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02/04/2012

Soyez arbitre c'est un métier plus beau que celui de juge

 ... Surtout par la tenue !

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Je vous laisse juges de deviner le sport ici arbitré !

 

 

 

«  A M. Sébastien DUPONT,

Avocat au conseil souverain

à Colmar

Aux Délices 23 septembre [1758]

Mon cher ami, je vous regrette plus que le château de Horbourg 1. Comptez que je suis parti de Colmar avec douleur. J'ai été enchanté des bontés de monsieur le premier président, de Mme de Klinglin, et de toute sa respectable famille, je vous supplie de leur présenter à tous mes respects. Ne m'oubliez pas auprès de M. de Bruges 2 et de M. l'abbé de Munster, je vous en supplie.
Vous croyez bien que je n'oublie pas Mme Goll 3, à qui j'ai donné la préférence sur toutes les dames de Colmar, et dont j'ai apporté le portrait à Lausanne. Voulez-vous vous charger, sérieusement parlant, d'une bonne œuvre qui sera utile à cette belle? Il s'agirait de porter la tribu Goll à s'accommoder d'une somme certaine pour finir un procès très-incertain, et qui durera peut-être encore bien des années. Si vous portez ces plaideurs à se contenter d'une somme très- modique, ils vous auront encore bien de l'obligation. M. de Beaufremont vous en aura aussi, et les deux parties vous donneront des honoraires. Il faut saisir ce moment, qui probablement ne reviendra plus. Soyez arbitre c'est un métier plus beau que celui de juge. Je vous écris à la hâte la poste presse. Je vous embrasse tendrement, vous, et femme, et enfants.
Le Suisse VOLTAIRE. »

1 V* avait reçu le château de Horbourg en garantie d'un prêt qu'il avait fait au duc de Wurtemberg . Voir lettre du 2 septembre 1754 à la duchesse de Lutzelbourg, page 118 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411354g/f121.image.r=2642.langFR

2 Avocat du conseil du duc de Wurtemberg.

3 Ancienne logeuse de V* à Colmar qui est veuve depuis décembre 1754 et connait des soucis familiaux de succession .

 

Il faut que vous me parliez de vous davantage, si vous voulez que je sois mieux avec moi-même.

C'est ce que je demande à vous lecteurs assidus ou occasionnels, égarés ou à l'affut de nouvelles voltairiennes . Commentez, SVP !

 

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« A M. le comte d'ARGENTAL.

20 septembre [1755]

Mon cher ange, tout malade que je suis, j'ai lu avec attention le grand Mémoire sur l'Orphelin. J'en fais les plus sincères remerciements au chœur des anges mais les forces et le temps me manquent pour donner à cet ouvrage la perfection que vous croyez qu'il mérite, et, du moins, les soins que je lui dois après ceux que vous en avez daigné prendre. Je crois que le mieux serait de ne pas reprendre la pièce après Fontainebleau, de gagner du temps, de me laisser celui de me reconnaître. Songez que je n'ai ni santé ni recueillement d'esprit. Cette cruelle aventure de l'Histoire de 1741, l'injustice de M. de Malesherbes, ses discours offensants et si peu mérités, six mille copies répandues dans Paris d'un ouvrage tout falsifié et qui me fait grand tort, tant de tribulations jointes aux souffrances du corps , des ouvriers de toute espèce qu'il faut conduire, un voyage à mon autre ermitage 1, qu'il faut faire; tout m'arrache à présent à l’Orphelin, mais rien ne m'ôtera jamais à vous. Tâchez, je vous en prie, que les comédiens oublient l'Orphelin cet hiver; mais ne m'oubliez pas.
Vous ne m'aimez que comme faiseur de tragédies, et je ne veux pas être aimé ainsi. Vous ne me parlez point de vous, de votre vie, de vos amusements vous ne me dites point si vous êtes aussi mécontent que moi de Cadix 2; si vous avez été à la campagne cet été. Vous ne savez pas que vos minuties sont pour moi essentielles. Il faut que vous me parliez de vous davantage, si vous voulez que je sois mieux avec moi-même. Adieu; je vous demande toujours en grâce de faire lire à M. de Thibouville ce que vous savez 3. »

2 Ce fut sans doute en 1755 que Voltaire fit la perte des 80,000 livres dont il est parlé dans la note 4 de la lettre du 12 mars 1754 : page 188 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411354g/f191.image.r=2713.langFR

3 La Pucelle, corrigée.

 

En approuvant une publication qui me fait honneur, et qui peut vous être utile,

... lecteur , je vous l'assure, vous ne perdez pas de temps en prenant celui de lire Voltaire , dont je me fais l'écho .

JJ R. aime encore Volti, le premier coup de canif est tout frais (réponse du 30 août ), la déchirure attendra l'an 1760 et n'en sera que plus brutale.

 

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« DE J.-J. ROUSSEAU.

Paris, le 20 septembre [1755]

En arrivant, monsieur, de la campagne, où j'ai passé cinq ou six jours, je trouve votre billet, qui me tire d'une grande perplexité car, ayant communiqué à M. de Gauffecourt 1, notre ami commun, votre lettre 2 et ma réponse, j'apprends à l'instant qu'il les a lui-même communiquées à d'autres, et qu'elles sont tombées entre les mains de quelqu'un qui travaille à me réfuter, et qui se propose, dit-on, de les insérer à la fin de sa critique.
M. Bouchaud 3, agrégé en droit, qui vient de m'apprendre cela, n'a pas voulu m'en dire davantage; de sorte que je suis hors d'état de prévenir les suites d'une indiscrétion que, vu le contenu de votre lettre, je n'avais eue que pour une bonne fin.
Heureusement, monsieur, je vois par votre projet que le mal est moins grand que je n'avais craint. En approuvant une publication qui me fait honneur, et qui peut vous être utile, il me reste une excuse à vous faire sur ce qu'il peut y avoir eu de ma faute dans la promptitude avec laquelle ces lettres ont couru sans votre consentement ni le mien.
Je suis avec les sentiments du plus sincère de vos admirateurs, monsieur, etc.
Je suppose que vous avez reçu ma réponse du 10 de ce mois. »

3 Antoine Bouchaud, auteur d'un Commentaire sur la Loi des douze Tables; mort en 1804. Voir par exemple : http://books.google.fr/books?id=YwHO0qnf-8IC&pg=PA514&lpg=PA514&dq=Commentaire+sur+la+Loi+des+douze+Tables&source=bl&ots=uVaFXG9l10&sig=BvdLUa5JQ0gDmDZHxlo47_MbPvs&hl=fr&sa=X&ei=aZp5T8K2FM6o8QOUkaXVDQ&ved=0CEUQ6AEwBA#v=onepage&q=Commentaire%20sur%20la%20Loi%20des%20douze%20Tables&f=false

Bouchaud aimait beaucoup la musique, et ce fut sans doute ce qui le mit en relations avec l'auteur du Devin du village. (CL.)

 

01/04/2012

Je me le dis aujourd'hui et peut-être demain je serai assez fou pour recommencer! Qui peut répondre de soi?

Pourquoi attendre à demain pour être fou ?

L'insensé était de mise ce jour au château, la preuve !

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« A M. DE CIDEVILLE.

Aux Délices, 19 septembre [1755]

 



Oui, ma muse est trop libertine;

Elle a trop changé d'horizon;

Elle a voyagé sans raison

Du Pérou jusques à la Chine.

Je n'ai jamais pu limiter

L'essor de cette vagabonde;

J'ai plus mal fait de l'imiter;

J'ai, comme elle, couru le monde.

Les girouettes ne tournent plus

Lorsque la rouille les arrête;

Après cent travaux superflus,

Il en est ainsi de ma tête.

Je suis fixé, je suis lié,

Mais par la plus tendre amitié,

Mais dans l'heureuse indépendance,

Dans la tranquille jouissance

De la fortune et de la paix,

Ne pouvant regretter la France,

Et vous regrettant à jamais.

 

 


Voilà à peu près mon sort, mon cher et ancien ami, je ne lui pardonne pas de nous avoir presque toujours séparés, et je suis très-affligé si nous avons l'air d'être heureux si loin l'un de l'autre, vous sur les bords de la Seine, et moi sur ceux de mon lac. J'ai renoncé de grand cœur à toutes les illusions de la vie, mais non pas aux consolations solides, qu'on ne trouve qu'avec ses anciens amis. Mme Denis me fait bien sentir combien cette consolation est nécessaire. Elle s'est consacrée à me tenir compagnie dans ma retraite. Sans elle mon jardin serait pour moi un vilain désert, et l'aspect admirable de ma maison perdrait toute sa beauté. J'ai été absolument insensible à ce succès passa-
ger de la tragédie 1 dont vous me parlez. Peut-être cette insensibilité vient de l'éloignement des lieux. On n'est guère touché d'un applaudissement dont le bruit vient à peine jusqu'à nous et on voit seulement les défauts de son ouvrage, qu'on a sous les yeux. Je sens tout ce qui manque à la pièce, et je me dis

 


Solve senescentem (Horace., lib. I, ep. i, v. 8.) 2

Je me le dis aujourd'hui et peut-être demain je serai assez fou pour recommencer! Qui peut répondre de soi? Je ne réponds bien positivement que de la sincère et inviolable amitié qui m'attache à vous pour toute ma vie.

 

V. »

 

1 L'Orphelin de la Chine.

 

2 Horace (liv. I, épît. i, v. 8) donne ce conseil non seulement aux écrivains, mais encore à tous ceux qui l'âge avertit de songer à la retraite :

Solve senescentem mature sanus equum, ne

Peccet ad extremum ridendus et Ilia ducat.

«Réformez à temps votre cheval qui vieillit, si vous ne voulez que, poussif et exténué, il ne fasse rire à vos dépens.»

 

vous qui parlez bien, et qui êtes jeune et gai

 Chante, beau merle du château de Voltaire !

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« A M. DEVAUX

Aux Délices, 18.[septembre 1755]

Je peux, mon cher Panpan, vous prêter quelque triste élégie, quelque épître chagrine, cela convient à un malade mais pour des comédies, faites-en, vous qui parlez bien, et qui êtes jeune et gai. Voyez si vous vous contenterez d'un billet aux comédiens, pour vous donner votre entrée 1. Il se peut faire qu'ils aient cette complaisance pour moi, et je risquerais volontiers ma requête pour vous obliger. Comme je leur ai donné quelques pièces gratis, et, en dernier lieu, des magots chinois, j'ai quelque droit de leur demander des faveurs, surtout quand ce sera pour un homme aussi aimable que vous.

Mille respects, je vous prie, à Mme de Boufflers, et à quiconque daigne se souvenir de moi à Lunéville.

 

V. »