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17/08/2017

Vous avez une femme digne de vous

... Monsieur le président .

Et vice-versa .

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http://www.france24.com/fr/20170817-brigitte-macron-confirme-charte-transparence-role-moyen-elysee

http://www.20minutes.fr/politique/sondage-6031-charte-tra... 

 

 

« A Jean-Baptiste-Jacques-Elie de Beaumont

Au château de Ferney par Genève

22è septembre 1762

Monsieur,

Jusqu’à présent il ne s’était trouvé qu’une voix dans le désert qui avait crié : Parate vias Domini 1. Votre mémoire 2 est assurément l’ouvrage du maître ; je ne sais rien de si convaincant et de si touchant. Mon indignation contre l’arrêt de Toulouse en a redoublé, et mes larmes ont recommencé à couler.

Je suis convaincu que vous parviendrez à faire réformer l’arrêt de Toulouse. Votre conduite généreuse est digne de votre éloquence. Cette cruelle affaire, qui doit vous faire un honneur infini, achève de me prouver ce que j’ai toujours pensé, que nos lois sont bien imparfaites. Presque tout me paraît abandonné au sentiment arbitraire des juges. Il est bien étrange que l’ordonnance criminelle de Louis XIV ait si peu pourvu à la sûreté des hommes, et qu’on soit obligé de recourir aux capitulaires de Charlemagne.

Votre mémoire doit désormais servir de règle dans des cas pareils. Le fanatisme en fournit quelquefois. J’ai lu trois fois votre ouvrage ; j’ai été aussi touché à la troisième lecture qu’à la première.

J’ajoute aux trois impossibilités 3 que vous mettez dans un si beau jour, une quatrième : c’est celle de résister à vos raisons. Je joins ma reconnaissance à celle que les Calas vous doivent. J’ose dire que les juges de Toulouse vous en doivent aussi, vous les avez éclairés sur leurs fautes. Si j’avais le malheur d’être de leur corps, je leur proposerais, sur la seule lecture de votre factum, de demander pardon à la famille qu’ils ont perdue, et de lui faire une pension. Je les tiens indignes de leur place s’ils ne prennent pas ce parti.

L’estime que vous m’inspirez, monsieur, me met presque en droit de vous demander instamment votre amitié. Vous avez une femme 4 digne de vous ; agréez mes respects l’un et l’autre, et tous les sentiments avec lesquels je serai toute ma vie,

monsieur,

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire . »

1 Préparez les voies du Seigneur ; Isaïe, XL, 3 : Evangile selon Matthieu , III, 3 ; selon Luc , III, 4 .

2 Le Mémoire à consulter, signé d'Eli de Beaumont et contresigné par quinze autres avocats , dont Mallard . C'est la « requête » dont il était question dans la lettre du 1er août 1762 à Debrus : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/06/24/encore-une-fois-nous-preparons-les-esprits-nous-mettons-tout-5957090.html

3 Beaumont a argumenté que la culpabilité de Calas se heurtait à des impossibilités morales, physiques et légales .

4 Anne-Louise Dumesnil-Morin, auteur de Lettres [anonymes] du marquis de Roselle, 1761 ; voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Anne-Louise_%C3%89lie_de_Beaumont et http://vivmedia.eu/download/lettres+du+marquis+de+roselle+par+madame+livres

 

je ne connais point d’assassinat plus horrible et plus punissable que celui qui est commis avec le glaive de la loi

... No comment !

Persiste et signe .

 

« A Bernard-Louis Chauvelin

A Ferney 21 septembre 1762

Dieu m’a rendu une oreille et un œil ; votre excellence m’avouera que je ne peux pas chanter la chanson de l’aveugle :

                             Dieu, qui fait tout pour le mieux,

M’a fait une grande grâce ;

Il m’a crevé les deux yeux,

Et réduit à la besace 1.

J’ai lu très aisément la lettre dont vous m’avez honoré 2 ; mais c’est que le plaisir rend la visière 3 plus nette. Je ne sais, monsieur, si vous en aurez beaucoup en relisant Cassandre : elle est mieux qu’elle n’était ; mais je crois qu’elle a encore grand besoin de vos lumières et de vos bontés. Un moine, très honnête homme, doit vous l’avoir remise : vous le connaissez déjà sans doute ; c’est le bibliothécaire de l’infant, qui accompagne M. le prince Lanti 4. Je l’aurais bien chargé d’un paquet de Calas ; mais j’étais à Ferney ; je n’avais plus d’exemplaires de ces mémoires ; Cramer n’était point à Genève. J’ai manqué l’occasion ; je vous en demande pardon. J’envoie chez M. de Montpéroux un petit ballot de ces écritures ou écrits . Il pourra aisément vous le faire tenir ; il y a toujours quelqu’un qui va à Turin : mais je vous avertis que ces mémoires ne sont que de faibles escarmouches . La vraie bataille se donne actuellement par seize avocats de Paris, qui ont signé une consultation. Cet ouvrage me paraît un chef-d’œuvre de raison, de jurisprudence, et d’éloquence. Cette affaire devient bien importante ; elle intéresse les nations et les religions. Quelle satisfaction le parlement de Toulouse pourra-t-il jamais faire à une veuve dont il a roué le mari, et qu’il a réduite à la mendicité, avec deux filles et trois garçons qui ne peuvent plus avoir d’état ? Pour moi, je ne connais point d’assassinat plus horrible et plus punissable que celui qui est commis avec le glaive de la loi.

Je ne crois pas que Catherine seconde jouisse longtemps de la mort de son mari. Vous savez quel désordre agite à présent la Russie.

Dieu veuille que le duc de Betfort ne vienne pas jouer à Paris le rôle de M. Stanley 5.

Mille profonds respects à Vos Excellences. »

1 Vieille chanson, dite chanson de l'aveugle , que V* arrange ici .

2 Cette lettre n'est pas connue .

3 Sur cet emploi de visière, voir Thomas Corneille cité par Littré : Vous avez les visières mal nettes (Le Geôlier de soi-même, Ac. II, sc. 5 : http://www.theatre-classique.fr/pages/programmes/edition.... ). L'emploi est simplement familier .

4 Sans doute Luigi Lanti della Rovere, prince de Belmonte .

5 Il s'agit de l'envoyé dont l'ambassade en compagnie de Bussy l'année précédente avait échoué ; Bedford vient négocier à Versailles en même temps que Nivernais va à Londres .