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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

Dieu vous maintienne, mon cher destructeur, dans la noble résolution où vous êtes de faire main basse sur les fanatiques

...

fanatisme Archives - C'est pour dire

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

Ce 16 de mars [1765] 1

Frère Gabriel, mon cher destructeur, obéit ponctuellement à vos ordres ; la Destruction sera magnifiquement reliée et envoyée à sa destination . Mme Denis a dévoré ce petit livre qui contient deux cent trente-cinq pages, le seul de tous les livres qui restera sur ce procès qui a produit tant de volumes . Je vous réponds que quant il sera arrivé à Paris, il sera enlevé en quatre jours . Je suis fâché que vous ayez oublié que notre ami Fréron a été jésuite , et que même il a eu l'honneur d'être chassé de la société ; cela aurait pu vous fournir quelque douce et honnête plaisanterie .

Je voudrais bien savoir qu'est devenu le petit jésuite derrière lequel marchait Lefranc de Pompignan à la procession de son village . Est-il vrai que le jésuite qui avait enfondré 2 le cul du prince de Guéménée 3 est mort ? Ne s’appelait-il pas Marsy 4? On dit d'ailleurs que c'était un garçon de mérite .

Dieu vous maintienne, mon cher destructeur, dans la noble résolution où vous êtes de faire main basse sur les fanatiques , en faisant patte de velours ! Vous serez cher à tous les gens de bien . Écr l'inf . »

1 L'édition de Kehl donne le nom du prince réduit à un astérisque et le passage le plus libre est châtié . Les restitutions furent faites respectivement par Renouard et Beuchot, d'après un manuscrit qui ne nous est pas parvenu .

3 Une note de Condorcet, citée par Beuchot, précise que Marsy a été précepteur du prince de Guéménée . On peut aussi en inférer que la formule de Voltaire est au moins excessive : « Les choses n'allèrent pas tout à fait si loin » dit en effet Condorcet . Le prince dont il est question ici est Henri-Louis-Marie, prince de Rohan, connu sous le nom de prince de Guéménée . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri-Louis-Marie_de_Rohan

et : https://marie-antoinette.forumactif.org/t676-le-prince-et-la-princesse-de-guemenee

4 Marsy est mort le 16 décembre 1763 . Voir : https://www.boywiki.org/fr/Fran%C3%A7ois-Marie_de_Marsy

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04/06/2020 | Lien permanent

Je ne crois pas que je parvienne jamais à faire établir de mon vivant une tolérance entière en France , mais j’en aurai

... A lire sans modération : https://societe-voltaire.org/cqv/intolerant.php

"qu’il ne fût jamais permis de tuer personne sans avoir auparavant donné la vie à quelqu’un. Je ne sais rien de plus naturel et de plus juste" : voila une déclaration, d'une grande sécheresse mathématique, raisonnement par l'absurde, qui me laisse pantois, et me laisse supposer ici que Voltaire n'a pas réfléchi autant qu'il en a l'habitude et laisse transparaitre purement sa colère contre les souverains détestables,  assassins par l'intermédiaire de troupes en uniforme .

Dictionnaire de la guerre et de la paix - Frédéric Ramel - Dictionnaires  Quadrige - Format Physique et Numérique | PUF

https://www.puf.com/content/Dictionnaire_de_la_guerre_et_...

 

 

« A James Marriott 1

À Ferney 28è mars 1766 2

Votre lettre, monsieur, est comme vos ouvrages, pleine d’esprit et d’imagination. Je ne crois pas que je parvienne jamais à faire établir de mon vivant une tolérance entière en France , mais j’en aurai du moins jeté les premiers fondements, et il est certain que depuis quelques années, les esprits sont plus heureusement disposés qu’ils n’étaient. La philosophie humaine commence à l’emporter beaucoup sur la superstition barbare.

À l’égard des princes dont vous me parlez, qui souhaitent tant la population, et qui la détruisent par leurs guerres, je voudrais qu’ils fussent condamnés, eux et tous leurs soldats, à engrosser trente ou quarante mille filles avant d’entrer en campagne, et qu’il ne fût jamais permis de tuer personne sans avoir auparavant donné la vie à quelqu’un. Je ne sais rien de plus naturel et de plus juste.

À l’égard de la polygamie, c’est une autre affaire. Votre marchand de volaille était très estimable d’avoir deux femmes, il devait même en avoir davantage, à l’exemple des coqs de sa basse-cour ; mais il n’en est pas de même des autres professions ; votre marchand pondait apparemment sur ses œufs, et tout le monde n’a pas le moyen d’entretenir deux femmes dans sa maison . Cela est bon pour le Grand Turc, les rois d’Israël, et les patriarches . Il n’appartient pas aux citoyens chrétiens d’en faire autant. Je voudrais seulement que chacun de nos prêtres en eût une, et surtout chacun de nos moines, qui passent pour être très capables de rendre à l’État de grands services. Il est plaisant qu’on ait fait une vertu du vice de chasteté ; et voilà encore une drôle de chasteté que celle qui mène tout droit les hommes au péché d’Onan, et les filles aux pâles couleurs !

Si vous voyez milord Schesterfield et milord Littleton, je vous prie, monsieur, de vouloir bien leur présenter mes respects. J’aurais bien voulu vous écrire quelques mots dans votre langue, que j’aimerai toute ma vie, et pour laquelle vous redoublez mon goût ; mais je perds la vue, et je suis obligé de dicter que je suis, avec l’estime la plus respectueuse, monsieur,

votre, etc. »

2 L'édition de Kehl suivant le manuscrit présente le destinataire comme « M. Mariott, à Londres»

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02/07/2021 | Lien permanent

il avait fait quelques commissions pour vous . Il ne m’a pas dit ce que c’était

... Radio Bruits de couloirs : Non, madame , ni votre meilleure amie, ni votre concierge ne sauront vous révéler ce que monsieur va vous offrir , et c'est tant mieux ; si déception il y a, elle arrivera toujours bien trop tôt .

Ô magie de Noël ! comme dit l'innocent aux mains pleines .

PAQUES..... - Le blog de creationsmamapah.over-blog.com

http://creationsmamaph.over-blog.com/2015/04/paques.html

Un cadeau, c'est un cadeau ! Pas de saison pour ça .

 

 

« A François Achard Joumard Tison, marquis d'Argence

19 septembre 1766 à Ferney

J’ai reçu, monsieur, la traduction de l’Exorde des Lois de Zaleucus 1, l’un des plus anciens et des plus grands législateurs de la Grèce. C’est un précieux monument de l’antiquité , il sert à prouver que nos premiers maîtres ont toujours reconnu un Dieu suprême qui lit dans le cœur des hommes, et qui juge nos actions et nos pensées. Il n’y a que la malheureuse secte d’Épicure qui ait jamais combattu une opinion si raisonnable et si utile au genre humain . La piété et la vertu sont de tous les temps.

Vous me mandez que vous avez trouvé des barbares, indignes de la société des honnêtes gens, qui se sont élevés contre ce fragment si respectable. Il est triste que, dans notre nation, il y ait des gens si absurdes . C’est le fruit de l’ignorance où l’on vit dans la plupart des provinces, et de la misérable éducation qu’on y a reçue jusqu’à présent. La rouille de l’ancienne barbarie subsiste encore. On trouve cent chasseurs, cent tracassiers, cent ivrognes, pour un homme qui lit ; c’est en quoi les Anglais, et même les Allemands, l’emportent prodigieusement sur nous.

J’ai vu, ces jours passés, M. Boursier 2, qui m’a dit qu’il avait fait quelques commissions pour vous . Il ne m’a pas dit ce que c’était . Tout ce que je sais, c’est qu’il vous est attaché comme moi. Soyez bien persuadé, monsieur, des tendres sentiments de votre très humble et très obéissant serviteur .

Voltaire.»

1 Voir l'Essai sur les mœurs, page 78  : https://fr.wikisource.org/wiki/Essai_sur_les_m%C5%93urs/Introduction#p78

V* fait apparemment allusion à la préface, faussement attribuée à Zaleucus, publiée par Strobée dans son Florilegium, XLIV, xx-xxi ; voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Stob%C3%A9e

et : https://fr-academic.com/dic.nsf/frwiki/1755265

2 Il s’agit peut-être ici du Recueil nécessaire : https://fr.wikisource.org/wiki/Essai_sur_les_m%C5%93urs/Introduction

Le Recueil nécessaire, à Leipzig, 1765, in-8°, contient : 1° Avis de l’éditeur ; 2° Analyse de la religion chrétienne (sous le nom de Dumarsais) ; 3° le Vicaire savoyard, tiré de l’Émile de Rousseau ; 4° Catéchisme de l’Honnête Homme (voir tome XXIV, page 523) ; 5° Sermon des Cinquante (voir tome XXIV, page 437) ; 6° Examen important, par milord Bolingbroke (c’est-à-dire par Voltaire ; voyez tome XXVI, page 195) ; 8° Dialogue du Douteur et de l’Adorateur (Voyez tome XXV, page 129) ; 8° Les dernières paroles d’Épictète à son fils (voyez tome XXV, page 125) ; 9° Idées de La Mothe Le Voyer (voyez tome XXIII, page 489).

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24/12/2021 | Lien permanent

Il voudrait que ses créanciers et ses débiteurs produisissent leurs livres devant des arbitres, et qu’on traitât les cho

... Le fisc et les propriétaires, de nos jours, ont le même comportement , la même inhumanité . Mon cher Voltaire  mettre des gens à la rue ne les tourmente pas le moins du monde , que n'es-tu encore de ce monde pour dénoncer cette brutalité .

 

 

« A Anne-Robert-Jacques Turgot

24è janvier 1764, au château de Ferney

par Genève 1

J’ai longtemps envié, monsieur, le bonheur des parents de M. de Pourceaugnac qui ont l’agrément d’être sous vos lois 2. Je pourrais encore porter envie à ceux qui s’en vont à la Guyane, dans le pays d’Eldorado, sous M. le chevalier Turgot 3. Je sais la manière charitable et empressée dont les évêques et les abbés réguliers de France ont reçu cette colonie 4.

Je vous ai d’ailleurs envoyé un petit livre 5 pour vous amuser, et je souhaite que les gens qui aiment la lecture aient permis que ce petit livre parvînt jusqu’à vous.

Si vous vous ressouvenez, monsieur, du plaisir infini que vous m’avez fait quand vous avez bien voulu être ermite aux Délices 6, je vous demande aujourd’hui une autre grâce, qui s’accorde à merveille avec votre cœur.

Un sieur de Ladouz, négociant de vos cantons, à peu près ruiné par l’incendie de sa maison à Bordeaux, a pour rafraîchissement un procès énorme à Limoges, et pour comble de bonheur, tous ses documents sont brûlés. Il demande qu’on n’achève pas en frais et en procédures de perfectionner sa situation. Il voudrait que ses créanciers et ses débiteurs produisissent leurs livres devant des arbitres, et qu’on traitât les choses humainement, terme que ne connaît guère la justice. Quel autre arbitre, quel autre juge humain pourrait-il avoir que vous ?

J’ose vous demander en grâce, monsieur, d’engager les Limousins à vous laisser le maître de cette affaire . Ayez cette pitié pour un pauvre diable d’incendié ; je ne connais point de meilleur onguent pour la brûlure que d’être entre vos mains.

J’imagine que vous n’avez guère d’autres plaisir à Limoges que celui d’y faire du bien. Mais pourquoi avez-vous eu la cruauté de n’être pas intendant de Bourgogne 7 ? Quand vous serez à Paris, j’emploierai votre protection pour obtenir une place de quinze-vingts ; car je perds les deux yeux, comme le vieux Tobie, et le fiel des poissons du lac de Genève ne me rendra pas la vue. C’est pourquoi je vous certifie d’une autre main que de la mienne les tendres et respectueux sentiments que j’aurai pour vous, jusqu’à ce que mon curé, avec lequel je suis en procès, ait le plaisir de m’enterrer.

V.»

1 D'après une copie du XIXè siècle . L'original conservé à la bibliothèque municipale de Falaise a été détruit pendant la seconde guerre mondiale . On a ici le texte de l'édition Lettres inédites .

2 Turgot est alors intendant à Limoges .

3 Etienne-François Turgot , frère de Anne-Robert-Jacques Turgot a été nommé gouverneur général de Cayenne .

4 Choiseul embarrassé par quelques milliers de colons, surtout alsaciens, qu'il avait recrutés pour la nouvelle colonie de la Guyane, avait demandé aux évêques de les héberger et d'essayer de les utiliser . Sa requête a eu peu de succès ; voir sa lettre du 27 novembre 1763 à V* .

5 Traité sur la tolérance .

6 En novembre 1760 ; voir lettre du 26 octobre 1760 à Turgot : « Vous arrivez, monsieur, dans ma chapelle de village quand la messe est dite . Mais nous la recommencerons pour vous . Cette chapelle est un théâtre de polichinelle où nous jouons des pièces nouvelles avant qu'on les abandonne au bras séculier de Paris. » 

7 Ferney dépend de la généralité de Dijon .

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Il est doux de cultiver son jardin, mais il me semble qu’on y jette de grosses pierres

... Il arrive que ce soit la dure réalité :

Finistère. « J'ai entendu un grand bruit suivi d'une pluie de cailloux »

https://www.ouest-france.fr/bretagne/morlaix-29600/plouvorn-un-grand-bruit-suivi-d-une-pluie-de-cailloux-6171775

 

 

 

« A Philippe-Antoine de Claris,M. le marquis de

Florian, etc.

au château d'Hornoy

par Abbeville

Aux eaux de Rolle en Suisse, par Genève 28è juillet 1766

Je viens de lire le mémoire signé de huit avocats. Il ne parle point d’une abbesse, mais d’une supérieure de couvent. Il dit que le juge devait se récuser lui-même, parce que de cinq accusés il y en avait quatre dont les familles avaient avec lui de violents démêlés. Le mémoire porte que ce juge voulait marier son fils unique avec une demoiselle qui voulait épouser le frère aîné d’un de ces accusés même. Cette demoiselle était dans le couvent, et la supérieure favorisait les prétentions du rival. Il y a bien plus : ce juge était curateur de cette jeune personne, et on avait tenu une assemblée des parents de la demoiselle, pour ôter la curatelle à ce juge.

Voilà donc de tous les côtés l’amour qui est la cause d’un si grand malheur . Voilà un lieutenant de l’élection, âgé de soixante ans, amoureux d’une religieuse, et voilà un jeune homme amoureux d’une pensionnaire, qui ont produit toute cette affaire épouvantable.

Ce qui nous étonne encore dans ce procès, c’est que la procédure, ni la sentence, ni l’arrêt, n’ont fait aucune mention de l’audace sacrilège avec laquelle on avait mutilé un crucifix ; il n’y a eu aucune charge sur ce crime contre les accusés ; et cette action est probablement d’un soldat ivre de la garnison, ou de quelque ouvrier huguenot de la manufacture d’Abbeville. Mais les enquêtes faites sur cette profanation, ayant été jointes aux autres corps du délit, ont produit dans les esprits une fermentation qui n’a pas peu contribué à l’horreur de la catastrophe.

Un des principaux corps du délit est une vieille chanson grivoise qu’on chante dans tous les régiments ; l’une est intitulée la Magdeleine ; et l’autre, la Saint-Cyr.

Il est peu parlé, dans la consultation des avocats, de l’infortuné jeune homme qui a fini ses jours d’une manière si cruelle, et avec une fermeté si héroïque.

Il est très-constant que de vingt-cinq juges il n’y en a eu que quinze qui aient opiné à la mort. Si les seigneurs d’Hornoy ont appris quelque chose qui puisse éclaircir cette horrible affaire, nous leur serons bien obligés de nous en faire part.

Ils vont donc faire une tragédie avec le jeune La Harpe 1 . Il vaut mieux faire des tragédies que d’être témoin de celle qui vient de se passer dans votre voisinage.

Nous vous embrassons très tendrement.

Il est doux de cultiver son jardin, mais il me semble qu’on y jette de grosses pierres. »

1 La Harpe était sur le point de faire un séjour à Hornoy, mais après l'échec de son Gustave Vasa, dégoûté, il n’écrivit plus de pièce avant 1772 . Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:La_Harpe_-_Abr%C3%A9g%C3%A9_de_l%E2%80%99histoire_g%C3%A9n%C3%A9rale_des_voyages,_tome_1.djvu/14

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25/10/2021 | Lien permanent

En vérité, il s’agit dans cette affaire de l’honneur de la France

... "Zaporijia : la France "préoccupée par la menace "": https://www.youtube.com/watch?v=FOz8V4vckls

Préoccupation, à quand l'occupation ? Il est vrai que les nuages radio-actifs, depuis Tchernobyl, savent s'arrêter à nos frontières orientales !

 

 

 

« A Philippe-Antoine de Claris , marquis de Florian

4è mars 1767

Grand Turc, grand écuyer persan, cadi, et vous, grande écuyère 1, tombe sur vous la rosée du ciel, et soit votre rosier toujours fleuri 2! Qui a donc fait la chanson de Molé 3? Elle est naïve et plaisante. N’en fera-t-on point sur la Sorbonne, qui persécute si sottement Marmontel ?

Les Gilly 4 m’ont fait pis ; leur banqueroute est forte. Je serai fort obligé à monsieur le cadi s’il fait agir vigoureusement le procureur boiteux dans mon affaire contre des Normands.

Mme Denis et moi remercions le Grand Turc de la mainlevée. Mahomet favorise ses bons serviteurs. J’aurai bientôt, je crois, une plus grande obligation aux maîtres des requêtes. Vous avez vu sans doute le mémoire de M. de Beaumont : il faudrait avoir une âme de bronze pour ne pas accorder une évocation aux Sirven. En vérité, il s’agit dans cette affaire de l’honneur de la France ; il est trop honteux de se faire continuellement un jeu d’une accusation de parricide. Mon cher grand écuyer y est surtout intéressé pour l’honneur de son Languedoc. Pour moi, je m’intéresse plus aux Sirven qu’aux Scythes : je n’avais fait cette pièce que pour mon petit théâtre et pour mes chers Genevois, qui y sont un peu houspillés. M. et Mme de La Harpe la jouent très bien ; elle nous fait un très grand effet. Les changements que les anges nous proposent nous paraissent absolument impraticables : ce serait nous couper la gorge. Il faut donner la pièce telle qu’elle est, avec ses défauts ; mais il ne la faut donner que quand Mlle Durancy sera sûre de son rôle, et qu’elle aura appris à répandre et à retenir des larmes, et quand les deux vieillards sauront imiter la nature, ce qui est aussi rare dans ce tripot que dans celui de Nicolet.

Si le grand écuyer et le Grand Turc veulent se donner le plaisir des répétitions, ils feront un grand plaisir au Scythe, qui les embrasse de tout son cœur.

Il leur enverra incessamment la Guerre de Genève, dès qu’il en aura fait faire une copie. Cela peut amuser quelques moments ceux qui connaissent les masques.

Mille et mille tendres amitiés.

V. »

1 L’abbé Mignot, le marquis de Florian, d’Hornoy, son beau-fils, et la marquise de Florian, mère de ce dernier.

2 Réminiscence du Bourgeois gentilhomme, de Molière, Ac ; IV, sc. 6 :

3 Cette chanson, qui commence par ce vers :

Quel est ce gentil animal,

Tourne à Paris toutes les têtes,

Et pour qui l'on donne des fêtes ?

Ce ne peut être que Molet

Ou le singe de Nicolet.

Elle est du spirituel chevalier de Boufflers, et figure dans les Œuvres complètes de Boufflers, 1827 . Elle comporte une strophe regardant Voltaire :

Si la mort étendait son deuil

Ou sur Voltaire ou sur Choiseul,

Paris serait moins en alarmes,

Et répandrait bien moins de larmes

Que n'en ferait verser Molet

Ou le singe de Nicolet .

Note : Molet désigne le comédien Molé ; Nicolet est un entrepreneur en spectacles, célèbre à l'époque par son singe savant .

4 Les Gilly de Montaud, célèbres financiers . c'est l'un d'entre eux que Lescure a prétendu, à la fin du XIXè siècle, reconnaît dans le « vieux G.M. » de Manon Lescaut. .

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14/08/2022 | Lien permanent

je ris encore ; et, Dieu merci, je regarde ce monde comme une farce qui devient quelquefois tragique. Tout est égal au

... Fatalitas ! comme dit Chéri-Bibi .

Chéri-bibi t.1 ; fatalitas - Pascal Bertho, Marc-Antoine Boidin - Delcourt  - Grand format - Librairie Gallimard PARIS

 

 

 

« Au cardinal François-Joachim de Pierre de Bernis

Ferney, 22 décembre 1766.

Monseigneur, je souhaite la bonne année à Votre Éminence s’il y a de bonnes années ; car elles sont toutes assez mêlées, et j’en ai vu soixante-treize dont aucune n’a été fort bonne. Je ne m’imaginerai jamais que vous abandonniez entièrement les belles-lettres ; vous seriez un ingrat. Vous aimerez toujours les vers français, quand même vous feriez des hymnes latins. Je ne dis pas que vous aimerez les miens, mais vous me les ferez faire meilleurs. Vous m’avez accoutumé à prendre la liberté de vous consulter : je présente donc à votre muse archiépiscopale une tragédie profane pour ses étrennes. Il m’a paru si plaisant de mettre sur la scène tragique une princesse qui raccommode ses chemises, et des gens qui n’en ont pas, que je n’ai pu résister à la tentation de faire ce qu’on n’a jamais fait. Il m’a paru que toutes les conditions de la vie humaine pouvaient être traitées sans bassesse ; et quoique la difficulté d’ennoblir un tel sujet soit assez grande, le plaisir de la nouveauté m’a soutenu, et j’ai oublié le solve senescentem 1: mais, si vous me dites solve, je jette tout au feu. Jetez-y surtout ces étrennes si elles vous ennuient, et tenez-moi compte seulement du désir de vous plaire. Je me flatte que vous jouissez d’une bonne santé, et que vous êtes heureux. Je sais du moins que vous faites des heureux, et c’est un grand acheminement pour l’être. Vous faites de grands biens dans votre diocèse ; vous contemplez de loin les orages, et vous attendez tranquillement l’avenir.

Pour moi chétif, je fais la guerre jusqu’au dernier moment . Jansénistes, molinistes, Frérons, Pompignans, à droite, à gauche, et des prédicants et J.-J. Rousseau. Je reçois cent estocades, j’en rends deux cents, et je ris. Je vois à ma porte Genève en combustion pour des querelles de bibus 2, et je ris encore ; et, Dieu merci, je regarde ce monde comme une farce qui devient quelquefois tragique.

Tout est égal au bout de la journée, et tout est encore plus égal au bout de toutes les journées.

Quoi qu’il en soit, je me meurs d’envie que vous soyez mon juge, et je vous demande en grâce de me dire si j’ai pu vous amuser une heure. Vous êtes pasteur, et voici une tragédie dont des pasteurs sont les héros. Il est vrai que des bergers de Scythie ne ressemblent pas à vos ouailles d’Albi  . Mais il y a quelques traits où l’on retrouve son monde. On aime à voir dans des peintures, quoique imparfaites, quelque chose de ce qu’on a vu autrefois. Ces réminiscences amusent et font penser. En un mot, monseigneur, aimez toujours les vers ; pardonnez aux miens et conservez vos bontés pour votre vieux et attaché serviteur.

V.»

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24/03/2022 | Lien permanent

Il y a des gens qui ont imprimé que si on avait joué la tragédie de Mahomet devant Ravaillac, il n'aurait jamais assassi

... Pour ceux qui ne le savent pas encore "Le Fanatisme ou Mahomet le prophète" est une des plus remarquables pièces du clairvoyant et toujours jeune Voltaire :

https://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/20356

Maintenant vous pouvez comprendre le titre de la note de ce jour .

La censure dont je parlais hier s'est évidemment jetée bec et ongles sur cette pièce dérangeante pour tous les hypocrites de la terre : https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Fanatisme_ou_Mahomet_le_Proph%C3%A8te

Jouissance et rififi en Arabie – Langue sauce piquante

Voir la censure de cette miniature : https://www.lemonde.fr/blog/correcteurs/2022/01/21/jouissance-et-rififi-en-arabie/

 

 

 

« A Charles-Georges Fenouillot de Falbaire de Quingey

11 décembre 1767 à Ferney

Je ne peux trop vous remercier, monsieur, de la bonté que vous avez eue de m'envoyer votre pièce 1, que l'éloquence et l'humanité ont dictée. Elle est pleine de vers qui parlent au cœur, et qu'on retient malgré soi. Il y a des gens qui ont imprimé que si on avait joué la tragédie de Mahomet devant Ravaillac, il n'aurait jamais assassiné Henri IV. Ravaillac pouvait fort bien aller à la comédie; il avait fait ses études, et était un très bon maître d'école. On dit qu'il y a encore à Angoulême des gens de sa famille qui sont dans les ordres sacrés, et qui par conséquent persécutent les huguenots au nom de Dieu. Il ne serait pas mal qu'on jouât votre pièce devant ces honnêtes gens, et surtout devant le parlement de Toulouse. M. de Marmontel vous en demandera probablement une représentation pour la Sorbonne.

Pour moi, monsieur, je vous réponds que je la ferai jouer sur mon petit théâtre.

Je suis fâché que votre prédicant Lisimond 2 ait eu la lâcheté de laisser traîner son fils aux galères. Je voudrais que sa vieille femme s'évanouît à ce spectacle, que le père fût empressé à la secourir, qu'elle mourût de douleur entre ses bras; que pendant ce temps-là la chaîne partît; que le vieux Lisimond, après avoir enterré sa vieille prédicante, allât vite à Toulon se présenter pour dégager son fils. Le fond de votre pièce n'y perdrait rien, et le sentiment y gagnerait.

Je voudrais aussi (permettez-moi de vous le dire) que, dans la scène de la reconnaissance, les deux amants ne se parlassent pas si longtemps sans se reconnaître, ce qui choque absolument la vraisemblance.

N'imputez ces faibles critiques qu'à mon estime. Je crois que vous pouvez rendre au théâtre le lustre qu'il commence à perdre tous les jours; mais soyez bien persuadé que Phèdre et Iphigénie feront toujours plus d'effet que des bourgeois. Votre style vous appelle au grand.

J'ai l'honneur d'être, avec toute l'estime que vous méritez, votre très-humble . »

1 Charles-Georges Fenouillot de Falbaire, né à Salins en 1727, mort à Sainte-Menehould le 28 octobre 1800, avait envoyé à Voltaire son ouvrage intitulé la Piété filiale, ou l'Honnête Criminel, drame en cinq actes et en vers, imprimé dès 1767, in-8°, joué sur des théâtres de société, mais qui ne fut représenté sur le Théâtre-Français qu'en 1790.

Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles-Georges_Fenouillot_de_Falbaire_de_Quingey

et : https://marie-antoinette.forumactif.org/t3522-madame-fenouillot-de-falbaire-berceuse-du-sieur-beaujon

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03/07/2023 | Lien permanent

Ce qu’il y aurait de mieux à faire, à mon avis

... Autant d'avis que de partis . Les grenouilles se croyant boeufs du RN et de NUPES coassent à en perdre la voix , réclamant des postes prestigieux ( et rémunérateurs, bien entendu ) . Et dire qu'il va falloir les supporter cinq ans !

 

 

 

« A Charles Bordes

A Ferney, 11è février 1767

Vous m’aviez ordonné, monsieur, de vous renvoyer par le coche les deux mauvais ouvrages jésuitiques, dans lesquels il y a des anecdotes curieuses, et qui fournissent beaucoup à l’art de profiter des mauvais livres . Mais il n’y a plus de coche, plus de voitures de Genève à Lyon, plus de communication. Ce qu’il y aurait de mieux à faire, à mon avis, serait d’acheter le nouvel exemplaire qu’on vous propose pour le rendre à votre dévote, je le paierai très volontiers, à la faveur d’une lettre de change que j’ai sur M. Scherer 1 pour le payement des Rois.

L'anecdote qu'on vous a contée sur ce malheureux Jean-Jacques est très vraie . Le malheureux a laissé mourir ses enfants à l'hôpital, malgré la pitié d’une personne compatissante qui voulait les secourir . Comptez que Rousseau est un monstre d’orgueil, de bassesse, d'atrocité, et de contradictions 2.

Je crois que vous jugez très bien M. Thomas en lui accordant de grandes idées et de grandes expressions.

Les troubles de Genève, les mesures que le gouvernement à prises, l’interruption de tout commerce, la rigueur intolérable de l’hiver, la disette où notre petit pays est réduit, m’ont rendu Ferney moins agréable qu’il n’était. J’espère, si je suis encore en vie l’hiver prochain, le passer à Lyon auprès de vous, et ce sera pour moi une grande consolation. Je vous embrasse de tout mon cœur, mon cher confrère. 

V.»

1 Première référence au banquier lyonnais dont il sera beaucoup question par la suite .

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23/06/2022 | Lien permanent

On passe sa vie à s’indigner et à gémir.

... Les motifs de se réjouir sont aux abonnés absents, particulièrement en cette période électorale où certains sont prêts à donner le pouvoir à la famille Le Pen . "Pauvre France !" Qui écoute encore et est capable de suivre l'auteur du Traité sur la Tolérance ? Hélas , une minorité . Le potentiel de réflexion des Français est bien bas dans le même temps qu'il devrait être au plus haut . 

 

 

 

« Au baron Friedrich Melchior von Grimm

27 décembre 1768

L’affligé solitaire des Alpes a reçu la lettre consolante du prophète 1 de Bohême. Ils pleurent ensemble, quoique à cent lieues l’un de l’autre , le défenseur intrépide de la raison et le vertueux ennemi du fanatisme, Damilaville, est mort, et Fréron est gros et gras . Mais que voulez-vous, Thersite a survécu à Achille, et les bourreaux du chevalier de La Barre sont encore vivants. On passe sa vie à s’indigner et à gémir.

Il y a des barbares qui imputent la traduction de l’A, B, C à l’ami du prophète bohémien ; c’est une imputation atroce. La traduction est d’un avocat nommé La Bastide-Chiniac, auteur d’un Commentaire sur les discours de l’abbé Fleury 2. L’original anglais fut imprimé à Londres en 1761, et la traduction en 1762, chez Robert Freemann3, où tout le monde peut l’acheter. Voilà de ces vérités dont il faut que les adeptes soient instruits, et qu’ils instruisent le monde. Les prophètes doivent se secourir les uns les autres, et ne se pas donner des soufflets, comme Sédéchias en donnait à Michée 4.

Je prie le prophète de me mettre aux pieds de ma belle philosophe 5.

On dit du bien de Mlle Vestris 6; mais il faut savoir si ses talents sont en elle, ou s’ils sont infusés par Lekain ; si elle est ens per se ou ens per aliud 7.

Vous reconnaîtrez l’écriture d’Élisée 8 sous la dictée du vieil Élie : je lui laisserai bientôt mon manteau 9 ; mais ce ne sera pas pour m’en aller dans un char de feu.

Adieu, mon cher philosophe ; je vous embrasse en Confucius, en Épictète, en Marc-Aurèle, et je me recommande à l’assemblée des fidèles.

V. »

1 Grimm est auteur du Petit prophète de Boehmischbroda, 1753, in-8° : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9617986b/f3.item

4 Ier livre des  Rois, xxii, 24 : https://saintebible.com/1_kings/22-24.htm

5 Mme d’Épinay

6 Mlle Angelo Vestris, née Françoise-Marie-Rostte Gourgaud, a fait ses débuts à la Comédie-Française le 19 décembre 1768 : https://www.comedie-francaise.fr/fr/artiste/mme-vestris#

7 Un être par elle-même ou un être par autrui.

8 Jean-Louis Wagnière.

9 IIè livre des  Rois, ii, 13. : https://saintebible.com/2_kings/2-13.htm

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