26/02/2021
Allongez les trop courts, et rognez les trop longs, vous les trouverez tous fort bons
... A quoi pensez-vous , là, tout de suite ? Comme la dame s'adressant au régent ? Vous avez sans doute raison !
Peut-on en dire autant des discours télévisés de nos ministres ? J'en doute, mais compte tenu de l'esprit de contradiction français, c'est possible . Non ?
« A Jean-Benjamin de Laborde
4è novembre 1765 à Ferney 1
Savez-vous, monsieur, combien votre lettre me fait d’honneur et de plaisir ? Voici donc le temps où les morts ressuscitent. On vient de rendre la vie à je ne sais quelle Adélaïde, enterrée depuis plus de trente ans ; vous voulez en faire autant à Pandore ; il ne me manque plus que de me rajeunir : mais M. Tronchin ne fera pas ce miracle, et vous viendrez à bout du vôtre. Pandore n’est pas un bon ouvrage, mais il peut produire un beau spectacle, et une musique variée : il est plein de duos, de trios, et de chœurs . C’est d’ailleurs un opéra philosophique qui devrait être joué devant Bayle et Diderot ; il s’agit de l’origine du mal moral et du mal physique. Jupiter y joue d’ailleurs un assez indigne rôle ; il ne lui manque que deux tonneaux. Un assez médiocre musicien, nommé Royer, avait fait presque toute la musique de cette pièce bizarre 2, lorsqu’il s’avisa de mourir. Vous ne ressusciterez pas ce Royer, vous êtes plutôt homme à l’enterrer.
J’avoue, monsieur, qu’on commence à se lasser du récitatif de Lully, parce qu’on se lasse de tout, parce qu’on sait par cœur cette belle déclamation notée, parce qu’il y a peu d’acteurs qui sachent y mettre de l’âme ; mais cela n’empêche pas que cette déclamation ne soit le ton de la nature et la plus belle expression de notre langue. Ces récits m’ont toujours paru fort supérieurs à la psalmodie italienne ; et je suis comme le sénateur Pococurante 3, qui ne pouvait souffrir un châtré faisant, d’un air gauche, le rôle de César ou de Caton. L’opéra italien ne vit que d’ariettes et de fredons ; c’est le mérite des Romains d’aujourd’hui , la grand-messe et les opéras font leur gloire. Ils ont des faiseurs de doubles croches, au lieu de Cicérons et de Virgiles , leurs voix charmantes ravissent tout un auditoire en a, en e, en i, et en o.
Je suis persuadé, monsieur, qu’en unissant ensemble le mérite français et le mérite italien, autant que le génie de la langue le comporte, et en ne vous bornant pas au vain plaisir de la difficulté surmontée, vous pourrez faire un excellent ouvrage sur un très médiocre canevas. Il y a heureusement peu de récitatif dans les quatre premiers actes ; il paraît même se prêter aisément à être mesuré et coupé par des ariettes.
Au reste, si vous voulez vous amuser à mettre le péché originel en musique 4, vous sentez bien, monsieur, que vous serez le maître d’arranger le jardin d’Éden tout comme il vous plaira ; coupez, taillez mes bosquets à votre fantaisie, ne vous gênez sur rien. Je ne sais plus quelle dame de la cour, en écrivant en vers au duc d’Orléans régent, mit à la fin de sa lettre : « Allongez les trop courts, et rognez les trop longs, vous les trouverez tous fort bons. »
Vous écourterez donc, monsieur, tout ce qui vous plaira ; vous disposerez de tout. Le poète d’opéra doit être très humblement soumis au musicien ; vous n’aurez qu’à me donner vos ordres, et je les exécuterai comme je pourrai. Il est vrai que je suis vieux et malade, mais je ferai des efforts pour vous plaire, et pour vous mettre bien à votre aise.
Vous me faites un grand plaisir de me dire que vous aimez M. Thomas ; un homme de votre mérite doit sentir le sien. Il a une bien belle imagination guidée par la philosophie ; il pense fortement, il écrit de même. S’il ne voyageait pas actuellement avec Pierre-le-Grand 5, je le prierais d’animer Pandore de ce feu de Prométhée dont il a une si bonne provision ; mais la vôtre vous suffira . Le peu que j’en avais n’est plus que cendres -- soufflez dessus, et vous en ferez peut-être sortir encore quelques étincelles. Si j’avais autant de génie que j’ai de reconnaissance de vos bontés, je ressemblerais à l’auteur d’Armide 6 ou à celui de Castor et Pollux 7.
J’ai l’honneur d’être avec les sentiments les plus respectueux, monsieur, [...] »
1 Minute corrigée par V* . Dans la marge du haut de la quatrième page, V* a noté , sans doute en vue d'un remaniement ces indications, qui n'apparaissent que dans cette minute : « Question sur le récitatif de Pandore / 1er couplet / Peut-on répéter deux fois je vous appelle en vain ? On ne s'est pas encore avisé de ces répétitions . Il me semble qu'elles feraient un bon effet ./ Avant ce vers Oiseaux, tendres oiseaux, etc., ne peut-on pas faire entendre une symphonie imitative ? / Ne faut-il pas un grand temps entre les deux derniers vers ? / Ces répétitions, ces symphonies, ces repos ne rompent-ils pas heureusement l'uniformité du récitatif ? »
Laborde, premier valet de chambre du roi, a écrit à V* le 26 octobre 1765 pour lui demander la permission de mettre Pandore en musique .
Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Benjamin_de_La_Borde
3 Candide, chapitre XXV : https://fr.wikisource.org/wiki/Candide,_ou_l%E2%80%99Optimisme/Beuchot_1829/Chapitre_25
4 Avec Pandore .
5 Voir lettre du 22 septembre 1765 à Thomas : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/01/20/il-est-plaisant-qu-a-la-suite-d-un-ecrit-si-sublime-il-se-tr-6292186.html
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25/02/2021
Les vrais sauvages sont les ennemis des beaux-arts et de la philosophie ...La calomnie mérite bien le nom d’infâme que nous lui avons donné
... Ecrasons l'infâme !
http://ampelosophisme.over-blog.com/2018/03/je-ne-suis-pa...
« A Etienne-Noël Damilaville
4è novembre 1765
Mon cher frère, je ne suis pas étonné que les petits-maîtres de Paris choquent un peu le bon sens d’un philosophe tel que vous. Vous n’aviez pas besoin de Ferney pour détester les faux airs, la légèreté, la vanité, le mauvais goût. Votre Platon est sans doute revenu avec vous, et vous vous consolerez ensemble de l’importunité des gens frivoles. Le petit nombre des élus sera toujours celui des penseurs.
Je suis trop vieux, et je ne me porte pas assez bien pour aller faire un tour chez les Shavanois 1; mais je les respecte et je les aime. Je connaissais déjà la belle harangue de ce peuple vraiment policé aux Anglais de la Nouvelle-Angleterre, qui se disent policés. J’ai déjà même écrit 2 quelque chose à ce sujet qui m’a paru en valoir la peine. Les vrais sauvages sont les ennemis des beaux-arts et de la philosophie ; les vrais sauvages sont ceux qui veulent établir deux puissances ; les vrais sauvages sont les calomniateurs des gens de lettres. La calomnie mérite bien le nom d’infâme que nous lui avons donné . Avouez que vous l’avez trouvée bien infâme quand vous avez été témoin de ma vie philosophique et retirée, quand vous avez vu mon église, que je tiens pour aussi jolie, aussi bien recrépie, et aussi bien desservie que celle de Pompignan. Son frère, l’évêque du Puy, m’appelle impie, et voudrait me faire brûler, parce que j’ai trouvé les psaumes de Pompignan mauvais ; cela n’est pas juste, mais la vertu sera toujours persécutée.
Je crois que vous allez donner une nouvelle chaleur à la souscription en faveur des Calas. Les belles actions sont votre véritable emploi. Celui que la fortune vous a donné n’était pas fait pour votre belle âme.
J’ai pris la liberté de supplier l’électeur palatin d’ordonner à son ministre à Paris de souscrire pour plusieurs exemplaires 3 . Je vous supplie de vous informer si ses ordres sont exécutés. Il doit y avoir pour environ mille écus de souscriptions à Genève. J’en ai pour ma part quarante-neuf qui ont payé, et cinq qui n’ont pas payé. Vous pourrez faire prendre l’argent chez M. Delaleu quand il vous plaira.
M. le comte de La Tour du Pin m’écrivit sur-le-champ une lettre digne d’un brave militaire. Il m’ordonna de ne point rendre l’homme en question, sous quelque prétexte que ce pût être 4. Voilà comme il en faudrait user avec les persécuteurs de l’abominable espèce que vous connaissez.
On dit que Ce qui plaît aux Dames 5 a eu un grand succès à Fontainebleau. Il ne m’appartient pas, à mon âge, de me rengorger d’avoir fourni le canevas des divertissements de la cour ; mais je suis fort aise qu’elle se réjouisse, cela me prouve évidemment que monsieur le Dauphin n’est point en danger comme on le dit. J’ai peur qu’à la Saint-Martin le parlement et le clergé ne donnent leurs opéras-comiques, dont la musique sera probablement fort aigre ; mais la sagesse du roi a déjà calmé tant de querelles de ce genre que j’espère qu’il dissipera cet orage.
On m’a mandé qu’il paraissait un mandement d’un évêque grec 6 ; je ne sais si c’est une plaisanterie ou une vérité. Il me semble que les Grecs ne sont plus à la mode. Cela était bon du temps de M. et de Mme Dacier. Je fais plus de cas des confitures sèches que vous m’avez promis de m’envoyer par la diligence de Lyon ; je crois que les meilleures se trouvent chez Fréret 7, rue des Lombards. Pardon des petites libertés que je prends avec vous, mais vous savez que les dévots aiment les sucreries.
Je peux donc espérer que j’aurai, au mois de janvier, le gros ballot qu’on m’a promis 8, il me fera passer un hiver bien agréable ; mais cet hiver ne vaudra pourtant pas le mois d’été que vous m’avez donné. Il me semble qu’avec cette pacotille je pourrai avoir de quoi vivre sans recourir aux autres marchands, qui ne débitent que des drogues assez inutiles. Je sais fort bien aussi qu’il y a des drogues dans le gros magasin que j’attends, et que tout n’est pas des bons faiseurs ; mais le bon l’emportera tellement sur le mauvais qu’il faudra bien que les plus difficiles soient contents.
Tronchin m’a demandé aujourd’hui des nouvelles de votre gorge ; je me flatte que vous m’en apprendrez de bonnes. Ma santé est toujours bien faible, et les pluies dont nous sommes inondés ne la fortifient pas.
Adieu, mon vertueux ami ; soutenez la vertu, confondez la calomnie, et écrasez cette infâme. »
1 Savanais est le nom générique donné à l’époque aux Indiens vivant dans la région des Grands Lacs .
2 Dans la Philosophie de l'histoire, chapitre VII « Des sauvages » : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8618430t/f45.item
3 Dans la lettre à Collini du 4 octobre 1765 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/02/01/je-ne-me-sens-pas-dans-l-etat-ou-je-suis-assez-d-esprit-pour-6294672.html
4 Voir lettre du 7 octobre 1765 à Fabry : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/02/04/j-ose-vous-demander-votre-protection-monsieur-pour-ce-pauvre-6295456.html
5 La Fée Urgèle , pièce de Favart et Voisenon .
6 Voir lettre du 25 septembre 1765 à Cramer : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/01/22/aussi-bien-dans-le-comique-que-dans-le-tragique-6292671.html
7 A savoir les « manuscrits de Fréret », Lettre de Trasybule à Leucippe, voir lettre du 16 octobre 1765 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/02/13/y-a-t-il-rien-de-plus-tyrannique-par-exemple-que-d-oter-la-l-6297342.html
8 Les derniers volumes parus de l'Encyclopédie, tome VIII et suivants qui parviendront à Ferney en février 1766 .
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24/02/2021
Je ne peux m’imaginer que monsieur le Dauphin soit en danger, puisqu’on donne continuellement des fêtes
... Le prince consort Philip d'Edimbourg qui veut souffler sa nonante-neuvième bougie d'anniversaire , est dit dans un état inquiétant/récupérable, si les petits cochons microbes ne le mangent pas . Pas de Covid sous l'uniforme , ni de grippe aviaire ! Les médecins le disent hospitalisé pour "quelques jours" : voilà le genre de phrase qui me ferait frémir, elle sous-tend qu'il ne vous reste que quelques jours à vivre . Nous verrons , -et on peut le lui souhaiter-, s'il est plus vaillant que le Dauphin de France en 1765 . God save the queen's husband !
Je vous jure, Majesté, ce n'est pas une MST !
« A Henri-Louis Lekain Comédien
ordinaire du roi
près de la Comédie Française
à Paris
J’ai reçu, mon cher ami, votre lettre du 24 Octobre, et vous devez avoir reçu à présent, par M. d’Argental, tout ce que j’ai pu faire pour votre bretonne Adélaïde. Je ne l’ai pas actuellement sous les yeux . Les maçons et les charpentiers se sont emparés de ma maison, et mes vers m’ennuient.
Je vous prie de me mander si vous êtes actuellement bien employé à Fontainebleau, si Mlle Clairon y a paru, et si elle y paraîtra, si on a joué Gertrude 1, et Ce qui plaît aux Dames 2.
Je ne peux m’imaginer que monsieur le Dauphin soit en danger, puisqu’on donne continuellement des fêtes. Sa santé peut être altérée, mais ne doit point donner d’alarmes. Mandez-moi, je vous prie, s’il assiste au spectacle, et s’il a vu votre Adélaïde ; je dis la vôtre, car c’est vous seul qui l’avez ressuscitée.
Adieu, je vous embrasse, et je vous prie de me dire des nouvelles, si vous avez le temps d’écrire.
V.
1er novembre 1765 à Ferney.
Comme on allait porter ma lettre à Genève, j’ai retrouvé quelques lambeaux de cette Adélaïde, que j’ai si longtemps négligée.
1°/ Je suppose qu’on a rayé dans votre copie ces quatre vers du 3è acte :
Mais bientôt abusant de ma reconnaissance,
Et de ses vœux hardis écoutant l’espérance,
Il regarda mes jours, ma liberté, ma foi,
Comme un bien de conquête, et qui n’est plus à moi 3.
Ces quatre vers sont bons à être oubliés.
2°/ Je trouve, dans ce même troisième acte, à la dernière scène, ces vers dans un couplet de Coucy :
Faites au bien public servir votre disgrâce.
Eh bien ! rapprochez-les, unissez-vous à moi , etc.4
Ce dernier vers n'a pas de sens . Il faut que le copiste se soit trompé ; il doit y avoir,
Rapprochez les partis, unissez-vous à moi .
Je suppose qu’à la scène 5è et dernière du quatrième acte, vous tombez dans un fauteuil lorsque Coucy dit :
Il ne se connaît plus, il succombe à sa rage 5.
Voilà, mon cher ami, tout ce que je puis vous dire sur une pièce qui ne méritait pas l’honneur que vous lui avez fait.
Nous avons des pluies continuelles ; si la saison n’est pas plus belle à Fontainebleau, vos fêtes doivent être assez tristes.
2è novembre [1765] »
1 Voir lettre du 19 octobre 1765 à Voisenon : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/02/18/qui-est-un-des-deux-conservateurs-des-graces-de-la-gaiete-francaise.html
2 Inspirés par le conte de Voltaire, Favart et Voisenon ont écrit une comédie : La Fée Urgèle ou Ce qui plait aux dames, jouée à Fontainebleau le 26 octobre 1765, puis au Théâtre-Italien le 3 décembre 1765 . Voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b90674186.image
3Vers d'Adélaïde du Guesclin, ac. III, sc. 2, supprimés par la suite .
4 Ibid. ac. III, sc. 5 .
5 Cette indication scénique fut maintenue à l'ac. IV, sc. 5 de cette même pièce .
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23/02/2021
dans les campagnes ce ne sont pas toujours les plus vertueux et les plus sensés qui prédominent . Il y a quelques magistrats que l'esprit de parti a rendu ridiculement ennemis de la France
... Des noms ! des noms !
« Au prince Dmitri Mikhailovitch Golitsin
[vers le 1er novembre 1765]1
Monsieur,
J'ai trop d'obligations à Sa Majesté impériale, je lui suis trop respectueusement attaché pour ne pas l'avoir servie autant qu'il a dépendu de moi dans le dessein qu'elle a eu de faire venir dans son empire quelques femmes de Genève et du pays de Vaud pour enseigner la langue française à de jeunes filles de qualité à Moscou et à Petersbourg . C'est d'ailleurs un si grand honneur pour notre langue que j'aurais secondé cette entreprise quand même la reconnaissance ne m'en aurait pas imposé le devoir .
M. le comte de Shouvalow a déjà rendu compte à Votre Excellence de toute cette affaire, et de la manière dont le Petit Conseil de Genève a fait sortir de la ville M. le comte de Bulau 2, chargé des ordres de l'impératrice .
Je peux assurer à Votre Excellence que jamais il n'a été défendu à aucun Genevois ni à aucune Genevoise d'aller s'établir où bon leur semble . Ce droit naturel est une partie essentielle des droits de cette petite nation dont le gouvernement est démocratique . Il est vrai qu'il ne prétend pas qu'on fasse des recrues chez elle, et M. le duc de Choiseul même a eu la bonté de souffrir que les capitaines genevois au service de la France ne fissent point de recrues à Genève quoiqu’il fût très en droit de l'exiger .
Mais il y a une grande différence entre battre la caisse pour enrôler des soldats et accepter les conditions que demandent des femmes maîtresses d'elles-mêmes pour aller enseigner la jeunesse . Le Petit Conseil de Genève semble je l'avoue ne s'être conduit ni avec raison ni avec justice ni avec le profond respect que doivent des bourgeois de Genève à votre auguste impératrice . Mais Votre Excellence sait bien que dans les campagnes ce ne sont pas toujours les plus vertueux et les plus sensés qui prédominent . Il y a quelques magistrats que l'esprit de parti a rendu ridiculement ennemis de la France et de la Russie et qui faisaient des feux de joie à leurs maisons de campagne lorsque nos armes avaient été malheureuses dans le cours de la dernière guerre . Ce sont ces conseillers de ville qui ont forcé les autres à faire à M. de Bullau l'affront intolérable dont M. le comte de Shouvalow se plaint si justement .
Je ne me mêle en aucune manière des continuelles tracasseries qui divisent cette petite ville et sans avoir la moindre discussion avec personne je me suis borné dans cet éclat à témoigner à M. le comte de Shouvalow et à d'autres mon respect, ma reconnaissance et mon attachement pour S. M. l'impératrice . Ces sentiments gravés dans mon cœur seront toujours la règle de ma conduite . C'est ce que j'ai écrit en dernier lieu à un ami de M. le duc de Praslin, et c'est une protestation que je renouvelle entre vos mains . Les bontés que vous avez eues pour moi m'y autorisent.
J'ai l'honneur d'être avec respect
monsieur
de Votre Excellence
le. »
1 L'édition de Kehl suite aux hésitations de la copie Beaumarchais, date de « fin octobre 1765 » . Cette lettre a été écrite après réception d'une lettre de Schouvalov datée du 28 octobre 1765 . Une lettre de Golitsin, dont on conserve la trace, datée du 7 novembre 1765 constitue sans doute la réponse à la présente, d’où la date proposée .
Voir page 369, note 4 : https://www.persee.fr/doc/dhs_0070-6760_1990_num_22_1_1769
2 Voir lettre du 11 octobre 1765 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/02/07/il-me-semble-qu-il-est-encore-trop-jeune-pour-desirer-ce-repos-qui-doit-etr.html
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22/02/2021
Le bruit public est qu'il a été taillé en pièces par le peuple, et que le ministre a échappé ; c'est bien dommage
... Emmanuel Macron à la casse, Frédérique Vidal indemne ? Ou l'inverse ? On a vraiment trop de temps à perdre que de décortiquer les dires de nos ministres, même leurs vérités sont discutées, niées, il faut avouer qu'elles sont bien mal brêlées : https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/02/22/emman...
« A Gabriel Cramer
à Genève
[octobre-novembre 1765]
Monsieur Caro est supplié de vouloir bien se souvenir de Trasibule .
On attend la feuille d'Adélaïde .
S'il peut savoir le nom de mon Italien il me sauvera de l'impolitesse de ne point faire réponse . »
« A Gabriel Cramer
[octobre-novembre 1765]
Je ne sais aucun détail sur le bataillon de la garde wallonne . Le bruit public est qu'il a été taillé en pièces par le peuple, et que le ministre a échappé ; c'est bien dommage .
Si vous n'avez point trouvé de faute dans Adélaïde je vois que vous savez mieux l'orthographe que l'enfant .
Adieu mon cher Caro, je suis bien malingre . »
11:10 | Lien permanent | Commentaires (0)
mes paperasses que je ne sais plus où mettre
... Même si elles ont le défaut de prendre de la place, elles ont cela de bon d'être moins volatiles que toutes nos mémoires électroniques qui peuvent disparaitre irrémédiablement d'un clic mal placé, devenir illisibles car écrites avec un logiciel obsolète, piratées, inaccessibles pour cause de mot de passe oublié , etc.
Quoi qu'on die, vive le papier !
« A Gabriel Cramer
[octobre-novembre 1765]
Monsieur Caro sait combien je suis gêné chez moi par mes maçons et par mes menuisiers, et encore plus par mes paperasses que je ne sais plus où mettre . Il pourra n'être point surpris que j'aie égaré la lettre d'un philosophe italien qui m’envoya deux volumes in-4° 1 de sa façon il y a quelque temps . Ce fut monsieur Caro lui-même qui eut la bonté de me les faire tenir, et je pense qu'il savait le nom de l'auteur . S'il s'en souvient, je le supplie de vouloir bien m'en faire souvenir aussi . Je lui demande surtout la Lettre de Trasibule à Leucippe 2. Je l'embrasse lui et les siens du meilleur de mon âme . »
1 V* doit avoir reçu les Dissertazioni due de Spallanzani, dont la première est intitulée Saggio di osservazioni mocroscopiche concernenti il sistema della generazione de' signori di Needham, e Buffon . On retrouvera des souvenirs de cet ouvrage dans L'Homme aux quarante écus .
2 Voir lettre du 16 octobre 1765 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/02/13/y-a-t-il-rien-de-plus-tyrannique-par-exemple-que-d-oter-la-l-6297342.html
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21/02/2021
Si vous pouvez vous échapper quelques moments, et venir dîner à Ferney je regarderai cette bonté comme une grande grâce
... Invité à dîner, oui, cher ami, mais vous auriez pu venir avec une simple bonne bouteille, sans vous charger exagérément https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-al... !
J'ai dit "manger chez moi", pas "manger chinois" !
« A Pierre Lullin
Au château de Ferney 17è octobre 1765 1
Monsieur,
Je dois avoir l'honneur de vous faire part , aussi bien qu'au Conseil, des difficultés qu'un des commissaires nommés par le roi élève contre les droits de votre République . Il prétend que les lettres patentes de Henri IV enregistrées au parlement de Dijon, n’ayant été obtenues que sur les représentations de nos États de Gex, elles ne peuvent faire de loi pour les intérêts de la République . Je maintiens au contraire que ces lettres patentes ayant ordonné que tous les seigneurs jouiront de leurs anciennes prérogatives, la seigneurie qui en a toujours joui doit être maintenue dans un droit fondé d'ailleurs sur les traités .
Je me suis toujours fait, monsieur, un honneur et un devoir de marquer mon zèle pour le Conseil de Genève, et de le servir autant qu'il a dépendu de moi . Je vous prie de l'assurer que ce zèle ne s'est point refroidi, et qu'en toutes les occasions je lui témoignerai mon attachement respectueux . Ma santé, comme vous le savez, monsieur, ne me permet pas de sortir de chez moi . Si vous pouvez vous échapper quelques moments, et venir dîner à Ferney je regarderai cette bonté comme une grande grâce . J'aurai l’honneur de vous entretenir, et de vous marquer de vive voix, le respect et le dévouement avec lequel je serai toujours
monsieur
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
1 L'édition Eugène Ritter , « Lettres inédites de Voltaire », 1901, suggère comme destinataire François-Jean Turrettini, mais celui-ci est mort le 11 octobre, ses fonctions de premier syndic étaient alors assurées par André Gallatin . Pierre Lullin est le secrétaire du Conseil, et assez lié avec Voltaire pour expliquer le ton de cette lettre . De plus, dans une lettre à Jean-Pierre Crommelin, du 22 novembre 1765 , Lullin rend compte à celui-ci de « quelques conversations » qu'il a eues avec V*, à la suite d'une lettre reçue de lui « le 27 du mois dernier », et dont il cite même le second paragraphe, ce qui confirme l'identité du destinataire .
Voir : https://lumieres.unil.ch/fiches/bio/2915/
et https://www.geni.com/people/Francois-Turrettini/6000000028768120079
et https://gw.geneanet.org/rossellat?lang=en&p=jean+pierre&n=crommelin
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