vous remercie tendrement malgré vous et vos dents, de toutes les bontés que vous avez pour moi .
Vous me mandez que Paris est ivre , on craint qu'ayant cuvé son vin, il ne lui reste une grande pesanteur de tête .
Je lirai L'Homme éclairé par ses besoins 4. J'ai grand besoin qu'on m'éclaire, et j'espère que le livre ne sera pas un amas de lieux communs . Un livre n'est excusable qu'autant qu'il apprend quelque chose .
Bonsoir, mon cher frère . Avant de finir, il faut que je vous demande quel cas on fait du Pyrrhonien raisonnable qu'on attribue au marquis d'Autrey 5. Pourquoi emploie-t-il toute la sagacité de son esprit à défendre la plus détestable des causes ? Pourquoi s'est-il déclaré contre Platon Diderot ? J'ai toujours été affligé qu'un certain ton d'enthousiasme et de hauteur ait attiré des ennemis à la raison . Sachons souffrir, résignons-nous, et surtout écr l'inf. »
1 Quarante maîtres des requêtes sont en train d'examiner le dossier d el'affaire Calas, et vont réhabiliter Jean Calas et sa famille le lendemain, trois ans jour pour jour après la condamnation à mort de Jean Calas .
2 Lettre du 1er mars 1765 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/05/14/on-vit-alors-que-s-il-y-a-de-grands-crimes-sur-la-terre-il-y-a-autant-de-ve.html
3 Lettre du 4 février 1765 à Cideville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/04/26/on-parle-a-paris-et-on-ne-pense-guere-la-journee-se-passe-en-futilites-on-n.html
4 De Jean Blanchet, 1764 : https://books.google.fr/books?id=otVcEpJEDVcC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
5 Henri-Jean-Baptiste Fabry de Moncault, comte d'Autrey : Le Pyrrhonien raisonnable, ou Méthode nouvelle, proposée aux incrédules par M. l'abbé de ***, 1765 ; voir : https://data.bnf.fr/fr/12074766/henri-jean-baptiste_fabry_de_moncault_autrey/
et https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6529152t.texteImage
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22/05/2020
c'est en Franche-Comté que sont les beaux hommes
... Natif de cette belle région , en toute modestie, je confirme .
« A Claude-Ignace Pajot de Vaux, Conseiller
maître en la Chambre des comptes de Dôle
Chevalier de saint-Louis
à Lons-le-Saunier
6è mars 1765 à Ferney
Que n'ai-je pu, monsieur, me trouver à l'arrivée du petit François dans ce monde ! et que je vous suis obligé de m'avoir donné part de l’heureux accouchement de madame votre femme ! Je me flatte que la santé de la mère et du fils sont excellentes, elle est faite ainsi que vous, pour donner de beaux enfants à la nation . On ne fait à la cour que des petites bamboches, c'est en Franche-Comté que sont les beaux hommes . Il n'y a pas d'apparence que je voie monsieur votre fils au sortir de son enfance ; ma vieillesse infirme me défend de l'espérer . J'aurais du moins voulu avoir la consolation de le voir dans son berceau . Je présente mes respects à la mère, et à ses deux maris .
V. »
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21/05/2020
C'est le chien de Diogène qui est attaqué de la rage
... Cette description conviendrait tout à fait en conclusion de la déclaration de Megan Rapinoe contre le Jean-foutre Donald Trump :
Tristement vrai
« A Etie-Noël Damilaville
6è mars 1765
Voici , mon cher frère, la réponse de l'oracle d'Epidaure . Il me paraît qu'il a raison dans tout ce qu'il vous dit . Vous serez de son avis sur Jean-Jacques . Il connait mieux que personne la méchanceté de ce misérable, dont le cœur est aussi mal fait que l'esprit . C'est le chien de Diogène qui est attaqué de la rage .
Ne songez à présent, mon cher frère, qu'à guérir vos amygdales ; conservez votre santé, elle est précieuse aux gens qui pensent, et surtout à moi qui attache une partie de mon existence à la vôtre .
Écr l'inf. »
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