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20/04/2012

Tout est bien ? Matthieu Garo ne le disait que quand il ne lui tombait qu'un gland sur le nez

 

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« A M. Élie BERTRAND.

Aux Délices, 28 novembre.

J'envoie, mon cher patron, à M. de Morancour, la réponse, 1de l'Académie française. L'édition que j'ai vue est l'ouvrage de la canaille. On a, dans Paris, le plus profond mépris pour ces manœuvres dont je me suis trop inquiété ici. Je crois qu'il faut laisser tomber ces misères dans l'oubli qu'elles méritent.

Voici la triste confirmation du désastre de Lisbonne 2 et de vingt autres villes. C'est cela qui est sérieux. Si Pope 3 avait été à Lisbonne, aurait-il osé dire Tout est bien ? Matthieu Garo ne le disait que quand il ne lui tombait qu'un gland sur le nez. Adieu, encore une fois; aimez un peu le pauvre malade, et tout sera bien pour lui. »

1 Lettre de Duclos : « DE M. DUCLOS,
en qualité de secrétaire perpétuel de l'ACADÉMIE FRANÇAISE
L’Académie est très-sensible aux chagrins que vous causent les éditions fautives et défigurées dont vous vous plaignez; c'est un malheur attaché à la célébrité. Ce qui doit vous consoler, monsieur, c'est de savoir que les
lecteurs capables de sentir le mérite de vos écrits ne vous attribueront jamais les ouvrages que l'ignorance et la malice vous imputent, et que tous les honnêtes gens partagent votre peine. En vous rendant compte des sentiments de l'Académie, je vous prie d'être persuadé, etc.
DUCLOS, secrétaire »

V* lui répondra le 21 décembre .

2 Le tremblement de terre de Lisbonne ; voir lettre du 24 novembre à Jean-Robert Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/11/21/tandis-que-quelques-sacres-coquins-brulent-quelques-fanatiqu.html

Ce fut la première nouvelle. Mais dans son Précis du Siècle de Louis XV, Voltaire ne parle que de trente mille; encore ce nombre est-il réduit de moitié par les auteurs de l'Art de vérifier les dates; voyez tome XV, page 335.

 

je veux poursuivre les mauvais débiteurs et les ingrats

 ... Cependant que Rama Yade poursuit les "opportunistes" et les "lâches" ! Quel stupide aveuglement !

http://www.liberation.fr/politiques/2012/04/19/rama-yade-...

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Je ne partage pas son opinion . Que sait-elle vraiment des raisons de ces ralliements à F. Hollande ?

Ce genre de raisonnement qui abouti à une condamnation morale est un des motifs qui m'empêchera à tout jamais de briguer quelque place que ce soit avec dans le dos une étiquette de parti politique . Fermer sa gueule et être un godillot, est vraiment celà le courage Mlle Yade ? Suivre un menteur patenté, est-ce une gloire ? Se faire berner, est-ce le but de l'existence ?

Allez ! retourne dans ta "famille politique" avec tes oeillères, ce qui te permettra de vivre encore la pensée unique .

Penser par soi-même, là est la question  : http://www.franceinter.fr/video-pensez-par-vous-meme

 

« A M. DUPONT,
AVOCAT.

Aux Délices, 22 novembre [1755]1

Les lettres de change, mon cher monsieur, se traitent plus sérieusement que les almanachs du Courrier boiteux 2. Schœpflin n'a aucune raison ni aucun prétexte valable pour refuser le payement d'un argent que j'ai bien voulu lui prêter, et que nul que moi ne lui aurait prêté. C'est trop abuser de mes bienfaits; ils méritaient un autre retour. L'état de mes affaires ne me permet pas d'attendre; j'ai compté sur cet argent. Le sieur Schœpflin a promis de le rendre, rien ne doit le faire manquer à sa
parole. Je vous prie donc très-instamment de faire toutes les diligences nécessaires sans aucun délai, et de vouloir bien agir avec toute la promptitude que j'attends de votre amitié. Je vous aurai une très-grande obligation. Je ne vous répéterai pas que les dépenses qui étaient indispensables dans ma nouvelle acquisition me mettent dans un besoin pressant de mon argent. Schœpflin n'a pas seulement daigné répondre à une lettre de Colini, son procédé est insoutenable. En un mot, faites-moi payer par justice, je vous en prie, puisque le sieur Schœpflin ne veut pas me payer par devoir. Je vous demande encore en grâce d'agir à la réception de ma lettre. Je me moque des pucelles, et je veux poursuivre les mauvais débiteurs et les ingrats.
Je vous embrasse sans cérémonie.

VOLTAIRE »

1 Voltaire avait daté sa lettre du 22 décembre. M. Dupont a rectifié cette date à la main, sur l'original.

Voir lettre du 11 novembre au même : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/04/17/vous-savez-que-je-lui-ai-prete-pour-deux-ans-10-000-livres-s.html

 

Si j'étais plus jeune, et si j'aimais encore la poésie, je serais tenté de faire un petit poème épique sur le roi Nicolas Ier

... Las ! Las ! il ne me reste que peu de jours pour encenser "le roi Nicolas 1er", roi du mensonge toutes catégories, ses rivaux candidats à la magistrature suprème étant des modèles de vertu par comparaison . S'il était doté du nez de Pinocchio, il fournirait du bois pour plusieurs générations de cheminées .

http://cfdt.ca-languedoc.over-blog.net/article-nicolas-sa...

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Voir : http://desintox.blogs.liberation.fr/blog/bobaromètre/

et : http://desintox.blogs.liberation.fr/blog/nicolas-sarkozy/

Et pour illustrer avec le sourire les derniers bobards de N.S. ( Népote Sortant ; voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9potisme ) sur la délinquance, je vous offre cette chanson de Brassens, -peu connue, je crois , hélas -.

http://www.youtube.com/watch?v=uj4L0fekgYE&feature=relmfu

« A M. Élie BERTRAND.

Aux Délices, près Genève, 20 novembre 1755.

J'ai envoyé, mon cher monsieur, à M. de Morancour 1, une lettre que j'ai écrite à l'Académie française, au sujet des rapsodies qu'on se plaît à imprimer sous mon nom. Cette lettre a déjà paru dans les feuilles littéraires de Genève, et je me flatte que votre gazette voudra bien s'en charger. C'est un nouveau préservatif que je suis obligé de donner contre cet ancien poème de la Pucelle, qu'on renouvelle si mal à propos, et qu'on a déjà défiguré dans trois éditions qui paraissent à la fois. Tout ce que je peux faire, c'est de désavouer cet ouvrage. J'empêche, autant que je peux, qu'il ne paraisse à Genève; je sens bien que mes efforts seront inutiles. J'en connais une édition qui n'est pas sûrement faite par Maubert, car le libraire qui était en marché à Francfort a mandé que la copie de Maubert était en douze chants, et l'édition dont je vous parle est en quinze. Mme la duchesse de Saxe-Gotha, qui l'a lue, m'a fait l'honneur de me mander, comme je crois vous l'avoir déjà dit, que cet ouvrage l'avait beaucoup amusée, et que, tout libre qu'il est, il ne contient aucune de ces indécences qu'on m'avait fait craindre; mais enfin c'est un ouvrage libre, et cela seul suffit pour qu'un homme de soixante ans passés, qui a l'esprit de son âge, soit très-fâché de se voir ainsi compromis. Je suis aussi fâché que l'est le Grondeur, à qui on veut faire danser la courante.
Si j'étais plus jeune, et si j'aimais encore la poésie, je serais tenté de faire un petit poème épique sur le roi Nicolas Ier. Vous savez sans doute qu'on prétend qu'un jésuite s'est enfin déclaré roi du Paraguai 2, et que ce roi s'appelle Nicolas. On m'a envoyé des vers à la louange de Nicolas les voici

Du bon Nicolas premier
Que Dieu bénisse l'empire;
Et qu'il lui daigne octroyer,
Ainsi qu'à son ordre entier,
La couronne du martyre!


J'ai reçu une Ode sur la Mort, qui m'est adressée 3. On la dit du roi de Prusse; elle est imprimée à la Haye, avec ce titre, qu'on met ordinairement aux ouvrages du roi de Prusse De main de maitre, et une couronne pour vignette. Je ne l'enverrai pourtant pas au conseil de Berne, comme Maupertuis a envoyé les lettres du roi de Prusse 4; je me contenterai d'apprendre tout doucement à mourir, et je mourrai assurément plein d'estime et de tendresse pour vous. Je vous embrasse de tout mon cœur, et je vous avertis que je veux vivre encore ce printemps pour venir vous dire à Berne combien je vous aime. »

 

 

 

 

1 Sans doute Didier de Morancourt de Selongey qui fit un temps partie des Français en Russie .

 

 

 

 

19/04/2012

Il ne me faut que la retraite, du soleil, et un ami

 

... Une amie aussi .

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« A M. POLIER DE BOTTENS.

Aux Délices, 14 novembre [1755].

J'aurais bien voulu, mon cher monsieur, que vous eussiez repassé par Genève, au lieu de prendre la route des Petits-Cantons. Vous auriez trouvé un vieux malade qui vous aime de tout son cœur, et qui vous aurait fait les honneurs d'une cabane assez jolie, que je préfère assurément au palais de Turin, et à tous les palais. Dans la belle description que vous me faites de la Lombardie, je ne regrette que les îles Borromées, parce qu'elles sont solitaires et qu'on y a chaud. Il ne me faut que la retraite, du soleil, et un ami. J'en ai perdu un dans M. de Giez; je le connaissais depuis fort peu de temps. La seule bonté de cœur m'avait procuré son amitié et ses services, il s'était fait un plaisir d'arranger cette autre petite cabane de Monrion. J'ai été touché sensiblement de sa perte, et je suis tout étonné d'être toujours à moitié en vie, et de traîner mes maux et mes souffrances, quand je vois périr au milieu de leur carrière des hommes si robustes. Vraiment, monsieur, je ferai de grand cœur le même marché avec vous qu'avec lui; il jouissait de Monrion comme moi, il y avait passé une partie de l'été, il était le maître de la maison, daignez l'être, elle vous appartient à meilleur titre qu'à moi je ne l'ai acquise que pour vous et pour M. de Brenles. C'est vous qui, le premier, m'avez invité à venir me retirer sur les bords de votre lac. La maison auprès de Genève m'a séduit; il faut avouer que les jardins sont délicieux et l'aspect enchanteur, je m'y suis ruiné; mais je préférerai Monrion, si vous voulez bien regarder cet ermitage comme le vôtre. Venez-y quand je n'y serai pas mais venez-y surtout quand j'y serai, consolez-y un malade, et éclairez un être pensant. J'y ai actuellement deux domestiques qui arrangent mon petit ménage, ou plutôt le vôtre. Comptez que cette retraite me tiendra lieu avec vous des iles Borromées. Je compte m'y établir incessamment, pour l'hiver je n'en sortirai point. Il m'est impossible de quitter le coin de mon feu dès que le mauvais temps est venu. J'aurai une chambre pour vous, une pour notre ami M. de Brenles, de bon vin, un cuisinier assez passable, quelques livres qui n'en sortiront point, et qui pourront amuser mes hôtes, voilà mon petit établissement d'hiver, que je vous prie encore une fois de regarder comme votre maison toute l'année.
Je ne sais pas si M. de Brenles est revenu de la campagne, mais je me flatte qu'il sera de retour quand ma santé me permettra de me transporter à Monrion. J'ai appris, depuis quelques jours, que la Pucelle est imprimée. Votre honnête capucin proposa dans Francfort à un nommé Esslinger, libraire, de faire cette édition, il voulut vendre son manuscrit trop cher. Esslinger ne put conclure avec lui, il faut que ce bon capucin l'ait vendu à un autre. Les magistrats de Genève m'ont promis qu'ils empêcheraient cette capucinade effrontée d'entrer dans leur petit district; je ne sais comment faire pour en obtenir autant à Lausanne. On dit l'édition très- mauvaise, et pleine de fautes. Je ne ferai pas le moindre reproche à M* 1 de son goût pour les capucins, et je resterai tranquille.
Savez-vous que le conseil de Genève s'est fait représenter la belle lettre de Grasset à Bousquet, et que Grasset est décrété de prise de corps?
Le papier me manque, je finis; tecus in æternum. »

 

1 Sans doute M. de Montolieu. Voir lettre du 12 août précédent, à Polier : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/03/15/malgre-toutes-les-horreurs-qui-m-environnent-je-ne-me-jetter.html

 

Aidez-moi, mon cher ange, et je vous promets encore une tragédie, ...En attendant, laissez-moi pleurer ...

... Sur mes espérances déçues .

Une larme

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"Aidez-moi" dixit Zébulon 1er , président affaibli dans une France Forte (fortement en danger, ça , oui ), prometteur de tragédie si jamais on l'écarte du pouvoir, si un autre que lui monte sur ce trône envié .

Deux larmes

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 22 avril 1755, Voltaire commence l'écriture de la tragédie Tancrède ; la marquise de Pompadour, maitresse du roi fera censurer cet écrit, et le fera modifier à son goût.

22 avril 2012, Sarko commence tragiquement son avant dernier tour de piste ; Carla, femme et maîtresse du président déchu, se demande comment elle va supporter de l'avoir constamment à la maison .

Un sanglot

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« A M. LE COMTE D'ARGENTAL.

14 novembre [1755]

Mon cher ange, je prends la liberté de vous adresser une lettre 1 pour l'Académie française, et pour monsieur son secrétaire, dont j'ignore le nom. J'envoie ma lettre sous l'enveloppe de M. Dupin, secrétaire de M. le comte d'Argenson. Je me suis déjà servi de cette voie pour vous faire tenir deux exemplaires corrigés de l'Orphelin de la Chine; et je me flatte que vous les avez reçus. La lettre pour l'Académie et celle au secrétaire 2 sont à cachet volant, dans la même enveloppe. Pardonnez encore, mon cher et respectable ami, à cette importunité. La démarche que je fais est nécessaire, et il faut qu'elle soit publique. Elle est mesurée, elle est décente, elle est bien consultée, bien approuvée, et j'ose croire que vous ne la condamnerez pas. C'est un très- grand malheur que la publicité de ce manuscrit qui inonde l'Europe sous le nom de la Pucelle d'Orléans. Un désaveu modeste est le seul palliatif que je puisse appliquer à un mal sans remède. Je vous supplie donc de vouloir bien faire rendre au secrétaire de l'Académie le paquet que M. Dupin vous fera tenir, et qui part le même jour que cette lettre.
Cette maudite Jeanne d'Arc a fait grand tort à notre Orphelin; il vaudrait bien mieux sans elle mais vous pouvez compter que ma vie est empoisonnée, et mon âme accablée depuis six mois. Je suis si honteux qu'à mon âge on réveille ces plaisanteries indécentes, que mes montagnes ne me paraissent pas avoir assez de cavernes pour me cacher. Aidez-moi, mon cher ange, et je vous promets encore une tragédie 3, quand j'aurai de la santé et de la liberté d'esprit. En attendant, laissez-moi pleurer sur Jeanne, qui cependant fait rire beaucoup d'honnêtes gens. Comment va le pied de Mme d'Argental? et pourquoi a-t-elle mal au pied? Lekain m'a mandé que notre Orphelin n'allait pas mal. Vous êtes le père de l'Orphelin; je voudrais bien lui donner un frère, mais seulement pour vous plaire. Mme Denis vous fait les plus tendres compliments. Je baise les ailes de tous les anges. »

 

 

 

2 La lettre au secrétaire de l'Académie (Duclos) manque.

3 Après !'Orphelin, Voltaire composa Tancrède; mais il ne commença cette tragédie que le 22 avril 1759, et la marquise de Pompadour y fera faire des coupes et retouches avant édition. .

 

La manière dont vous écrivez est un sûr garant de la bonté du journal que vous proposez

... Pourriez-vous me donner un nom/une liste de bon(s) journal/journaux , une bonne feuille de chou ?

Faute de nourriture intellectuelle, un peu de nourriture terrestre . A table !

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« A M. PIERRE ROUSSEAU 1

Aux Délices, 12 novembre 1755.

Monsieur, mes maladies ne m'ont pas permis de répondre aussitôt que je l'aurais voulu à la lettre dont vous m'avez honoré. La manière dont vous écrivez est un sûr garant de la bonté du journal que vous proposez, et je me mettrai avec empressement au nombre des souscripteurs. Je voudrais que le triste état de ma santé pût me laisser assez de force pour contribuer à un ouvrage si utile, mais il ne me reste plus que la consolation de lire, et c'en sera une très-grande pour moi de lire ce qui viendra de vous.
J'ai l'honneur d'être, etc. »

 

1Pierre Rousseau : auteur du Journal encyclopédique .

Bibliothèque royale de Bruxelles, manuscrit 11583. —Pierre Rousseau, fon-
dateur du Journal encyclopédique, dont le premier cahier est de janvier 1756, était
né à Toulouse vers 1725, et mourut en 1785. Son journal paraissait deux fois par
mois dans le format in-12.

http://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journalis...

http://books.google.fr/books?id=enBMAAAAcAAJ&printsec...

V* et le Journal encyclopédique : http://books.google.fr/books?id=HRVz01FjN3EC&pg=PA36&lpg=PA36&dq=pierre+rousseau+1755+journal&source=bl&ots=I90Ad6wODD&sig=hkPGpMeTL625MJYFWFINlLNGkC4&hl=fr&sa=X&ei=2weQT7OeGarD0QW_rcXSAQ&ved=0CDYQ6AEwBA#v=onepage&q=pierre%20rousseau%201755%20journal&f=false

 

 

17/04/2012

Si mon âge et ma façon de penser, devenue un peu sérieuse, me permettaient de continuer un tel ouvrage, j'oserais y travailler encore

 

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« A MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA

Aux Délices, près de Genève, 11 novembre 1755.

Madame, l'Ode sur la Mort 1 me convient beaucoup plus quela Pucelle; je suis bien plus près de tomber dans les griffes de l'une que dans les bras de l'autre. Mais de qui est cette ode? C'est une énigme dont il ne m'appartient pas de deviner le mot. Je vois ces terribles mots De main de maître; je vois une couronne je crains tout cela autant que la mort même. Je fais la révérence, et je me tais. S'il m'était permis de parler, je dirais que j'ai trouvé dans cet ouvrage des images fortes et des idées vraies; mais je n'en dirai pas plus. C'est à Votre Altesse sérénissime à me faire la grâce tout entière et à daigner m'éclairer.
Quant à cette pauvre Jeanne, c'était bien pis, madame, que ce qui a paru devant vos yeux sages et indulgents. Cette Jeanne, à la vérité, s'est un peu corrigée de ses anciennes habitudes mais elle n'a pu s'habiller assez décemment pour paraître à votre vue. Le fait est qu'il en courait des copies aussi insolentes qu'infidèles, et qu'il a fallu rassembler à la hâte ce qu'on avait de cette ancienne plaisanterie, pour empêcher au moins les fausses Jeannes, qui se multipliaient tous les jours, de se donner hardiment pour la véritable. Je n'avais précisément, madame, que ce qui est actuellement entre les mains de Votre Altesse sérénissime. Si mon âge et ma façon de penser, devenue un peu sérieuse, me permettaient de continuer un tel ouvrage, j'oserais y travailler encore mais ce serait uniquement pour obéir à vos ordres. Ma sévérité ne m'empêcherait pas de faire ce que la sévérité d'une grande maîtresse ne l'empêche pas de lire. Mais l'Ode de la Mort m'arrête et me glace; comment plaisanter devant un tel objet? Il est vrai qu'un ancien, nommé Horace, parlait de la mort et du Tartare dans une ode, et de Philyre et de vin de Falerne dans une autre. Apelles 2 peignait Vénus après avoir peint les Furies. La mort a beau faire, elle ne chassera point les grâces d’au-près de votre personne. Elles y sont toujours. Il n'y a pas moyen de venir leur demander à présent comment il faut s'y prendre pour vous obéir, madame. Nos montagnes sont couvertes de neige, et il n'est pas possible de traverser le Rhin et le Weber. Il faut se contenter de saluer la forêt de Thuringe des bords de mon grand lac. Il faut se borner à présenter de loin, ce qui est bien triste, mes profonds respects, mon attachement éternel à Votre Altesse sérénissime et à votre auguste famille. »

 

1 Écrite par Frédéric II à l'adresse de V*, voir lettre du 8 novembre à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/04/16/plus-j-envisage-tout-ce-qui-s-est-passe-sur-la-terre-plus-je.html