24/06/2020
Oserai-je vous dire, monsieur, que c'est quelquefois un grand bonheur d’avoir fait quelques fautes dans sa jeunesse ? On en connait mieux le prix de ses devoirs
... Remarquable !
« A Pierre Charles, marquis du Plessis-Villette 1
Au château de Ferney par Genève,
22 mars 1765
Ayant l'honneur, monsieur, de posséder monsieur votre fils dans ma chaumière au pied des Alpes, j'ai cru que vous trouveriez bon que je saisisse cette occasion de vous faire souvenir de moi . Je croirais manquer à mon devoir si je ne vous disais pas combien monsieur votre fils m'a paru pénétré pour vous de la tendresse respectueuse qu'il vous doit . J'ai été charmé de trouver tous les sentiments honnêtes dans son cœur avec le mérite et les grâces de son esprit . J'ai peut-être abusé un peu du privilège de ma vieillesse en prenant la liberté de lui parler de la faute qu'il a pu commettre, mais il m'a prévenu, et plus il la sent et moins vous la sentirez .
Il se dit assez que vos bontés pour lui, sa place, cette aventure même, exigent de lui la conduite la plus sage. Il a trop de bonnes qualités pour ne les avoir pas toutes . Oserai-je vous dire, monsieur, que c'est quelquefois un grand bonheur d’avoir fait quelques fautes dans sa jeunesse ? On en connait mieux le prix de ses devoirs . Le premier de tous est de mériter les bontés et la tendresse d'un père tel que vous, et j'oserais vous répondre que c'est un devoir qui ne lui coûtera jamais d'effort . Le fond de son caractère qui répond à ses dehors aimables m’annonce le plaisir que vous aurez de le revoir et la douleur que j’aurai de le perdre .
Je vous souhaite une santé affermie et une vie aussi longue qu'elle doit être heureuse .
J'ai l'honneur d'être avec les plus respectueux sentiments, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
1 Père de Charles Michel .
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23/06/2020
Oserons-nous vous supplier de nous procurer trois invalides capables de travailler la terre ?
...Si Voltaire avait dû faire appel à Pôle Emploi, on l'aurait sans doute envoyé sur les roses, tant ce service public est bancal : https://www.leparisien.fr/economie/emploi/a-rennes-le-con...
Les trois invalides ?
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ordre_royal_et_militaire_de_Saint-Louis
https://fr.wikipedia.org/wiki/Fort_l%27%C3%89cluse
« A Thomas de Prosses, Chevalier de
Saint-Louis, Commandant du fort de l’Écluse
Au fort de l’Écluse
Au château de Ferney 22è mars 1765
Monsieur, nous avons recours à vos bontés Mme Denis et moi . Oserons-nous vous supplier de nous procurer trois invalides capables de travailler la terre ?1 On les couchera, on les nourrira, on leur donnera du vin et sept sous par jour jusqu'à la fin de l'automne . Si cela est praticable nous vous aurons une grande obligation . Nous présentons nos hommages à madame de Prosses .
J'ai l'honneur d'être avec les sentiments les plus respectueux
monsieur
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
1 Au début du XVIIIe siècle, plusieurs compagnies françaises de soldats invalides et une compagnie irlandaise étaient détachées en garnison dans ce fort.
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je ne doute pas que vous n'ayez la bonté de m'envoyer ces pièces nécessaires en me faisant toucher le premier quartier aux premiers jours d’avril
... Hélas, hélas, point de pièces et par conséquent point de premier quartier en avril, confinement forcé oblige . La valse des milliards peut continuer, je ne serai jamais dans l'orchestre , et faute de partenaire n'aurai qu'à lire la partition et compter les fausses notes, inévitables .
« A François-Louis Jeanmaire
Receveur des domaines de S.A.S. M. le duc de Virtemberg
à Montbéliard
22è mars 1765 à Ferney 1
Monsieur le comte de Montmartin m'ayant fait l’honneur monsieur de me mander que vous me ferez tenir de sa part la ratification de Mgr le duc de Virtemberg et celle de la chambre de Montbéliard je ne doute pas que vous n'ayez la bonté de m'envoyer ces pièces nécessaires en me faisant toucher le premier quartier aux premiers jours d’avril , et en voulant bien m'avertir de quelle voie vous vous servez . Je vous aurai beaucoup d'obligation si vous présentez mes respects à M. le comte de Montmartin . J'ai l'honneur d'être bien véritablement
monsieur
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
1 Un décalque de l'original existe à la Bibliothèque nationale . Le corps de la lettre est de la main de V*, la date de celle de Wagnière, et l'adresse d'une troisième main.
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22/06/2020
les dents des fripons doivent grincer
...
« A Etienne-Noël Damilaville
12è [22è] mars 1765 1
Mon cher frère, votre belle âme, et celle de votre digne ami M. de Beaumont, veulent donc tirer de l'abîme les Sirven comme elles en ont tiré les Calas . Voici le mémoire des Sirven avec la copie des pièces . Il faudra dresser une statue à M. de Beaumont avec le fanatisme et la calomnie sous ses pieds . Il faut que j'aie votre portrait pour le mettre dans ce groupe .
J'ai reçu la lettre imprimée, les gens de bien doivent en être contents , et par conséquent les dents des fripons doivent grincer . Mes bras s'étendent à cent lieues pour vous embrasser, et mon cœur se joint au vôtre . »
1 La date portée sur le manuscrit , copie de Wagnière, est impossible car la présente lettre doit suivre de peu celle du 20 mars 1765 au même . L'erreur doit s'expliquer par une faute de lecture .
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21/06/2020
Je reste au coin de mon lit, et j'adoucis le mal en souffrant tranquillement
... Voltaire n'a pas attendu que le gouvernement lui dise de rester confiné en cas d'épidémie . Pas de Pr Raoult, pas de chloroquine/hydroxychloroquine, juste du régime et de la patience . Bel exemple .
La plus touchante image de Voltaire, la plus discrète aussi .
« A Théodore Tronchin
21è mars [1765] 1
Mon cher Esculape ne me répond point sur l'emplâtre grand ou petit que mon frère Damilaville doit mettre sur sa gorge . Je me doute bien que cela ne vaut pas la peine de vous importuner .
J'ai pris la liberté de répondre à frère Damilaville qu'il pouvait mettre un petit emplâtre si un grand l'incommodait, et que régime valait mieux qu'emplâtre . Ai-je bien fait, mon maître ? Je comptais avoir l'honneur de vous embrasser aujourd'hui, mais l'épidémie du mal de gorge s'est emparée de moi . Je reste au coin de mon lit, et j'adoucis le mal en souffrant tranquillement . »
1 L'édition Cayrol place cette lettre en 1758 ; Moland a corrigé cette erreur .
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20/06/2020
Ma nièce croit que c'était une plaisanterie
... Mais non . Plus d'un milliard de pages de spam émises chaque heure du jour et de la nuit . C'est invraisemblable mais pourtant vrai, Google les a comptées : https://www.abondance.com/20200610-42976-google-decouvre-25-milliards-de-pages-de-spam-chaque-jour.html
Plus de trois pages par jour et par humain répertorié sur notre globule ! Et pendant ce temps-là, plus de huit cent millions de nos semblables n'ont toujours pas d'eau potable . Que ne pourrait-on pas faire de bien en ne gaspillant pas une énergie fabuleuse à diffuser ces put**** de spams ?
« A Jean-Robert Tronchin Fermier
général
à Paris
21 mars [1765] à Ferney
Mme Denis, monsieur , a consommé aujourd'hui l'affaire des Délices avec monsieur votre frère . Un violent mal de gorge m'a privé de cette séance à laquelle d'ailleurs je n'étais pas bien nécessaire, rien ne m’appartenant plus dans ce monde que l'amitié ; j’avais seulement prié ma nièce de faire tout ce que voudrait monsieur votre frère . Il n’y a pas eu la moindre ombre de difficulté et je n'ai pu concevoir comment M. Labat avait imaginé d'en susciter . Ma nièce croit que c'était une plaisanterie . Vous voila possesseur des Délices mais vous n'en jouirez guère, il n’y a pas d'apparence que vous quitterez jamais Paris pour Genève . Je m'intéresse toujours à la tranquillité de votre patrie . J'espère que Jean-Jacques Rousseau ne la troublera pas . Il a eu un moment l'espérance de la mettre en combustion . Voilà je vous l'avoue un plaisant philosophe . Adieu monsieur je vous suis attaché pour la vie .
Votre très humble et très obéissant serviteur
V. »
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19/06/2020
Je sais bien mauvais gré, mon cher ami, à l’épidémie des maux de gorge, qui jointe à mes fluxions sur les yeux, me met hors d'état de vous embrasser aujourd’hui
... A une pathologie près, je suis comme toi mon cher Volti .
Un mètre, un mètre cinquante, deux mètres, quatre mètres-carrés, masque, gel hydro-alcoolique , bien malin celui qui, le double-mètre d'une main et le flacon de l'autre, peut embrasser ou être embrassé . Nous sommes tous des pestiférés en puissance , selon la police ; tous d'une innocuité remarquable et d'une immunité innée selon les démasqués . Covid-19 fera le tri !
« A François Tronchin
Conseiller d’État
à Genève
A Ferney 21è mars 1765
Je sais bien mauvais gré, mon cher ami, à l’épidémie des maux de gorge, qui jointe à mes fluxions sur les yeux, me met hors d'état de vous embrasser aujourd’hui comme je l'espérais . Il a fallu me borner à donner à Mme Denis une procuration . Elle signera tout ce que vous voudrez qu'on signe ; elle est comme moi à vos ordres ; je me faisais une fête de ce dîner dans lequel j'aurais renouvelé à tout ce qui porte votre nom, mon tendre et respectueux attachement . Vos bontés me consolent de tous les maux que la nature me fait souffrir . Je vous embrasse bien tendrement .
V. »
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