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25/04/2012

Je crois que les cent bouteilles de vin de Bourgogne que vous voulez bien m'envoyer valent mieux que la casse et la manne du docteur Tronchin

 

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A votre santé !

 

 

 

« A M. le conseiller LE BAULT 1

A Monrion, près de Lausanne, 16 décembre 1755.

Monsieur, vos bontés augmentent le regret que j'aurai toujours de n'avoir pas pu assez profiter de votre séjour à Genève, et d'avoir été privé, par ma mauvaise santé, du plaisir de vous faire ma cour, aussi bien qu'à Mme Le Bault. Je crois que les cent bouteilles de vin de Bourgogne que vous voulez bien m'envoyer valent mieux que la casse et la manne du docteur Tronchin.
J'avais prié, en effet, le Tronchin qui n'est que conseiller d'État, et point médecin, de m'accorder sa protection auprès de vous. Je vois, monsieur, qu'il a réussi , je vous en remercie de tout mon cœur. Je voudrais bien que votre bon vin me donnât assez de force pour venir en Bourgogne, je l'avais déjà promis à monsieur le premier président 2 et à M. le président de Ruffey; vous y ajoutez un nouveau motif.
J'ai l'honneur d'être avec bien du respect, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur,

VOLTAIRE »


1 Lettres de Voltaire d M. le conseiller Le Bault, publiées par M. Ch. de Mandat-Grancey; Paris, librairie académique Didier et Cie, 1868.

Le Bault (Antoine-Jean-Gabriel), reçu conseiller au parlement de Bourgogne le 28 avril 1778, fut nommé président à bonnet en 1771. Il était de l'Académie de Dijon en 1767. Ses relations avec Voltaire paraissent dater de 1755.

2   Claude-Philippe Fyot de La Marche, à qui sont adressées les cinq premières lettres de la Correspondance générale de V*.

 

pour n'avoir pas imprimé au plus vite le sermon qui désarmera la vengeance divine, et après lequel il n'y aura jamais de tremblement de terre

 

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« A MM. les frères CRAMER 1

A Monrion, près de Lausanne, 16 décembre 1755.

Vous êtes, messieurs, trop bons chrétiens, et vous avez malheureusement trop de part à l'aventure de Lisbonne pour n'avoir pas imprimé au plus vite le sermon qui désarmera la vengeance divine, et après lequel il n'y aura jamais de tremblement de terre. Je me flatte que vous aurez eu la bonté d'envoyer les premiers exemplaires au prédicateur; je vous prie de vouloir bien m'en donner avis, afin que je puisse me vanter à lui d'avoir coopéré à cette œuvre pieuse.

S'il vous manque encore quelque chapitre profane pour compléter certains mélanges, vous n'avez qu'à écrire à un profane, à Monrion, et il sera votre manufacturier.

Mes obéissances à Mmes Cramer et à M. de Courbone. J'embrasse tendrement les deux frères 2.

V. »

1 Six Lettres inédites de Voltaire, broch. in-8° (sans lieu ni date) de M. CIaude Perroud.

2 Le cachet de cette lettre est de cire rouge, avec armoiries. La dernière ligne seule semble être de la main de Voltaire.

Frères Cramer : http://www.cavi.univ-paris3.fr/phalese/desslate/dico0314.htm

 

Je me mets à présent au régime du repos; mais j'ai peur qu'il ne me vaille rien, et que je ne sois obligé d'y renoncer.

... Et zou ! un premier mai fêtant les "vrais travailleurs" .

Comme quoi le régime du repos n'est pas près d'être récompensé .

Comment un cerveau soi-disant brillant peut il sortir des boeufferies pareilles ? Je m'attends sans émotion et sans étonnement à revoir le mot d'ordre des antiques romains "du pain et des jeux! " . Si celà est, je vois très bien qui je mettrai au milieu du cirque pour se faire boulotter par la "France d'en bas" , - quoiqu'ils soient particulièrement toxiques .

Si ça veut rire, comme on dit, ça va être ta fête Nico, et n'oublie pas de faire la bise aux forts des halles quand ils t'apporteront le muguet !

Allons, vite une mise à jour , sans rien débrancher !

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« A madame de FONTAINE.

A Monrion, 16 décembre [1755].

Il faut que je dicte une lettre pour vous, ma chère nièce, en arrivant dans notre solitude de Monrion. Je ne vous ai point écrit depuis longtemps, mais je ne vous ai jamais oubliée. Tantôt malade, tantôt profondément occupé de bagatelles, j'ai été trop paresseux d'écrire. Si je vous avais écrit autant que j'ai parlé de vous, vous auriez eu de mes lettres tous les jours.
Je vais faire chercher les meilleurs pastels de Lausanne; vous en faites un si bel usage que j'irais vous en déterrer au bout du monde. Toutes nos petites Délices sont ornées de vos œuvres. Vous êtes déjà admirée à Genève, et vous l'emportez sur Liotard 1. Remerciez la nature, qui donne tout, de vous avoir donné le goût et le talent de faire des choses si agréables.
C'est assurément un grand bonheur de s'être procuré pour toute sa vie un amusement qui satisfait à la fois l'amour-propre et le goût, et qui fait qu'on vit souvent avec soi-même, sans être obligé d'aller chercher à perdre son temps en assez mauvaise compagnie, comme font la plupart de tous les hommes, et même de vous autres dames. L'ennui et l'insipidité sont un poison froid contre lequel bien peu de gens trouvent un antidote. Votre sœur et moi nous cherchons aussi à peindre. On me reproche un peu de nudités dans notre pauvre Jeanne d'Arc; on dit que les éditeurs l'ont étrangement défigurée. J'ai tiré mon épingle du jeu du mieux que j'ai pu, et, grâce à vos bontés, nous avons évité le grand scandale.
Je me mets à présent au régime du repos; mais j'ai peur qu'il ne me vaille rien, et que je ne sois obligé d'y renoncer.
Mme Denis se donne actuellement le tourment d'arranger notre retraite de Monrion. Nous avons eu aujourd'hui presque tout Lausanne. Je me flatte que les autres jours seront un peu plus à moi, je ne suis pas venu ici pour chercher du monde. La seule compagnie que je désire ici, c'est la vôtre. Peut-être que le docteur Tronchin ne sera pas inutile à votre santé , vous êtes dans l'âge où les estomacs se raccommodent, et moi dans celui où l'on ne raccommode rien. Sans doute vous trouverez bien le moyen d'amener votre enfant 2 avec vous. Si ma pauvre santé me permettait de lui servir de précepteur, je prendrais de bon cœur cet emploi; mais la meilleure éducation qu'il puisse avoir, c'est d'être auprès de vous.
Ma chère nièce, mille compliments à tout ce que vous aimez. »


 

 

 

 

 

24/04/2012

cette tragédie n'est pas de moi, je ne suis pas un homme à combattre le lendemain d'une bataille

... Ce qui veut dire que rien d'important ne va se passer dans l'immédiat sur le front électoral .

Ouf ! me voila rassuré !

Mais au fait, il est vrai qu'il ne s'agit pas de tragédie, mais plutôt de commedia del arte .

 

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«  A M. le comte d'ARGENTAL.

Aux Délices, 10 décembre [1755]

Je vous envoie, mon cher ange, une tragédie 1 que vous recevrez par une occasion. Ne vous alarmez pas, cette tragédie n'est pas de moi, je ne suis pas un homme à combattre le lendemain d'une bataille. La pièce est d'un de mes amis, à qui je voudrais bien ressembler. Je crois qu'elle peut avoir du succès, et je crains que l'amitié ne me fasse illusion. Je soumets l'ouvrage à vos lumières; l'auteur et moi, nous nous en rapportons à vous avec confiance. Soyez le maître de cette tragédie comme des miennes , vous pouvez la faire donner secrètement aux comédiens. Mon cher ange, pendant que vous vous amuserez à faire jouer celle-là, je vous en mettrai une autre sur le métier, afin que vous ne chômiez pas, car ce serait conscience. Est-il vrai qu'il parait dans Paris deux ou trois éditions d'une pauvre héroïne nommée Jeanne, et qu'il y en a d'aussi indécentes que fautives et défigurées?2 C'est Thieriot qui me mande cette chienne de nouvelle. Mettez-moi au fait, je vous en supplie, de mes enfants bâtards, qu'on expose ainsi dans les rues. Il faut que les gens aient le cœur bien dur pour s'occuper de ces bagatelles, pendant qu'une partie du continent est abîmée 3 et que nous sommes à la veille du jugement dernier.

Je vais d'Alpe en Alpe passer une partie de l'hiver dans un petit ermitage appelé Monrion, au pied de Lausanne, à l'abri du cruel vent du nord. Adressez-moi toujours vos ordres à Lyon.
Mille tendres respects à tous les anges. »

 



 

1 Nicéphore, tragédie de François Tronchin, conseiller d'État à Genève. Voir lettre du 4 août 1755 à d'Argental  : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/week10/index.html

 

2 Cette question de V* est étonnante quand on sait ce qu'il sait de ces éditions frauduleuses depuis quelques mois .

 

3 Tremblement de terre du 1er novembre à Lisbonne .

 

dès que mon cheval et moi nous serons purgés, je prendrai sûrement un parti

... Disent les éliminés du premier tour présidentiel à propos de leur soutien éventuel d'un des deux candidats encore en lice !

Je propose que ce soit l'humain qui prenne la purge du cheval .

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« A M. DE BRENLES.

Aux Délices, 6 décembre [1755.]

Mon cher ami, les pucelles, les tremblements de terre, et la colique, me mettent aux abois. Les petits maux me persécutent, et je suis encore sensible à ceux de la fourmilière sur laquelle nous végétons avec autant de tristesse que de danger. On n'est pas sûr de coucher dans son lit, et, quand on y couche, on y est malade, du moins c'est mon état, et c'est ce qui m'empêche de venir faire avec vous des jérémiades à Monrion. J'ai encore, pour surcroît de malheur, un cheval encloué dans le meilleur des mondes possibles. Je suis prêt à partir, j'ai encore envoyé de petits bagages à l'ermitage de Monrion, et, dès que mon cheval et moi nous serons purgés, je prendrai sûrement un parti en attendant, je n'en peux plus. Si je suis confiné à mes prétendues Délices, il faudra que je vous envoie Mme Denis, qui me paraît enchantée de vous et de Lausanne; mais le mieux sera de l'accompagner, et, somme totale, je viendrai vif ou mort. Il y a un docteur Tissot qui dissèque proprement son monde, c'est une consolation, je ne me console point pourtant de mon ami Giez 1. Mille respects à Mme de Brenles; je vous embrasse du meilleur de mon cœur.

 

 

V. »

 

1 Banquier de V* mort à Monrion tout récemment .Voir une note de la lettre du 7 janvier 1755 à de Brenles : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/11/04/je-n-aurais-pas-celui-le-credit-d-obtenir-une-place-de-balay.html

 

A l'égard de Fornication , je suis d'autant plus en droit d'approfondir cette matière que j'y suis malheureusement très-désintéressé.

 ... On sent le vécu !

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 Fleur de magniolia au château de Voltaire 2012

 

 

« A M. d'Alembert.

Aux Délices, près Genève, 9 décembre [1755].

Le célèbre M. Tronchin, qui guérit tout le monde hors moi, m'avait parlé des articles Goût1 et Génie 2; mais si on en a chargé d'autres, ces articles en vaudront mieux. Si personne n'a encore cette besogne, je tâcherai de la remplir. J'enverrai mes idées, et on les rectifiera comme on jugera à propos. Je me chargerais encore volontiers de l'article Histoire 3; et je crois que je pourrais fournir des choses assez curieuses sur cette partie, sans pourtant entrer dans des détails trop longs ou trop dangereux. Je demande si l'article Facile 4 (style) doit être restreint à la seule facilité du style, ou si on a entendu seulement qu'en traitant le mot Facile dans toute son étendue on n'oubliât pas le style facile.
Je demande le même éclaircissement sur Fausseté 5 (morale), Feu 6, Finesse 7, Faiblesse 8, Force 9 dans les ouvrages. Je demande si, en traitant l'article Français 10 sous l'acception du peuple, on ne doit pas aussi parler des autres significations de ce mot.
A l'égard de Fornication 11, je suis d'autant plus en droit d'approfondir cette matière que j'y suis malheureusement très-désintéressé.
Tant que j'aurai un souffle de vie, je suis au service des illustres auteurs de l'Encyclopédie. Je me tiendrai très-honoré de pouvoir contribuer, quoique faiblement, au plus grand et au plus beau monument de la nation et de la littérature. Je fais mes très- sincères compliments à tous ceux qui y travaillent. On m'a fort alarmé sur la santé de M. Rousseau 12 je voudrais bien en savoir des nouvelles.
A propos de l'article Fornication, il y a encore un autre f 13 qui a son mérite, mais je ne crois pas qu'il m'appartienne d'en parler.

Adieu, mon cher confrère; donnez-moi vos ordres. Je vous suis tendrement dévoué à plus d'un titre.

Le malingre V. »

1 L'article Gout, envoyé par Voltaire à l'Encyclopédie, est, depuis les éditions de Kehl, dans le Dictionnaire philosophique, où il forme la première section du mot Goût; voir tome XIX, page 270.

http://www.monsieurdevoltaire.com/article-dictionnaire-philosophique-g-comme-gout---partie-1-101344691.html

 

2 L'article Génie, dans l'Encyclopédie, n'est pas de Voltaire; voir tome XIX, page 245. http://www.monsieurdevoltaire.com/article-dictionnaire-philosophique-g-comme-genie-101445867.html

3 Voir la note, tome XIX, page 316.http://www.voltaire-integral.com/Html/19/histoire.htm

12 J.-J. Rousseau, avait éprouvé une rechute dans l'été de 1755. Il se porta bien dans l'automne, mais les approches de l'hiver lui étaient cruelles. (CL.)

13 Serait-ce celui qu'on trouve dans l'expression « aller se faire f..... » ?

 

des magistrats honnêtes qui viennent souvent chez moi et qui ne se fâchent pas que je n'aille pas chez eux

 

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« Au secrétaire d'une académie de province 1
Aux Délices, 6 [décembre 1755]

Les imputations calomnieuses sous lesquelles veulent m'accabler de soi-disant littérateurs qui sont gens de lettres comme certains bateleurs sont médecins, les livres qu'ils font imprimer sous mon nom, d'après des manuscrits salis et défigurés, m'ont forcé d'écrire à l'Académie française. J'adresse aux compagnies littéraires de province la copie de cette lettre, dans laquelle je cherche à prémunir le public contre leurs méchancetés. Je n'ai pas dû oublier dans cette occasion l'académie dont vous êtes le digne secrétaire. J'ai eu le plaisir de vous voir ci-devant et pour trop peu de temps à Paris. Je conçus alors autant d'amitié pour votre personne que d'estime pour votre caractère aimable autant que modeste. Après avoir quitté la capitale et un peu trop couru le monde, j'ai trouvé le repos aux bords du lac de Genève. Cette ville renferme des hommes d'esprit, des littérateurs instruits et des magistrats honnêtes qui viennent souvent chez moi et qui ne se fâchent pas que je n'aille pas chez eux. Ils me laissent toute ma liberté, et tout mon loisir. Ajoutez à cela votre amitié, et je serai bien heureux. Je la mérite par les sentiments avec lesquels j'ai l'honneur, etc. »

 

1 Publiée par M. G. Brunet dans le Bibliophile belge, tome III, avec la date du 6 septembre 1756. M. G. Brunet n'a point publié cette lettre d'après l'autographe, mais d'après une première impression dans le Bulletin polymathique de Bordeaux (1804-1820).Page 354 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k102479s/f355.r=voltaire.langFR

L'année est évidemment erronée, la Lettre à l'Académie française étant du mois de novembre 1755. Quant au mois, novembre au plus tôt, et décembre au plus tard, paraissent préférables à septembre.