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14/04/2012

la rage de ceux qui gagnent leur pain à écrire

... peut être pardonnée, parfois .

Mais il en est d'autres, comme cet ahuri de BHL qui du haut de ses millions (d'euros, pas d'admirateurs, vous m'avez compris ) n'a pas même l'excuse de la nécessité d'assurer sa pitance quotidienne pour vitupérer contre tout être qui ose dire et mettre en relief les folies israeliennes .

"La première mort de Günter Grass", "ce gros poisson des lettres,[NDLR : prix Nobel de littérature, excusez du peu !], ce turbot congelé par soixante ans de pose et de mensonge, achève de se décomposer ..." , voilà ce qu'on trouve dans le Bloc Notes de BHL du Point du 12 avril, car Günter Grass s'est permis le crime de lèse-majesté de dire qu'Israël est une menace sérieuse pour la paix dans le monde ; ce en quoi , je trouve que M. Grass ne fait que redécouvrir l'eau chaude , écrire une évidence .

BHL se garde bien de jouer les entremetteur et médiateur dans le conflit israelo-palestinien, sa pantalonnade de salonnard en Lybie serait mal reçue par "une démocratie : l'Etat d'Israël" .

Monsieur le donneur de leçons, le verbeux soi-disant philosophe, vous voulez la paix partout, (sauf en Palestine-Israël) , mais  combien d'années de guerre vous satisferont-elles avant de reconnaître la pure soif de pouvoir du gouvernement israëlien ? Vous êtes tellement borné et de mauvaise foi ( y compris votre foi religieuse ) que vous crèverez aussi bête qu'à votre première ligne .

Que n'allez-vous vivre dans ce "tout petit pays, l'un des plus petits du monde, l'un des plus vulnérables aussi" ?

Tellement vulnérable !

Va donc , eh! Calimero !!

BHL sans chemise4421.JPG

Paroles de Corneille !!



 

 

 

« A M. le marquis de THIBOUVILLE.

1er novembre [1755]. 1

Mme Denis vient de me communiquer votre lettre, mon cher marquis je suis plus affligé et plus indigné que vous. Je n'ignore pas absolument qui sont les misérables dont la fureur a mêlé le nom de mes amis et des hommes les plus respectables dans je ne sais quelle plaisanterie qu'on a fait revivre si cruellement depuis quelques années. On m'en a envoyé des fragments où j'ai trouvé M. le maréchal de Richelieu traité de maquereau; M. d'Argental, de protecteur des mauvais poètes. Le succès de l'Orphelin de la Chine a ranimé la rage de ceux qui gagnent leur pain à écrire. Ils ont été fourrer Calvin dans cet ancien ouvrage dont il est question, parce que je suis dans un pays calviniste 2. Enfin ils ont poussé leur imbécile insolence jusqu'à oser profaner le nom du roi 3. Voyez, s'il vous plaît, les beaux vers dans lesquels ils ont exprimé ce panégyrique

Lui, des Bourbons trompant la destinée,
A la gard' Dieu laisse aller son armée, etc.


Je n'ose poursuivre, tant le reste est exécrable. J'ai vu, dans un de ces malheureux exemplaires, saint Louis en enfer 4. Il y a sept ou huit petits grimauds qui brochent continuellement des chants de ce prétendu poème. Ils les vendent six francs le chant, c'est un prix fait, il y en a déjà vingt-deux, et ils mettent mon nom hardiment à la tête de l'ouvrage. Je n'ai pas manqué d'avertir M. le maréchal de Richelieu. On m'avait écrit que vous étiez fourré dans cette rapsodie 5, avec M. d'Argental mais je n'avais point vu ce qui pouvait vous regarder, c'est une abomination qu'il faut oublier, elle me ferait mourir de douleur. Adieu, Mme Denis est aussi affligée que moi. Oublions les horreurs de la société humaine. Amusez-vous dans de jolis ouvrages conformes à la douceur de vos mœurs et aux grâces de votre esprit. Nous attendons votre roman avec impatience cela sera plus agréable que l'histoire de tout ce qui se fait aujourd'hui. Vous devriez venir prendre du lait ici, pour punir les scélérats qui abusent de votre nom et du mien d'une manière si misérable.

Pardonnez à un pauvre malade obligé de dicter, et qui a dicté cette lettre très-douloureusement. »

 

 

 



 

 

 

 

 

 

13/04/2012

Je vous souhaite, madame, du bonheur, s'il y en a, de la tranquillité au moins, tout insipide qu'elle est

 http://www.youtube.com/watch?v=dLcuRfJzetI&feat...

Countess_d’Egmont_Pignatelli.jpg

 

 

 

« A madame la comtesse d'EGMONT 1

Aux Délices, près de Genève, 29 d'octobre 1755.

On vous lit des choses bien édifiantes, madame, dans le couvent des Carmélites. Je ne doute pas qu'elles ne servent à entretenir votre dévotion. Si vous n'êtes pas encore convaincue du pouvoir de la grâce, vous devez l'être de celui de la destinée. Elle m'a fait quitter Cirey après l'avoir embelli, elle vous a fait quitter votre terre lorsque vous en rendiez la demeure plus agréable que jamais. Elle a fait mourir Mme du Châtelet en Lorraine. Elle m'a conduit sur les bords du lac de Genève; elle vous a campée aux Carmélites. C'est ainsi qu'elle se joue des hommes, qui ne sont que des atomes en mouvement, soumis à la loi générale qui les éparpille dans le grand choc des événements du monde, qu'ils ne peuvent ni prévoir, ni prévenir, ni comprendre, et dont ils croient quelquefois être les maîtres. Je bénis cette destinée de ce que messieurs vos enfants sont placés. Je vous souhaite, madame, du bonheur, s'il y en a, de la tranquillité au moins, tout insipide qu'elle est; de la santé, qui est le vrai bien, et qui cependant est un bien très-peu senti. Conservez-moi de l’amitié. Les roues de la machine du monde sont engrenées de façon à ne me pas laisser l'espérance de vous revoir mais mon tendre respect pour vous sera toujours dans mon cœur. »


 

1 Dans toutes les éditions des Œuvres de Voltaire, cette lettre a, jusqu'à ce jour (janvier 1832), été mise à la date du 23 août, et adressée à Mme la comtesse de La Neuville. M. Clogenson en possède une copie datée du 8 mars 1756, et à l'adresse de Mme la marquise de La Neuville. Grimm la rapporte, dans sa Correspondance littéraire, au mois d'octobre 1755, et comme adressée à Mme de Montrevel. Mais Luchet, qui, la croyant inédite, la donne dans le tome 1er de ses Mémoires pour servir à l'histoire de l'année 1789 (quatre volumes in-8°), nomme Mme la comtesse d'Egmont.

Angélique-Amable, petite-fille du maréchal de Villars, née à Paris le 19 mars 1723, mariée, le 5 février 1744, à Guy-Félix d'Egmont-Pignatelli, comte d'Egmont, prince de Gavres, veuve le 3 juillet 1753, prit l'habit des filles de la maison du Calvaire de la Compassion, ordre de Saint-Benoît, le 18 juin 1751, sous le nom d'Amable-Angélique-Marie-Thérèse du bon pasteur de Villars, et le 20 juin 1755 prononça ses vœux, en présence de l'abbé Grizel , qui l'avait convertie en lui volant 50 à 60,000 livres. (Beuchot.)

(voir page 239 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411340m/f242.image....

; et les Stances à Saurin page 535 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411324f/f545.image)

Et pour accompagner cette belle dame au couvent, The God :

 http://www.youtube.com/watch?v=93xY06Sh7FE&feature=related

 Ce dieu m'a bien fait rire .

11/04/2012

Me voilà, avec mes quatre cheveux gris, chargé d'une fille qui embarrasserait un jeune homme. Il arrivera malheur

 Je n'ai pas d'embarras plus préoccupant que quatre cheveux gris qui veulent furieusement déserter !

NDLR - Cette photo n'est pas contractuelle .

4cheveuxgris0173.JPG

 "Lumières", quand on vous chante : http://www.youtube.com/watch?v=ivjyz91DDXI

C'est plus que beau !

 

 

« A M. le comte de CHOISEUL.

Aux Délices, ou soi-disant telles, 29 octobre [1755]

Je vous remercie, monsieur, de M. Palissot 1, et de toutes vos bontés. J'en suis un peu indigne. Je n'ai point verni mes cinq magots chinois comme je l'aurais voulu. Je viens d'envoyer à M. d'Argental ce que j'ai pu quoique j'aie à présent l'esprit assez triste, je ne l'ai pourtant point tragique. Cette maudite Pucelle, qui m'a souvent fait rire, me rend trop sérieux. Je crains que les âmes dévotes ne m'imputent ce scandale, et la crainte glace la poésie. La Pucelle de Chapelain n'a jamais fait tant de bruit. Me voilà, avec mes quatre cheveux gris, chargé d'une fille qui embarrasserait un jeune homme. Il arrivera malheur. Vous ne sauriez croire quel tort Jeanne d'Arc a fait à l'Orphelin. de la Chine. Je ne manquerai pas de vous envoyer, monsieur, le recueil de mes rêveries, dès qu'il sera imprimé. Je conviens que Lambert a négligé l'Orphelin autant que moi. N'aurait-il point aussi quelque Pucelle à craindre ? Je ne sais plus à quel saint me vouer. Je trouverai toujours dans mon chemin saint Denis, qui me redemandera son oreille, saint Georges, à qui j'ai coupé le bout du nez 2, et surtout saint Dominique, cela est horrible. Les mahométans ne me pardonneront pas ce que j'ai dit de Mahomet. Il me reste la cour de Pékin mais c'est encore la famille des conquérants tartares. Je vois qu'il faudra pousser jusqu'au Japon. En attendant, monsieur, conservez-moi à Paris des bontés qui me sont plus précieuses que les faveurs d'Agnès et le pucelage de Jeanne. »


 

 

1 Voir la lettre du 1er décembre 1755 à Palissot ; page 514 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411354g/f517.image.r=.langFR

c'est la première adressée à Palissot dans la Correspondance, et il est nommé ici pour la première fois. http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Palissot_de_Montenoy

 

2 La Pucelle, chant XI, v. 317.-http://www.monsieurdevoltaire.com/article-la-pucelle-d-orleans-chant-onzieme-84546933.html

Quant à saint Dominique, Voltaire l'a placé (ch. V, v. 145) en enfer . http://www.monsieurdevoltaire.com/article-la-pucelle-d-orleans-chant-cinquieme-83760116.html

 

Me conseillez-vous de renouveler mes protestations dans quelque journal ?

 http://owni.fr/2012/02/20/le-nuage-de-protestations-qui-vient/

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 http://www.youtube.com/watch?v=eJZbaVGyQ38

 Avec Voltaire, "We will be victorious !" , Mam'zelle Wagnière !

 

 

« A M. le comte d'ARGENTAL.

Aux Délices, 29 octobre [1755]

Mon cher ange, je vous ai envoyé deux exemplaires de votre Orphelin. Je vous prie de pardonner à ma misère, je devrais avoir mieux répondu aux soins dont vous avez honoré mes Chinois, vous et Mme d'Argental. J'ai rendu compte, autant que je l'ai pu, de ce qui s'est passé entre le quatrième et le cinquième acte; mais je ne sais si j'en ai rendu bon compte 1. Je vous demande en grâce de donner un exemplaire de cette nouvelle fabrique au négligent de Lambert 2, qui devient si impatient quand il s'agit de me faire enrager. Qu'il fasse au moins usage de cet exemplaire, si je ne peux lui en procurer un meilleur. Je vous avoue que l'aventure de la Pucelle m'a mis hors d'état de travailler. Je suis parfaitement instruit qu'elle est imprimée, elle inondera bientôt tout Paris, et je serai à mon âge l'occasion d'un grand scandale. Me conseillez-vous de renouveler mes protestations dans quelque journal ?
Permettez que j'insère sous votre enveloppe un petit mot 3 à M. le comte de Choiseul; je ne sais point sa demeure, et je crains que ma lettre n'aille à quelqu'un de son nom qui n'aurait pas pour moi la même indulgence que lui. J'ai reçu de mon mieux les deux pèlerins 4 que vous m'avez annoncés. Les deux exemplaires de l'Orphelin de la Chine sont partis à l'adresse de M. Dupin, secrétaire de M. d'Argenson; mais j'ai bien peur que Jeanne ne fasse plus de bruit qu'Idamé. Mon cher ange, priez Dieu pour moi. »

 

2 Libraire imprimeur .

4 Palissot et Patu .

 

Point de lieux communs sur la promesse de mourir, sur des prières de vivre.

Prières et promesses de vie avec Jacques Loussier dont je suis fan : ça décolle la pulpe !

http://www.youtube.com/watch?v=DxNXtR_ij7Q&feature=fvst

 

promesse de vie4302.JPG

 

 

 

« A M. LE COMTE D'ARGENTAL.

Aux Délices, 26 octobre [1755] 1

Sur des lettres que je reçois de Paris je suis obligé, mon cher ange, de vous supplier très-instamment de faire réciter la scène dernière du quatrième acte comme je l'ai imprimée, en conservant les corrections que j'ai envoyées, et dont on a fait usage à Fontainebleau. Je sais bien, et je l'ai mandé plusieurs fois, qu'il faut dire

 
Nous mourrons, je le sais (Acte IV, scène vi.)

au lieu de

Tu mourras, je le sais.

mais on me mande que les vers

Cependant du tyran j'irrite la furie;
Je te laisse en ses mains, je lui livre ta vie2;

et

Je m'immole après toi
Je t'en donne ma foi, etc.

jettent un froid mortel sur cette scène. Je te donne ma foi de mourir après toi est pris de Chimène, est touchant dans Chimène, et à la glace dans Idamé. C'est bien cela dont il s'agit! Il n'y a pas là d'amourette. Je veux mourir, cher époux; vis, très chère femme; tout cela est au-dessous d'Idamé et de Zamti. Au nom de Dieu, faites jouer cette scène comme je l'ai faite, en mettant seulementn nous mourrons, au lieu de tu mourras. Point de lieux communs sur la promesse de mourir, sur des prières de vivre.

Non erat his locus (De Art. poet., v. 19. )

La vie n'est rien pour ces gens-là. Je vous en supplie, mon cher ange, ayez la bonté de penser comme moi pour cette fin du quatrième acte. Otez-moi

Cependant du tyran j'irrite la furie.

Je vous écris en hâte, la poste part; cette maudite Pucelle d'Orléans est imprimée, et je suis bien loin d'être en état de refaire mes Chinois. Ils iront comme ils pourront; mais ne refroidissons point cette fin du quatrième acte. Pardon, pardon. »

 

10/04/2012

Rien n'est plus froid que des scènes où l'on répète qu'on mourra, et où un autre acteur conjure l'actrice de vivre

 Pour réchauffer l'ambiance , chaude voix du barytone sax de Jerry Mulligan : http://www.youtube.com/watch?feature=endscreen&NR=1&v=g1uNIXdEN1U

et aussi en duo avec  le bandonéon d'Astor Piazzola :

 http://www.youtube.com/watch?v=gL0HFlL5LI8&feature=re...

 

 

riennestplusfroid1933.JPG

 Tête de chat ?

 

« A mademoiselle CLAIRON.

Aux Délices, 25 octobre [1755]

On me mande qu'on rejoue à Paris cette pièce 1 dont vous faites tout le succès. Le triste état de ma santé m'a empêché de travailler à rendre cet ouvrage moins indigne de vous. Je ne peux rien faire, mais vous pouvez retrancher. On m'a parlé de quatre vers que vous récitez à la fin du quatrième acte
Cependant de Gengis j'irrite la furie
Je te laisse en ses mains, je lui livre ta vie
Mais, mon devoir rempli, je m'immole après toi;
Cher époux, en partant, je t'en donne ma foi.


Je vous demande en grâce, mademoiselle, de supprimer ces vers. Ce n'est pas que je sois fâché qu'on ait inséré des vers étrangers dans mon ouvrage au contraire, je suis très-obligé à ceux qui ont bien voulu me donner leurs secours pendant mon absence mais le public ne peut être content de ces vers, ils ressemblent à ceux que dit Chimène à Rodrigue 2; mais ils ne sont ni si heureux ni si bien placés. Rien n'est plus froid que des scènes où l'on répète qu'on mourra, et où un autre acteur conjure l'actrice de vivre. Ces lieux communs doivent être bannis; il faut des choses plus neuves.
Je vais écrire à M. d'ArgentaI pour le supplier, avec la plus vive instance, de s'unir avec moi pour remettre les choses comme elles étaient. Je peux vous assurer que la scène ne sera pas mal reçue si vous la récitez comme je l'ai faite en dernier lieu. Je n'ai que le temps, mademoiselle, de vous demander pardon de ces minuties, et de vous assurer de tous les sentiments que je vous dois. »

 

1 L'Orphelin de la Chine.

2 A la fin de la scène iv de l'acte III du Cid, Chimène dit à Rodrigue :
Je te donne ma foi
De ne respirer pas un moment après toi.

 

Vous m'auriez rendu un très-bon service si vous aviez pu m'en avertir plus tôt

 Avant la morsure ?

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« A M. Pierre GAMOND le fils, 1

premier valet de chambre

de S. A. R. monseigneur le duc de Lorraine, à Bruxelles 2
Aux Délices, près de Genève, 24 octobre 1755 3

Je reçois, monsieur, votre lettre du 16 octobre; je vous remercie des éclaircissements que vous voulez bien me donner, j'y suis d'autant plus sensible que, n'étant pas connu de vous, je ne devais pas m'attendre à cette attention. J'ai toujours ignoré, monsieur, de qui Jean Néaulme avait acheté les fragments informes d'une prétendue Histoire universelle qu'il a imprimée sous mon nom. Tout ce que je sais, c'est qu'il a fait une très-mauvaise action. Il m'écrivit, pour se disculper, qu'il avait acheté le manuscrit à Bruxelles d'une personne qui appartient à la maison où vous êtes. Il faut bien qu'il m'en ait imposé, puisqu'un nommé Roussel, qui débite en Hollande je ne sais quelle feuille satirique intitulée l'Épilogueur ou le Glaneur, me proposa dans cette feuille de me vendre le même manuscrit cinquante louis. Il n'y avait pas moyen d'accepter un marché proposé si indécemment, surtout lorsque je savais qu'on avait tiré plusieurs copies de cet ouvrage qu'on voulait me vendre. Il me paraît, monsieur, que vous n'avez d'autre part à cette manœuvre indigne que la honte avec laquelle vous m'en informez aujourd'hui. Vous m'auriez rendu un très-bon service si vous aviez pu m'en avertir plus tôt. Le libraire Néaulme est inexcusable d'avoir donné sous mon nom une rapsodie si informe. J'ai dû m'élever, dans toutes les occasions, contre cet abus de la librairie, pour ma propre justification et pour l'intérêt de tous les gens de lettres. L'injustice de ceux qui m'ont accusé moi-même en France d'avoir favorisé la publication de cet ouvrage a été pour moi un nouveau sujet de chagrin et un nouveau motif de faire connaître la vérité et, puisqu'on abuse publiquement de mon nom, c'est au public que je dois m'en plaindre. On m'avertit que les libraires de Hollande continuent ce brigandage, et qu'ils ont imprimé encore sous mon nom la Pucelle d'Orléans. Tout ce que je puis faire, c'est de redoubler mes justes plaintes. Je suis persuadé, monsieur, que vous entrez dans ma peine, puisque vous m'écrivez sur un sujet si triste. Me serait-il permis, monsieur, de vous prier d'ajouter une bonté à l'attention que vous avez eue de m'écrire? Ce serait de présenter, dans l'occasion, mes respects à Son Altesse monseigneur le prince Charles de Lorraine 4. J'ai eu l'honneur, autrefois, de lui faire ma cour à Lunéville. Leurs Majestés l'empereur , son frère et l'impératrice m'ont daigné honorer quelquefois des marques de leur générosité. Ainsi je me flatte que Son Altesse royale ne trouverait pas mauvais que je prisse la liberté de l'assurer de ma vénération et de mon attachement pour sa personne.
Je ne peux finir sans vous répéter combien je suis sensible au soin prévenant que vous avez pris. J'ai l'honneur, monsieur, d'être, avec les sentiments que je vous dois, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

VOLTAIRE,
gentilhomme ordinaire de la chambre du roi très-chrétien. »

  

1D'abord homme de chambre du gouverneur général des Pays-Bas Charles de Lorraine, Pierre Gamond, fils d'un tapissier puis contrôleur des garde-meubles de la Cour, devint vers 1754 le premier valet de chambre du prince.

2 Bibliothèque royale de Bruxelles, manuscrit 21575. Sur l'enveloppe, le cachet de Voltaire: d'azur à trois flammes d'or, surmonté d'une couronne comtale. L'envoi de la fin «  J'ai l'honneur, etc. », est de la main de Voltaire.

3 Lire : 25 octobre.