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16/10/2023

Il faut tout à des femmes

... Et autant à des hommes .

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CQFD

 

« A Louis- François-Armand du Plessis, duc de Richelieu

1er mars [1768] à Ferney 1

Vous avez daigné, monseigneur, faire une petite visite à Ferney. Mme Denis part pour vous la rendre. Sa santé est déplorable, et il n'y a plus à Genève ni médecin qu'on puisse consulter, ni aucun secours qu'on puisse attendre . D'ailleurs, vingt ans d'absence ont dérangé ma fortune, et n'ont pas accommodé la sienne. Ma fille adoptive Corneille l'accompagne à Paris, où elle verra massacrer les pièces de son grand-oncle; pour moi, je reste dans mon désert; il faut bien qu'il y ait 2 qui prenne soin du ménage de campagne . C'est ma consolation. J'en éprouverais une plus flatteuse si je pouvais vous faire ma cour; mais c'est un bonheur auquel je ne puis prétendre, et la vie de Paris ne convient ni à mon âge, ni à mes maladies, ni aux circonstances où je me trouve. Je serai très affligé de mourir sans avoir pris congé de vous. Je me regarde déjà comme un homme mort, quoique j'aie égayé mon agonie autant que je l'ai pu. Non-seulement je vous dis un adieu éternel quand vous honorâtes ma retraite de votre présence, mais j'ai toujours eu depuis le chagrin de ne pouvoir vous écrire que des choses vagues. La douceur d'ouvrir son cœur est aujourd'hui interdite. J'ai respecté les entraves qu'on met à la liberté de s'expliquer par lettres . Je n'ai pu que vous ennuyer. J'aurais désiré faire un petit voyage à Bordeaux, et vous contempler dans votre gloire mais c'est encore un plaisir auquel il faut que je renonce. Me voilà donc mort et enterré.

La bonté que vous avez de faire payer ce qui m'est dû de ma rente sera tout entière pour Mme Denis et pour Mme Dupuits. Il faut tout à des femmes, et rien à un vieux solitaire. Je ne me suis pas même réservé de chevaux pour me promener. Si j'étais seul, je n'aurais besoin de rien. Je vous remercie au nom de Mme Denis, qui bientôt vous remerciera elle-même, et vous présentera mes hommages, mon attachement inviolable, et mon respect.

V.»

1 L'édition de Kehl complète à tort la date par l'année 1767 .

2 Ici, V* a tourné la page et sans doute omis à cette occasion le mot quelqu'un . Pourtant à la rigueur, le texte peut être conservé tel quel, avec le même sens .

Je me trouve dans un état forcé ; et dans un abîme dont je ne pourrais sortir sans les arrangements que vous voulez bien prendre

... Ainsi pense, et dit le chef de l'ONU Antonio Guterres à Netanyahu ou inversement ? https://www.bfmtv.com/international/moyen-orient/israel/g...

 

 

 

« Au Conseil suprême de Montbéliard

Messieurs,

Le sieur Jacquelot vient de me signer une promesse d'attendre jusqu'au 20 mars les billets de Son Altesse Sérénissime . J'ai eu beaucoup de peine à l’y déterminer . Il n'y a rien que je ne fasse pour témoigner à Mgr le duc de Virtemberg mon extrême envie de lui plaire . Je me trouve dans un état forcé ; et dans un abîme dont je ne pourrais sortir sans les arrangements que vous voulez bien prendre . J'attends les délégations et les billets, moyennant quoi vous vous trouverez déchargés et moi aussi, du fardeau le plus embarrassant . Si j'étais seul, soyez bien persuadés, messieurs, que je ne vous importunerais pas ; mais j'ai une famille nombreuse qui n'a pour vivre que les rentes en question .

J’ai l’honneur d'être, avec tous les sentiments que je vous dois,

messieurs,

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire.

1er mars 1768 à Ferney. »

crie[r] en vain vengeance contre ses assassins

... Nous en sommes là de nos jours ensanglantés .

 

 

« A François-Louis-Henri Leriche

1er mars 1768

Après la malheureuse aventure, mon cher monsieur, de deux paquets contenant, dit-on, des livres de Genève, il n'est rien que l'insolente inquisition de certaines gens ne se soit permis contre les lois du royaume. Je sais très certainement que mes paquets ne sont point ouverts aux autres bureaux des postes et M. Jeannel, maître absolu dans ce département, a pour moi des attentions dont je ne puis trop me louer. J'ignore absolument ce que les deux paquets adressés à monsieur l'intendant et à M. Éthis, impudemment saisis à Saint-Claude, pouvaient contenir. J'ignore qui les portait et qui les envoyait. Je n'ai nul commerce avec Genève, et il y a près de six mois que je suis à peine sorti de mon lit. Tout ce que je sais, c'est que cette affaire a eu des suites infiniment désagréables, et que ceux qui ont abusé ainsi du nom de monsieur l'intendant ont commis une imprudence très dangereuse.

Le premier président du parlement de Douai a servi Fantet 1 comme s'il avait été son avocat . Il lui était recommandé par un ami intime.

Vous avez lu sans doute le mandement de l'archevêque de Paris contre Bélisaire; voici un petit imprimé 2 qu'on m'envoie de Lyon à ce sujet.

Il se fait une très grande révolution dans les esprits, en Italie et en Espagne. Le Nord entier secoue les chaînes du fanatisme, mais l'ombre du chevalier de La Barre crie en vain vengeance contre ses assassins.

Je vous embrasse, etc. »

15/10/2023

vos confrères feront bien mieux d'obtenir la suppression de tous ces offices ridicules qui ruinent l’État, et qui le déshonorent

... Voir le rapport de la Cour des Comptes : https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc...

 

 

« A Alexandre-Marie-François de Paule de Dompierre d'Hornoy

1er mars 1768 1

Mon cher magistrat, maman, Mme Dupuits feront bientôt ce que je voudrais faire, elles vous embrasseront . Il faut absolument que maman passe quelque temps à Paris pour ses gencives qui sont dans un état menaçant et il faudra que j'aille moi-même mettre un ordre invariable dans mes affaires avec M. le duc de Virtemberg, qui ne me devra jamais douze années comme les maréchaux de France .

Je vous prierai de partager entre elle et moi tout ce que me doit M. le maréchal de Richelieu qui se monte à 27425 livres à ce que je crois 2. Il conviendra que le tout soit payé à la fois . Maman qui a beaucoup vécu avec lui, se fera mieux payer qu'un sergent à verge . Il est vrai qu'elle n'est plus dans l'âge qui ouvre la bourse des ducs et pairs ; mais une ancienne liaison est toujours respectée 3. Certainement vous viendrez tous deux à bout de dégraisser l'abbé Blet 4.

Mes compliments au Turc du Grand conseil . Vous verrez par le petit écrit ci-joint 5 qu'on fait des compliments à de plus puissants seigneurs, et qu'on est fort poli dans ce siècle . Je ne sais pas qui est le complimenteur, mais il me paraît fort honnête .

Au reste, je ne suis pas tout à fait de l'avis de mon confrère Séguier, sur l'histoire impartiale des jésuites 6 . Mon confrère me paraît un peu partial .

Je vous embrasse, mon gros magistrat, le plus tendrement du monde .

Ah ! que vos confrères feront bien mieux d'obtenir la suppression de tous ces offices ridicules qui ruinent l’État, et qui le déshonorent . C'est un sujet qui doit être traité avec beaucoup de force, et l’éloquence la plus attendrissante 7. Mais vous avez plus de Catons que de Cicérons .

N. B. – Il serait plaisant d'énoncer qu'il ne serait répandu un libelle diffamatoire contre la maison de France, etc., sous le nom de bulle 8, etc., et que pour venger l'honneur du Saint-Père si horriblement compromis on ordonne qu'on brûlera icelle au pied du grand escalier . »

1 La première édition est limitée aux deux premiers paragraphes .

2 V* a ajouté les derniers mots de cette phrase dans la marge .

3 Allusion curieuse . Il ne semble pas qu'on ait tenté de l’éclaircir .

5 Lettre de l'archevêque de Cantorbery ...

6 Le réquisitoire de l'avocat général Antoine-Louis Séguier contre l'anonyme Histoire impartiale des jésuites depuis leur établissement jusqu'à leur première expulsion, 1768 (attribué à Simon-Nicolas Henri Linguet : https://fr.wikipedia.org/wiki/Simon-Nicolas-Henri_Linguet )

Voir : https://books.google.fr/books?id=0ZL2rrUjkioC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

et https://books.google.fr/books?id=1W2ntv0xxOYC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

7 Ce qui sera fait plus tard ; voir https://books.openedition.org/pumi/29538?lang=fr

8 Allusion à la bulle papale du 30 janvier 1768 excommuniant l'infant de Parme qui avait saisi des biens ecclésiastiques ; la même bulle excommuniait aussi ceux qui prenaient part ) l'expulsion des jésuites de Parme . À la suite de quoi les différends rois de la maison de Bourbon saisirent Avignon, Bénevent et Ponte-Corvo.

Voir Le Siècle de Louis XV : https://fr.wikisource.org/wiki/Pr%C3%A9cis_du_si%C3%A8cle_de_Louis_XV/Chapitre_39

14/10/2023

C'est à vous à savoir quels sont vos ennemis

... N'attendez pas les injonctions des dictateurs , ils sont légions, et tous plus détestables les uns que les autres , y compris cette plaie moderne que sont les influenceurs.ceuses. Je vous souhaite d'avoir encore assez d'esprit pour les reconnaitre et les bannir .

 

 

« A Claude-Joseph Dorat, ancien Mousquetaire

du roi, etc.

Barrière Vaugirard

à Paris

1er mars 1768, au château de Ferney 1

J'ai toujours sur le cœur, monsieur, la calomnie qui m'impute mille ouvrages que je ne connais pas, et la mauvaise foi qui se sert de mon nom pour faire courir des épigrammes que je n'ai ni faites ni pu faire. Cette mauvaise foi m'a été extrêmement sensible.

J'appris, il y a quelques mois, qu'on prétendait que j'avais récité une épigramme 2, ou plutôt des vers contre vous, qui me paraissent très injustes, quoique assez bien faits 3. Cette imposture fut confondue, mais je fus très affligé. J'en écrivis à Mme Necker 4, qu'on me dit être votre amie . Je vous en écris aujourd'hui à vous-même, monsieur. Quoique j'aie eu quelques légers sujets de me plaindre de vous 5, je l'ai entièrement oublié, et les excuses que vous avez bien voulu me faire m'ont infiniment plus touché que le petit tort dont j'avais sujet de me plaindre ne m'avait été sensible. Il m'était impossible, après cela, de rien faire qui pût vous déplaire. J'étais d'ailleurs malade et mourant quand cette épigramme parut. Songez au temps où elle fut faite . Pouvais-je alors deviner que vous eussiez une maîtresse à l'Opéra? Était-ce à moi de la faire parler? Je n'ai jamais vu les vers que vous aviez composés pour elle . En un mot, monsieur, je suis trop vrai et j'ai trop de franchise pour n'être pas cru, quand j'ai juré à Mme Necker, sur mon honneur, que je n'avais nulle part à cette tracasserie.

C'est à vous à savoir quels sont vos ennemis. Pour moi, je ne le suis pas . J'ai été très affligé de cette imposture. J'ai des preuves en main qui me justifieraient pleinement mais je ne veux ni compromettre ni accuser personne. Je me bornerai à mon devoir c'est celui de repousser la calomnie.

Voilà, monsieur, ce que la vérité m'oblige à vous écrire, et cette même vérité doit en être crue quand je vous assure de toute l'estime et de tous les sentiments avec lesquels j'ai l'honneur d'être, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire.

Permettez que M. le chevalier de Pezay trouve ici les assurances des sentiments que je lui dois . »

1 Original signé, post scriptum autographe .

3 C'est l'épigramme de La Harpe, qui commence par ce vers « Bon Dieu, que cet auteur est triste en sa gaîté » . Voir : https://www.france-pittoresque.com/spip.php?article7698

13/10/2023

Il y a une destinée sans doute, et souvent elle est bien cruelle ... Si je meurs, je meurs tout entier à vous, et si je vis ma vie est à vous

... Belle déclaration d'amour touchante de ce septuagénaire qu'est Voltaire . Philosophe , oui, mais homme sensible d'abord et toujours , ce qui en fait ce patriarche aimable que j'apprécie et continue à suivre , et faire suivre au jour le jour .

 

 

« A Marie-Louise Denis

A Ferney mardi 1er mars [1768] à 2 heures après midi 1

Il y a une destinée sans doute, et souvent elle est bien cruelle . Je suis venu trois fois à votre porte, vous avez frappé à la mienne . J'ai voulu promener ma douleur dans le jardin . Il était 10 heures, je mettais l'aiguille sur dix heures au globe solaire, j'attendais que vous fussiez éveillée . J'ai rencontré M. Mallet . Il m'a dit qu'il était affligé de votre départ . J’ai jugé qu'il sortait de votre appartement . J'ai cru que vous dîneriez au château comme vous l'aviez dit . Aucun domestique ne m'a averti de rien, ils croyaient tous que j’étais instruit . J'ai fait venir Christin et père Adam . Nous nous sommes entretenus jusqu'à midi . Enfin je retourne chez vous . Je demande où vous êtes . Wagnière me dit : « Eh quoi vous ne savez pas qu'elle est partie à 10 heures ! » Je me retourne plus mort que vif vers père Adam . Il me répond comme Wagnière : « J'ai cru que vous le saviez ! » Sur le champ, j'envoie chercher un cheval dans l'écurie . Il n'y avait personne . Ainsi dans la même maison avec vingt domestiques nous nous sommes cherchés sans nous voir . Je suis au désespoir, et cette obstination de mon malheur m'annonce un avenir bien sinistre . Je sais que le moment de la séparation aurait été affreux; mais il est plus affreux encore que vous soyez partie sans me voir , tandis que nous nous cherchions l'un l'autre . J'ai envoyé vite chez Mme Racle pour pleurer avec elle . Elle dîne avec Christin, Adam et son mari ; et moi je suis très loin de dîner . Je me dévore et je vous écris . J'espère que ma lettre et les paquets pour M. de Choiseul et pour Marmontel 2vous serons rendus vendredi matin par M. Tabareau . Je les tenais tout prêts . J'avais encore d'autres papiers à vous communiquer quand vous êtes partie .

Voici bien une autre preuve des persécutions de ma destinée : la Harpe est cause de mon malheur . Qui m'aurait dit que La Harpe me ferait mourir à cent lieues de vous n'aurait pas été cru . Enfin tout est avéré . Damilaville est allé chez cet Antoine qui demeure rue Hautefeuille . Cet Antoine que La Harpe disait lui avoir donné copie de cette misère en question, cet Antoine qui ne lui avait donné qu'une copie infidèle sur laquelle il rectifia celles que lui La Harpe fit courir (parce qu'apparemment La Harpe en avait une copie fidèle ) . Remarquez bien tout cela : Antoine a répondu que La Harpe en avait menti ; et n'a pas ajouté à son nom des épithètes bien honorables . La Harpe ne s'est guère mieux conduit dans sa tracasserie avec Dorat 3 . Enfin voilà l'origine de mon malheur . Voilà ce qui ouvre à Ferney le tombeau que j'y ait fait bâtir . Je ne me plaindrai point de La Harpe ; je n'accuserai que cette destinée qui fait tout, et je pardonne entièrement à La Harpe .

Vous verrez MM. de Choiseul, de Richelieu, d'Argental . Vous adoucirez mes malheurs ; c'est encore là votre destinée . Vous réussirez à Paris dans vos affaires et dans les miennes , vous reverrez votre frère et votre neveu . Si je meurs, je meurs tout entier à vous, et si je vis ma vie est à vous . J'embrasse tendrement M. et Mme Dupuits . Je les aime, je les regrette, j'ai le cœur percé . »

1Édition Besterman K. avec fac similé reproduisant la totalité du texte . L'écriture de cette lettre est , pour V*, irrégulière . C'est pour la première fois l'écriture d'un vieil homme . Le matin du même jour où elle fut écrite, Mme Denis signait une procuration permettant à V* d'administrer (c mais non de vendre ) Ferney . Le même jour encore, Dupan écrit à Freudenreich : « On donnait hier pour nouvelle sûre que Mme Denis, la petite Corneille et son mari avaient quitté Ferney pour aller à Paris, que l'oncle et la nièce se sont brouillés, que Voltaire a exigé de sa nièce une reconnaissance que la terre de Ferney, quoique achetée sous son nom, appartenait à Voltaire, etc. En un mot, on dit qu'il est tout seul. » Le lendemain on ajoutait, : « Mme Denis ne partit qu'hier . Voltaire lui a donné 60 mi[lle] livres, 300 louis pour son voyage et une bonne partie de sa vaisselle . On dit même qu'il lui a promis une grosse pension . Il ne lui est resté qu’un complaisant ex-jésuite . Il s'est ennuyé de tenir une auberge, il veut vivre seul . Il a congédié tout à la fois sept maîtres, outre les enfants et les domestiques. »

2 Si ces paquets contenaient des lettres, comme probablement, celles-ci ne sont pas connues .

Presque tout le monde mange actuellement fort salé dans la plus grande partie de l'Europe

... Un arrière-goût de Mer Morte , sans doute .

 

 

« A Louise-Honorine Crozat du Châtel, duchesse de Choiseul

1er mars 1768

Madame,

Dans la lettre dont vous avez honoré une de vos protégées, vous avez souhaité avoir un petit ouvrage de feu M. de Saint-Hyacinthe 1qui passait pour le fils de l'évêque de Meaux Bossuet, et qui en ce cas était un fils dénaturé . Ce petit écrit fut imprimé en 1728 en Hollande . Vous le reconnaîtrez aisément par le papier . On n'en tira que peu d'exemplaires qui ne se trouvent plus que dans la cabinets des curieux . Mais que ne trouverait-on pas pour vous plaire, madame ? Si vous me demandiez le commerce de lettres de Jésus et de Marie-Madeleine 2 , vous les auriez je crois au bout de quinze jours . Un esprit comme le vôtre peut tout lire et doit tout lire ; la conversation amuse, mais les livres instruisent . Je hasarde ce petit envoi par la poste ne doutant pas qu'on ne respecte votre nom et que le paquet ne vous arrive en droiture . Si vous ordonnez qu'on vous en adresse de plus considérable, ayez la bonté, madame, de donner vos ordres, on fera ponctuellement ce que vous prescrirez .

Permettez-moi de vous confier, madame, que je regarde comme un grand bonheur que tant de solidité se trouve chez vous avec tant de grâces dans le pays de la frivolité . Le repas dont il est question n'est pas composé de meringues ou de crème fouettée, ce sont de la chère et de grosses viandes qu'un estomac aussi bien que le vôtre digérera facilement . Je connais des dames dans votre pays qui n'en pourraient pas avaler une bouchée . Je ne suis qu'un vieux garçon cuisinier, mais je puis encore vous fournir des hors-d’œuvre.

Agréez, madame, les sentiments véritables de la plus haute estime et du profond respect du vieux aide de cuisine .

P. S. – Presque tout le monde mange actuellement fort salé dans la plus grande partie de l'Europe, mais il y a encore des gens de l'ancien temps qui font brûler le rôti . »

1 Le Dîner du comte de Boulainvilliers .

2 Plaisanterie qui de réalisera un siècle plus tard