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13/05/2020

je le crois malheureux à proportion de son orgueil ; c'est-à-dire qu'il est l'homme du monde le plus à plaindre

... Ami Volti, tu es trop gentil .

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

27è février 1765

Mon cher frère, j'ai encore oublié dans mes lettres de vous demander quel est l'honnête homme 1 qui veut avoir le recueil de mes bagatelles . Voulez-vous joindre à toutes vos bontés celle de me faire acheter un exemplaire chez l'enchanteur Merlin, et de mettre cette petite dépense sur le compte de ce que je vous dois ?

Je souhaite que la pièce de M. de Belloy soit aussi pathétique que le mémoire de M. de Beaumont . Ce serait bien là le cas de crier, l'auteur ! l’auteur ! Pour moi, si j’étais à l'audience quand on jugera les Calas je crierais, Beaumont ! Beaumont !

Voici un petit billet que j'ai l'honneur de lui écrire . Permettez que j'y ajoute ma réponse à M. Berger qui s'est avisé de m'écrire au bout de trente ans au sujet de mes prétendues Lettres secrètes . Dieu merci on les a renvoyées en Hollande .

Tous les honnêtes gens de Genève regardent Jean-Jacques comme un monstre . Pour moi je ne le regarde que comme un fou ; je le crois malheureux à proportion de son orgueil ; c'est-à-dire qu'il est l'homme du monde le plus à plaindre .

Bonsoir mon très cher frère . Écr l'inf . »

1C'est Jacques-André Naigeon, ainsi que nous l'apprend Damilaville dans sa lettre du 7 mars 1765 à V*.

Voir : https://data.bnf.fr/fr/12171115/jacques-andre_naigeon/

et : http://www.academie-francaise.fr/les-immortels/jacques-andre-naigeon

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques-Andr%C3%A9_Naigeon

12/05/2020

le tyran est toujours dans une colère à faire pouffer de rire

... Donald Trump correspond tout à fait au constat ci-dessus .

Trump Archives | Chappatte.com

https://www.huffingtonpost.fr/entry/trump-met-fin-aux-interviews-apres-avoir-ete-agace-par-deux-journalistes_fr_5eba3892c5b69011a5732a4d

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

27 février 1765

Mon cher ange, il y a des monstres, et ce Vergy est un des plus plats monstres qui aient jamais existé. Ses horribles impertinences sont déjà oubliées pour jamais. C’est le sort de tous ces malheureux qui se croient quelque chose, parce qu’ils ont appris à lire et à écrire, et qu’ils ne savent pas que la condition d’un honnête laquais est infiniment supérieure à leur état.

Je fais toujours d’humbles représentations au tyran du tripot. En vérité je commence à croire qu’il n’y a point d’autres fondements de vos querelles que la concurrence du pouvoir suprême. Il me paraît ulcéré de ce que je me suis adressé à vous, et non pas à lui, dans le temps que vous étiez à Paris et lui à Bordeaux. J’ai nié fortement, j’ai soutenu que j’avais envoyé à Grandval, sous son bon plaisir, les provisions des dignités comiques. Ce procès ne finit point ; le tyran est toujours dans une colère à faire pouffer de rire. Je soutiens mon bon droit avec une véhémence douloureuse et pathétique ; et je ne désespère pas qu’à la fin mon innocence ne l’emporte sur sa tyrannie.

Oserais-je vous supplier, mon divin ange, de dire à M. de Belloy combien je suis enchanté de son succès ? Vous souvenez-vous d’une mademoiselle de Choiseul qui, étant près de mourir, et ne pouvant plus coucher avec son amant, pria une de ses amies de coucher avec le sien en sa présence, afin de voir deux heureux avant sa mort ? Je suis à peu près dans ce cas ; je baisse à un point que cela fait pitié. J’ai actuellement chez moi, pour me ragaillardir, un jeune M. de Villette  qui sait tous les vers qu’on ait jamais faits, et qui en fait lui-même, qui chante, qui contrefait son prochain fort plaisamment, qui fait des contes, qui est pantomime, qui réjouirais jusqu’aux habitants de la triste Genève. Dieu m’a envoyé ce jeune homme pour me consoler dans mon dépérissement et pour égayer ma décrépitude. Le nombre d’originaux qui me passent par les mains est inconcevable. Quand je considère les montagnes de neige dont je suis environné de tous côtés, je n’imagine pas comment les gens aimables peuvent aborder. Voilà assurément une drôle de destinée.

Avouez-moi donc que madame d’Argental ne tousse plus. Tout le monde tousse dans mon pays. Nous sommes en Sibérie l’hiver, et à Naples l’été.

J’ai été bien attendri du mémoire d’Elie. J’espère que David paiera pour le parlement de Toulouse 1. Tous les David 2 m’ont toujours paru de méchantes gens. Savez-vous bien que j’ai encore sur les bras une aventure pareille  3? Mais comme on n’a été roué cette fois-ci qu’en effigie, et qu’il n’y a qu’une famille entière réduite à la dernière misère, cela ne vaut pas la peine qu’on en parle.

Je rends grâces à M. Marin d’avoir renvoyé mes secrets 4 en Hollande . Je crois que son respect pour vous n’y a pas peu contribué.

Mes divins anges, respect et tendresse.

Je crains toujours que mon maudit curé ne me joue quelque tour pour mes dîmes.

V.»

1 Voir lettre du 13 avril 1765 à Damilaville et  le rôle de David de Beaudrigue, capitoul de Toulouse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Calas

Voir aussi : http://www.justice.gouv.fr/histoire-et-patrimoine-10050/proces-historiques-10411/laffaire-calas-22774.html

et , pourquoi pas : https://www.persee.fr/doc/anami_0003-4398_1932_num_44_175_5145

2 Le roi David, les libraire David, le capitoul David, etc.

3 Élisabeth, une des filles de Pierre-Paul Sirven avait été remise entre les mains de Jean-Sébastien de Barral, évêque de Castres qui tenta par la violence de la convertir au catholicisme . Devenue folle, remise en liberté, elle fut plus tard retrouvée morte dans un puits le 4 janvier 1762 . Le précédent de l'affaire Calas jouant, les Sirven furent accusés du meurtre . Le père et la mère, née Antoinette Léger, furent condamnés à mort par contumace, et leurs filles à l'exil . Tous purent s'échapper, non sans peine, et trouvèrent refuge à Ferney . V* ne put obtenir leur réhabilitation qu'en 1767 ; voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Sirven

4 Marin en sa qualité de censeur a refusé la permission de débiter Les Lettres secrètes à Paris .

11/05/2020

je vous envoie le Campeador

... Christophe Castaner ?

Non, il vient d'être battu à plate-couture par Blanquer qui est à cette heure le king de la déclaration qui tue :« Plus de risque à rester chez soi que d’aller à l’école » .

Je n'ai qu'un mot "Gé - nial !", deux mois de confinement pour entendre  ça ! On a coupé des têtes pour les propos plus bénins . Et dire que sa paye sera malgré tout intacte ! Qu'y a-t-il dans le crâne de ce bonhomme ? du yaourt ? un conno-virus ?

Si je le crois, et si je veux sauver ma peau, je n'ai donc plus qu'une voie de salut, reprendre le chemin de Mat' sup', sans masque, sous la bienveillante direction d'un maître ou, de préférence, l'affectueuse protection d'une maîtresse : le rêve, pour survivre sain de corps sinon d'esprit . Je ne vous/me retiens pas plus longtemps, je boucle mon cartable et ma boîte à casse-croûte, et j'y vais .

Rentrée scolaire, Blanquer veut développer le recrutement ciblé ...

"Mon Dieu, faites qu'ils me croient, faites qu'ils me croient, faites qu'ils me croient, sinon ...."

 

 

« A Henri Rieu

26 février [1765]

Mon cher corsaire, je vous envoie le Campeador 1. Voici une petite note pour Michel Rey . Je vous supplie de vouloir bien la lui envoyer et de lui recommander pour son intérêt d'imprimer ce Dictionnaire portatif 2 dont vous lui communiquez l’errata . Quand verrons-nous mon cher corsaire ? Mille respects à toute la famille .

V. »

1 Le Cid , mais dans quelle version ?

2 On ne connait pas d'édition Rey du Dictionnaire philosophique .

Il est bien étrange que ce qui est dans mon cœur ne se soit pas trouvé au bout de ma plume

... Timidité maladive !

Cinq mille et unième note mise en ligne ; merci Voltaire .

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Passé et à venir

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

25è février 1765 1

J'ai peur, mon cher frère, de ne vous avoir pas remercié de la bonté que vous avez eue de me faire avoir tant de livres , et de vous charger encore du paquet pour l'Académie . Il est bien étrange que ce qui est dans mon cœur ne se soit pas trouvé au bout de ma plume . M. Blin de Sainmore me parle d'une édition de Racine avec des commentaires, qu'on entreprend par souscriptions . On ne me dit point quel est l'auteur de ces commentaires, mais je souscris aveuglément .

Permettez que j'insère ici une petite lettre pour M. Blin de Sainmore 2, qui viendra, ou enverra chez vous recevoir l'argent de la souscription .

Voulez-vous bien souffrir aussi que je vous adresse ce petit billet pour Briasson ? Je me flatte qu'enfin mes espérances ne seront pas trompées, et que je ne mourrai pas sans avoir vu paraître l'Encyclopédie . Il me semble qu'il sera aisé d'envoyer l'ouvrage sans bruit à chaque souscripteur, et de tromper l’avarice et la persécution .

On dit que Fréron est au Fort-l'Evêque, si cela est absolvit nunc poena deos 3.

J'apprends que la pièce de mon ami de Belloy 4 a beaucoup de succès . Mais surtout, mon cher frère écr l'inf . »

1 L'édition de Kehl à la suite de la copie Beaumarchais fond l'ensemble des fragments déformés de cette lettre et des lettres du 27 février et du 1er mars 1765, le tout daté 27 février 1765 ; voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/09/correspondance-annee-1765-partie-6.html

3 Il a par son châtiment payé sa dette envers les dieux.

10/05/2020

je doute que le public ne sachant pas de qui seront les remarques favorise beaucoup cette entreprise

... qu'est la prolongation de l'état d'urgence sanitaire voulue par le gouvernement et discutée avec le pinaillage habituel des députés et sénateurs

https://www.20minutes.fr/societe/2775763-20200509-coronavirus-deputes-senateurs-trouvent-accord-prolongation-etat-urgence-sanitaire

La rhétorique de l'urgence | Cairn.info

 

Quand il faut savoir de quoi on parle :https://www.cairn.info/revue-lettre-de-l-enfance-et-de-l-...

 

 

« A Adrien-Michel-Hyacinthe Blin de Sainmore

près des Capucins

à Paris 1

Je souscris avec bien moins de plaisir, monsieur, si ce n'est pas vous qui vous chargez des commentaires sur Racine . Vous pouvez envoyer chercher chez M. Damilaville, l'argent qu'il faut pour souscrire . Il a la bonté de vouloir bien me rendre ce petit service, et il recevra la quittance . L’intérêt que vous prenez à cette édition me fait présumer qu'il y aura au moins quelque chose de votre façon , mais je doute que le public ne sachant pas de qui seront les remarques favorise beaucoup cette entreprise à laquelle je souhaite beaucoup de succès .

J’ai l'honneur d'être bien véritablement, monsieur , votre très humble et très obéissant serviteur

V.

25è février 1765 à Ferney. »

1 L'adresse est complétée d'une autre main, « chez M. Borda fermier-général ».

09/05/2020

il y a dans la plupart des jeunes officiers français plus de bonne volonté que de sagesse

... Qu'on ne se méprenne pas, ici ce n'est pas un reproche, juste un constat . Sagesse et bonne volonté demandent effectivement du temps pour aller de pair .

Uniformes TDM AR - La Sabretache

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

Mes divins anges ; je vis il y a quelques jours, une lettre de l'un de vous deux entre les mains de Mme Denis . Cette lettre, qui d'ailleurs est dans le goût de Mme de Sévigné, ne contient pas une approbation entière de mes déportements concernant mon théâtre et les Délices . Mais considérez , je vous prie, que je suis, quoi qu'on die 1, dans ma soixante et douzième année, que Mme Denis a commencé sa cinquante-sixième, et qu'à cet âge, il faudrait avoir le diable au corps pour jouer la comédie . Il me semble qu'il faut savoir vieillir, et que les fleurs du printemps ne sont pas faites pour l'hiver .

À l'égard des Délices, je ne peux m'attacher à une maison qui après moi n'appartiendrait pas aux miens . Je deviens d'ailleurs tous le jours si faible que c'est une fatigue pour moi de sortir de Ferney . Ce n'est pas la peine d'avoir deux maisons quand une suffit . Je resserre tous les jours mes désirs . Je n'ai plus en vérité qu'un seul regret, c'est de mourir sans vous revoir .

J'ai reçu une lettre de M. Berger, qui m'a paru cachetée avec vos armes , ou du moins quelque chose d'approchant . J'ai soupçonné qu'il l'avait écrite chez vous ; il ne m'instruit point de sa demeure . Permettez que je vous adresse ma réponse 2, et que je vous supplie de la lui faire tenir, supposé que vous découvriez le logement de ce Berger ; je vous demande pardon de la liberté grande 3.

On me mande beaucoup de bien du Siège de Calais 4. Il me semble que vous devez vous intéresser à ce succès . N'y a-t-il pas un roman du Siège de Calais qui vous plaisait beaucoup ?

Nous avons ici M. de Villette 5. Quelle est donc son aventure ? Il dit qu'il a été emprisonné et exilé, pour avoir fait semblant de tuer un homme . Que serait-ce donc s'il l’avait tué effectivement ?

On nous dit que Fréron est au Fort-l'Evêque 6, et La Harpe à Bicêtre 7. Voilà le Parnasse plaisamment logé ! Passe encore pour Fréron, mais je plains le pauvre La Harpe .

Je me flatte que ma nièce Florian aura l’honneur de venir prendre vos ordres avant d'entreprendre le voyage de Ferney . Je fais bâtir de nouvelles cellules pour les recevoir dans mon couvent . Si vous aviez jamais pu venir à Lyon, et de là à Ferney, j'aurais certainement conservé mon théâtre .

Je baise toujours bien dévotement le bout des ailes de mes anges .

 

25è février 1765

 

Il est vrai que j'ai pris la liberté d'écrire à Mme la duchesse de Gramont 8, et de demander une compagnie de dragons pour M. Dupuits quand son tour viendra d'être placé . Il a dix ans de service tout jeune qu'il est, c'est un officier très sage et plein de bonne volonté , et il y a dans la plupart des jeunes officiers français plus de bonne volonté que de sagesse . »

1 Les Femmes savantes, III, 2, vers 772 , Molière : http://www.toutmoliere.net/acte-3,405429.html#scene_ii

4 Sur Le Siège de Calais, « nouvelle historique » de Mme de Tencin et de Pont-de-Veyle, voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Claudine_Gu%C3%A9rin_de_Tencin

5 Villette a été emprisonné six mois à Strasbourg pour des raisons obscures, sans doute à l'instigation de son père qui il a extorqué une forte somme, prétendant voir commis un meurtre .

6 A la suite d'une violente attaque contre Mlle Clairon publiée dans l'année littéraire, I, 120, de 1765, Fréron n'a échappé que de peu à l'emprisonnement, et a dû présenter des excuses à l'actrice, dans le numéro du 9 mars 1765 .

7 Ce bruit n'est pas fondé .

08/05/2020

l’auteur de l’Année littéraire a fait usage de ces lettres ; mais vous ne me dites pas quel usage, et si c’est celui qu’on fait ordinairement de ses feuilles... je n’ai jamais lu l’Année littéraire, et ... je suis trop propre pour en faire usage

... Je ne vous ferai pas un dessin, mais l'entrée en confinement récente et la ruée sur le papier toilette conséquente m'ont rappelé l'usage et le recyclage qu'on faisait du papier journal il n'y a pas si longtemps , dans la "cabane au fond du jardin" . Ainsi méritent de finir les paperasses des "attestations etc." à condition toutefois, pour les modernes fesses délicates, qu'elles ne soient pas imprimées sur du papier supérieur à 90g .

Pour rester raccord, rendons à Rabelais etc. : https://www.point-fort.com/index.php/post/2012/12/07/908-le-torchecul-de-rabelais

 

 

 

« A Berger 1

25è février 1765 au château de Ferney 2

J’ai été touché, monsieur, de votre lettre du 12è février. On m’a dit que vous êtes dévot ; cependant je vous vois de la sensibilité et de l’honnêteté.

Vous m’apprenez que vous avez été taillé de la pierre, il y a douze ans ; je vous félicite de vivre si vous trouvez la vie plaisante. J’ai toujours été affligé que, dans le meilleur des mondes possibles, il y eût des cailloux dans les vessies, attendu que les vessies ne sont pas plus faites pour être des carrières que des lanternes ; mais je me suis toujours soumis à la Providence. Je n’ai point été taillé ; mais j’ai eu et j’ai ma bonne dose de mal en autre monnaie ; chacun la sienne : il faut savoir mourir et souffrir de toutes façons.

Vous me mandez qu’on a imprimé je ne sais quelles lettres 3 que je vous écrivis il y a plus de trente années . Vous m’apprenez qu’elles étaient tombées entre les mains d’un nommé Vauger 4, qui n’en peut répondre, attendu qu’il est mort 5. Si ces lettres ont été son seul héritage, je conseille aux hoirs de renoncer à la succession. J’ai lu ce recueil, je m’y suis ennuyé ; mais j’ai assez de mémoire, dans ma soixante et douzième année, pour assurer qu’il n’y a pas une seule de ces lettres qui ne soit falsifiée. Je défie tous les Vauger, morts ou vivants, et tous les éditeurs de rapsodies, de montrer une seule page de ma main qui soit conforme à ce que l’on a eu la sottise d’imprimer.

Il y a environ cinquante ans qu’on est en possession de se servir de mon nom. Je suis bien aise qu’il ait fait gagner quelque chose à de pauvres diables . Il faut que le pauvre diable vive ; mais il faudrait au moins qu’il me consultât pour gagner son argent plus honnêtement.

Vous m’apprenez, monsieur, que l’auteur de l’Année littéraire a fait usage de ces lettres 6; mais vous ne me dites pas quel usage, et si c’est celui qu’on fait ordinairement de ses feuilles. Tout ce que je peux vous répondre, c’est que je n’ai jamais lu l’Année littéraire, et que je suis trop propre pour en faire usage.

Vous craignez que l’impression de ces chiffons ne me fasse mourir de chagrin. Rassurez-vous : j’ai de bons parents qui ne m’abandonnent pas dans ma vieillesse décrépite. Mlle Corneille, bien mariée, et devenue ma fille, a grand soin de moi. J’ai dans ma maison un jésuite qui me donne des leçons de patience ; car si j’ai haï les jésuites lorsqu’ils étaient puissants et un peu insolents, je les aime quand ils sont humiliés. Je ne vois d’ailleurs que des gens heureux : cela ragaillardit. Mes paysans sont tous à leur aise : ils ne voient jamais d’huissiers avec des contraintes. J’ai bâti, comme M. de Pompignan, une jolie église où je prie Dieu pour sa conversion et celle de Catherin Fréron. Je le prie aussi qu’il vous inspire la discrétion de ne plus laisser prendre de copies infidèles des lettres qu’on vous écrit. Portez-vous bien. Si je suis vieux, vous n’êtes pas jeune. Je vous pardonne de tout mon cœur votre faiblesse, j’ai pardonné dans d’autres jusqu’à l’ingratitude ; il n’y a que la méchanceté orgueilleuse et hypocrite qui m’a quelquefois ému la bile ; mais à présent rien ne me fait de la peine que les mauvais vers qu’on m’envoie quelquefois de Paris.

J’ai l’honneur d’être, comme il y a trente ans, monsieur, votre, etc. »

1 Copie par Wagnière ; édition Nouveaux mélanges philosophiques, historiques , critiques, etc., etc., 1768 . La copie de Wagnière a été faite en vue de l'édition susdite, et comporte sans doute pour cette raison, deux corrections de V* . La lettre de Berger n'est pas connue . Berger est un ancien correspondant de V* depuis 1736 : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1736/Lettre_667

et : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1736/Lettre_683

et : http://jp.rameau.free.fr/voltaire-lettrepan.htm

2 V* a remplacé cette mention, par aux Délices, on se demande pourquoi .

3 V* a ajouté ici, au-dessus de la ligne, en Hollande .

4 Ce Vauger disposait en effet de nombre de pièces de V* ou attribuées à V*, en manuscrit . Il en fait état dans une lettre du 22 août 1755 à un nommé Jean-Nicolas Douville, conservée dans les archives Suard sous forme d'une copie par Suard . La liste même de ces pièces diverses est également conservée mais elle ne comporte pas les lettres à Berger . Voir aussi : https://books.google.fr/books?id=rTYHAAAAQAAJ&pg=PA229&lpg=PA229&dq=berger+voltaire&source=bl&ots=Bks1450Ez4&sig=ACfU3U2mLBKtgjJvADGpRmFYXKF3p66Azw&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjHm5WIzqPpAhXEzoUKHaarBVEQ6AEwEnoECBcQAQ#v=onepage&q=berger%20voltaire&f=false

5 D'après Suard, Vauger serait mort « quelques années après » 1755.

6 Dans l'Année littéraire, du 4 janvier 1765, Fréron donne un compte-rendu des Lettres secrètes, dont il profite pour évoquer les querelles de V* avec J.-J. Rousseau, Desfontaines et Saint-Hyacinthe .