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03/10/2013

J'ai vu d'une satisfaction grande que l'on commencerait par pendre plusieurs ministres ... savoir si on les pendra quatre à quatre, ou six à six

... Se disent in petto nombre de membres de l'opposition politique (ou même du PS , n'en doutons pas !) de notre charmant pays de France .

Pour moi, sus-pendre l'activité d'un certain nombre de titulaires de portefeuilles ministériels me semblerait une opération de salubrité publique , si on était sûr d'en trouver de meilleurs . Autant chercher un mouton à cinq pattes, ce qui tout bien réfléchi me semble plus aisé à trouver .

 mouton à cinq pattes.png

 

 

 

« A Alexandre d'Adhémar de Monteil de Brunier, marquis d'ADHÉMAR 1

[Août 1758 ?]

Monsieur, j'ai bien reçu la gracieuse lettre qu'avez écrite à moi Suisse, concernant la paix générale ou faite ou prête à faire sous la médiation de Son Excellence de Spada. Être une grande tête « monsieur Spada ». J'ai vu d'une satisfaction grande que l'on commencerait par pendre plusieurs ministres mais je voudrais un peu plus de particularités, par exemple savoir si on les pendra quatre à quatre, ou six à six. Je suis grandement ébahi, monsir, de sti roi qui court la prétantaine, et qui rosse trois grandes nations l'une après l'autre. J'ai écrit à un savant bénédictin, mon cousin issu de germain, pour qu'il lui plaise chercher dans tous ses livres s'il y a mention par hasard d'un pareil homme que sti roi, et j'attends sa réponse. Je croyais avoir approché (sont à présent cinq ans passés) de sti grand homme, mais ce n'était pas celui-là, car vous saurez que celui que j'ai vu avait un visage doux et des grands yeux bleus, et qu'il avait un esprit fort agréable, mon bon monsir, et qu'il disait des bons mots, et qu'il faisait les plus joulies choses du monde tant en prose qu'en vers, tout en se jouant, et qu'il était bien philosophe.2 Oh c'est celui-là que je regretterai toujours, car je suis philosophe aussi, moi, mais par intervalles, et j'aime beaucoup un grand roi qui est tout comme un homme.

Je crois, Dieu me pardonne, mon bon monsir, que j'irai le voir quand il sera de loisir, car je suis curieux des grandes raretés. Mais je suis si vieux, si vieux, mon bon monsir, et lui si grandement grand, que je n'aurai jamais la force d'aller là. Nous faisons tous les jours des prières pour sa sainte conservation, dans nos saintes églises. Tous nos frères vous donnent le baiser de paix. »

1  Le manuscrit de quatre pages est passé à une vente Charaway, 19 mai 1883 et selon le catalogue il s'adressait à Frédéric II, ce qui est absurde . Dans sa réponse, conservée, Adhémar mentionne le fait que la lettre a été écrite de Colmar où V* ne passa qu'un jour ou deux, d'où la date proposée .Voir aussi : Revue française, mars 1866; tome XIII, page 870.

2 Tout le début de cette lettre est écrit en « suisse » traditionnel, comme le parlent par exemple les soldats suisses dans Monsieur de Pourceaugnac, de Molière .

 

02/10/2013

Il parait que le parti est pris d'armer toutes les aigles, tous les vautours, tous les faucons ...Moi, qui suis un pauvre vieux pigeon

... Je roucoule, je roucoule ! Comme dit le Portugais en faisant son créneau .

 La colombe de la paix va finir en sauteuse , entourée de petits pois dans cette volière de carnassiers .

 roucoule roucoule.png

 

« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de SAXE-GOTHA

A Colmar, en Alsace, 14 août 1758 1

Madame, je reçus en partant de la cour palatine la lettre 2 par laquelle Votre Altesse sérénissime daignait m'apprendre que son affaire était presque finie avec le Genevois Labat, nouveau baron de Grandcour. Je suis sensiblement affligé que les descendants d'Albert le Dépravé 3 aient eu besoin du Genevois Labat. Mais je me tiens le plus heureux des hommes d'avoir reçu des ordres de Vos Altesses sérénissimes dans cette occasion. Si les horreurs de la guerre continuent, s'il y a quelque autre moyen de prouver mon zèle et mon attachement à la plus digne princesse que j'aie jamais vue, je serai toujours tout prêt tant que j'aurai un reste de vie. Si j'avais été en Angleterre ou en Hollande, je me serais vu à portée de procurer des sommes plus considérables, et probablement à un meilleur prix.

Je tremble toujours, madame, que la guerre n'approche de vos terres et ne ravage encore ce qui reste de Troie 4. Il parait que le parti est pris d'armer toutes les aigles, tous les vautours, tous les faucons contre l'aigle des anciens Alains et Vandales. Moi, qui suis un pauvre vieux pigeon, je m'en retourne à mon colombier, et je vais redoubler mes gémissements et mes vœux pour la paix publique. Il paraît qu'en général tous les peuples et beaucoup de princes sont bien las de cette guerre, où il y a tant à perdre et rien à gagner. Je ne sais, madame, aucune nouvelle depuis que j'ai quitté la cour palatine. S'il se passait quelque chose dans vos quartiers, je supplie Votre Altesse sérénissime de daigner m'en faire donner part. L'intérêt que je prends à tout ce qui arrive dans le voisinage de ses États autorise cette liberté. J'ai eu l'honneur de voir à Schwetzingen messeigneurs les princes de Mecklembourg 5, qui m'ont paru très-aimables et très bien élevés. Que vont-ils faire à Genève? Ce n'est pas là qu'ils apprendront le métier des armes, auquel ils se destinent. On ne connaît dans ce pays-là que des disputes très-paisibles de sociniens, disputes dont tout prince s'embarrasse fort peu. Je vais porter, madame, dans ce séjour tranquille mon respect pour Votre Altesse sérénissime, pour toute votre auguste maison, et mon éternel attachement.

Le Suisse V. »

1 Le même jour Maupertuis écrivait de Neuchâtel à Bernouilli : « Ce que vous me dites de l'attente de Voltaire à Bâle ne s'accorde point avec [ce] que M. Bertrand, ministre de Berne, qui a passé ici et qui est en grand commerce avec Voltaire nous a dit . Il nous assura que Voltaire devait se rendre de Mannheim à Paris,mais non pas pour y demeurer comme quelques autres le prétendaient […] [il] voulait me faire croire qu'il était venu exprès de Berne ici pour me voir, mais je ne crois pas si facilement , sachant surtout son intimité avec le plus malhonnête homme que je connaisse […] Le même Bertrand me dit que la comtesse de Bentinck était à Lausanne . C'est une espèce comme Voltaire, sa grande amie et bien digne de l'être. »

2 Du 5 juillet 1758 : « Je n'ai qu'un très petit instant à ma disposition que j'emploie avec plaisir à vous dire , monsieur, que j'ai reçu votre chère lettre du 27 de juillet et pour vous instruire que M. Le Bat [Labat] a répondu qu'il fait les choses galamment et que par conséquent notre affaire va être conclue et finie en peu de jours ... »

4 Andromaque, Ac. I, sc. II, Racine .

5 Charles, né en 1741, futur Charles II, duc puis Grand duc de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale ; Georges-Auguste ne en 1748 .

 

01/10/2013

je lui parle avec la franchise allemande

... Dit Angela .

Et alors François se mit au garde-à-vous .

Et démarra au pas de l'oie avant d'esquisser une bourrée . Elle voulait (re)voir sa Normandie : http://www.youtube.com/watch?v=UoMYQeDnSz0

 haut-normand-bourrer.jpg

 

« A Caroline-Louise de Hesse-Darmstadt, margravine de Baden-Durlach

A Strasbourg 12 août [1758] 1

Madame, je n'arrive que d'aujourd'hui à Strasbourg ayant été jusqu'ici dans une campagne voisine . Mon premier devoir est de présenter à Vos Altesses sérénissimes mon respect , ma reconnaissance et mes regrets . On ne m'avait point trompé , madame, quand on m'avait dit qu'un voyageur qui cherche à voir ce qu'il y a de plus estimable sur la terre devait venir vous faire sa cour . Un botaniste peut s'extasier dans votre jardin des trois mille plantes exotiques, un amateur de l'architecture peut admirer votre palais 2 où le goût l'emporte sur la magnificence, Votre Altesse sérénissime doit deviner malgré sa modestie ce que pensent les amateurs de la peinture quand ils voient de certains pastels ; et moi surtout, madame, je suis touché plus qu'un autre des grâces de ce bel art, puisque ma maison sera ornée d'un ouvrage qui ferait honneur à Lieutard . Que Vos Altesses sérénissimes me permettent en parlant de tableaux 3 de leur donner avis qu'il y a dans Strasbourg six grands Vandermeulen et un Vandik de la plus grande beauté . Ils appartenaient au défunt prêteur Klinglin et je suis persuadé qu'on les aura pour le tiers de leur valeur . Ils pourraient un jour orner une salle de votre palais et ils sont véritablement dignes d'un prince .

Je viens vite, madame, à ce qui m'a touché davantage, à ce qui restera pour jamais gravé  dans mon cœur, c'est la bonté dont Vos Altesses sérénissimes ont daigné me combler, c'est cette politesse si noble et si aisée, c'est le charme de votre conversation, le goût qui règne dans tout ce que vous faites et dans tout ce que vous dites . Votre Altesse sérénissime doit sentir dans le fond de 4 que je lui parle avec la franchise allemande et si elle n'en convient pas je lui déclare que personne au monde ne sera de son avis .

Je reçois, madame, dans ce moment sa lettre pour M. d'Hermenches qu'un gentilhomme de sa cour me rend de sa part . Je vais rendre M. d'Hermenches heureux .

Je suis avec le plus profond respect

Madame

de Vos altesses sérénissimes

le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire .

Un voyageur peut être sans cachet ; il cachette comme il peut . »

1Charlotte-Louise de Hesse-Darmstadt, mariée, en 1751, à Charles-Frédéric de Bade-Dourlach morte le 8 avril 1783.

Elle répondra le 17 août 1758 .

« De madame la margrave de BADE-DOURLACH A Carlsruhe, le 17 août.

Monsieur, je viens de recevoir la lettre très-obligeante que vous venez de m'écrire. Si j'avais pu vous prouver dans toute son étendue la considération que j'ai pour vous, j'oserais alors me flatter, monsieur, de mériter votre estime. La reconnaissance que vous me devriez me tiendrait lieu de mérite, et, à quelque prix que je me visse assurée de votre amitié, cela me suffirait toujours pour me rendre trop heureuse.

Votre pastel est en train. Jamais je n'ai travaillé avec plus de plaisir. Je m'abandonne à l'idée charmante que cela vous empêchera d'oublier une personne qui vous est acquise. C'est peut-être une illusion, mais ne me l'ôtez point, monsieur, j'en suis trop charmée.

J'ai rendu compte au margrave [Né en 1728, mort le 10 juin 1811. ] de la justice que vous rendez à nos sentiments pour vous, et des politesses que vous me dites à ce sujet; il en est pénétré. J'aurais bien voulu que vous fussiez revenu sur vos pas pour connaître par vous-même l'effet que votre départ faisait sur nous. Nos regrets exprimaient notre admiration et notre estime. Enfin, monsieur, vous êtes bien fêté parmi nous; et comme vous avez si bien su développer le cœur de Zaïre, pourquoi ignoreriez-vous le mien? Permettez que je vous renvoie à cette connaissance, pour vous faire comprendre quels sont les sentiments d'estime et de considération avec lesquels j'ai l'honneur d'être, pour toute ma vie, monsieur, votre très-affectionnée servante,

CAROLINE, margrave de BADE-DOURLACH.

P. S. N'oubliez pas, monsieur, de revenir chez nous. Le margrave et moi, nous vous en sollicitons. Vous savez bien qu'une écolière vous attend . »

2 Le château de Karlsruhe commencé en 1751 est surtout remarquable par sa tour octogonale .Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A2teau_de_Karlsruhe

4 V* en allant à la page a omis quelques mots, sans doute mon coeur .