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22/06/2011

S'il avait conservé cette belle épiphonème : Vous n'avez point d’enfants ! ... collège Voltaire à Florensac ... Voltaire ! ils n'ont rien compris à ton message !

 

 

 

Que faire ? que dire ? face à un si inconcevable, et ridicule à la fois, fait divers ?

Hier matin , j'étais avec des donneurs de sang bénévoles . Eux aussi sont des humains qui ont leurs sautes d'humeur, eux aussi connaissent la jalousie, la colère, et moi aussi . Aucun n'a cependant eu la folle idée de tabasser à mort qui que ce soit . Eux sont des donneurs de vie .

Il est arrivé qu'on me demande quelle serait la pire chose qui puisse m'arriver ,- ceci à une époque où l'on parlait beaucoup de rapts, meurtres , viols d'enfants,-  et ma réponse fut, et est encore , qu'un de mes enfants soit un meurtrier . Tuer un enfant ... un enfant tuant un enfant ... quel avenir reste-t-il ?

 

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Ce jour rédaction d'une lettre du 18 mars 1767 à Damilaville et mise en ligne pour le  18 mars 2011 ;

voir :

http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/03/18/e...

21/06/2011

ma colonie vient de faire partir encore une énorme caisse de montres. J’ai extrêmement grondé ces pauvres artistes ; ils ont trop abusé de vos bontés

 

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http://www.youtube.com/watch?v=cVI9xLHL17Q&feature=re...

http://www.youtube.com/watch?v=Q-LEReK3YDY&feature=re...

montre larchevesque ferney.jpg

Voir :

http://www.worldtempus.com/fr/encyclopedie/index-encyclop...

 

 

 

« A Catherine II, impératrice de Russie

 

A Ferney 19è juin 1771

 

Madame,

 

Sur la nouvelle d’une paix prochaine entre Votre Majesté impériale et sa hautesse Moustapha, j’ai renoncé à tous mes projets de guerre et de destruction, et je me suis mis à relire votre Instruction pour le code de vos lois 1. Cette lecture m’a fait encore plus d’effet que les premières. Je regarde cet écrit comme le plus beau monument du siècle. Il vous donnera plus de gloire que dix batailles sur les bords du Danube, car enfin c’est votre ouvrage . Votre génie l’a conçu, votre belle main l’a écrit ; et ce n’est pas votre main qui a tué des Turcs. Je supplie Votre Majesté, si elle fait la paix, de garder Taganrock 2, que vous dites être un si beau climat, afin que je puisse m’y aller établir pour y achever ma vie, sans voir toujours des neiges comme au mont Jura. Pourvu qu’on soit à l’abri du vent du nord à Taganrock, je suis content.

 

J’apprends dans ce moment que ma colonie vient de faire partir encore une énorme caisse de montres. J’ai extrêmement grondé ces pauvres artistes ; ils ont trop abusé de vos bontés ; l’émulation les a fait aller trop loin. Au lieu d’envoyer des montres pour trois ou quatre milliers de roubles tout au plus, comme je le leur avais expressément recommandé, ils en ont envoyé pour environ huit mille : cela est très indiscret. Je ne crois pas que Votre Majesté ait intention de donner tant de montres aux Turcs, quoiqu’ils les aiment beaucoup : mais voici, Madame, ce que vous pouvez faire. Il y en a de très belles avec votre portrait, et aucune n’est chère. Vous pouvez en prendre pour trois à quatre mille roubles, qui serviront à faire vos présents, composés de montres depuis environ quinze roubles jusqu’à quarante ou cinquante ; le reste pourrait être abandonné à vos marchands, qui pourraient y trouver un très grand profit.

Je prends la liberté surtout de vous prier, Madame, de ne point faire payer sur-le-champ la somme de trente-neuf mille deux cent trente-huit livres de France, à quoi se monte le total des deux envois. Vous devez d’ailleurs faire des dépenses si énormes, qu’il faut absolument mettre un frein à votre générosité. Quand on ferait attendre un an mes colons pour la moitié de ce qu’ils ont fourni, je les tiendrais trop heureux, et je me chargerais bien de leur faire prendre patience.

 

Au reste ils m’assurent, et plusieurs connaisseurs m’ont dit que tous ces ouvrages sont à beaucoup meilleur marché qu’à Genève, et à plus d’un grand tiers au-dessous du prix de Londres et de Paris. On dit même qu’ils seraient vendus à Pétersbourg le double de la facture qu’on trouvera dans les caisses, ce qui est aisé à faire examiner par des hommes intelligents.

 

Si Votre Majesté était contente de ces envois et des prix, mes fabricants disent qu’ils exécuteraient tout ce que vous leur feriez commander. Ce serait un détachement de la colonie de Saratof établi à Ferney, en attendant que je le menasse à Taganrock 3. J’aurais mieux aimé qu’ils vous eussent envoyé quelques carillons pour Sainte-Sophie, ou pour la mosquée d’Achmet ; mais, puisque vous n’avez pas voulu cette fois-ci vous emparer du Bosphore, le grand-Turc et son grand-vizir seront trop honorés de recevoir de vous des montres avec votre portrait, et d’apprendre à vous respecter toutes les heures de la journée.

 

Pour moi, Madame, je consacre à Votre Majesté impériale toutes les heures qui me restent à vivre. Je me mets à vos pieds avec le plus profond respect et l’attachement le plus inviolable.

 

Le vieux malade du mont Jura. »

 

1 Instruction de Sa Majesté Impériale Catherine II pour la commission chargée de dresser le projet d'un nouveau code de lois, que Catherine avait envoyée en russe à V* en juillet 1766, lui en traduisant un paragraphe (voir lettre du 26 février 1769 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/02/26/je-ne-sais-pas-ce-qui-est-arrive-a-notre-nation-qui-donnait.html)

Elle fut imprimée en Hollande en 1771, mais son entrée en France fut interdite, comme le raconte avec indignation V* à Catherine le 10 juillet : voir lettre 85 : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance---catherine-ii-et-voltaire-partie-12-40464036.html

http://www.siefar.org/dictionnaire/fr/Catherine_II_de_Russie

2 Taganrog sur la mer d'Azov . Les Russes avaient pris la Crimée . Des pourparlers de paix étaient engagés à Focsiani .

3 V* se montre un remarquable représentant de commerce .

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20/06/2011

Il arrive souvent qu'on ne sait pas précisément ce qu'on veut, et cet état est très pénible

 

 

 

« A Marie-Louise Denis

 

19 juin [1769 de Ferney]

 

Dieu ne saurait empêcher que ce qui est fait soit fait 1. Que j'aie eu tort ou non d'être trop sensible, il n'importe . Je l'ai été, je n'ai pu m'imaginer qu'on pût de sang-froid dire une chose si cruelle 2 à un vieillard dont on n'avait nul sujet de se plaindre , et conserver de l'amitié pour lui . Il est dur de se sentir méprisé et haï à mon âge . J'ai crû l'être . Qu’en est-il arrivé ? Je m'en suis puni moi-même , et moi seul . J'ai jugé qu'on devait cacher sa vieillesse et sa douleur dans la solitude avant d'ensevelir l'une et l'autre dans la bière . J'ai dévoré seul mon chagrin pendant seize mois, et si l'étude n’avait pas un peu consolé mon état, je serais mort .

 

Joignez à mes peines des souffrances de corps presque continuelles, et jugez qui, de vous ou de moi, a été le plus malheureux . Je ne sais comment je finirai ma vie, mais ce qui est bien sûr, ma chère nièce, c'est que je la finirait en vous aimant . Il est bien certain que si je ne vous avais pas aimée, mon affliction aurait été moins douloureuse .

 

L'idée d'être séparé de vous est affreuse, celle de vous voir à Genève tandis que je serais à Ferney ne l'est pas moins . Je me soucie peu des vains discours de ceux qui n'ayant rien à faire se mêlent toujours de censurer ce que les autres font . Mais il est certain que rien ne ferait un plus mauvais effet que de voir ma nièce à qui Ferney appartient attendre à deux lieues de là . Il vaudrait cent fois mieux que j'allasse m'ensevelir ailleurs de mon vivant et que vous vinssiez vous établir à Ferney.

 

Le mieux serait sans doute que j'achevasse ma vie auprès de vous, soit à Ferney, soit dans un faubourg de Paris . Je ne connais pas un troisième parti qui ne soit cruel . Il y a des situations où l'on ne peut être que mal . Cependant j'ai fait tout ce que j'ai pu au monde pour que vous soyez bien . Le fracas d'une maison ouverte ne nous convient plus, et mon âge, mon goût, mes maladies me rendent cette vie bruyante insupportable . La solitude avec moi à Ferney serait un fardeau que vous ne pourriez soutenir . Vous êtes à l'étroit 3 à présent parce qu'il vous a fallu acheter des meubles, et que vous avez eu chez vous beaucoup de monde . Je suis embarrassé de mon côté parce que le Châtelard coûte une fois plus qu'on ne croyait comme cela arrive toujours et que le trésorier du duc de Virtemberg m'a manqué de parole . Dans cette situation, voyons bien tous deux ce que nous voulons devenir . Consultez avec vous-même . Il arrive souvent qu'on ne sait pas précisément ce qu'on veut, et cet état est très pénible . Pour moi je sais très bien que je veux que vous soyez heureuse . Décidez de la manière dont vous voulez l'être . Faites un plan et je bâtirai dessus . J'ignore si vous êtes toujours à Rueil 4, et combien de temps vous y serez .

 

Choudens 5 continue toujours son procès . Si on nomme des experts ils se feront un plaisir de décider contre nous . Les paysans , n'en usent jamais autrement avec les seigneurs , et dans le pays de Gex ce sont les paysans qui en sont crus quand il s'agit d'évaluer un domaine .

 

Il y a un exemplaire des Guèbres pour vous chez M. Marin . Nous verrons ce que cet ouvrage deviendra 6. Les honnêtes gens devraient un peu s'ameuter dans cette occasion, mais les honnêtes gens sont bien tièdes . Comptez que ce n'est pas avec tiédeur que je vous aime .

 

V. »


1 Leur séparation ; voir les lettres depuis mars 1768.

2 V* lui a reproché dans une lettre du 8 mars 1768 de lui avoir dit qu'il « ne savait plaire ni à Dieu ni au diable ». Wagnière, son secrétaire, écrivait de son côté, le 21 mars : « Le commencement de la querelle vient de ce qu'elle lui dit que les Représentants de Genève ne l'aimaient pas plus que les Négatifs, et cela en plaisantant . Sur ces seules paroles il la força de partir ... »

3 Financièrement .

4 Elle y séjournait « pour éviter la dépense de Paris », comme elle l'écrivait le même jour au résident Hennin .

5 A qui V* a acheté une propriété.

6 Voir lettre aux d'Argental du même jour : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/06/16/i...

 

19/06/2011

il faut acquitter les dettes de l’État . Tout bon citoyen doit penser ainsi .

 

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Je crains bien qu'à notre époque le loup soit l'Etat, et que nous soyons le Petit Chaperon Rouge ci-dessus !

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

 

19 juin [1763]

 

Quelqu'un ayant dit que l'extinction des jésuites rendrait la France heureuse , quelqu'un ayant répondu que pour compléter son bonheur il fallait se défaire des jansénistes, quelqu'un se mit à dire ce qui suit :

 

Les renards et les loups furent longtemps en guerre.

Les moutons respiraient . Des bergers diligents

Ont chassé par arrêts les renards de nos champs ;

Les loups vont désoler la terre.

Nos bergers semblent entre nous

Un peu d'accord avec les loups.1

 

Je vous demande pardon , mon cher frère, de vous avoir demandé si on payait cette année le troisième vingtième . J'ai su qu'on le payait, et je trouve cela très juste car il faut acquitter les dettes de l’État 2. Tout bon citoyen doit penser ainsi .

 

Que fait frère Thieriot ? Vous verrai-je ?

Écrasez l'Inf .

 

Vous noterez qu'Omer a gardé Mme de Lauraguais pendant sa petite vérole, quoiqu'il ne la gardât pas par état 3; et qu’il a fait des vers dignes de sa prose en faveur de l'inoculation 4. Je les aurai ces beaux vers et nous rirons, mes frères . »


1 Vers publiés dans les Nouveaux Mélanges philosophiques, historiques, critiques, 1769, sous le titre « A l'occasion de l'expulsion des jésuites. » http://visualiseur.bnf.fr/CadresFenetre?O=NUMM-71882&...

2 Le 23 mai, V* posait la question, en émettant la réserve qu'on aurait « dû avertir dans l'édit que le 3è vingtième supprimé se payerait cette année ».

3 Mme de Lauraguais avait entamé une procédure pour obtenir la séparation d'avec son mari ; « par état » était une formule utilisée dans les ordonnances du parlement .

4 Le parlement avait promulgué le 8 juin, à la requête d'Omer Joly de Fleury, un règlement interdisant l'inoculation dans le voisinage de la cour . A Richelieu, le 22 juin , V* écrira que « cet ennemi de l’inoculation a ... gardé Mme de Forcalquier et fait des vers pour Tronchin, non pas le fermier général, mais Tronchin l'inoculateur ». V* répondit à la décision du parlement par sa pièce « Omer de Fleury étant entré ... » : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80022x/f322.image.r...

 

Aujourd'hui, fête des pères, fruit issu du croisement de la fête des mères et du pétainisme , matiné de fond bassement commercial ; aussi , n'ayant plus de père en ce monde, je ne crains pas de diffuser cette illustration, au fond gentillette, non ?

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18/06/2011

Il y a des choses qu'on ne peut pas dire à présent . Le public juge de tout à tort et à travers ; laissez faire, tout viendra en son temps

 

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 Alors, nous irons les voir !

 

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Voyez ce qu'un président, de droite,- il me semble,- agité et agitateur, peut dire 39 ans après un candidat  maître de ses nerfs et menteur habile .

 

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 Attention ! comme le dit Volti, nous nous ameuterons, car j'ose l'espérer, "les honnêtes gens l'emportent à la longue " . Mais en attendant, combien de nantis velléitaires et fourbes vont encore profiter de la manne que le peuple, à chaque vote, leur octroie en pensant bien faire ?

 

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

 

19 juin 1769

 

Mes divins anges sauront que j'ai envoyé quatre exemplaires des Guèbres à M. Marin, l'un pour vous, le second pour lui, le troisième pour l'impression, le quatrième pour Mme Denis.

 

Je ne suis pas à présent en état d'en juger parce que je suis assez malade ; mais autant qu'il peut m'en souvenir cet ouvrage me paraissait fort honnête et fort utile il y a quelques jours, dans le temps que je souffrais un peu moins . Il en sera tout ce qu'il plaira à Dieu et à la barbarie dans laquelle nous sommes actuellement plongés .

 

Et bien ! mon cher ange, nous n'avons donc vécu que pour voir anéantir la scène française qui faisait vos délices et ma passion . Je ne m'attendais pas que le théâtre de Paris mourrait avant moi . Il faut se soumettre à sa destinée . Je suis né quand Racine vivait encore, et je finis mes jours dans le temps du Siège de Calais 1, et dans le triomphe de l'opéra-comique . Un peu de philosophie consolait notre malheureux siècle de sa décadence ; mais comme on traite la philosophie, et comme elle est écrasée par la superstition tyrannique ! Les Guèbres me paraissent faits pour soutenir un peu la philosophie et le bon goût ; mais voila qu'un pédant du Châtelet 2 s'oppose à l'un et à l'autre, et on ne sait à qui s'adresser contre ce barbare . Je m'en remets à vous . Nous n'avons contre les Goths et les Vandales que la voix des honnêtes gens . Vous les ameuterez ; les honnêtes gens l'emportent à la longue .

 

Celui qui a imprimé Les Guèbres dans mon pays sauvage ne sachant pas de qui était cette tragédie, me l'a dédiée. Il a cru cette dédicace nécessaire pour recommander la pièce et la faire vendre dans les pays étrangers où l'on ne juge que sur parole . J'ai soigneusement retranché cette dédicace qui serait aussi mal reçue à Paris qu'elle est bien accueillie ailleurs 3.

 

On a supprimé aussi le titre de La Tolérance dont le nom effarouche plus d'une oreille dans votre pays . Cette tragédie est imprimée chez l'étranger sous ce titre de Tolérance . C'est un nom devenu respectable et sacré dans les trois quarts de l'Europe ; mais il est encore en horreur chez les misérables dévots de la contrée des Welches . Trémoussez-vous, mes chers anges, pour écraser habilement le monstre du fanatisme . Comptez que vous donnerez un rude coup en donnant aux Guèbres quelque accès dans le monde . Vous me direz peut-être que ce fanatisme triomphe d'une certaine cérémonie, qu'un certain ennemi des coquins a faite il y a quelques mois 4, mais cette cérémonie servira un jour à mieux manifester la turpitude de ce monstre infernal . Il y a des choses qu'on ne peut pas dire à présent . Le public juge de tout à tort et à travers ; laissez faire, tout viendra en son temps.

 

Je me mets à l'ombre de vos ailes . »

 

 

2 François Moreau, procureur du roi au Châtelet .

3 La première édition des Guèbres est dédiée à V* par « Gabriel Grasset et associés » .

http://www.voltaire-integral.com/Html/06/07GUEBRE.htm...

Le 23 mai, V* écrit : « Ce qu'on me dit dans la dédicace était d'une nécessité abasolue dans la situation où je me trouve . Cette édition sera pour les pays étrangers et pour quelques provinces méridionales de France . L'édition de Paris sera pour Paris . » Voir page 291 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80039n/f296.image.r...

4 Allusion à la communion de V* pour Pâques, accompagnée d'une profession de foi qui a aussi sucité une querelle nouvelle avec l'évêque Biord ; voir lettre du 24 mai à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/05/24/o...

 

 

 

 

17/06/2011

votre salle est fraiche aux pièces nouvelles...Sans cette espérance je vous aurais conseillé de vous habiller de gaze.

 

Une salle où ça chauffe, pour laquelle j'ai une grande affection  : La Salle du bar-tabac de la rue des Martyrs :   http://www.deezer.com/listen-523332

Une salle, -Salle d'attente,- bizarre, qui semble nous attendre tous autant que nous sommes : http://www.deezer.com/listen-990160

La Salle des pas perdus, pour ceux qui le sont :    http://www.deezer.com/listen-886676

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« A Henri-Louis Lekain

 

17 juin [1764]

 

J'ai vu, mon cher et grand acteur, ce jeune ex-jésuite auteur de ce drame barbare 1. Il dit qu'un opéra-comique est beaucoup plus agréable ; il prétend que ces trois coquins qu'on donne immédiatement après ce coquin de Cromvel 2révolteront le public, et que voilà trop de barbaries. Il dit qu'on mourra de chaud au mois de juillet, et que la pièce fera mourir de froid. Il dit qu'il ne faut aux Welches que de la tendresse. Je ne peux du pied des Alpes savoir quel est le goût de Paris. Je m'en rapporte à vous, et je vous plains de jouer la comédie pendant l'été. Heureusement votre salle est fraiche aux pièces nouvelles. Il est à croire que votre ex-jésuite en fera une belle glacière. Sans cette espérance je vous aurais conseillé de vous habiller de gaze.

 

Je vous embrasse du meilleur de mon cœur.

 

V. »

 

1 Le prétendu auteur du Triumvirat ! cf. lettre du 21 mai aux d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/06/13/q...

2 Cromwell, d'Antoine Maillet du Clairon, consul de France à Amsterdam, représenté le 7 juin 1764 ; voir note de V* sur cette pièce : http://www.voltaire-integral.com/zEtudes/Grimm/06/1764_08...

 

 

 

 

16/06/2011

La superstition fanatique ... on la traite comme une vieille p... qu'on adorait quand elle était jeune et à qui on donne des coups de pied au cul dans sa vieillesse

 

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« A Jean Le Rond d'Alembert

 

19 de juin [1767]

Mon cher et grand philosophe, un brave officier , nommé M. le comte de Wargemont 1, vient à notre secours ; car nous avons des prosélytes dans tous les états . Il vous fait parvenir trois exemplaires d'une très jolie Lettre à un conseiller au Parlement 2. J'en ai eu six ; Mme Denis, M. de Chabanon et M. de La Harpe ont pris chacun le leur ; en voila trois pour vous . Cela vient bien tard ; le mérite de l'à-propos est perdu, mais le mérite du fond subsistera toujours . C'est bien dommage que l'auteur n'écrive pas plus souvent et ne conseille pas tous les conseillers du roi . L’inquisition redouble ; il est beaucoup plus aisé de faire parvenir une brochure à Moscou qu'à Paris . La lumière s'étend partout, et on l'éteint en France où elle venait de naître . Il semble que la vérité soit comme ces héros de l'Antiquité que des marâtres voulaient étouffer dans leur berceau et qui allaient écraser des monstres loin de leur patrie .

La sixième édition du Dictionnaire philosophique parait en Hollande 3, tête levée . Les dissidents de Pologne ont fait imprimer le petit panégyrique de Catherine, ou plutôt de la tolérance 4; c'est une édition magnifique . La superstition fanatique est bafouée de tous côtés . Le roi de Prusse dit qu'on la traite comme une vieille p... qu'on adorait quand elle était jeune et à qui on donne des coups de pied au cul dans sa vieillesse 5.

Voici quelques échantillons qui vous prouveront que le roi de Prusse n'a pas tort .

Je reçois dans le moment Les Trente Sept Vérités opposées aux trente-sept impiétés de Bélisaire, par un bachelier ubiquiste 6, cela me parait salé .

J'espère qu'il viendra un temps où on sèmera du sel sur les ruines du tripot où s'assemble la sacrée faculté 7.

Je sais bien que les gens du monde ne liront point le Supplément à la Philosophie de l'histoire 8; mais il y a beaucoup d'érudition dans ce petit livre, et les savants le liront . L'auteur se joint à l'évêque hérétique Warburton contre l'abbé Bazin 9. Son neveu est obligé en conscience de prendre la défense de son oncle 10; c'est un nommé Larcher qui a composé cette savante rapsodie sous les yeux du syndic de la Sorbonne, Ribalier, principal du collège Mazarin 11. Je connais le neveu de l'abbé Bazin ; il est goguenard comme son oncle, il prend le sieur Larcher pour son prétexte, et il fait des excursions partout . Il n'est pas assez sot pour se défendre, il sait qu'il faut toujours établir le siège de la guerre dans le pays ennemi .

Ne vous ai-je pas mandé que le roi de Prusse avait donné une enseigne au camarade du chevalier de La Barre, condamné par Messieurs, dans le XVIIIè siècle, à être brûlé vif pour avoir chanté deux chansons de corps de garde et pour n'avoir pas salué des capucins ?12

 

Est-il vrai que Diderot a fait un roman intitulé L’Homme sauvage ?13

Si cet homme sauvage est sot, pédant et barbare, nous connaissons l'original 14.

Tout ce qui est chez nous vous fait les plus tendres compliments ; nous ne sommes, en vérité, ni sauvages ni barbares . »


1 François-Gabriel Le Fournier, chevalier de Wargemont, commandant du régiment de Soubise, en visite chez V* le 25 mai ; originaire d’Abbeville, il avait parlé du procès de La Barre .

2 D’Alembert publia une Lettre à M***, conseiller au parlement de ***, pour servir de supplément à l'ouvrage qui ... a pour titre Sur la destruction des jésuites en France par un auteur désintéressé, 1767, et une Seconde Lettre à M*** ... sur l'édit du roi d'Espagne pour l'expulsion des jésuites,datée du 15 juillet 1767 . elles étaient imprimées à Genève par Cramer . Les derniers jésuites avaient été expulsés d'Espagne le 2 avril ; puis l'ordre fut aboli par une ordonnance . Il s'agit ici , sans doute , de la Seconde Lettre qui sort de presse.

3 Le 17 juillet, V* précise au prince de Ligne ; « Ce livre est imprimé par Marc-Michel Rey . Cette nouvelle édition commence, je crois par l'article « Abbé » et finit par « transsubstantiation » »

4 Peut être l'Expression des droits des dissidents joints à ceux des puissances intéressées de les maintenir, de Catherine qui publia aussi les Instructions adressées par Sa Majesté l'impératrice ... à la commission établie pour travailler à ... un nouveau code de lois (voir lettre du 3 mars 1767 à Frédéric II : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/03/06/l...)

Ou alors il s'agit plutôt de la Lettre sur les panégyriques par Irénée Aléthès, où V* célèbre la tolérance de Catherine, et dont Vorontsov voulait faire passer des exemplaires en Pologne le 3 juin .

5 Dans sa lettre du 25 novembre 1765, mais le texte qui nous est parvenu ne comporte que les « coups de pied au cul ».

6 De Anne-Robert-Jacques Turgot ; cet ouvrage constitue la quatrième partie des Pièces relatives à Bélisaire .

7 La Sorbonne , qui a condamné Bélisaire .

8 Supplément à la Philosophie de l'histoire de feu M. l'abbé Bazin, 1767, de Pierre-Henri Larcher .

9 C'est-à-dire contre V* .

10 Dans La défense de mon oncle .

11 En réalité Larcher n'appartenait pas au collège Mazarin .

12 Il s'agit de d'Etallonde, qui a pris le nom de Morival ; V* l'a recommandé à Frédéric II (voir lettre à Frédéric du 5 avril 1767 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/04/04/o...)

Sur les chansons, voir lettre du 14 juillet 1766 à Damilaville : page 20 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800389/f25.image.r=...

lettre du 28 juillet 1766 à Florian : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/07/28/v...

13 Il n'est pas de Diderot . Il s'agit de L’Homme sauvage, histoire traduite par M.(louis -Sébastien) Mercier, 1767, de J.-G.-B. Pfeil .

14 J.-J. Rousseau ; ce que comprendra d'Alembert qui répondra : « Le roman de l'homme sauvage n'est pas de Diderot, mais d'un nommé Mercier ... Je ne sais si l'homme sauvage et hargneux est à Wesel, mais je suis bien sûr que quelque part qu'il soit il n'y restera pas. »