Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

nous avons le ridicule de demander la santé à un malade. Il n’y a que le ridicule de prier les saints qui soit plus fort

... No comment .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'ArgentaI

13 avril [1763] aux Délices 1

Mes divins anges, je vois avec peine, en écrivant, ce que j’écris ; mon clerc est bien malade 2, et moi aussi ; maman Denis a un engorgement au foie. Nous sommes tout auprès d’Esculape-Tronchin, mais Esculape à la goutte, et nous avons le ridicule de demander la santé à un malade. Il n’y a que le ridicule de prier les saints qui soit plus fort. Mes anges nous ne sommes nullement de votre avis sur la figure d’Antigone au mariage d’Olympie. Nous savons ce que c’est que d’assister à des mariages. Vous ne nous aviez jamais fait cette objection ; pourquoi la faites-vous aujourd’hui ? quel ennemi vous a parlé contre nous ? comment pouvez-vous me dire qu’Antigone a les raisons les plus fortes pour s’opposer à ce mariage ? Il n’en a certainement aucune ; il n’a pas le moindre droit, il n’a pas la possibilité, il est hors du temple dans le parvis . Il faudrait qu’il fût fou pour troubler les cérémonies sacrées. Comment peut-il empêcher que Cassandre donne la main à son esclave ? Il n’est sûr de rien ; il n’a encore pris aucune mesure ; il n’a que des doutes, il n’est venu que pour les éclaircir. Dira-t-il : Je m’oppose à ce mariage, parce que je crois Olympie fille d’Alexandre 3? Tout le monde, le grand-prêtre, Cassandre, Olympie, répondrait , Tant mieux, c’est un mariage fort sortable ; vous n’êtes point en droit de vous y opposer ; vous ne connaissez pas seulement Olympie . Le droit civil et le droit canon sont contre vous . De quoi vous avisez-vous de faire du bruit à la messe ?

Antigone n’est donc pas si sot que de faire un tapage inutile . Il s’y prend plus prudemment ; il soulève les peuples, et fait venir des troupes . Il agit en prince, en ambitieux, en méchant homme.

Sentez-vous bien, mes anges, à quel point il serait ridicule de faire le mariage devant un confident qui ensuite en rendrait compte à Antigone ? Je suis si convaincu de tout ce que je vous dis, que le parterre même ne me ferait pas changer de sentiment. Cette pièce d’ailleurs n’est point du tout dans le système ordinaire du théâtre. Elle nous a fait un très grand effet, à nous autres habitants des Alpes, qui ne connaissons point la tyrannie de l’usage ; le spectacle en est fort beau. Si vous aviez vu Statira entourée de ses prêtresses, et la scène où Olympie (en embrassant sa mère) lui avoue en larmes qu’elle aime le meurtrier de son père et de sa mère ; si vous aviez vu notre bûcher, vous auriez eu du plaisir comme nous. L’hiérophante est un digne prêtre . Catholiques, huguenots, luthériens, déistes, tout le monde l’aime. Je ne réponds point de Paris . Je crois bien que la cabale de Fréron criera, et c’est pourquoi j’ai toujours été dans le dessein de hasarder cette tragédie plutôt à l’impression qu’au théâtre. Mes chers anges, vous la ferez jouer si vous voulez ; je n’ai sur cela aucune volonté que la vôtre. Vous vous doutez bien qu’il m’importe assez peu quelle pièce on représente dans une ville que j’ai quittée pour jamais, quand la moitié de la ville s’efforçait de louer Catilina, et que tous les Mercure et toutes les brochures m’accablaient de mépris en croyant faire leur cour à madame de Pompadour. Après avoir vécu malheureusement pour le public, j’ai pris le parti de vivre pour moi. J’avoue que l’an passé je fus un peu trop séduit d’Olympie, mais je me suis tempéré.

Jean-Jacques ne se tempère pas comme moi. Jean a écrit à Christophe. Il y a un mois que sa lettre est imprimée 4, mais il n’y en a eu que trois exemplaires dans Genève. L’abbé Quesnel5 l’a eue à Versailles. Malheureusement l’auteur fait des cartons 6, et c’est ce qui retarde la publicité de ce modeste ouvrage. L’auteur y disait qu’on aurait dû lui élever des statues 7. On lui a fait voir qu’en effet on pourrait bien lui en dresser une dans la place de Grève, qu’à la vérité elle ne serait pas ressemblante, mais qu’il y aurait un écriteau dans le goût de celui d’I.N.R.I. . Enfin il cartonne , et moi je cartonne aussi l’Histoire générale, de peur de l’I.N.R.I.

Vous ne me parlez point, mes anges, de l’incendie de l’Opéra  8. C’est une justice de Dieu : on dit que ce spectacle était si mauvais, qu’il fallait tôt ou tard que la vengeance divine éclatât.

Je suis en peine de mon contemporain le président Hénault . Il aura pris sa pleurésie à Versailles. Cet accident devrait le corriger. J’ai connu une femme qu’une grande maladie guérit de sa surdité. Le président est sourd, et moi aussi ; mais j’ai par-dessus lui une propension extrême vers l’aveuglement. J’ai perdu ma jolie petite écriture, les yeux me cuisent. Je finis en baisant le bout de vos ailes avec les respects les plus tendres.

V. »

1 Manuscrit olographe dont V* a numéroté les pages de 1 à 9 .

2 Entre les lettres du 3 avril 1763 et celle du 25 avril 1763, on n'en a aucune de la main de Wagnière .

3 Lapsus pour Cassandre .

4 Les premiers exemplaires semblent être parvenus à Genève au milieu de mars, mais l'ouvrage ne semble pas avoir été mis en vente avant le 21 avril 1763 ; voir Louis-J. Courtois : Chronologie critique de la vie et des œuvres de Jean-Jacques Rousseau : http://ccfr.bnf.fr/portailccfr/jsp/index_view_direct_anonymous.jsp?record=bmr%3AUNIMARC%3A10790848

5 Il doit s'agir du Quesnel qui a été précepteur du duc de Penthièvre : https://www.idref.fr/069148732

6 Il n'y a pas de cartons dans le livre de Rousseau comme le reconnaitra V* dans une lettre du 25 avril 1763 à d'ArgentaI : « Il n'a point fait de cartons, comme on le croyait, il persiste toujours à dire qu'il fallait lui élever des statues ... »

7 Rousseau écrit à la fin de sa Lettre à M. de Beaumont : «  oui, je ne crains point de le dire, s'il existait en Europe un seul gouvernement vraiment éclairé dont les vues fussent utiles et saines, il eût rendu des honneurs publics à l'auteur de l'Emile, il lui eût élevé des statues. » La « statue » dont parle V* ensuite est l'effigie qu'on brûlait en place de Genève dans les cas d'exécution par contumace .

8 Il y eut un incendie à l'Opéra le 6 avril 1763 : http://classes.bnf.fr/essentiels/grand/ess_1161.htm

Lire la suite

10/04/2018 | Lien permanent

je ne veux point de querelle pour un livre. Je les brûlerais plutôt tous.





« A Nicolas-Claude Thiriot
[1er mai 1738]


Vous faites fort mal, mon cher ami, d’envoyer l’écrit en question [mémorandum de V* sur les Eléments de la Philosophie de Newton] à ce misérable journal très mal fait [La Bibliothèque française d‘Amsterdam], presque inconnu, qui ne se débite que tous les trois mois, qui ne sera dans Paris que dans un an, et dont il  vient tout  au plus une vingtaine d’exemplaires. Vous avez cent autres débouchés. On peut obtenir des permissions, on peut se servir des brochures hebdomadaires, vous devriez même consulter le R. père 
[ révérend père Castel, inventeur du clavecin oculaire, auteur des Nouvelles expériences d’optique et d’acoustique … (1735) et autres traités , quoique, le 28 mars, V* semble avoir déjà composé contre lui sa Lettre à Rameau datée du 21 juin  . Le 15 juin, V* écrit à Maupertuis qu‘il a été en « commerce«  avec le père Castel et lui a envoyé le morceau des Eléments où il est question de son clavecin oculaire. Il est peu probable qu‘il s‘agisse du père Porée à qui, le 17 novembre il écrira qu‘il a envoyé il y a quelques mois au père Castel deux exemplaires de ses Eléments dont un devait lui être présenté ] sur l’ouvrage, en lui faisant tenir une copie ; je suis sûr que la lecture lui fera impression. Il faudra consulter de la même façon les mathématiciens qui ont examiné les mêmes problèmes. J’abandonne le tout à votre prudhomie. Je reçois en même temps votre lettre du vingt cinq, et bien des nouvelles qui me chagrinent. Premièrement je suis assez fâché que Racine que je n’ai jamais offensé ait sollicité la permission d’imprimer une satire dévote de Rousseau contre moi. Je suis encore plus affligé qu’on m’attribue des épîtres sur la liberté [le deuxième Discours sur l‘Homme : De la Liberté, qui est bien de V*]. Je ne veux point me trouver dans les caquets de Molina ni de Jansénius. On m’envoie un morceau d’une autre pièce de vers, où je trouve un portrait assez ressemblant à celui du prêtre de Bicêtre [troisième Discours sur l‘Homme : de l‘Envie, où il attaque Desfontaines]. Mais en vérité il faut être bien peu fin pour ne pas voir que cela est de la main d’un académicien ou de quelqu’un qui aspire à l’être. Je n’ai ni cet honneur ni cette faiblesse et, si j’ai à reprocher quelque chose à ce monstre  d’abbé Desfontaines, ce n’est pas de s’être moqué de quelques ouvrages des quarante [Desfontaines a été condamné pour avoir écrit un libelle contre l‘Académie].

Je suis bien aise que vous ayez gagné un louis à Gentil Bernard, je voudrais que vous en gagnassiez cent mille à Crésus Bernard [Gentil Bernard = Pierre-Joseph Bernard, poète, avec qui Thiriot avait parié que V* était ou non l‘auteur des Epitres en question. Crésus Bernard = Samuel Bernard, le financier]. Je n’ai point vu l’Epître sur la liberté. Je vais la faire venir avec les autres brochures du mois. C’est un amusement qui finit d’ordinaire par allumer le feu.

Autre sujet d’affliction. On me mande que malgré toutes mes prières les libraires de Hollande débitent mes Eléments de la philosophie de Neuton quoique imparfaits. Or da mi consiglio [donne moi un conseil]. Les libraires hollandais avaient le manuscrit depuis un an à quelques chapitres près [cf. lettre du 20 juin 1737 à Pitot]. J’ai cru qu’étant en France je devais à M. le chancelier le respect de lui faire présenter le manuscrit entier. Il l’a lu, il l’a marginé de sa main. Il a trouvé surtout le dernier chapitre peu conforme aux opinions de ce pays-ci. Dès que j’ai été instruit par mes yeux des sentiments de M. le chancelier [d‘Aguessau], j’ai cessé sur le champ d’envoyer en Hollande la suite du manuscrit ; le dernier chapitre surtout qui regarde les sentiments théologiques  de M. Neuton n’est pas sorti de mes mains. Si donc il arrive que cet ouvrage tronqué paraisse en France par la précipitation des libraires, et si M. le chancelier m’en savait mauvais gré, il serait aisé par l’inspection seule du livre de le convaincre de ma soumission à ses volontés. Le manque des derniers chapitres est une démonstration que je me suis conformé à ses idées dès que je les ai pu entrevoir ; je dis entrevoir car il ne m’a jamais fait dire qu’il trouvât mauvais qu’on imprimât le livre en pays étranger.

En un mot, soit respect pour M. le chancelier soit aussi amour pour mon repos, je ne veux point de querelle pour un livre. Je les brûlerais plutôt tous.

Voulez-vous lire le petit endroit de ma lettre à M. d’Argenson ? Est-il à propos que je lui en écrive ? Conduisez-moi.

M. le bailly de Froulay est venu ici, et a été, je crois, aussi content de Cirey que vous le serez. Les Denis en sont assez satisfaits [Marie-Louise Mignot et son mari Nicolas-Charles Denis épousé le 25 février]. Je mets ma nièce Serizi [seconde nièce de V* qui va épouser Nicolas-Joseph de Dompierre de Fontaine] entre vos mains. Si elle est raisonnable, elle en fera autant, et vous prendra pour son directeur.

Le neutonisme pour les dames [d’Algarotti, traduit par Duperron de Castera, 1738] est pour Cirey, nous avons la lettre d’avis. Il faut envoyer cela chez M. le marquis du Châtelet. J’ai toujours Mérope sur le métier.

Vale, te amo.
V…

Rendez-moi le service, mon cher ami, de passer chez Hébert, rue Saint Honoré, et de lui marchander une tabatière en or émaillé et à fleurs, qu’il avait fait faire pour Mme du Châtelet, et dont elle, ou son mari n’a pas voulu parce qu’elle est trop chère. Faites le prix et si cela ne passe pas 600 livres tournois, dites-lui qu’il l’envoie sur-le-champ à l’abbé Moussinot qui paiera comptant. »

Lire la suite

02/05/2010 | Lien permanent

je suis un républicain qui ne peut se résoudre à habiter, tout au plus, que la frontière d'un royaume . Encore s'en repe

...

rapacité.jpg

 

 http://antibanque.blogspot.fr/2011_07_01_archive.html

 

 

« A Germain-Gilles-Richard de Ruffey

Aux Délices 2 mai [1759]

C’est abuser de vos bontés , monsieur, que d'avoir passé tant de temps sans en profiter . J'ai toujours attendu que Mgr le comte de La Marche , mon seigneur suzerain eût réglé ce qu'il veut avoir de la pauvre petite terre de ma nièce pour son droit de mouvance . Cette affaire n'est point encore terminée, et je ne sais même si on peut reprendre le fief et rendre foi et hommage avant d'avoir payé son seigneur pour lequel on doit marcher armé de pied en cape toutes les fois qu'il l'ordonne . Je vous envoie à tout hasard à l'adresse indiquée la grosse en parchemin du contrat d'acquisition et la procuration de Mme Denis qu'elle n'a pu faire par-devant notaire . Mais s'il est nécessaire qu'un notaire y passe, nous irons à Ferney faire cette cérémonie quoiqu’on ne puisse pas encore y loger . J'ai fait à Gex des contrats avec des procurations sous seing privé . Je ne sais si on est plus difficile à Dijon que dans le pays de Gex. En bonne justice l’oncle et la nièce auraient dû aller à Dijon vous rendre, à vous monsieur, et à Mme de Ruffey , leur foi et hommage, mais vous savez que je suis un républicain qui ne peut se résoudre à habiter, tout au plus, que la frontière d'un royaume . Encore s'en repend-il quelquefois en voyant la petite rapacité des petits officiers de justice et de finance, et les vexations exercées sur de pauvres cultivateurs, à qui on fait payer pour la taille le tiers au moins de ce que produisent leurs sueurs et leurs larmes 1. Je gémis en voyant le plus joli paysage de la nature défiguré par la voracité de tant de harpies . Il y a dans ce petit canton à la lettre plus de commis que de laboureurs . Je suis obligé de faire venir à grands frais des familles suisses pour cultiver des terres qui sans elles resteraient incultes . Si je pouvais labourer moi-même je le ferais, mais je suis trop faible . Je peux à peine tenir le nouveau semoir fort joliment verni, et vrai amusement d'une autre femme que Mme Denis ; mes Suisses sont tout ébahis de ne pouvoir semer le jour de la fête d'un saint qu'ils ne connaissent pas . Nous avons imaginé nous autres papistes qu'il fallait manquer de pain pour honorer saint Roch et saint Fiacre . Cela est fort sensé . On croit dans une cour être au pays de Sejan, et dans les campagnes au pays des Caffres . Nous verrons si des actions sur les fermes générales ramèneront l'abondance, et si le traducteur de Pope 2 remplacera Colbert . Je le souhaite . Quelques personnes l'espèrent . On dit que vous avez un bulletin passable de Paris . Adieu, le roi de Prusse est en Bohème , je le crois au dessus de ses affaires, car il m'écrit toujours des vers et trop de vers . Mille remerciements .

V. »

1 On voit ici apparaître un thème qui reviendra fort souvent chez V*, notamment dans le Pot pourri : www.bouquineux.com/pdf/Voltaire-Pot-pourri.pdf

et dans l'Homme aux quarante écus . Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-conte-l-homme-aux-quarante-ecus-partie-1-69199895.htm

2 Silhouette .

 

Lire la suite

15/06/2014 | Lien permanent

C’est un spectacle fort gai et fort amusant

... que celui des peignées que se mettent les différents ténors des partis en déroute après les élections européennes . Ah que c'est beau ces noms d'oiseaux qui fusent et ces démissions refusées ! Droite et gauche réunies dans la même panade, quel délicieux gloubiboulga dont s'empiffre la Marine Le Pen au triomphe modeste (comme d'hab ' )!

J'en suis vert !

Résultat de recherche d'images pour "hulk"

 

 

 

« Au marquis Francesco Albergati Capacelli

Senatore di Bologna

à Bologna

Aux Délices, 3 mai 1764

Si j’avais de la santé et des yeux, monsieur, je vous aurais répondu plus tôt . Si j’étais jeune, je viendrais sûrement vous voir, vous embrasser, admirer vos talents, être témoin de la protection que vous donnez aux arts, et partager vos plaisirs ; une si grande satisfaction n’est pas faite pour la fin de ma vie . Je suis réduit à pouvoir à peine dicter une lettre.

Oserai-je vous supplier de vouloir bien faire mes compliments à MM. Fabry 1 et Paradisi 2, à qui je dois autant de reconnaissance que d'estime ? Je suis toujours étonné que vous ayez traduit la tragédie d’Idoménée 3 : il me semble qu’un bon peintre comme vous ne doit copier que les ouvrages des Raphaël. Il vous était aisé de vous faire informer par M. Goldoni si cet Idoménée est au rang des pièces qu’on représente, si ce n’est pas un très mauvais ouvrage, pardonnable à la jeunesse d’un auteur qui depuis fit de meilleures choses. En vérité, il n’est pas permis au traducteur de Phèdre d’être celui d’Idoménée. Il vaudrait beaucoup mieux retrancher cette pièce de votre recueil, que de faire dire aux critiques que l’on a traduit également le bon et le mauvais. Pardonnez au vif intérêt que je prends à vous, si je vous parle si librement.

Je vous ai déjà mandé 4, monsieur, que je n’avais depuis longtemps aucune nouvelle de M. Goldoni ; mais j’espère toujours que j’aurai le plaisir de le voir, quand il reviendra en Italie. Je ne sais s’il travaille pour nos comédiens italiens, qui se sont unis à un opéra-comique qui a, dit-on, beaucoup de succès. C’est un spectacle fort gai et fort amusant, mais qui consiste principalement en chansons et en danses ; cela ne me paraît pas du ressort de M. Goldoni, dont le talent est de peindre les mœurs ; cependant je me flatte toujours que son voyage lui sera utile et agréable. Un homme de la maison de la belle Laure 5 a fait des commentaires sur la vie de Pétrarque en deux énormes volumes in-4° 6. Je ne sais si vous les avez lus . Je serais bien plus curieux de lire les deux petits volumes que vous me promettez.

Adieu, monsieur, toutes vos lettres redoublent les sentiments de la tendre et respectueuse estime que vous m’avez inspirés pour vous.

V. »

1 L'abbé Domenico Fabri est l'auteur d'une traduction de Sémiramis de V*, au volume III de la Scelta delle migliori tragedie francese tradotto in italiano in versi sciolti (1768) ; c'est un des collaborateurs de Capacelli .

3 De Crébillon .

4 Voir lettre du 5 mai 1763 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/04/28/il-est-dans-un-etat-fort-triste-et-ne-peut-guere-actuellemen-6047039.html

et du 27 septembre 1763 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/09/20/est-il-possible-que-tout-l-esprit-des-italiens-nos-maitres-dans-les-arts-n.html

Goldoni a écrit à V* le 7 mars 1764 : « Il me faut encore six mois pour achever l’impression de mes ouvrages à Paris . Je ne sais pas encore si je les enverrai en Italie ou si j'irai moi-même . De toute manière j'espère avoir l’honneur de vous voir . Quand je devrais rester en France plus longtemps, je demanderais un congé pour me rendre auprès de vous . » Suivaient quelques mots de recommandation pour le « chevalier de Vais de la ville de Bruxelles » que Goldoni demandait à V* d'accueillir sur le chemin de l’Italie .

5 L'abbé de Sade .

Lire la suite

29/05/2019 | Lien permanent

Plus nous sommes attachés à la sainte religion de notre sauveur Jésus-Christ, plus nous devons abhorrer l'abominable usa

... Dédicace spéciale famille Fillon qui au fond est une bande de cul bénits ayant opportunément oublié qu'il est plus facile à un chameau ( ou une voiture de sport, pour actualiser ) de passer par le chas d'une aiguille, qu'à un riche (tricheur de surcroit ) d'entrer au royaume de Dieu [Matthieu, 19-24]. Amen .

Beau ramassis de faux-jetons . 

 Soup - Soup Everyone

Si, si , Pénélope a travaillé, la preuve  !

 

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

[vers le 10 février 1762] 1

Si j'ai lu la belle jurisprudence de l'Inquisition ! Et oui morbleu je l'ai lue ; et elle a fait sur moi la même impression que fit le corps sanglant de César sur les Romains . Les hommes ne méritent pas de vivre puisqu'il y a encore du bois et du feu et qu'on ne s'en sert pas pour brûler ces monstres dans leurs infâmes repaires . Mon cher frère embrassez en mon nom le digne frère qui a fait cet excellent ouvrage . Puisse-t-il être traduit en portugais et en castillan .

Plus nous sommes attachés à la sainte religion de notre sauveur Jésus-Christ, plus nous devons abhorrer l'abominable usage qu'on fait tous les jours de la divine loi .

Il est bien à souhaiter que vos frères et vous donniez tous les mois quelque ouvrage édifiant qui achève d'établir le royaume de Christ , et de détruire les abus . Le trou du cul est quelque chose . Je voudrais qu'on mît en sentinelle un jésuite à cette porte de l'arche .

On a imprimé en Hollande le Testament de Jean Meslier . Ce n'est qu'un très petit extrait du testament de ce curé . J'ai frémi d'horreur à la lecture . Le témoignage d'un curé qui en mourant demande pardon à Dieu d'avoir enseigné le christianisme peut mettre un grand poids dans la balance des libertins . Je vous enverrai un exemplaire de ce testament de l'antéchrist , puisque vous voulez le réfuter . Vous n'avez qu'à me mander par quelle voie vous voulez qu'il vous parvienne . Il est écrit avec une simplicité grossière qui par malheur ressemble à la candeur .

Vraiment il s'agit bien de Zulime, et du Droit du seigneur ou de L’Écueil du sage , que le philosophe Crébillon a mutilé et estropié croyant qu'il égorgeait un de mes enfants ! Jurez bien que cette petite bagatelle est d'un académicien de Dijon ; et soyez sûr que vous direz la vérité . Mais ces misères ne doivent pas vous occuper . Il faut venir au secours de la sainte 2 vérité qu'on attaque de toutes parts . Engagez vos frères à prêter 3 continuellement leur plume et leur voix à la défense du dépôt sacré .

Vous m'avez envoyé un beau livre de musique 4 à moi qui sais à peine solfier . Je l’ai vite mis ès mains de notre nièce la virtuose . Je suis le coq qui trouva une perle dans son fumier et qui la porta au lapidaire . Mlle Corneille a une jolie voix, mais elle ne peut comprendre ce que c'est qu'un dièse .

Pour son oncle, le rabâcheur et le déclamateur, le cardinal de Bernis dit que je suis trop bon, et que je l'épargne trop 5.

J'ai fait très sérieusement une très grande perte dans l'impératrice de toutes les Russies . On a assassiné Luc, et on l'a manqué . On prétend qu'on sera plus adroit une autre fois . C'est un maître fou que ce Luc, un dangereux fou . Il fera une mauvaise fin, je vous l’ai toujours dit 6. Interim vale ; te saluto in christo salvatore nostro 7. »

1 Cette lettre est une réponse à celle du 29 janvier 1762 de d'Alembert, et la lettre suivante de V* sera du 25 février 1762, d'où la date proposée ce jour . D'Alembert : « Vous avez dû […] recevoir il y a peu de temps par M. Damilaville le Manuel des inquisiteurs […] L'auteur, ou plutôt le traducteur et l'éditeur [l'abbé Morellet] utile de cette abomination qu'il était si bon de faire connaître, m'a prié de vous présenter son ouvrage de sa part […] cet ennemi de la persécution qui travaille si bien à la rendre ridicule, est un [prêtre ?] ci-devant théologien ou théologal de l'Encyclopédie, qui nous a donné pour cet ouvrage l'article « Figure » où vous verrez entre autres que saint Ambroise ou saint Augustin (je ne sais plus lequel) compare les dimensions de l'Arche à celles du corps de l'homme, et la petite porte de l'Arche au trou du derrière […] Je ne sais si je vous ai prié de remercier M. le chevalier de Molmire de ses Étrennes aux sots, et M. le rabbin Akib de son Sermon […] Nous continuons à lire vos remarques sur Corneille, et nous venons de lire Héraclius […] ne critiquez Corneille que lorsque vous aurez deux fois raison ; il a un nom très respecté ; il est mort ; […] pour peu que Corneille soit justifiable par des raisons telles quelles dans les endroits où vous l'attaquez, vous êtes sûr d'avoir contre vous les pédants et les sots , qui déchireraient Corneille s'il n'était pas mort, et qui seront bien aises de vous déchirer parce que vous êtes vivant . Attendez-vous par exemple, au mal qu'ils diront de Zulime . Je ne ferai pas chorus avec eux, car cette pièce m'a fait beaucoup de plaisir, au moins dans le rôle principal ; j'y trouve la passion bien ressentie , bien exprimée, et bien différente de cet amour de ruelle qui affadit notre théâtre . Si par hasard vous connaissez l'auteur de L’Écueil du sage, dites-lui aussi , je vous prie, que son ouvrage m'a fait plaisir, qu'il est surtout très moral, et par cette raison digne de rester au théâtre ; […] J'y voudrais un autre cinquième acte ; la pièce eût été meilleure en quatre ou même en trois . Mais voilà ce que fait la superstition des règles . […] Que dites-vous de l'état fâcheux de votre ancien disciple [Frédéric] ? Il y a longtemps que je n'en ai pas reçu de nouvelles ; vous écrit-il toujours . Je le crois aux abois, et c'est grand dommage ; la philosophie ne retrouvera pas aisément un prince tolérant comme lui, par indifférence, ce qui est la bonne manière de l'être, et l'ennemi de la superstition et du fanatisme . »

2 Sainte , ajouté au dessus de la ligne sur le manuscrit .

3 L'édition Besterman porte à apprêter, ce qui est une faute manifeste .

4 La nouvelle édition des Eléments de musique théorique et pratique, 1762 .

5 Dans la lettre du 30 janvier 1762 .

6 Les lignes qui précèdent depuis On a assassiné …, ont été fortement biffées mais sont encore lisibles .

7 Entre temps porte-toi bien ; je te salue en Christ notre sauveur .

 

Lire la suite

03/02/2017 | Lien permanent

les étrennes mignonnes du président

Ne me dites rien !

Le titre de ma note vous laissait espérer autre chose ? Avouez et vous serez déja à moitié pardonné (seulement à moitié, pas de marchandage inutile ! ).

Autre chose, disais-je !

Ah ! oui , la nomination, pour compétence -prévisible , indiscutable et  inéluctable, bien sûr !-, d'un gosse de riche que certains aimeraient placer assez haut pour que le papa reconnaissant fasse un gentil renvoi d'ascenceur ( les amis de mon parti sont mes amis, votez pour moi !).

Les noirceurs de la politique prennent parfois des aspects assez grotesques avec pour emblême (éphémère ) un jeune chevelu (cheveux longs et idées courtes ? )

http://www.youtube.com/watch?v=L0tVWmlRWQY&hl=fr ).

 

J'avais pourtant dans ma charte du blogger, art. 22 ter après le déluge, :"Tu ne jugeras pas les individus (humains) sur leur caractères physiques". Tant pis, toute règle a ses exceptions et j'ai un fils qui cherche du travail honnêtement. Celà vous convient-il ?

 

Par contre, j'ai toujours eu une sympathie particulière pour un chevelu génial qui bien diplômé (lui ! ), ingénieur de bonne qualité, intelligent a mené une vie qui ne doit rien au super-piston :

http://www.youtube.com/watch?v=n3z4sTKn-f0&feature=re...

Chantez et éclatez-vous !

 

Popocatepetl.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

"Il y a une bénédiction sur la poste" :  je crains que cette citation paraisse une provocation en ce moment ; il est vrai que ça date de 256 ans et que pour une fois Volti appréciais l'exactitude de la remise du courrier (ce qui n'était pas le cas trop souvent ).

 

 

 

 

 

 

 

 

« A Marie-Louise Denis

 

                            Numéro 7, 8 et 9 arrivent tout à la fois, ma chère enfant. L’aventure de Mme Daurade [= Mme Denis] me perce le cœur. Cherier [= V*] m’écrit qu’il se faisait mille chimères agréables . Un instant a tout détruit. Que cette perte prématurée serve au moins à resserrer les nœuds qui unissent leurs cœurs et qu’ils se tiennent lieu l’un à l’autre de ce qu’ils ont perdu.

 

                            Quant à la terre dont vous me parlez [Mme Denis avait proposé à V* de vivre dans la maison de La Curne de Sainte-Pallaye, près d’Auxerre], votre volonté soit faite. Vous voulez donc , ma chère enfant, avoir soin de mes vieux jours. J’ai bien peur que vous n’ayez à faire à un méchant malade . Le bout de mes doigts et le bout de mes pieds  me font de la peine. Je ne sais ce qui se passe à ces deux bouts, mais je serai bientôt à bout, et je verrai le bout des choses . Ma chère enfant, tout me plaira avec vous , et j’attendrai alors très doucement la fin de cette plate carrière.

 

                            Je m’occuperai en attendant de cette histoire [les Annales de l’Histoire] malgré le malheur qui m’arrive d’être prévenu [le 5, il parlait à sa nièce de « deux personnes qui travaillaient chacune de leur côté au même ouvrage » : Pfeffel et « un nommé Richer », Adrien Richer auteur d’un Nouvel Abrégé chronologique de l’histoire des empereurs, qu’il confond, avec Henri Richer, auteur de Fables (Paris 1729 et 1748)]. Elle n’et pas tout à fait dans le goût du président Hénault [« … dans le goût » du Nouvel abrégé chronologique de l’histoire de France du président Hénault]. Elle est plus suivie, plus liée, et je crois que le fond en est plus grand et plus intéressant . Ce que d’Alembert appelle les étrennes mignonnes du président est fait pour être consulté, mais il est impossible de lire cet ouvrage de suite. Je voudrais avoir son exactitude en y mettant un peu plus d’art et d’éloquence et nourrir l’esprit avec la mémoire . Je vous supplie encore de m’envoyer contresigné sous enveloppe de Shoefling le jeune à Colmar tout ce qui est imprimé de cette nouvelle histoire chronologique  d’Allemagne [Il s’agit de M.P.S.D.A.D.S.P.L.R.D.P.E.D.S., Abrégé chronologique de l’histoire et du droit public en Allemagne, de Christian Friedrich Pfeffel von Kriegelstein] chez le libraire Hérissant, rue Saint-Jacques. Cet ouvrage paraîtra peut-être dans un mois, et vous pouvez m’en procurer les prémices par M . de Malesherbes.

 

                            Je prévois que puisque le bruit se répand que je travaille sur le même sujet on s’imaginera d’abord que ce livre imprimé chez Hérissant est de moi . On me fera trop d’honneur. Je vous ai déjà mandé qu’il est un jeune homme qui a été secrétaire du comte de Loos [= le comte Christian Loss, ambassadeur du roi de Pologne] . Il se nomme Fefell, il est de Colmar, et je l’y ai vu en dernier lieu à son passage . Cet homme n’a pas la mine d’être un Tite-Live, mais il pourrait bien être un président Hénault [ le 9 octobre , il écrivait : son histoire « doit être exacte et bien faite » … « l’auteur est élève de M. Schoefling »]. En un mot , envoyez-moi, je vous prie, sa besogne . Je mérite cette petite bonté de M. de Malesherbes puisque voici le testament que je vous confie pour lui.Vous ne souffrirez pas sans doute qu’on en prenne jamais de copie . On travaille toujours à l’exemplaire que vous m’avez demandé . Ce sera un peu plus long [S’agit-il de la réécriture des Lettres de Prusse ? C’était Mme Denis qui avait « conseillé » une œuvre vengeresse, écrivait-il le 3 septembre].La lettre du moine m’ été envoyée telle que vous l’avez lue [Est-ce Frédéric, moine de « l’abbaye » de Potsdam ? Il s’agirait alors de la fameuse lettre rassurante du 23 août 1750]. Je n’y prends ni n’y mets, et je m’en lave les mains .

 

                            Ecrivez-moi toujours à M. Shoefling le jeune sans autre cérémonie . Il sait bien qu’il faut rendre les lettres . Il y a une bénédiction sur la poste puisque les lettres me sont rendues dans mes montagnes . Les déserts de la Thébaïde n’approchent pas de l’endroit où je suis . Je voudrais au moins y jouir d’un peu de santé, mais je n’en ai point, et j’ai pour toute consolation ma  patience .

 

                            Je crois que la tentative de nos deux belles princesses s’en ira en fumée [« La tentative » de médiation entre Frédéric et V* de la duchesse de Saxe-Gotha et de la margravine de Bayreuth ; la duchesse demandait à V* d’écrire une lettre ostensible qui devait être présentée au roi] .On exigeai de moi des démarches que je ne veux point faire . Tout ce qui me fâchera ce sera de mourir avant d’avoir vu Saint-Pierre de Rome et la ville souterraine . Mais si je meurs entre vos bras je serai consolé .

 

                            Je vous prie , ma chère enfant, d’envoyer ce billet à ce chien de lambin, de Lambert.

 

 

                            V.

                            Entre deux montagnes 14 octobre 1753 partira quand pourra.

 

Lire la suite

14/10/2009 | Lien permanent

.Je veux que vous soyez heureuse(s)

8 mars : Journée mondiale de LA FEMME : qu’elle en profite bien ! Demain elle devra se retrouver en concurrence avec la journée de l’astronomie, la journée de la fin de la guerre de 39-45, la journée de la fin de la guerre d’Algérie, la fête du travail (qui peut me dire que le travail est une fête, si ce n’est un chômeur ou un malade cloué sur son lit !!), la fête du fox à poils durs (à poil dur me semblait un peu restrictif-tif ! ) et la fête du chat-huant !

femme.jpg

Messieurs, rassurons-nous, il nous reste les Droits de l’HOMME !

http://www.linternaute.com/nature-animaux/fauve/photo/les...

Messieurs, vous avez le droit d’écrire à l’élue de votre cœur (oh ! comme c’est bien dit !!). Voici, ci-après,  un modèle…Enfin ... c’est vous qui voyez … !

 

 

 

« A Marie-Louise Denis

 

 

                                   Jaco Tronchin [=Tronchin-Calandrini, qui stoppera se activités politiques, frère de Tronchin-Boissier], qui de son coté a été quelquefois houspillé par le peuple, est celui qui veut acheter Ferney. Il balance entre votre terre et celle d’Alamoigne [Allemogne,- tout près de chez moi- ]. Je crois que vous devez saisir cette occasion qui ne se présentera plus. Il faudra baisser un peu le prix, car on peut avoir  Alamoigne pour 250 000 livres. Elle est affermée 9 000 livres et vous ne trouveriez pas un fermier qui donnât mille écus de Ferney. Je pense que si vous pouvez vendre Ferney avec les meubles pour 200 000 livres vous ne devez pas manquer ce marché. Si même on n’en voulait donner que 180 000, je vous dirais encore : donnez la terre à ce prix. Vous aurez dix mille livres de rente viagère et 80 000 livres d’argent comptant. Votre santé, vos goûts, la douceur de la vie de Paris, vos parents, vos amis, tout vous fixe à Paris, et je compte venir vous y voir dès que j’aurai arrangé mes affaires et les vôtres avec M. le duc de Virtemberg [à qui V* a prêté ]. Je compte avoir au mois de juillet les délégations en bonne forme qui assureront le payement exact de vos rentes et des miennes. Ce paiement ne commencera probablement qu’au mois de janvier 1769. Pour moi, j’ai à payer actuellement plus de seize mille livres tant à Genève qu’à Lyon et aux domestiques [Mme Denis a laissé « pour environ quinze mille livres de dettes criardes à payer », et le petit-neveu d’Hornoy en a pour « cinq mille livres de sa part »]. C’est à vous de tirer de M. le maréchal de Richelieu environ vingt-cinq mille francs que nous partagerons .Je crois que la maison de Guise [prêt de V* au défunt duc de Guise lors du mariage de sa fille avec le duc de Richelieu] en doit presque autant. Votre neveu et votre beau-frère [d’Hornoy et Florian] seront de bons intendants. Si vous vendez Ferney 200 000 livres vous vous trouverez d’un coup fort au-dessus de vos affaires .Il faudrait m’envoyer une procuration spéciale pour vendre Ferney et je vous donne ma parole d’honneur de ne la vendre jamais au-dessous de 180 000 livres. Je sais bien qu’en tout elle me revient à près de 500 000 livres, mais on ne revend point ses fantaisies et le prix d’une terre se règle sur ce qu’elle rapporte et non sur sa beauté. Encore une fois un fermier savoyard ne vous en rendrait pas 3 000 livres par an et il ne vous paierait pas. Il s’agit, entre nous, ou de n’en avoir rien ou de vous en faire tout d’un coup dix à douze mille livres de rente.

gravure façade chateau.jpg Vous me demandez ce que je deviendrai. Je vous répondrai que Ferney m’est odieux sans vous, et que je le regarde comme le palais d’Armide qui n’a jamais valu douze mille livres de rente. Si je vends Ferney, je me retirerai l’été à Tournay. Je songe plus à vous qu’à moi .Je veux que vous soyez heureuse, et je compte avoir vécu. J’ai gardé jusqu’à présent tous les domestiques et je ne suis pas sorti de ma chambre. Le thermomètre a été six degrés au-dessous de la glace .Tous les arbres nouvellement plantés périront. Je ne les regretterai pas .Je regretterai encore moins le voisinage de Genève. Ce sera toujours l’antre de la discorde .Le Conseil a presque tout cédé au peuple qui a fait la paix en victorieux. Ce n’était pas la peine d’envoyer un ambassadeur et des troupes pour laisser les maîtres ceux qu’on voulait punir [ambassadeur français : Beauteville ; les natifs pourront faire négoce des ouvrages fabriqués par eux, de plus il pourront être médecins, chirurgiens, apothicaires, et avoir accès aux jurandes ]. Mais la situation de Genève m’importe fort peu. La vôtre seule me touche. Je vous conseillerais de prendre une maison avec votre frère et l’enfant [l’abbé Mignot et Mme Dupuits née Corneille]. Je me logerais dans le voisinage, quand je pourrais revenir d’une manière convenable et à ma façon de penser et à mon âge, car vous savez que je ne présenterai jamais requête pour être mangé des vers dans une paroisse de Paris plutôt qu’ailleurs. Solitude pour solitude, tombeau pour tombeau, qu’importe ? Vivez, je saurai bien mourir très honnêtement. Il y a plus de dix-huit cents ans que Lucrèce a dit avant La Fontaine :

 

            Je voudrais qu’à cet âge

            On sortit de la vie ainsi que d’un banquet

            Remerciant son hôte et faisant son paquet.

 

J’aurais eu la consolation de mourir entre vos bras sans ce funeste La Harpe.

 

            Les vainqueurs viennent d’envoyer chez moi. Vous voyez bien qu’on vous avait trompée et que je ne méritais pas que vous me dissiez que je ne savais plaire ni à Dieu ni au diable. J’aurais voulu au moins ne pas vous déplaire. Ma douleur égalera toujours mon amitié.

 

                        Voltaire

                        Mardi au soir 8 mars 1768 »

 

http://www.dailymotion.com/video/x66sfh_serge-lama-et-gre...

 

Lire la suite

08/03/2009 | Lien permanent

Mais il n'y a pas moyen de dire tout ce qu'on devrait et qu'on voudrait dire

... C'est tristement que cet in petto résonne dans le crâne du président ( c'est ce que j'espère ! ) après avoir traditionnellement adressé ses félicitations à Erdogan calife à la place du calife .

Turquie : WikiLeaks censuré après la publication de mails du parti d'Erdogan

Le menteur va pouvoir se gaver encore .

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

30 octobre 1767 1

Mon cher ami, je reçois votre lettre du 20 d'octobre, car il faut que je sois exact sur les dates ; on dit qu'il y a quelquefois des lettres qui se perdent. J'écris à M. Chardon 2, à tout hasard, pour l'affaire des Sirven, quoique je ne croie pas le moment favorable. On vient de condamner à être pendu un pauvre diable de Gascon qui avait prêché la parole de Dieu dans une grange auprès de Bordeaux. Le Gascon maître de la grange est condamné aux galères, et la plupart des auditeurs gascons sont bannis du pays; mais quand on appesantit une main, l'autre peut devenir plus légère. On peut en même temps exécuter les lois sévères qui défendent de prêcher la parole de Dieu dans des granges, et venger les lois qui défendent aux juges de rouer, de pendre les pères et les mères sans preuves.

Ne pourriez-vous point m'envoyer cette Honnêteté théologique 3 dont on parle tant, et qu'on m'impute à cause du titre, et parce que l'on sait que je suis très honnête avec ces messieurs de la théologie ? Je ne l'ai point vue, et je meurs d'envie de la lire. On ne pourra pas empêcher qu'il y ait une Sorbonne, mais on pourra empêcher que cette Sorbonne fasse du mal. Le ridicule et la honte dont elle vient de se couvrir dureront longtemps. Il faut espérer que tant de voix, qui s'élèvent d'un bout de l'Europe à l'autre, imposeront enfin silence aux théologiens, et que le monde ne sera plus bouleversé par des arguments comme il l'a été tant de fois.

Je vous envoie le petit changement que vous avez très justement demandé pour Charlot . Cette pièce a été faite en cinq jours de temps pour vous amuser et n'était pas trop digne du public ; mais si par hasard on en faisait encore une édition à Paris, avertissez-moi, et je vous enverrai une petite préface sur le compte de notre ami Henri IV . Je n'ai pu y travailler encore, ma santé plus languissante que jamais, ne me l'a pas permis, mais j'ai des matériaux dans ma tête .

Envoyez-moi donc s'il vous plaît un exemplaire de Charlot . Je n'en ai point . Il manquait une feuille à celui que vous avez eu la bonté de me faire tenir .

Je voudrais bien que l'enchanteur Merlin m'envoyât un Horace de Dacier de la dernière édition .

Adieu, mon très cher ami , tâchez donc de venir à bout de cette enflure au cou . Pour moi, je suis bien loin d'avoir des enflures, je diminue à vue d’œil, et je serai bientôt réduit à rien.

Je reçois à l'instant deux exemplaires de La Comtesse de Givry . Je vais donc travailler à la préface dans la supposition que la première édition n'a pas été considérable, et qu'elle peut s'écouler promptement . On me mande qu’on a déjà joué Charlot dans plus d’une maison de campagne auprès de Paris et que l'Opéra-Comique veut s'en emparer en y ajoutant un petit divertissement ; mais j'ai renoncé absolument à tout autre théâtre que le mien .

Pourquoi donc ne pas donner vos observations sur L'Ordre essentiel des Sociétés 4? Mais il n'y a pas moyen de dire tout ce qu'on devrait et qu'on voudrait dire. »

1 Copies contemporaines ( Darmstadt B. ; B. H.;édition de Kehl . Ms 2 et toutes les éditions donnentune version peu soignée de la moitié environ du texte de cette lettre (voir : lettre 7057 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411361p/texteBrut)

2 Voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/

Note de Garnier : « Cette lettre, qui est probablement celle dont il est question page 417, est perdue . »

3 L'Honnêteté théologique, qui forme le second cahier des Pièces relatives à Bélisaire, a été attribuée à Voltaire et à Turgot; mais il parait qu'elle est de Damilaville toutefois Voltaire l'a rebouisée (voyez tome XXVI, page 529 : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome26.djvu/539

Lire la suite

30/05/2023 | Lien permanent

Quoique je ne lise jamais les journaux

 Effectivement, les journaux peuvent faire peur : http://www.deezer.com/listen-554658 ; http://www.deezer.com/listen-2310619 ; http://www.deezer.com/listen-3367441 

Plus romantique ? http://www.deezer.com/listen-5418095

 Signé Furax ! http://www.deezer.com/listen-235888 , que j'ai écouté aussi souvent que possible en rentrant du lycée ... Humour et délire !

Sarclo, Sarcloret, ce genre de Suisse qui me plait : http://www.deezer.com/listen-5573946

 

Parfois je me demande si la seule information exacte d'un journal n'est pas la date !

Ce qui est essentiel, n'est-il pas ? http://www.deezer.com/listen-2715607 parole de Philéas Fogg !

 

 

 « A Isaac Le Fort

 

Au Chêne à Lausanne 6 septembre [1757]

 

Monsieur,

 

Je vous renouvelle mes remerciements de la bonté que vous avez eue de me communiquer les Mémoires concernant monsieur votre oncle, le célèbre général Le Fort [i]. J'en ai tiré tout ce qui peut servir à sa gloire et à celle de votre famille, et j'ai déjà envoyé à Pétersbourg une partie de l'ouvrage [ii].

 

Uniquement occupé de cette entreprise dans laquelle votre nom est si fort intéressé, permettez que je m'adresse à vous comme au doyen du consistoire pour vous prier de vouloir bien détourner tout ce qui pourrait retarder le travail auquel je me suis consacré.

 

J'ai appris que quelques personnes avaient fait imprimer dans un Mercure de Neuchâtel une dissertation en forme de lettre sur un point historique du XVIè siècle [iii]. Je n'ai point lu cette dissertation. J'apprends aussi que quelques pasteurs de Suisse répondent à cet écrit [iv]. Je n'entre en aucune manière dans cette dispute critique et historique. Elle est absolument étrangère aux travaux que l'impératrice de Russie a daigné me prescrire, et que le nom de Le Fort me rend si chers.

 

Je sais que ces petites disputes ont pris leur origine dans je ne sais quelle lettre qu'on a imprimée sous mon nom dans le Mercure de France du mois de mars ou d'avril [v].

 

Quoique je ne lise jamais les journaux, cependant on m'a fait voir cette lettre il y a deux mois. Je n'y ai retrouvé ni mes expressions, ni mes sentiments sur bien des articles [vi]. Cette lettre a été très infidèlement copiée et on m'en a fait même des excuses de Paris [vii].

 

Au reste, Monsieur, je vous prie de vouloir bien communiquer cette lettre à votre illustre Compagnie ainsi que ma vénération pour vous et pour elle.

 

J'ai l'honneur d'être avec les sentiments les plus respectueux

Monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur.

 

Voltaire

gentilhomme ordinaire du roi,

de l'Académie française. »

i C'étaient des manuscrits que V* utilisait pour l'Histoire de l'Empire de Russie.

ii Huit chapitres le 7 août ; cf. lettre à Schouvalov.

iii C'est la Lettre à M. de Voltaire à Lausanne , non signée mais certainement de Jacob Vernet, datée de Genève le 30 mai 1757, publiée dans le Journal helvétique de Neuchâtel de juin ; elle concerne la controverse sur Calvin et Servet.

iv Dans le même journal en août le pasteur Bertrand a fait une réponse ; V* le remerciera le 9 en ajoutant que Polier de Bottens en « méditait » une « de son côté ».

v Sa lettre à Thiriot datée du 26 mars et imprimée en mai : en fait lettre du 20 mai: « Ce n'est pas une petite preuve du progrès de la raison humaine qu'on ait imprimé à Genève, dans mon Essai sur l'Histoire, avec l'approbation publique, que Calvin avait une âme atroce aussi bien qu'un esprit éclairé. Le meurtre de Servet paraît aujourd'hui abominable ».

vi C'est ce qu'il a écrit à Élie Bertrand le 4 septembre et à Jacob Vernes le 15 mai, ajoutant : «  Comment aurais-je pu écrire que j'ai fait imprimer ici dans mon Histoire que Calvin avait une âme atroce puisque cela ne se trouve pas dans mon Histoire ? » C'est vrai, cette expression n'est pas employée dans l'Histoire (éd. 1756) mais V* y blâme très vertement Calvin d'avoir fait brûler Servet, parle de sa « dureté », de sa « haine théologique, la plus implacable de toutes les haines », de sa « barbarie ». A Jacob Vernes le 13 janvier : « ...Servet était un sot, et Calvin un barbare. »

vii Cf. lettre à Thiriot du 20 mai où il fait à peu près cette demande.

Lire la suite

06/09/2010 | Lien permanent

Je ne suis point étonné que M. de Sudre ne soit pas premier capitoul, car c’est lui qui mérite le mieux cette place.

... Et bien Elisabeth Borne lui souffle la place, elle a des mérites qu'apprécie le président, c'est suffisant pour le moment .

https://www.20minutes.fr/elections/3290707-20220516-legislatives-2022-direct-jean-castex-pret-partir-remords-ni-regret-apres-vingt-mois-matignon

Elisabeth Borne sur le perron de l'Elysée en décembre 2021 (illustration)

Début du purgatoire ... Bon courage ...

PS- Ça t'en bouche un coin Mélenchon-ronchon-chon-chon !

 

 

« A Marie-Françoise-Catherine de Beauvau-Craon, marquise de Boufflers-Remiencourt 1

21è janvier 1767, à Ferney

Madame,

Non-seulement je voudrais faire ma cour à Mme la princesse de Beauvau, mais assurément je voudrais venir, à sa suite, me mettre à vos pieds dans les beaux climats où vous êtes ; et croyez que ce n’est pas pour le climat, c’est pour vous, s’il vous plaît, madame. M. le chevalier de Boufflers, qui a ragaillardi mes vieux jours, sait que je ne voulais pas les finir sans avoir eu la consolation de passer avec vous quelques moments. Il est fort difficile actuellement que j’aie cet honneur : trente pieds de neige sur nos montagnes, dix dans nos plaines, des rhumatismes, des soldats, et de la misère, forment la belle situation où je me trouve. Nous faisons la guerre à Genève ; il vaudrait mieux la faire aux loups, qui viennent manger les petits garçons. Nous avons bloqué Genève de façon que cette ville est dans la plus grande abondance, et nous dans la plus effroyable disette. Pour moi, quoique je n’aie plus de dents, je me rendrai à discrétion à quiconque voudra me fournir des poulardes. J’ai fait bâtir un assez joli château, et je compte y mettre le feu incessamment pour me chauffer. J’ajoute à tous les avantages dont je jouis que je suis borgne et presque aveugle, grâce à mes montagnes de neige et de glace.

Promenez-vous, madame, sous des berceaux d’oliviers et d’orangers, et je pardonnerai tout à la nature.

Je ne suis point étonné que M. de Sudre 2 ne soit pas premier capitoul, car c’est lui qui mérite le mieux cette place. Je vous remercie de votre bonne volonté pour lui. Permettez-moi de présenter mon respect à M. le prince et à Mme la princesse de Beauvau 3, et agréez celui que je vous ai voué pour le peu de temps que j’ai à vivre.

V.

Je ne sais sur quel horizon est actuellement M. le chevalier de Boufflers ; mais, quelque part où il soit, il n’y aura jamais rien de plus singulier ni de plus aimable que lui. »

1 Femme remarquable , « Fidèle au sentiment avec des goûts volages » , comme l'écrit plaisamment Voltaire , surnommée la « Dame de Volupté » . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Marie-Fran%C3%A7oise-Catherine_de_Beauvau-Craon

3 Frère et belle-soeur de la marquise : https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles-Juste_de_Beauvau-Craon

Lire la suite

16/05/2022 | Lien permanent

Page : 122 123 124 125 126 127 128 129 130 131 132