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Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné et mérite d'être réfuté

... Selon moi , la BD est un art majeur, et l'ouvrage suivant le confirme : https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/bd-bande-dessine...

 

 

 

« A François Joumard Achard Tison, marquis d'Argence, Brigadier des

armées du roi etc.

à Angoulême 1

2 janvier [1768]

Je vous dois des réponses, mon cher philosophe militaire mais il y a trois mois que je ne sors presque point de mon lit. J'achève ma carrière tout doucement; ma plus grande peine est de ne pouvoir remplir, comme je voudrais, les devoirs de mon cœur.

Savez-vous bien qu'on a imprimé en Hollande un petit livre intitulé Le Philosophe militaire 2? Ce n'est pourtant pas vous qui l'avez fait . On le connaissait depuis longtemps en manuscrit. C'est un ouvrage dans le goût du Curé Meslier 3 . Il est de Saint-Hyacinthe, que la chronique scandaleuse a cru fils de l'évêque de Meaux, Bossuet 4. Il avait été en effet officier un ou deux ans. Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné et mérite d'être réfuté. Vous pourriez aisément faire venir d'Amsterdam une petite bibliothèque complète. Vous n'auriez qu'à vous adresser à un libraire de Bordeaux, et lui dire de vous faire venir par Marc-Michel Rey, libraire d'Amsterdam, tous les livres que ce Marc-Michel a imprimés sur ces matières. Il y en a plus de quinze volumes. Un secrétaire de M. le maréchal de Richelieu ou de l'intendant de la province pourrait aisément vous faire passer le paquet. Il n'y a pas à présent de voie plus commode.

Il parait une autre brochure du même Saint-Hyacinthe intitulée Le Dîner du comte de Boulainvilliers 5. On pourrait vous l'envoyer par la poste de Lyon mais il serait à propos que vous eussiez une correspondance à Limoges. Je vous souhaite une bonne année . Vivez longtemps, monsieur, pour l'intérêt de la vertu et de la vérité.

Votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire. »

1 Adresse de la main déguisée de Wagnière, cachet « de Genève ».

2  Le Militaire philosophe, bien entendu ; voir lettre du 18 novembre 1767 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/06/14/il-fait-une-tres-grande-impression-dans-tous-les-pays-ou-l-o-6447589.html

3   Les points communs entre les deux ouvrages sont leur longueur et un ton familier . Mais les différences sont bien plus essentielles . Challe est déiste – quoique cela soit masqué dans l'édition Naigeon de 1768 – , Meslier athée ; Challe est très attaché à la monarchie française et à toute la hiérarchie sociale ; il reproche à la religion de ne pas être assez fidèlement attachée à maintenir des hommes dans leurs devoirs . Meslier attaque l'organisation sociale et reproche au clergé d'en être l'appui .

4 V* fait de nouveau référence à ce ragot dans Le Siècle de Louis XIV ; voir la note « Bossuet » : https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Si%C3%A8cle_de_Louis_XIV/%C3%89dition_Garnier/Chapitre_32

Quant à l'attribution du Militaire philosophe à Saint-Hyacinthe, elle est totalement impossible ; voir F. Deloffre « Robert Challe père du déisme français », Revue d'Histoire littéraire de la France,1979

5   Effectivement, V* a fait paraître son Dîner du comte de Boulainvilliers, 1728 [en fait 1767] sous le nom de Saint-Hyacinthe ; c'est la véritable raison pour laquelle il lui attribue Le Militaire philosophe ; les deux attributions, aussi fausses l'une que l'autre, s'appuient en quelque sorte l'une sur l'autre .

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26/07/2023 | Lien permanent

Tâchez de jouir longtemps des avantages que cette bonne fortune vous procure

... Mlle Angelina Jolie, vous saurez en faire bon usage : https://hitek.fr/actualite/angelina-jolie-premier-post-in...

 

 

« A Nicolas-Claude Thieriot

à Paris

30 mai 1766 1

Mon cher et ancien ami, je vous fais mon sincère compliment sur votre nouveau traité avec les puissances du Nord. Tâchez de jouir longtemps des avantages que cette bonne fortune vous procure. Vous avez le département le plus agréable du monde, laevia carmina et faciles versus 2. Je souhaite que nos beaux esprits de Paris vous fournissent une ample matière ; mais votre santé me donne autant d’inquiétude que votre nouvelle correspondance me fait de plaisir. Prenez garde à votre hydrocèle, imposez-vous un régime qui vous mette en état de courir pour chercher des nouvelles. Lorsque vous ne pourrez point écrire, je vous conseillerais de vous munir d’un homme qui écrirait sous votre dictée, afin que la correspondance ne fût pas interrompue. Je ne pourrai guère vous aider dans votre ministère ; nous n’avons à Genève que des sottises ennuyeuses. Il vient de paraître un ouvrage bien plat contre M. d’Alembert, M. Hume, et les encyclopédistes 3 ; j’y suis aussi pour ma part. Vous pensez bien que le libelle est d’un prêtre. Ce prêtre est un nommé Vernet, théologien huguenot de son métier ; c’est un homme à qui on rend toute la justice qu’il mérite, c’est-à-dire qu’il est couvert d’opprobre. Son livre est entièrement ignoré. Il n’est question dans Genève que des tracasseries pour lesquelles on a fait venir trois plénipotentiaires.

Je vous embrasse du meilleur de mon cœur.

V. »

1 Le manuscrit est de la main de Wagnière et l’adresse semble être celle de Damilaville . Dans la lettre du 21 mai à laquelle répond V*, Thieriot dit «soigner « deux infirmités qui étaient la suite de convulsions », « un hydrocèle et un sarcocèle » avec une eau d'un certain « M. de Wyl, Suisse du canton de Lausanne, peintre et chimiste » ayant fait un portrait de Voltaire, « prodigieux remède dont on ne fait que boire et se douger » . Il annonce d'autre part que le roi de Prusse , après quinze ans, lui demande de reprendre « une feuille littéraire, etc., pour Sa Majesté », qui lui vaudrait une pension de douze cents livres par an . l'adresse

2Poèmes légers et vers faciles .

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24/08/2021 | Lien permanent

Tâchez de votre côté d'éclairer la jeunesse autant que vous le pourrez.

... Il semble parfois que notre XXIè siècle soit bien en retard sur les priorités que Voltaire prônait , alors ...

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... pourquoi est-il besoin de le rappeler ?

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

Au château de Ferney, par Genève,

15 de septembre [1762] 1

Mon très aimable et très grand philosophe, je suis emmitouflé. Je vise à être sourd et aveugle. Si je n'étais qu'aveugle, je reviendrais voir Mme du Deffand [i]; mais étant sourd il n'y a pas moyen.

Je vous prie de dire à l'Académie que je la régalerai incessamment de l'Héraclius de Calderon, qui pourra réjouir autant que César de Shakespeare [ii]. Soyez très persuadé que j'ai traduit Gille Shakespeare selon l'esprit et selon la lettre [iii]. L'ambition qui paie ses dettes est tout aussi familier en anglais qu'en français [iv], et le dimitte nobis debita nostra n'en est pas plus noble pour être dans le Pater.

On a bien de la peine avec les Calas ; on n'a été instruit que petit à petit, et ce n'est qu'avec des difficultés extrêmes qu'on a fait venir les enfants à Genève, l'un après l'autre, et la mère à Paris. Les mémoires ont été faits successivement, à mesure qu'on a été instruit. Ces mémoires ne sont faits que pour préparer les esprits, pour acquérir des protecteurs, et pour avoir le plaisir de rendre un parlement et des pénitents blancs [v] exécrables et ridicules.

Comment peut-on imaginer que j'aie persécuté Jean-Jacques ? voilà une étrange idée ; cela est absurde. Je me suis moqué de son Émile, qui est assurément un plat personnage ; son livre m'a ennuyé ; mais il y a cinquante pages que je veux faire relier en maroquin [vi]; en vérité , ai-je le nez tourné à la persécution ? croit-on que j'aie un grand crédit auprès des prêtres de Berne ?[vii] Je vous assure que la prêtraille de Genève aurait fait retomber sur moi, si elle avait pu, la petite correction qu'on a faite à Jean-Jacques, et j'aurais pu dire : jam proximus ardet Eucalegon [viii], si je n'avais pas des terres en France, avec un peu de protection [ix]. Quelques cuistres de calvinistes ont été fort ébahis et fort scandalisés que l'illustre république me permît d'avoir une maison dans son territoire, dans le temps qu'on brûle et qu'on décrète de prise de corps Jean-Jacques le citoyen [x], mais comme je suis fort insolent, j'en impose un peu, et cela contient les sots. Il y a d'ailleurs plus de Jean Meslier et de Sermon des cinquante dans l'enceinte de nos montagnes qu'il n'y en a à Paris. Ma mission va bien, et la moisson est assez abondante [xi]. Tâchez de votre côté d'éclairer la jeunesse autant que vous le pourrez.

J'ai envoyé à frère Damilaville un long détail d'une bêtise imprimée dans les journaux d'Angleterre ; c'est une lettre qu'on prétend que je vous ai écrite [xii]; vous auriez un bien plat correspondant, si je vous avais en effet écrit dans ce style.

Le factum de l'archevêque de Paris contre Jean-Jacques [xiii] me parait plus plat que l'éducation d'Émile ; mais il n'approche pas du réquisitoire d'Omer. Quand un homme public est bête, il faut l'être comme Omer, ou ne point s'en mêler. Je suis très sûr qu'on a proposé Berthier pour la place de maître Editue [xiv]. Il faut avouer qu'il y a certaines familles où l'on élève fort bien les enfants ; mais, Dieu merci, nous n'avons eu qu'une fausse alarme.

Je vous parle rarement de Luc [xv], parce que je ne pense plus à lui ; cependant, s'il était capable de vivre tranquille et en philosophe, et de mettre à écraser l'Infâme la centième partie de ce qu'il lui en a coûté pour faire égorger du monde, je sens que je pourrais lui pardonner.

Vous avez vu , sans doute, la belle lettre que Jean-Jacques a écrite à son pasteur, pour être reçu à la sainte table : je l'ai envoyée à frère Damilavile [xvi]. Vous voyez bien que ce pauvre homme est fou : pour peu qu'il eût eu un reste de sens commun, il serait venu au château de Tournay que je lui offrais, c'est une terre entièrement libre. Il y eût bravé également et les prêtres ariens et l'imbécile Omer et tous les fanatiques ; mais son orgueil ne lui a pas permis d'accepter les bienfaits d'un homme qu'il avait outragé.

Criez partout, je vous en prie, pour les Calas et contre le fanatisme, car c'est l'Infâme qui a fait leur malheur. Vous devriez bien venir un jour à Ferney avec quelque bon cacouac [xvii]. Je voudrais vous embrasser avant de mourir, cela me ferait grand plaisir. »

1 D'Alembert a écrit le 8 septembre 1762 : « L'Académie […] vous remerci[e] de la traduction que vous lui avez envoyée du Jules César de Shakespeare ; […] elle s'en rapporte à vous pour la fidélité de la traduction, n'ayant pas eu d'ailleurs l'original sous les yeux . Elle est étonnée qu'une nation qui n'est pas barbare puisse applaudir à des rhapsodies si grossières ; et rien ne lui paraît plus propre, comme vous l'avez très bien pensé , à assurer la gloire de Corneille . […] j'ai peine à croire qu'en certains endroits l'original soit aussi mauvais qu'il le paraît dans cette traduction . […] vous faites dire à l'un des acteurs, mes braves gentilshommes ; il y a apparence que l'anglais porte gentlemen, ou peut être worthy gentlemen, expression qui ne renferme pas l'idée de familiarité qui est attachée dans notre langue à celle-ci, mes braves gentilshommes ; vous savez d'ailleurs mieux que moi que gentleman en anglais ne signifie pas ce que nous entendons par gentilhomme . Vous faites dire à un des conjurés , après l’assassinat de César, l'ambition vient de payer ses dettes . Cela est ridicule en français, et je ne doute point que cela soit fidèlement traduit, mais cette façon de parler est-elle ridicule en anglais ? […] il est très important que dans votre traduction vous ayez conservé le caractère de l'original dans chaque phrase […] . Le mémoire de Donat Calas, et celui d’Élisabeth Canning, me sont parvenus par M. Jannel ; l'un et l'autre sont à merveille ; je crois pourtant qu'il aurait encore mieux valu les refondre ensemble, et n'en faire qu'un seul écrit […] . qu'est-ce qu'un Éloge de Crébillon, ou plutôt une satire sous le nom d'éloge, qu'on vous attribue ? Quoique je pense absolument comme l'auteur de cette brochure sur le mérite de Crébillon, je suis fâché qu'on ait choisi le moment de sa mort pour jeter des pierres sur son cadavre […] . Les mais de Rousseau […] répandent ici que vous le persécutez, que vous l'avez fait chasser de Berne, et que vous travaillez à le faire chasser de Neuchâtel ; je suis persuadé qu'il n'en est rien […] . Souvenez vous d'ailleurs que si Rousseau est persécuté, c'est pour avoir jeté des pierres, et d’assez bonnes pierres, à cette infâme que vous voudriez voir écrasée, et qui fait le refrain de toutes vos lettres […] . l'archevêque vient de faire contre lui un grand diable de mandement, qui donnera envie de lire sa profession de foi à ceux qui ne la connaissaient pas […] . que dites-vous de la révolution de Russie, et de votre ancien disciple, dont vous vous obstinez à ne me point parler ? Vous avez toujours cru qu'il périrait ; il s'en tirera pourtant, si je ne me trompe, grâce à son activité , et à son courage . Je me flatte qu'après la paix, qu'on nous fait espérer bientôt, il redeviendra notre ami […] . »

i Aveugle elle-même.

ii V* a inclus ces traductions dans ses Commentaires sur Corneille pour comparer les Héraclius de Calderon et de Corneille, et aussi le César avec Cinna ; cf. lettres du 4 juin à Cappacelli et 17 juin à d'Alembert.

iii Le 8 septembre, de d'Alembert : « j'ai peine à croire qu'en certains endroits l'original soit aussi mauvais qu'il le parait dans cette traduction. »

iv D'Alembert avait posé la question .

vLe parlement de Toulouse, et les pénitents blancs, qui, selon V* ont inspiré la sentence.

vi Lettre à Damilaville le 14 juin : les « pages contre le christianisme, des plus hardies qu'on ait jamais écrites » = la Profession de foi du vicaire savoyard .

vii D'Alembert lui avait écrit : « Les amis de Rousseau ... répandent ici que vous le persécutez, que vous l'avez fait chasser de Berne, et que vous travaillez à le faire chassez de Neuchâtel... »

viii Déjà tout près brûle Ucalegon .

ix Celle de Choiseul et de Mme de Pompadour.

xAprès la condamnation le 19 juin de l'Emile, du Contrat social et de JJ Rousseau lui-même, Charles Pictet écrivait à Duvillars le 22 juin : « Ce tribunal flétrit par un jugement infamant un citoyen de la république qui a jusqu'à présent bien mérité d'elle ... pendant que le même tribunal permet qu'on imprime avec l'approbation publique les ouvrages d'un homme qui insulte à Genève et à la religion qu'on y professe ...; et en faveur de qui le conseil fait-il cette distinction ? en faveur d'un étranger auquel on a accordé une retraite dans le temps où toute l'Europe la lui refusait ... »

xi Charles Pictet l'accusait le 22 juin d' « infecte(r) tout ce qui l'environne du poison de ses sentiments erronés » et d'avoir « fait à Genève plus de déistes que Calvin n'y a fait de protestants » . Pictet avait été condamné le 23 juillet pour avoir critiqué la sentence du Petit Conseil.

xii La lettre du 29 mars 1762 à d'Alembert (au sujet d'un compte-rendu fait par le Journal encyclopédique , d'un « impertinent petit libelle », et surtout au sujet de l'affaire Calas) avait parue, lourdement falsifiée dans le St James chronicle du 17 juillet. Le 29 août, V* à Damilaville : « Vous ne vous souvenez peut-être pas d'une lettre qui est, je crois la première que je vous écrivis sur cette affaire, et qui était adressée à M. d'Alembert. Je vous l'envoyais afin que tous les frères fussent instruits de cet horrible exemple de fanatisme. Je ne sais quel exécrable polisson ... y a ajouté tout ce qu'on peut dire ... de plus punissable contre le gouvernement. L'auteur a poussé la sottise jusqu'à dire du mal du roi... Il se trouve encore que le Journal encyclopédique, qui est le seul journal que j'aime, est attaqué violemment dans ce bel écrit qu'on m'attribue ... quand vous verrez M. d'Alembert, je vous prie de l'instruire de tout cela. »

xiii Mandement de mgr l'archevêque de Paris portant condamnation d'un livre qui a pour titre :Émile ou l'éducation , 1762, daté du 20 août.

xiv A savoir, comme sous-précepteur du dauphin. D'Alembert ne le croyait pas ; mais le père Berthier fut effectivement nommé à ce poste ; l'expression est inspirée du Pantagruel de Rabelais.

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11/08/2017 | Lien permanent

Tâchez de votre côté d'éclairer la jeunesse autant que vous le pourrez

 http://www.deezer.com/listen-7199249

 

 

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

 

Au château de Ferney, par Genève,

15 de septembre [1762]

 

 

Mon très aimable et très grand philosophe, je suis emmitouflé. Je vise à être sourd et aveugle. Si je n'étais qu'aveugle, je reviendrais voir Mme du Deffand [i]; mais étant sourd il n'y a pas moyen.

 

Je vous prie de dire à l'Académie que je la régalerai incessamment de l'Héraclius de Calderon, qui pourra réjouir autant que César de Shakespeare [ii]. Soyez très persuadé que j'ai traduit Gille Shakespeare selon l'esprit et selon la lettre [iii]. L'ambition qui paie ses dettes est tout aussi familier en anglais qu'en français [iv], et le dimitte nobis debita nostra n'en est pas plus noble pour être dans le Pater.

 

On a bien de la peine avec les Calas ; on n'a été instruit que petit à petit, et ce n'est qu'avec des difficultés extrêmes qu'on a fait venir les enfants à Genève, l'un après l'autre, et la mère à Paris. Les mémoires ont été faits successivement, à mesure qu'on a été instruit. Ces mémoires ne sont faits que pour préparer les esprits, pour acquérir des protecteurs, et pour avoir le plaisir de rendre un parlement et des pénitents blancs [v] exécrables et ridicules.

 

Comment peut-on imaginer que j'aie persécuté Jean-Jacques ? voilà une étrange idée ; cela est absurde. Je me suis moqué de son Émile, qui est assurément un plat personnage ; son livre m'a ennuyé ; mais il y a cinquante pages que je veux faire relier en maroquin [vi]; en vérité , ai-je le nez tourné à la persécution ? croit-on que j'aie un grand crédit auprès des prêtres de Berne ?[vii] Je vous assure que la prêtraille de Genève aurait fait retomber sur moi, si elle avait pu, la petite correction qu'on a faite à Jean-Jacques, et j'aurais pu dire : jam proximus ardet Eucalegon [viii], si je n'avais pas des terres en France, avec un peu de protection [ix]. Quelques cuistres de calvinistes ont été fort ébahis et fort scandalisés que l'illustre république me permît d'avoir une maison dans son territoire, dans le temps qu'on brûle et qu'on décrète de prise de corps Jean-Jacques le citoyen [x], mais comme je suis fort insolent, j'en impose un peu, et cela contient les sots. Il y a d'ailleurs plus de Jean Meslier et de Sermon des cinquante dans l'enceinte de nos montagnes qu'il n'y en a à Paris. Ma mission va bien, et la moisson est assez abondante [xi]. Tâchez de votre côté d'éclairer la jeunesse autant que vous le pourrez.

 

J'ai envoyé à frère Damilaville un long détail d'une bêtise imprimée dans les journaux d'Angleterre ; c'est une lettre qu'on prétend que je vous ai écrite [xii]; vous auriez un bien plat correspondant, si je vous avais en effet écrit dans ce style.

 

Le factum de l'archevêque de Paris contre Jean-Jacques [xiii] me parait plus plat que l'éducation d'Émile ; mais il n'approche pas du réquisitoire d'Omer. Quand un homme public est bête, il faut l'être comme Omer, ou ne point s'en mêler. Je suis très sûr qu'on a proposé Berthier pour la place de maître Editue [xiv]. Il faut avouer qu'il y a certaines familles où l'on élève fort bien les enfants ; mais, Dieu merci, nous n'avons eu qu'une fausse alarme.

 

Je vous parle rarement de Luc [xv], parce que je ne pense plus à lui ; cependant, s'il était capable de vivre tranquille et en philosophe, et de mettre à écraser l'Infâme la centième partie de ce qu'il lui en a coûté pour faire égorger du monde, je sens que je pourrais lui pardonner.

 

Vous avez vu , sans doute, la belle lettre que Jean-Jacques a écrite à son pasteur, pour être reçu à la sainte table : je l'ai envoyée à frère Damilavile [xvi]. Vous voyez bien que ce pauvre homme est fou : pour peu qu'il eût eu un reste de sens commun, il serait venu au château de Tournay que je lui offrais, c'est une terre entièrement libre. Il y eût bravé également et les prêtres ariens et l'imbécile Omer et tous les fanatiques ; mais son orgueil ne lui a pas permis d'accepter les bienfaits d'un homme qu'il avait outragé.

 

Criez partout, je vous en prie, pour les Calas et contre le fanatisme, car c'est l'Infâme qui a fait leur malheur. Vous devriez bien venir un jour à Ferney avec quelque bon cacouac [xvii]. Je voudrais vous embrasser avant de mourir, cela me ferait grand plaisir. »

 

 

i Aveugle elle-même.

ii V* a inclus ces traductions dans ses Commentaires sur Corneille pour comparer les Héraclius de Calderon et de Corneille, et aussi le César avec Cinna ; cf. lettres du 4 juin à Cappacelli et 17 juin à d'Alembert.

iii Le 8 septembre, de d'Alembert : « j'ai peine à croire qu'en certains endroits l'original soit aussi mauvais qu'il le parait dans cette traduction. »

iv D'Alembert avait posé la question .

v Le parlement de Toulouse, et les pénitents blancs, qui, selon V* ont inspiré la sentence.

vi Lettre à Damilaville le 14 juin : les « pages contre le christianisme, des plus hardies qu'on ait jamais écrites » = la Profession de foi du vicaire savoyard .

vii D'Alembert lui avait écrit : « Les amis de Rousseau ... répandent ici que vous le persécutez, que vous l'avez fait chasser de Berne, et que vous travaillez à le faire chassez de Neuchâtel... »

viii Déjà tout près brûle Ucalegon .

ix Celle de Choiseul et de Mme de Pompadour.

x Après la condamnation le 19 juin de l'Emile, du Contrat social et de JJ Rousseau lui-même, Charles Pictet écrivait à Duvillars le 22 juin : « Ce tribunal flétrit par un jugement infamant un citoyen de la république qui a jusqu'à présent bien mérité d'elle ... pendant que le même tribunal permet qu'on imprime avec l'approbation publique les ouvrages d'un homme qui insulte à Genève et à la religion qu'on y professe ...; et en faveur de qui le conseil fait-il cette distinction ? en faveur d'un étranger auquel on a accordé une retraite dans le temps où toute l'Europe la lui refusait ... »

xi Charles Pictet l'accusait le 22 juin d' « infecte(r) tout ce qui l'environne du poison de ses sentiments erronés » et d'avoir « fait à Genève plus de déistes que Calvin n'y a fait de protestants » . Pictet avait été condamné le 23 juillet pour avoir critiqué la sentence du Petit Conseil.

xii La lettre du 29 mars 1762 à d'Alembert (au sujet d'un compte-rendu fait par le Journal encyclopédique , d'un « impertinent petit libelle », et surtout au sujet de l'affaire Calas) avait parue, lourdement falsifiée dans le St James chronicle du 17 juillet. Le 29 août, V* à Damilaville : « Vous ne vous souvenez peut-être pas d'une lettre qui est, je crois la première que je vous écrivis sur cette affaire, et qui était adressée à M. d'Alembert. Je vous l'envoyais afin que tous les frères fussent instruits de cet horrible exemple de fanatisme. Je ne sais quel exécrable polisson ... y a ajouté tout ce qu'on peut dire ... de plus punissable contre le gouvernement. L'auteur a poussé la sottise jusqu'à dire du mal du roi... Il se trouve encore que le Journal encyclopédique, qui est le seul journal que j'aime, est attaqué violemment dans ce bel écrit qu'on m'attribue ... quand vous verrez M. d'Alembert, je vous prie de l'instruire de tout cela. »

xiii Mandement de mgr l'archevêque de Paris portant condamnation d'un livre qui a pour titre :Émile ou l'éducation , 1762, daté du 20 août.

xiv A savoir, comme sous-précepteur du dauphin. D'Alembert ne le croyait pas ; mais le père Berthier fut effectivement nommé à ce poste ; l'expression est inspirée du Pantagruel de Rabelais.

xv D'Alembert lui avait demandé ce qu'il disait de son « ancien disciple dont (il) s'obstin(ait) à ne (lui) point parler ».

xvi Lettre de Rousseau du 24 août adressée à Frédéric-Guillaume de Montmolin, ministre à Motiers et que V* envoya à Damilaville le 9 septembre .

xvii Cf. lettre à d'Alembert du 8 janvier 1758 sur les « cacouacs » nom moqueur pour désigner les philosophes.

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15/09/2010 | Lien permanent

Tâchez de réhabiliter un peu le siècle si vous pouvez

... Au boulot ô ministres intègres (s'il en reste ) et fonctionnaires lambins !

 

 

« A Jean-François de La Harpe

Au château de Ferney par Genève le 2 Juin 1768 1

Mon cher confrère en Apollon, notre ami Lacombe m'a écrit touchant le projet dont vous me parlez ; j'ignore ce projet avec tout le monde, je ne le sais qu'avec vous , et j'y suis bien sensible ; mais je dois vous dire en conscience que vous feriez bien mieux d'exercer vos rares talents et de ranimer le théâtre expirant, que de perdre votre temps à sauver mes faibles ouvrages du fleuve de l’oubli où ils seront bientôt plongés avec ceux de cet énergumène Crébillon qui n'a rien fait de bon que quelques rimes de Rhadamiste, encore sont-elles farcies de solécismes.

On dit que l’apostat La Bletterie, qui avait fait un livre passable sur le brave apostat Julien 2, vient de traduire Tacite en ridicule 3. Si quelqu’un était capable de donner en notre langue faible et traînante la précision et l’énergie de Tacite, c’était M. d’Alembert 4. Les jansénistes ont la phrase trop longue. Fasse le ciel qu’ils n’aient jamais les bras longs ! Ces loups seraient cent fois plus méchants que les renards jésuites. Je les ai vus autrefois se plaindre de la persécution, ils voudraient aujourd'hui persécuter . Ils méritent plus d’indignation qu’ils ne s’attiraient de pitié ; et cette pitié qu’on avait de leurs personnes, leurs ouvrages l’inspirent. C'est un effet que ne feront jamais les vôtres . Tâchez de réhabiliter un peu le siècle si vous pouvez . »



1 L'édition de Kehl supprime, par égard pour Crébillon tout le dernier paragraphe . La fin de la lettre manque : on ne dispose en effet que le premier feuillet .

2 La Vie de l'empereur Julien, 1735 La Bletterie ; voir lettre du 1er avril 1735 à Formont et suivantes  : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1735-partie-3-111793133.html

4 D’Alembert a traduit des morceaux de Tacite. (G.Avenel.)

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23/01/2024 | Lien permanent

à têtes chaudes, marrons chauds

« A Jean Le Rond d’Alembert, secrétaire perpétuel de l’Académie française, au Louvre à Paris

 

 d alembert.jpg

 

C’est à votre lettre du 30 novembre, mon très cher philosophe, que je réponds aujourd’hui, et nous ne nous croiserons plus. Je vous remercie pour votre bonne volonté pour l’apprenti prêtre et apprenti évêque d’Espagnac. J’ai quelque lieu d’espérer un jour qu’il sera un prélat assez philosophe. Vous pouvez lui confier  Saint Louis pour l’année 1778. Je crois qu’il a trop d’esprit pour justifier les croisades devant l’Académie. Il me semble qu’il avait parlé de la philosophie de Catinat avec effusion de cœur.

Luc [Frédéric II et aussi le singe que possède Voltaire !!] est un singulier corps. Profitez de l’extrême envie qu’il a de vous plaire. Il serait homme à faire comme Hume, si on avait le malheur de le perdre. [Hume avait fait un legs à d’Alembert]

Le secrétaire juif nommé Guénée n’est pas sans esprit et sans connaissances, mais il est malin comme un singe, il mord jusqu’au sang en faisant semblant de baiser la main. Il sera mordu de même. Heureusement un prêtre de la rue Saint Jacques, desservant d’une chapelle à Versailles, qui se fait secrétaire des juifs, ressemble assez à l’aumônier Pousssatin du « Comte de Grammont ». Tout cela fait rire le petit nombre de lecteurs qui peut s’amuser de ces sottises.

Savez-vous bien que nos ennemis sont déchainés contre nous d’un bout de l’univers à l’autre ? Connaissez-vous le jésuite Ko, résidant actuellement à Pékin ? C’est un petit Chinois, enfant trouvé, que les jésuites amenèrent il y a environ vingt-cinq ans à Paris. Il a de l’esprit, il parle français mieux que chinois, et il est plus fanatique que tous les missionnaires ensemble. Il prétend qu’il a vu beaucoup de philosophes à Paris, et dit qu’il ne les aime , ni ne les estime, ni ne les craint . Et où dit-il cela ? Dans un gros livre dédié à Monseigneur Bertin . Il parait persuadé que Noé est le fondateur de la Chine. Tout cela est plus dangereux qu’on ne  pense. Son livre imprimé à Paris, chez Nyon, ne peut être connu de mon grand poète Kien-Long empereur de la Chine ; et il est difficile de l’en instruire. Les jésuites qu’il a eu la bonté de conserver à Pékin sont plus convertisseurs que mathématiciens. Ils aiment à travailler de leur métier. Il ne faut que deux à trois têtes chaudes pour troubler tout un empire. Il serait assez plaisant d’empêcher ces marauds-là de faire du mal à la Chine. On pourrait y parvenir par le moyen de la cour de Petersbourg, mais commençons par songer à Paris.

 

Raton se jette en mourant entre les bras de Bertrand.

V.

8 décembre 1776. »

 

Pour les curieux , voir :

Memoires du Comte de Grammont de Antoine Hamilton : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k29220q  et http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k292212

 

« Il ne faut que deux à trois têtes chaudes pour troubler tout un empire » :   c’est vrai au 18ème siècle, c’est vrai encore et toujours et les têtes chaudes ne manquent pas ; difficile de garder son sang-froid avec tous les bouillants qui nous entourent ; j’en viendrais à des extrémités fâcheuses qui seraient de couper les dites extrémités en surchauffe comme on coupa jadis les têtes de l’Hydre ou celles de Cerbère ! Pas étonnant que la planète se réchauffe à grande allure ! Euh, là ,  je mélange peut-être un peu les sujets, quoi que !?

Un petit coucou amical (sic) à nos amis chinois à qui j’apporte le soutien désintéressé de Voltaire (et de la Russie ) qui n’est pas encore au courant de la situation au Tibet et qui ne voit dans son timonier qu’un amical poète à la bonté proverbiale ! Comme les temps changent, ou plutôt, comme j’aimerais qu’ils changent . Comme disent mes voisins suisses : « j’aimerais être déçu en bien ! »

 

 

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09/12/2008 | Lien permanent

Faut-il une procuration en forme ? Une simple prière par écrit ne suffit-elle pas dans une chose qui n'est que de confia

... La question se pose entre Emmanuel Macron et Volodymyr Zelensky . La réponse est "non" . Trop d'argent et trop de vies sont en jeu pour faire simple .

Les Ukrainiens ne sont pas des saints et même si Poutine est un sale type qui mérite d'être effacé du monde , il faut penser à la paix qui doit arriver un jour et reconstruire un pays , en se dispensant de continuer une corruption endémique . Donner à l'Ukraine, soit,  mais pas n'importe comment .

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"T'inquiète ! on est avec vous !"

 

 

« A Guillaume-Claude de Laleu

Vous voulez, monsieur, que M. d'Hornoy ou M. l'abbé Mignot signe le c[om]pte que vous avez eu la bonté de faire . Cette cérémonie me parait aussi superflue que vos attentions pour moi sont obligeantes . De plus, Mme Denis ayant touché depuis le mois de mars vingt six mille livres , tant de M. le maréchal de Richelieu que de M. de Lézeau et de moi, et devant en toucher environ autant, elle sera payée et fort au-delà dans ces deux années 68 et69 de la pension de vingt mille livres que je lui fais .

Je vous prie encore de considérer que la plus grande partie de mon bien étant entre les mains de M. le duc de Virtemberg , et ayant fait avec l[ui] un accord par lequel j'ai consenti à n'être payé qu'au mois de mars 1770, accord par lequel moi et mes héritiers nous avons les sûretés nécessaires, il est évident que je ne pourrai subsister qu'en touchant par mois pendant deux années les trois mille livres que vous avez la bonté de rembourser à M. de Laborde . Ainsi donc, monsieur, je vous supplie de donner pendant ces deux années à mes neveux la petite pension de mille huit cents . J'espère qu'au bout de ce temps je ferai mieux pour eux et pour toute ma famille, soit que je sois en vie soit que je meure .

J'ai l'honneur d'être avec bien de la reconnaissance,

monsieur,

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire.

Si vous voulez en attendant que M. d'Hornoy arrête le compte, il fera ce que vous voudrez . Faut-il une procuration en forme ? Une simple prière par écrit ne suffit-elle pas dans une chose qui n'est que de confiance et d'amitié entre vous et moi ?

A Ferney 22 juin [1768] 1

Cette lettre vous parviendra assez tard . Un voyageur s'en est chargé avec d'autres paquets . »

1 Manuscrit olographe d'abord daté du 23 . c'est sans doute celle dont parle V* dans sa lettre du 20 juillet 1768 à Laleu .

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06/02/2024 | Lien permanent

Tâchez que l’enfer où je suis se tourne au moins en purgatoire 

... Telle est la prière de chacun des  Ukrainiens qui, sans être des saints irréprochables, ne méritent vraiment pas d'être tués pour la satisfaction d'un Poutine dont la face me fait invinciblement évoquer une tête de goret ( en notant qu'un porc est plus expressif que ce fléau de l'humanité ) .

Vladimir Poutine La consolidation ou l'escalade | Les Echos

 

 

 

 

 

 

 

Ressources Éducatives Libres - data.abuledu.org | Les ressources libres du  projet AbulÉdu

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Confondant , non ?

 

 

"A Philippe-Charles-François-Joseph de Pavée, marquis de Villevielle

14è Décembre 1766

J’ai reçu votre petit billet de Valence, mon cher marquis, et je vous écris à tout hasard à Valence. Je suis enchanté que vous vous confirmiez de plus en plus dans vos bons principes ; mais la maison du Seigneur est entourée d’ennemis, et il y a bien des indiscrets dans le temple. Vous souvenez-vous d’une réponse que je vous fis lorsque vous étiez à Nancy ? Je faisais vos compliments au brave confiseur qui vendait vos dragées , vous envoyâtes ma lettre à un de vos élus de Paris, et cet élu très indiscret m’a damné en faisant courir ma lettre. J’en ai reçu des reproches de la part des préposés aux confitures, et je crois le confiseur très embarrassé. Tâchez que l’enfer où je suis se tourne au moins en purgatoire : je ne crois pas en effet avoir fait des compliments à un confiseur que je ne connais pas. Mandez que cette lettre 1 n’est pas de moi, car assurément elle n’est pas de moi, et vous ne mentirez pas. Mandez que vous vous êtes trompé ; mandez que ce n’est pas assez d’avoir l’innocence de la colombe, et qu’il faut encore avoir la prudence du serpent 2. Marchez toujours dans les voies du juste ; distribuez la parole de Dieu, le pain des forts ; faites prospérer la moisson évangélique ; recevez ma bénédiction, et vivez dans l’union des fidèles. »

1Lettre au docteur Pansophe .

2 Évangile selon Matthieu , X, 16 : https://www.aelf.org/bible/Mt/10

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14/03/2022 | Lien permanent

tâchez de venir nous voir avec des tétons rebondis et un gros cul

... No comment !

 

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« A MADAME DE FONTAINE

A PARIS.

A Monrion, 8 janvier [1756]

J'envoie, ma chère nièce, la consultation de votre procès avec la nature au grand-juge Tronchin 1 je le prierai d'envoyer sa décision par la poste en droiture, afin qu'elle vous arrive plus vite. Vous me paraissez à peu près dans le même cas que moi faiblesse et sécheresse, voilà nos deux principes. Cependant, malgré ces deux ennemis, je n'ai pas laissé de passer soixante ans et madame Ledosseur vient de mourir, avant quarante, d'une maladie toute contraire. Mlles Bessières 2 avaient une vieille tante qui n'allait jamais à la garde-robe elle faisait seulement, tous les quinze jours, une crotte de chat que sa femme de chambre recevait dans sa main, et qu'elle portait dans la cheminée; elle
mangeait, dans une semaine, deux ou trois biscuits, et vivait à peu près comme un perroquet; elle était sèche comme le bois d'un vieux violon, et vécut dans cet état près de quatre-vingts ans, sans presque souffrir.

Au reste, je présume que M. Tronchin vous prescrira à peu près le même remède qu'à moi et, comme vous avez l'esprit plus tranquille que le mien, peut-être ce remède vous réussira mais ce ne sera qu'à la longue 3. Le père putatif du maréchal de Richelieu 4, qui était le plus sec et le plus constipé des ducs et pairs, s'avisa de prendre du lait à la casse, cela avait l'air du bouillon de Proserpine , il s'en trouva très-bien. Il mangeait du rôti à dîner, il prenait son lait à la casse à souper, et vécut ainsi jusqu'à quatre-vingt-quatre ans. Je vous en souhaite autant, ma chère nièce. Amusez-vous toujours à peindre de beaux corps tout nus, en attendant que le docteur Tronchin rétablisse et engraisse le vôtre.

Adieu, ma chère nièce; tâchez de venir nous voir avec des tétons rebondis et un gros cul. Je vous embrasse tendrement, tout maigre que je suis. J'écris à Montigny 5sur la mort de Mme Ledosseur. Sa perte m'afflige, et fait voir qu'on meurt jeune avec de gros tétons. La vie n'est qu'un songe nous voudrions bien, votre sœur et moi, rêver avec vous. »



 

1 Théodore Tronchin , célèbre médecin, de la « tribu » Tronchin .

2 La lettre du 15 octobre 1726 est adressée à l'une de ces demoiselles, depuis sa résidence d'exil en Angleterre . Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1725-26---partie-15-73258701.html

3 Cinq mois plus tard, Mme Marie-Thérèse de Fontaine alla aux Délices, où Tronchin la ressuscita bientôt.

4 Le maréchal de Richelieu, selon la règle générale, était fils de son père; mais il parait que ce père n'était pas Armand-Jean Vignerod, mort en mai 1715. Cette particularité était bien connue du maréchal lui-même; et les lettres que Voltaire lui adressa le 10 octobre et le 3 décembre 1769 ne laissent aucun doute sur ce point. (CL.)

5 Étienne Mignot de Montigny, géomètre, cousin germain de Mme de Fontaine , et qui mourra en 1782.

 

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04/05/2012 | Lien permanent

nous crûmes ne pouvoir mieux faire que de tâcher de lui procurer par votre protection la place que vous savez . Cet empl

... Mais comment la droite en est-elle arrivée là ? pourrait être le sous titre .

Fillon , Wauquiez, Sarkozy, LR, soupe à la grimace et combinazione à tout va . On va encore avoir de quoi rire (jaune ? ) .

 

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Les ravis de la crêche : Touche pas à mon pote !

 

 

« Voltaire et Marie-Louise Denis

à Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

10 janvier [1763] 1

Mes divins anges, si les mariages sont écrits dans le ciel, celui de M. de Cormont et de notre marmotte a été rayé. Encore une fois, comment pouvions-nous ne pas croire que vous 2 intéresseriez vivement à ce mariage ? Le futur était venu avec une copie d’une de mes lettres . Il s’était annoncé de votre part . Il se disait sûr du consentement de ses parents . Il avait débuté par demander si la souscription du Corneille n’allait pas déjà à quarante mille livres , et la première confidence qu’il fit était que son dessein était de voyager en Italie avec cet argent. Il nous avoua qu’il avait cru que 3 mademoiselle Corneille était élevée dans notre maison comme une personne qu’on a prise par charité. Il lui parla comme Arnolphe 4, à cela près qu’Arnolphe aimait, et que le futur n’aimait point. Il fut un peu surpris de voir que mademoiselle Corneille était élevée, et mise, et considérée chez nous, comme le serait une fille de la première distinction qu’on nous aurait confiée. Nous rectifiâmes, madame Denis et moi, les idées de notre homme. Cependant l’affaire s’ébruitait, comme je vous l’ai mandé . Il fallait prendre un parti. M. de Cormont nous apprit lui-même que ses parents n’étaient ni si vieux, ni si riches qu’on nous l’avait dit ; mais il attendait toujours le consentement. M. Micaut 5 nous assurait qu’il était honnête homme, quoique un peu dur, entier, et bizarre. Il devait avoir un jour cinq mille livres de rente ; mais en attendant, il n’avait rien du tout. Dans cette perplexité, et surtout dans l’idée que vous vouliez bien vous intéresser à sa personne, nous crûmes ne pouvoir mieux faire que de tâcher de lui procurer par votre protection la place que vous savez 6. Cet emploi était précisément à notre porte ; les terres de son père sont assez voisines des nôtres ; rien ne nous paraissait plus convenable pour notre situation. Nous savions que cette place dépend absolument de votre ami 7, qu’on la donne à qui l’on veut, que ce n’est point d’ordinaire une récompense de secrétaire d’ambassade, puisque ni le présent titulaire 8 (qu’on aurait pu placer ailleurs), ni Champeaux 9 son prédécesseur, ni Closure 10, ni aucun de ceux qui ont eu cet emploi, n’ont été secrétaires d’ambassade. Nous vous représentons tout cela, non pas pour désapprouver les arrangements que M. le duc de Praslin a pris, et que nous trouvons très justes, mais seulement pour justifier notre démarche auprès de vous ; démarche qui n’a été fondée que sur la persuasion où nous devions être, par les discours du prétendu, et par la copie de mes lettres dont il était armé, que vous souhaitiez ce mariage. La seule manière d’y parvenir était d’obtenir la place que nous demandions ; car le père ne voulant absolument rien donner, le fils n’ayant que des dettes, et n’ayant précisément pas de quoi vivre, à la réforme de sa compagnie, quel autre moyen pouvions-nous imaginer ? Nous n’avons pas laissé d’avoir quelque peine à faire partir ce jeune homme, qui, sans avoir le moindre goût pour mademoiselle Corneille, voulait absolument rester chez nous, uniquement pour avoir un asile. Toute cette aventure a été assez triste. Il est vraisemblable que M. de Cormont a toujours caché à M. de Valbelle et à mademoiselle Clairon l’état de ses affaires ; sans quoi nous serions en droit de penser que ni l’un ni l’autre n’ont eu pour nous beaucoup d’égards. Nous serions d’autant plus autorisés dans nos soupçons, que mademoiselle Clairon ayant dit qu’elle allait marier mademoiselle Corneille, Lekain nous écrivit qu’elle épouserait un comédien, et nous en félicitait. J’estime les comédiens quand ils sont bons, et je veux qu’ils ne soient ni infâmes dans ce monde, ni damnés dans l’autre ; mais l’idée de donner la cousine de M. de La Tour-du-Pin à un comédien est un peu révoltante 11, et cela paraissait tout simple à Lekain. En voilà beaucoup, mes anges, sur cette triste aventure : nous nous en sommes tirés très honorablement ; et la conduite de mademoiselle Corneille n’a donné aucune prise à la malignité des Genevois ni des Français qui sont à Genève ; car il y a des malins partout.



Je me joins à mon oncle et je vous dirais les mêmes choses s'il ne vous les avait déjà dites . J'y aoute seulement les tendres assurances du plus sincère et du plus inviolable attachement .



J'arrache la plume à Mme Denis pour vous dire mes anges que dans le temps où le prétendu mariage commençait à être public dans la province et à Genève, j'écrivis à M. le premier président de La Marche dans le dessein de placer sur sa terre la dot de Mlle Corneille, cet arrangement était d'autant plus convenable que la terre de Vaugrenant touche précisément à celle de La Marche . Tout est changé, tout est évanoui . Il n'y a rien là de surprenant . Mais est-il vrai que le fou de Verberie qu’on a pendu était un jésuite ? Avez-vous la bonté de me faire lire le discours du fou au mortier ? M. de La Salle 12, ce M. de La Salle, conseiller de Toulouse, qui était si persuadé de l’innocence des Calas, et qui les a fait rouer en se récusant est-il à Paris , est-il venu chez vous ? Le beau Cramer, qui sait par ouï-dire qu’il imprime le Corneille, est-il venu s’entretenir avec vous des intérêts des princes ? Savez-vous à présent à quoi vous en tenir sur les souscriptions ? Savez-vous que ni madame de Pompadour, ni prince, ni seigneur, n’ont donné un écu ? N’êtes-vous pas fatigué de mes longues lettres ? Ne pardonnez-vous pas à votre créature ?

V. »



1 Date complétée sur le manuscrit par d'Argental . L'édition de Kehl et suivantes omettent les deux derniers paragraphes jusqu'à rien là de surprenant . Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/06/correspondance-annee-1763-partie-1.html

2 V* a oublié le second vous .

3 Qu'il avait cru que : ces cinq mots au bas de la page sont répétés par mégarde sur le debut de la page suivante du manuscrit .

4 L'Ecole des femmes ; de Molière, III, 2 : http://www.toutmoliere.net/acte-3,405402.html

5 Ou Micault .

6 La place de résident de France à Genève .

7 Montpéroux depuis le 8 mai 1750 .

8 Le comte de Choiseul .

9 Gérard Levesque de Champeaux, du 1er juin 1739 au 28 décembre 1749 .

10 Pierre Cadiot de la Closure , du 1er septembre 1715 au 6 mai 1739 .

11 V* garde malgré tout quelques préjugés défavorables à l'égard des comédiens .

12 Sur Lassalle, seul conseiller du parlement de Toulouse qui eût soutenu publiquement Calas, voir lettre du 15 novembre 1762 à Debrus : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/10/02/l-esperance-d-etre-recompense-s-il-rend-gloire-a-la-verite-e-5985625.html

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24/11/2017 | Lien permanent

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