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30/12/2012

en vérité, rien n'est si sage que de s'amuser paisiblement de ses travaux, sans les exposer aux critiques

... Rien à ajouter ! Ma sagesse sera égale à celle de Volti, y compris lorsque je ne fais rien, ce qui est un comble .

Je reste de marbre, ou plus précisément de plâtre

 chat sage 0923.png

 

 

« A M. Charles-Augustin FERRIOL, comte D'ARGENTAL.

Aux Délices, 1er octobre [1757]
Je ne vous ai point encore parlé, mon divin ange, de M. et de Mme de Montferrat 1, qui sont venus bravement faire inoculer leur fils unique à Genève. Ils viennent souvent dîner dans mon petit ermitage, où ils voient des gens de toutes les nations, sans excepter le pays d'Alzire 2.
Nous avons aux portes de Genève une troupe dans laquelle il y a quelques acteurs passables. J'ai eu le plaisir de voir jouer l'Orphelin de la Chine, pour la première fois de ma vie. J'ai, dans plus d'un endroit, souhaité des Clairon et des Lekain mais on ne peut tout avoir. C'est vous, mon cher et respectable ami, que je souhaite toujours, et que je ne vois jamais. Vous m'allez dire qu'après avoir vu des comédies je devrais être encouragé à en donner; que je devrais vous envoyer Fanime dans son cadre pour le mois de novembre mais je vous conjure de vous rendre aux raisons que j'ai de différer. Empêchez, je vous en supplie, qu'on ne me prodigue à Paris. Ce serait actuellement un très-grand chagrin pour moi d'être livré au public. Il viendra un temps plus favorable, et alors vous gratifierez les comédiens de cette Fanime, quand vous la jugerez digne de paraître. Nous nous
amuserons à donner des essais sur notre petit théâtre de Lausanne, et nous vous enverrons ces essais; mais point de Paris à présent. Comptez que ce n'est point dégoût, c'est sagesse car, en vérité, rien n'est si sage que de s'amuser paisiblement de ses travaux, sans les exposer aux critiques de votre parterre. Je vous supplie instamment de me mander s'il est vrai que vous ayez à Paris ou à la cour un comte de Gotter 3, grand-maréchal de la maison du roi de Prusse, tout fraîchement débarqué, pour demander quelque accommodement qui sera, je crois, plus difficile à négocier que ne l'a été l'union de la France et de l'Autriche. Je reçois assez souvent des lettres du roi de Prusse, beaucoup plus singulières, beaucoup plus étranges que toute sa conduite avec moi depuis vingt années. Je vous jure que la chose est curieuse. Je vois tout à présent avec tranquillité. Je suis heureux au pied des Alpes; mais je n'y serais pas si l'envie et le brigandage qui règnent à Paris dans la littérature ne m'avaient arraché à ma patrie et à vous. Je me flatte que Mme d'Argental continue
à jouir d'une bonne santé. Je vous embrasse tendrement, mon cher et respectable ami. »

1 La marquise de Montferrat est la dame dont le nom figure en tête d'un madrigal : page 589 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113266/f591.image.r=montferrat et voir lettre du 21 septembre 1757 à JR Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/12/22/il-ne-faut-pas-que-cette-campagne-finisse-sans-quelque-nouve.html

2 L’Amérique .

3 C'est sans doute à ce comte que Voltaire avait écrit en 1753 . Il est peu probable que ce grand maître des postes de Prusse ait été envoyé en ce moment ci à Paris .Voir : page 136 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411354g/f139.image.r=gotter.langFR

page 141 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411354g/f144.image.r=gotter.langFR

 

29/12/2012

Vous pourriez bien me faire un autre plaisir en vous confiant à mon amitié et à ma discrétion

... L'une n'allant pas sans l'autre, ce que je respecte en tout point et en tout temps  .

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« A Jean-Robert Tronchin et Ami Camp

 Aux Délices 27 septembre [1757]

 Voici mon cher monsieur quatre petits billets de change pour 9708 livres tournois que vous pourrez mettre dans votre escarcelle .

 Si par quelque hasard un de vos gens pouvait trouver à Lyon une paire de harnois neuve toute unie, je vous serais bien obligé de vouloir bien ordonner qu'on me l'envoyât dans le premier ballot que vous aurez la bonté de me destiner .

 Vous pourriez bien me faire un autre plaisir en vous confiant à mon amitié et à ma discrétion . Je sais à qui Mme la margrave de Baireuth s'est adressée pour une négociation qui n'a pas réussi 1. Vous avez souvent des conversations avec un homme 2 qui est au fait quoiqu'il soit éloigné du cabinet et que les idées de ce cabinet puissent changer d'un jour à l'autre . Ses lumières et son expérience jointes à sa correspondance peuvent le mettre en état de juger s'il est effectivement dans l'intention d'abandonner le roi de Prusse à toute la rigueur de sa mauvaise destinée en cas qu'il soit sans ressource , et si on veut détruire absolument une balance qu'on a jugée longtemps nécessaire . Vous pourriez aisément dans la conversation savoir ce qu'en pense l'homme instruit dont j'ai l'honneur de vous parler . Comptez que ni vous ni lui ne sera point compromis . Fiez-vous à ma parole d'honneur et ne regardez point la prière que je vous fait comme l'effet d'une vaine curiosité . J'ai quelque intérêt à être instruit et vous me rendriez un très grand service de m'informer de ce que vous aurez pu conjecturer .

 Si M. de Soubise ne s’est pas retiré en deçà d'Eisenak 3, il est à croire que le roi de Prusse lui a livré bataille . Je peux vous assurer qu'il en avait une terrible envie . Bonsoir . Je vous embrasse tendrement et j'attends de vous le service que je vous demande .

 1  Il ne s'agit pas de l'ouverture faite par Frédéric II envers Richelieu, (voir lettre du même jour à Richelieu : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/12/29/ce-qui-n-a-pas-reussi-dans-un-temps-peut-reussir-dans-un-aut.html ) mais d'une autre antérieure .

 2  Le cardinal de Tencin .

3 Les troupes impériales sous le commandement du prince Joseph de Saxe-Hildburghausen avaient fait leur liaison à Eusenach avec la seconde armée française commandée par Soubise . Frédéric II n'avait pas, malgré ses tentatives réussi à engager le combat avec elles à cause de la pression exercée sur son flanc par Richelieu et parce qu'une partie de ses troupes avaient du être détachées ailleurs .

 

ce qui n'a pas réussi dans un temps peut réussir dans un autre et chaque chose a son point de maturité

... Me dis-je à chaque fois que je ressort bredouille de sous le capot de cette fichue bagnole/boite à soucis qui refuse de démarrer .

A chaque chose agaçante  (je mets "agaçante" pour ne pas être interdit de lecture aux moins de cinq ans, je pense fortement "emm...te" !) . Son pendant favorable : j'ai plus marché en une semaine que pendant tout le reste de l'année, je suis plus en forme que je le pensais, ou "comment positiver ?". Et ça n'est pas fini je crois, ma capacité de dépannage n'ayant pas encore atteint la maturité .

 Contrairement à ces pommes

 maturité pommes hiver 1101.png

 

« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu

A vous seul [27 septembre 1757]

Mon héros, vous avez vu et vous avez fait des choses extraordinaires . En voici une qui ne l'est pas moins et qui ne vous surprendra pas . Je la confie à vos bontés pour moi, à vos intérêts, à votre prudence, à votre gloire .

Le roi de Prusse s'est remis à m'écrire avec quelque confiance . Il me mande qu'il est résolu de se tuer s'il est sans ressource et Mme la margrave sa sœur m'écrit quelle finira sa vie si le roi son frère finit la sienne . Il y a grande apparence qu’au moment que j'ai l'honneur de vous écrire le corps d'armée de M. le prince de Soubise 1 est aux mains avec les Prussiens . Quelque chose qui arrive il y a encore plus d'apparence que ce sera vous qui terminerez les aventures de la Saxe et du Brandebourg, comme vous avez terminé celles de Hanovre et de la Hesse . Vous courez la plus belle carrière où on puisse entrer en Europe et j'imagine que vous jouirez de la gloire d'avoir fait la guerre et la paix .

Il ne m'appartient pas de me mêler de politique et j'y renonce comme au char des Assyriens . Mais je dois vous dire que dans ma dernière lettre à Mme la margrave de Baireuth je n'ai pu m'empêcher de lui laisser entrevoir combien je souhaite que vous joigniez la qualité d'arbitre à celle de général . Je me suis imaginé qu’en cas qu'on voulût tout remettre à la bonté et à la magnanimité du roi, il vaudrait mieux qu'on s'adressât à vous qu'à tout autre 2. En un mot j'ai hasardé cette idée sans la donner comme conjecture ni comme conseil , mais simplement comme un souhait qui ne peut compromettre ni ceux à qui on écrit ni ceux dont on parle et je vous en rends compte sans autre motif que celui de vous marquer mon zèle pour votre personne et pour votre gloire . Vous n'ignorez pas que Mme de Bareith a voulu déjà entamer une négociation qui n'a eu aucun succès . Mais ce qui n'a pas réussi dans un temps peut réussir dans un autre et chaque chose a son point de maturité . Je n'ajoute aucune réflexion, je crois seulement vous dire qu'en cas qu'on puisse résoudre le roi de Prusse à remettre tout entre vos mains ce ne sera que par Mme la margrave sa sœur qu'on pourra y réussir .

J'espère que ma lettre ne sera pas prise par des housards prussiens ou autrichiens . Je ne signe ni ne date . Vous connaissez mon ermitage . J'ose vous supplier de m'écrire seulement quatre mots qui m'instruisent que vous avez reçu ma lettre .

J'ai eu l'honneur de mettre sous votre protection une lettre pour Mme la duchesse de Saxe-Gotha . Plus d'une armée mange son pauvre pays et tout galant que vous êtes vous y avez quelque part . Vous ne pouvez toujours contenter toutes les dames .3

Voilà une belle méprise de ma part mais je relis toujours mes lettres avant de les cacheter . Je demande pardon à Mgr le maréchal pour les tapis d'Aubusson 4.

Permettez encore que j'ajoute que vous avez parmi vos aides de camp un comte Divonne mon voisin qu'on dit très aimable et très empressé à bien servir . Vous êtes très bien en médecins et en aides de camp . Ils sont bien heureux . Que ne puis-je comme eux être à portée de voir mon héros ? »

1 http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_de_Rohan-Soubise

Soubise fait tout pour retarder l'affrontement qui ne surviendra que début novembre et se soldera par une défaite .

2 Frédéric II écrivit à Richelieu :

« Roetha 6 septembre 1757

Je sais monsieur le duc qu'on ne vous a pas mis dans le poste où vous êtes pour négocier ; je suis cependant très persuadé sue le neveu du grand cardinal de Richelieu est fait pour signer des traités tout comme pour gagner des batailles . Je m'adresse à vous par un effet de l'estime que vous inspirez à ceux qui ne vous connaissent pas même particulièrement .il s'agit d'une bagatelle , monsieur, de faire la paix si on le veut bien . J'ignore quelles sont vos instructions mais dans la supposition , qu'assuré de la rapidité de vos progrès, le roi votre maître vous aura mis en état de travailler à la pacification de l’Allemagne, je vous adresse M. d'Eickstedt, dans lequel vous pouvez prendre une confiance entière . Quoique les évènements de cette année ne devraient pas me faire espérer que votre cour conserve encore quelques dispositions favorables pour mes intérêts, je ne puis cependant me persuader qu'une liaison qui a duré seize années n'ait pas laissé quelques traces dans les esprits ; peut-être que je juge des autres par moi-même, quoi qu'il en soit, enfin je préfère de confier mes intérêts au roi votre maître plutôt qu'à tout autre . Si vous n'avez, monsieur, aucune instruction relative aux propositions que je vous fais, je vous prie d'en demander et de m'informer de leur teneur . Celui qui a mérité des statues à Gènes, celui qui a conquis l'île de Minorque malgré des obstacles immenses, celui qui est sur le point de subjuguer la Basse-Saxe, ne peut rien faire de plus glorieux que de travailler à rendre la paix à l'Europe . Ce sera sans contredit, le plus beau de vos lauriers . Travaillez-y monsieur,avec cette activité et cette promptitude qui vous font faire des progrès si rapides, et soyez persuadé que personne ne vous en aura plus de reconnaissance au, monsieur le duc, votre fidèle ami

Fédéric »

Réponse de Richelieu :

« Sire, quelque supériorité que votre Majesté ait en tout genre, il y aurait peut-être beaucoup à gagner pour moi de négocier plutôt qu'à combattre vis-à-vis un héros tel que votre Majesté . Je crois que je servirais le roi mon maître d'une façon qu'il préfèrerait à des victoires si je pouvais contribuer au bien d'une paix générale . Mais j'assure votre Majesté que je n'ai ni instructions ni notions sur les moyens d'y pouvoir parvenir .

Je vais envoyer un courrier pour rendre compte des ouvertures que votre Majesté veut bien me faire et j'aurai l'honneur de lui rendre la réponse de l'affaire dont je suis convenu avec M. d'Elcheter .

Je sens comme je le dois tout le prix des choses flatteuses que je reçois d'un prince qui fait l'admiration de l'Europe et qui , si j'ose le dire a fait encor plus la mienne particulière . Je voudrais bien au moins pouvoir mériter ses bontés en le servant dans le grand ouvrage qu'il paraît désirer et auquel il croit que je peux contribuer, je voudrais surtout pouvoir lui donner des preuves du profond respect avec lequel j'ai l'honneur d'être,

de votre Majesté » etc.

3 La phrase suivante est due à une méprise de V* qui a écrit ce qui précède sur le verso d'une lettre adressée à Ami Camp ; après cette excuse il continua le reste de la lettre sur une nouvelle feuille .

Je me sens né pour être attaché avec idolâtrie à des esprits supérieurs et sensibles qui pensent comme vous

... Disait Sandrine, habitante de Versonnex (pays de Gex -France), après avoir mangé sa pizza faite maison avec des farines bio . Vive le bio qui permet de mourir se nourrir naturellement !

http://www.ouest-france.fr/actu/actuDet_-Intoxiquee-par-du-sarrasin-contamine-_3636-2148478_actu.Htm?xtor=RSS-4&utm_source=RSS_MVI_ouest-france&utm_medium=RSS&utm_campaign=RSS

 Datura 2.jpg

Cette fleur qu'on nomme aussi parfois Trompette des anges pousse sur une plante toxique de la racine jusqu'au bout du moindre de ses rameaux, que personnellement j'ai eu comme ornement de salon quelques années sans soucis, en toute connaissance de cause, et qui au besoin aurait pu servir de trompette du jugement dernier pour ma belle-mère .

Volti a-t-il lui aussi fumé la moquette pour faire une si grandiloquente déclaration ?

 

 

 

« A Sophie-Frédérique-Wilhelmine de Prusse, margravine de Baireuth

[vers le 25 septembre 1757]

Madame, mon cœur est touché plus que jamais de la bonté et de la confiance que vous daignez me témoigner . Comment ne serai-je pas attendri avec transport ? Je vois que c'est uniquement votre belle âme qui vous rend malheureuse . Je me sens né pour être attaché avec idolâtrie à des esprits supérieurs et sensibles qui pensent comme vous . Vous savez combien dans le fond j'ai toujours été attaché au roi votre frère . Plus ma vieillesse est tranquille , plus j'ai renoncé à tout, plus je me suis fait une patrie de la retraite et plus je suis dévoué à ce roi philosophe . Je ne lui écris rien que je ne pense du fond de mon cœur, rien que je ne crois très vrai et si ma lettre paraît convenable à votre Altesse royale je la supplie de la protéger auprès de lui comme les précédentes .

Votre Altesse royale trouvera dans cette lettre des choses qui se rapportent à ce qu'elle a pensé elle-même . Quoique mes premières insinuations pour la paix n'aient pas réussi je suis persuadé qu'elles peuvent enfin avoir du succès . Permettez que j'ose vous communiquer une de mes idées . J'imagine que le maréchal de Richelieu serait flatté qu'on s'adressât à lui . Je crois qu'il pense qu'il est nécessaire de tenir une balance 1 et qu'il serait fort aise que le service du roi son maître s'accordât avec l'intérêt de ses alliés et avec les vôtres . Si dans l’occasion vous voulez le faire sonder, cela ne serait pas difficile . Personne ne serait plus propre que M. de Richelieu à remplir un tel ministère . Je ne prends la liberté d'en parler, madame, que dans la supposition que le roi votre frère fût obligé de prendre ce parti et j'ose vous dire qu'en ce cas il vous aurait beaucoup d'obligation quand même les conjonctions le forceraient à faire des sacrifices . Je hasarde cette idée non pas comme une proposition , encore moins comme un conseil, il ne m'appartient pas d'oser en donner, mais comme un simple souhait qui n'a d'autre source que dans mon zèle . »

1 Equilibre des puissances des Etats et de leurs alliances .

 

28/12/2012

Je me borne à lui dire cette vérité sans la gâter par aucune idée de politique

... Ce qui confirme l'idée que politique et vérité ne peuvent pas coexister, ou sinon, seulement comme les droites parallèles  qui ne se rencontrent qu'à l'infini (pour les optimistes) et jamais (pour les réalistes) .

 Politiquement correct ?

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« A Frédéric II roi de Prusse 1

[vers le 25 septembre 1757]

Ne vous effrayez pas d'une lettre qui peut-être sera longue, qui est la seule chose qui puisse vous effrayer .

Ayez la bonté d'abord de pardonner les libertés d'un homme qui ne se souvient que de vos bontés , qui vous a appartenu et dont le cœur vous appartiendra toujours .

J'ignore encore dans ma paisible retraite si votre Majesté a été à la rencontre du corps d'armée de M. de Soubise et si elle s'est signalée par de nouveaux succès , je suis peu au fait de la situation des affaires , je vois seulement qu'avec la valeur de Charles XII et avec un esprit bien supérieur au sien vous avez plus d'ennemis à combattre qu'il n'en eut en revenant à Stalsund, mais ce qui est bien sûr, c'est que vous aurez plus de réputation que lui dans la postérité parce que vous avez remporté autant de victoires sur des troupes beaucoup plus aguerries et parce que vous avez fait à vos sujets tous les biens qu'il n'a pas faits, en ranimant les arts, en établissant des colonies, en peuplant , en embellissant des villes . Je ne parle pas des talents aussi supérieurs que rares qui auraient suffi à vous immortaliser, vos plus grands ennemis ne peuvent vous ôter aucun de ces mérites . Votre gloire est donc absolument hors d'atteinte comme je crois l'avoir déjà mandé à votre Majesté , il s'agit à présent de votre bonheur . Je ne parlerai pas aujourd'hui des treize cantons . Je m'étais livré au plaisir de dire à votre Majesté combien elle est aimée dans le pays où j'achève ma vie . Mais je suis très instruit qu'en France elle a beaucoup de partisans . Je me borne à lui dire cette vérité sans la gâter par aucune idée de politique . Je ne prends pas cette liberté mais qu'il me soit permis d'imaginer que si la fortune vous devenait entièrement contraire vous pourriez encore vous rendre le maître de cette fortune, que la France ne voudrait pas perdre une balance longtemps établie par vos victoires, que vos lumières et votre esprit se ménageraient une alliance utile peut-être au bien de l'Europe ; qu'au pis aller il vous resterait toujours assez d’États pour maintenir votre considération personnelle , et que le Grand Électeur votre bisaïeul n'en a pas été moins respecté pour avoir sacrifié quelques unes de ses conquêtes . Daignez me permettre ces idées quoi qu'elles soient au dessous de la grandeur de votre âme .

Les Catons et les Ottons dont votre Majesté trouve la mort belle, n'avaient guère autre chose à faire qu'à servir ou à mourir . Encore Otton n'était-il pas sûr qu'on l'eut laissé vivre . Votre Majesté ne sera jamais dans ce cas et peut-être au moment que j'écris est-elle victorieuse . Mais quand elle ne serait pas, sa vie n'en serait pas moins nécessaire . Vous savez combien elle est chère à une nombreuse famille et à tous ceux qui la servent . Vous savez que les affaires de l’Europe ne sont jamais longtemps dans une même assiette et vous ne pouvez nier qu'un homme tel que vous ne doive se réserver aux évènements .

J'ose encore Sire vous dire plus . Si la fortune vous abandonnait entièrement , si votre courage dans ces circonstances malheureuse que je ne veux pas prévoir, s'emportait à une extrémité héroïque, honorée dans les siècles passés, cette résolution ne serait pas approuvée aujourd'hui . Vos partisans la condamneraient et vos ennemis en triompheraient . Songez encore aux outrages que la nation fanatique des bigots ferait à votre mémoire . Voilà tout le prix que votre nom recueillerait d'une mort volontaire, et en vérité il ne faudrait pas donner aux lâches ennemis du genre humain le plaisir d'insulter à un nom couvert de gloire .

Ne vous offensez pas de la liberté d'un vieillard qui a toujours révéré et chéri votre personne . Mais heureusement nous sommes très loin de la voir réduite à des extrémités si funestes, et j'attends tout de votre courage et de votre esprit , hors le parti désespéré que ce courage pourrait faire craindre . Je me flatte au contraire que vous acquerrez les armes à la main une paix honorable .

Ce sera une consolation pour moi en quittant la vie de laisser sur la terre un roi philosophe qui a daigné m'aimer . »

1 Ceci est une réponse à une lettre de Frédéric II du 9 septembre 1757 qui dit : « Le duc de Richelieu prend le train de traiter le duc de Cumberland dans le pays de Bremen comme autrefois Steimbok fut traité dans le voisinage » . La lettre de V* est écrite avant qu'il sache que Frédéric avait pour un temps renoncé à l'idée de livrer bataille contre Soubise car ses forces sont actuellement réduites à 13000 hommes contre 56000 aux alliés .

 

un tas de vieux papiers qui sont un rebut comme lui

... Allez savoir pourquoi, ce titre m'évoque la récente et belle(?) acquisition de Nanard Tapie qui se prend peut-être pour un Citizen Kane des temps modernes . L'altruisme de cet individu n'est pas ce qui saute aux yeux de prime abord, au second abord non plus d'ailleurs . Quarante cinq millions d'euros payés par nos impôts au titre de préjudice moral suite à huit mois de prison mérités, ça me donne les boules quand je pense à ce que l'Etat octroie chichement à ceux qui sont innocentés après des années d'injuste détention , mais c'est vrai qu'ils n'ont pas autant de gueule et d'avocats qui se font des couilles en or comme avec Nanard .

 

 

vieuxpapiers rebut 0190.png

 

 

 

« A Gabriel Cramer

[vers le 24 septembre 1757]

Voilà tout ce que j'ai retrouvé des lettres de ce fripon 1. Je les ai trouvées avec peine dans un tas de vieux papiers qui sont un rebut comme lui . Faites-en tout ce qu'il vous plaira . Je trouverai quelque jour ce maraud à Tourney, et je parlerai à sa personne . Je lui apprendrai à vouloir être quelqu'un . »

 

 

 

27/12/2012

j'ai toujours confiance dans les effets publics de France même malgré les flottes anglaises

... Et d'autant plus confiance que je ne suis pas actionnaire, pas même titulaire d'un livret d'épargne .

La flotte anglaise -tout comme la flotte française- ne peut que (me) mouiller en tout port . Et je ne la crains pas , elle finit au fond de la baignoire

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« A Jean-Robert Tronchin

à Lyon

24 septembre [1757]

Je voudrais, mon cher monsieur, que la paix fut aussi aisée à faire que celle du chanoine de Soleure . Il y a grande apparence que le maréchal de Richelieu ira bientôt délivrer la Saxe comme il a balayé Brême et Verden .

Vous ne croyez donc pas que je me sois expliqué assez fortement sur les annuités ! Je vous réitère mon cher monsieur que vous me ferez plaisir de m'en assurer pour trente mille livres . Je ne fais pas d'aussi bonnes affaires avec les rois qu'avec les électeurs mais j'ai toujours confiance dans les effets publics de France même malgré les flottes anglaises . Mme Denis a encore plus de confiance dans vos bontés et dans celles de M. Camp. L'oncle et la nièce vous renouvellent toujours leur tendre attachement .

V.

N'oublions pas l'article du vin . Nous n'avons pas entamé vos huit tonneaux . Il nous en vient de Bourgogne . Nous avons aux Délices une très mauvaise petite cave . M. Mallet 1 n'excellait pas en souterrains. »

1 Ancien propriétaire des Délices .