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25/10/2013

Je saisirai toujours les occasions de vous rendre service

 ...

 

 

 

« A Cosimo Alessandro Collini

Aux Délices 13 septembre [1758]

Je vous répète, mon cher Collini que je ne perdrai point de vue ce que j'ai entamé à la cour palatine 1. Je saisirai toujours les occasions de vous rendre service . J'ignore ce que c'est que le petit livre dont vous me parlez ; si vous l'avez, vous pouvez me l'envoyer par la poste sous l'enveloppe de M. Boutillier, directeur de la poste à Lyon , la première enveloppe à mon adresse aux Délices . M. Defresnay pourrait se charger de cet envoi . Je suppose que le livre en vaut la peine . En savez-vous l'auteur ? Adieu ; je vous embrasse .

V. 

M. de Turkeim vous remboursera vos frais .»

 

24/10/2013

Je n'ai nulle confiance à aucun papier public ni à ceux qui les répandent, et je crois qu'il faudra s'en défaire à la première occasion un peu favorable

 ... Il n'est qu'à se mettre au courant des dernières (?!) décisions gouvernementales , impopulaires mais quand même nécessaires , pour se convaincre que Voltaire pourrait tenir le même langage en France du XXIè siècle ; voir : http://www.laposte.net/thematique/actualites/bourse/article.jsp?idArticle=20131024153847-pea--pel--assurance-vie---600-millions-de-prelevements-supplementaires-&idAgg=actu_bourse

 Dans un tout autre domaine d'action, l'impôt à 75% provoque la menace de grève du monde, si énormément important pour la survie du peuple et  le bonheur des chomeurs, la grève donc du monde  des footeux .

Pourvu qu'ils tiennent parole !

que cette grève se durcisse !

se prolonge indéfiniment !

qu'on laisse pousser le gazon jusqu'à hauteur des genoux !

que les supporters fassent du sit in dans leurs bistros favoris, qu'ils cotisent pour compenser la perte de pouvoir d'achat de leurs idoles taxées !

qu'ils fassent bouillir leurs ballons en soupes maigres !

qu'ils fassent tout ce qu'ils veulent mais qu'ils ne nous gonflent plus avec leur misère dorée !

 

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« A Jean-Robert Tronchin

Aux Délices 9 septembre 1758 1

Vous trouverez ci-joint, mon cher correspondant, la seule approbation 2 que j'aie donnée depuis un an aux opérations de ce monde . Tout confirme que nous avions bien raison l'année passée . Je doute fort que l'homme le plus adroit eût pu engager messieurs de Berne à vous prêter deux millions . Ils donnent des régiments pour de l'argent et n'en prêtent point à la France . C'est un système qu'il serait difficile de changer . Il est certain qu'ils viennent de donner au landgrave de Hesse cent mille écus qu'ils lui avaient promis . Le résident d 'Angleterre qui est à Berne y a plus de crédit que l'ambassadeur .

Je vous prie de me faire savoir combien perdent sur place les billets de la 4è loterie et les annuités . Je n'ai nulle confiance à aucun papier public ni à ceux qui les répandent, et je crois qu'il faudra s'en défaire à la première occasion un peu favorable . Je n'ai pas meilleure opinion de nos affaires à Pondichéry, où chacun pille comme en Europe . Les fonds y manquent pour payer nos troupes, et l'indiscipline y est aussi grande que dans nos armées de Westphalie .

Je reçois aujourd'hui des lettres d'un officier général de ce pays-là, qui me confirme ces tristes nouvelles . Je n'en ai aucune de Cadix . La flotte n'a rien apporté pour moi . Je souhaite qu'elle ait apporté quelque chose pour vous . Ce temps ci est funeste pour tout le monde, et même pour ceux qui aiment le bon vin . Dieu nous refuse de quoi boire, et les hommes se mangent . Je vous prie pour me consoler de vouloir bien engager quelque honnête Provençal à me faire avoir un baril d'excellente huile d'olive . Je ne me console point de n'avoir pu vous voir à Genève . Adieu mon cher monsieur . Vous avez encore eu mille bontés pour un jeune mousquetaire du roi mon parent 3. Il n'y a sorte d'obligation que nous ne vous ayons .

V.

J'ai reçu de MM. Tronchin et Camp mon compte du 31 juillet 1758 par lequel ils me redoivent d'une part 405 665 livres d'une part, et de l'autre 14 billets de la quatrième loterie et quarante billets d'annuités . Approuvé le 9 août 1758.

Voltaire. »

1 Cette lettre est composée de neuf fragments .

2 V* avait d'abord écrit opération .

3 Le cousin Daumart , qu'un malheureux accident de cheval va mettre à la charge de V* .Voir dans : http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca10/38/lafa...

« C'est une bien malheureuse créature que ce Daumart, écrivait-il de Ferney à Mme de Fontaine, mais son père était encore plus sot que lui, et son grand-père encore plus . Je n'ai pas connu le bisaïeul, mais ce devait être un rare homme » Or le bisaïeul en question était également l'aïeul maternel de Voltaire . Il est pourtant juste de constater à la décharge du chatealin de Ferney qu'il avait sur les bras depuis dix neuf mois ce « mousquetaire Daumart » devenu rapidement impotent sous son toit des suites d'une ancienne chute de cheval compliquée sans doute de l' »avarie » récemment contractée à Genève . »

 

23/10/2013

je m'engage à ne pas vivre plus de quatre ou cinq ans. Moyennant ces offres honnêtes, je demande la pleine possession de votre terre, de tous vos droits, meubles, bois, bestiaux, et même du curé

...Pour le curé, je pense qu'il en est un , -un peu cher je vous l'avoue,- qui  se trouve sur le marché , au chomage pour ainsi dire, licencié sans indemnités, c'est Mgr Franz-Peter Tebartz-van Elst, indigne prélat allemand qui s'est pris pour un sultan des mille et une nuits , un nabab immoral .

Ce baron Thunder Ten Tronck moderne , je l'enverrais volontiers faire la manche à la sortie des églises, il est doué, le bougre, pour récupérer l'argent de ses paroissiens . Comment voulez-vous après ça donner le denier du culte , qui, si je ne me trompe, est une taxe à l'égal des impôts en Allemagne, et en Suisse . Qu'il connaisse le chom'du, la précarité, le trottoir , ce soi-disant prince de l'Eglise .

http://www.tv5.org/cms/chaine-francophone/info/p-1911-Le-...


http://www.swisscastles.ch/Geneve/tournay.html

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« A Charles de BROSSES, baron de Montfalcon

Aux Délices, près de Genève,

9 septembre 1758.

J'ai lu avec un extrême plaisir ce que vous avez écrit sur les Terres australes 1; mais serait-il permis de vous faire une proposition qui concerne le continent ? Vous n'êtes pas homme à faire valoir votre terre de Tournay 2. Votre fermier Chouet en est dégoûté, et demande à résilier son bail. Voulez-vous me vendre votre terre à vie ? Je suis vieux et malade. Je sais bien que je fais un mauvais marché mais ce marché vous sera utile et me sera agréable. Voici quelles seraient les conditions que ma fantaisie, qui m'a toujours conduit, soumet à votre prudence.

Je m'engage à faire bâtir un joli pavillon des matériaux de votre très-vilain château, et je compte y mettre vingt-cinq mille livres. Je vous payerai comptant vingt-cinq autres mille livres. Tous les embellissements que je ferai à la terre, tous les bestiaux et les instruments d'agriculture dont je l'aurai pourvue, vous appartiendront. Si je meurs avant d'avoir achevé le bâtiment, vous aurez par devers vous mes vingt-cinq mille livres, et vous achèverez le bâtiment si vous voulez. Mais je tâcherai de ne pas mourir de deux ans, et alors vous serez joliment logé sans qu'il vous en coûte rien.

De plus, je m'engage à ne pas vivre plus de quatre ou cinq ans.

Moyennant ces offres honnêtes, je demande la pleine possession de votre terre, de tous vos droits, meubles, bois, bestiaux, et même du curé 3, et que vous me garantissiez tout jusqu'à ce que ce curé m'enterre. Si ce plaisant marché vous convient, monsieur, vous pouvez, d'un mot, le rendre sérieux : la vie est bien courte pour que les affaires soient longues.

J'ajoute encore un petit mot ; j'ai embelli mon trou intitulé les Délices. J'ai embelli une maison à Lausanne. Ces deux effets, grâce à ma façon, valent actuellement le double de ce qu'ils valaient. Il en sera autant de votre terre. Voyez ce que vous en pensez. Vous ne vous en déferez jamais dans l'état où elle est. Quoi qu'il en soit, je vous demande le secret, et j'ai l'honneur d'être, d'ailleurs, avec la plus respectueuse estime, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur,

Voltaire »

1 Paru sous le titre Histoire des navigations aux terres australes, dont de Brosses adressait le tome V en manuscrit à Jallabert le 21 mars 1755 . Voir : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k751404 ; http://www.odsas.fr/scan_sets.php?set_id=9

De Brosses écrivait à Jallabert le 12 mai 1757 pour lui annoncer l'envoi de quatre exemplaires de son œuvre destinés , à lui-même, Pictet, Charles Bonnet et Voltaire, en disant au sujet de ce dernier «  … je vous prie de [lui] faire de ma part cette mienne offrande comme une légère marque de l'agrément que je trouve à l'avoir vu devenir mon voisin. »

Voir aussi : http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_de_Brosses

2 Le château de Tournay est une demeure seigneuriale fortifiée du XVè siècle, au nord de Genève, sur le territoire de la commune de Pregny-Chambésy .

De Brosses donnera son accord le 14 septembre 1758 avec les précisions suivantes : « Terre, seigneurie, prés, vignes, droits .- Convenu .

Meubles . Convenu. Mais je vous avertis qu'il n'y en a guère.

Bois .- Vous l'entendez sans doute comme un usufruitier a les bois d'une terre […] il n'a pas le droit de les couper […] Les bois ne sont pas dans le bail du sieur Chouet, si ce n'est pour le pâturage, le chauffage, la glandée (articles annuels).

Bestiaux- […] [le] troupeau de vaches […] est du bail , par conséquent de la vente . Mais […] dans ce pays-là, c'est un fonds dans les terres . Il sera convenu qu'après vous, on le rendra en même nombre et valeur qu'il aura été livré .

Curé .- Sous la figure d'un ours, ce curé est un très bon homme, fort droit, chose rare, […] il parle mal, mais il pense bien . Sérieusement si nous finissons, je vous le recommande .

Vous voulez construire un bâtiment de vingt cinq mille francs ; je n'en doute pas […]. mais la volonté de l'homme est ambulatoire .[...] Lorsque mon vieux vilain château, logeable pour moi pendant quinze jours tous les trois ans, pour un fermier et pour mes pressoirs pendant toute l'année, sera, une fois détruit, je me trouverais fort embarrassé , si par le hasard des évènements les choses venaient à en rester là . […]

Vous m'offrez vingt cinq mille livres comptant . Mettez la main sur le pourpoint : ce n'est pas assez . Il y a 3000 livres, puis 3300 livres de rente dans le bail actuel . Cela vaut trente mille livres . Je dirais bien trente trois . Mais je n'ai jamais qu'un mot, et s'il m'arrivait d'en avoir plusieurs , ce ne serait jamais avec vous […] .

Vous vous obligez à ne vivre que quatre ou cinq ans ; point de cet article, s'il vous plait, sinon marché nul […] .

Je vous garderai le secret le plus exact et j'ai l'honneur de vous le demander de même à mon égard, surtout par une raison qui nous intéresse tous deux . J'ai tiré jadis cet avantage du malheur de mes pères, huguenots dès le temps de Calvin, que leur terre est de l'ancien dénombrement . Nous n'en sommes fâchés ni vous ni moi, pour qui les édits bursaux * n'ont pas des attraits vainqueurs . On a bien voulu me continuer ce droit en dernier lieu dans le renouvellement du cadastre […] le droit, selon la teneur du privilège, est pour ma famille, ou en cas de vente, à un Genevois, Suisse, etc. autrement il se perd et ne se recouvre pas par réachat . […]

Je suis si fidèle au secret que je n'en ai donné mot à Mme de Brosses […] . Mais , comme Dieu permet que tout se découvre, elle […] demander[a] la chaine du marché **. Je ne sais pas de combien […] Agissons politiquement. Commencez par me corrompre . En fait de terres, je suis vénal comme un Anglais . Quand nous serons tous deux contre elle, nous la réduirons. »

* Mesure extraordinaire de taxation .

** Terme de loi archaïque : gratification donnée à une femme lors de la vente par son mari d'une propriété où elle a un intérêt.

3 Antoine Burdet fut curé de Pregny de 1724 jusqu’à sa mort en 1762 . Ref . Voltaire et son curé, Antoine Richard .

 

22/10/2013

Tout le monde avoue qu'il faut être philosophe, qu'il faut être libre, et presque personne ne l'est .

... Alors chantons "fais comme l'oiseau ..."

 Pie 3 14

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« A Charlotte-Sophie von Altenburg, comtesse Bentinck

à Lausanne

Aux Délices 9 septembre 1758

Vous voulez donc bien, madame, honorer de votre présence mes petits pénates champêtres mercredi 1. Vous êtes accoutumée à notre médiocrité, vous avez déjà bien voulu vous en contenter . Nous vous recevrons avec l'ancienne franchise et l'ancienne pauvreté suisse . Les affaires sont aussi délabrées en France qu'ailleurs , les particuliers qui y ont malheureusement leur bien, s’en ressentent . La terre est couverte de morts et de gueux dont quelques fripons ont les dépouilles .

Je n'ai nulle nouvelle des détails de la nouvelle victoire du Salomon du Nord , et je suis toujours très fâché de l'erreur où l'homme au triangle 2 est sur mon compte . Mais il faut prendre le parti de compter tous ces gens là pour rien et de vivre doucement pour soi et pour ses amis . Si Dieu vous fait jamais cette grâce, vous serez alors aussi heureuse qu'on peut l'être et que je le désire . Tout le monde avoue qu'il faut être philosophe, qu'il faut être libre, et presque personne ne l'est .

Je vous présente mes chagrins et mes respects .

V. »

1 Dans une lettre non datée, de septembre/octobre de cette année, la comtesse écrit à Haller : « j'ai passé douze ou treize jours aux Délices chez les nièces de M. de Voltaire, qui vous rendent la justice la plus parfaite . Mme Denis qui me paraît une personne fort raisonnable et fort obligeante voudrait savoir l'allemand, qu'elle déteste,puisqu'on le parle à Francfort ; uniquement pour pouvoir avoir le bonheur de vous lire . »

2 Le chancelier Kaunitz, appelé ainsi par V*, parce qu'il a réalisé la triple alliance entre la France, l'Empire austro-hongrois et la Russie ; et aussi allusion à sa maison : voir lettre du 15 mai 1756 à la comtesse : « Vous aurez donc, madame, votre procès à Vienne, vos meubles à Bâle et votre personne à Venise . Vous allez apprendre l'italien et vous gouterez bientôt le plaisir d'entendre M. Metastasio;mais il est triste d'apprendre sa langue loin de lui . Vous devenez donc savante . Vous fixez précisément l’endroit où Marc-Aurèle écrivait ses pensées sur les bords du Danube, permettez que je réponde à votre érudition par des sentiments .

Marc-Aurèle autrefois des princes le modèle,

Sur les devoirs des rois écrivait en ces lieux ;

Et Thérèse fait à nos yeux

Tout ce qu'écrivait Marc Aurèle.

Cela pourrait servir d'inscription aux masures de votre Cornuntum . Remarquez en passant, madame, que les empereurs romains auraient été bien étonnés si on leur avait dit qu'il y aurait un jour autant de politesse à Vienne qu'à Rome, avec d'autre mérite que les Romains ignoraient . Vous me demandez un nom pour la maison de campagne du comte Kaunitz , il serait beaucoup plus aisé de s'expliquer sur le maître que sur la maison . Je sais à quel point ses grâces et son esprit ont réussi à Paris . Je sais combien on l’y respecte et on l'aime . Je suis bien moins instruit sur ses jardins . Il les appellera comme il lui plaira, il est bien juste qu'on nomme les enfants que l'on a faits . Si vous êtes marraine vous vous servirez des noms d'agrément et de goût pour baptiser la maison . Vous dites que son jardin est un triangle, un géomètre voudra qu'on l'appelle triangle, un savant en grec le nommera Carite, qui revient à peu près à favori . Mon petit ermitage auprès de Genève s'appelle insolemment les Délices, parce que je vois le lac, deux rivières, une ville, cent maisons de campagne et j'ai des fruits excellents .Mais , madame, puisque vous allez sur la Brenata au lieu de venir vers mon lac, je vais changer le nom de ma retraite, elle s'appellera les Regrets . Je suis à présent dans mon autre ermitage et c'est dans ces deux maisons que j'essaie d'être philosophe et que je continue de vous être attaché pour jamais avec le plus tendre respect .

Pardonnez-moi, si j'ai dicté la lettre, j'ai la fièvre et je suis de tous les malades celui qui vous est le plus dévoué. »

 

21/10/2013

Il faut espérer qu'une paix devenue nécessaire à tout le monde fera cesser enfin le malheur public dont il n'y a guère de particulier qui ne se ressente

 ... Hors les marchands d'armes, cela va sans dire , en tout temps et en tout lieu .

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« A Louise Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha

Aux Délices près de Genève

6 septembre [1758]

Madame, dans mon ermitage suisse le cœur pénétré de douleur de n'avoir pu faire ma cour à Votre Altesse Sérénissime, je n'ai point trouvé le baron genevois 1 qui est actuellement dans sa magnifique baronnie. Je suppose, madame, qu'il a consommé entièrement l'affaire en question . S'il y avait quelque difficulté (ce que je ne crois pas ) j'irais le trouver dans son beau château au premier ordre de Votre Altesse Sérénissime et je lui laverais la tête d'importance . Si je m'étais trouvé en Hollande plutôt qu'en Suisse, madame, j'aurais pu donner plus d’étendue à mon zèle, et vous procurer une somme plus forte . Il me semble que le peu qu'on a trouvé à Genève n'est guère digne de vous être offert .

Il faut espérer qu'une paix devenue nécessaire à tout le monde fera cesser enfin le malheur public dont il n'y a guère de particulier qui ne se ressente . Par quelle fatalité, madame, faut-il que toute votre prudence, toute la sagesse de votre administration ait été inutile, et que n'ayant rien à gagner dans ces secousses de l'Europe vous y ayez tant perdu ?

La dernière victoire du roi de Prusse sur les Russes nous apportera-t-elle une paix tant désirée ? Sa gloire sera-t-elle inutile au genre humain ?

Je ne sais pas un mot des affaires dans ma solitude . J'ai ignoré longtemps que ce jeune prince que j'avais eu l'honneur de voir élevé dans votre palais et dont monseigneur était le tuteur , s’était marié, avait eu un fils et était mort 2. J'ignore si la tutelle de l'enfant qu’il a laissé appartient à votre branche, tout ce que je sais c'est que personne au monde ne s'intéresse plus que moi madame à tous les avantages de Votre Altesse Sérénissime . J’ai vu des princes charmants qui doivent remplir toutes vos espérances . La princesse votre fille promettait de ressembler en tout à son auguste mère . Permettez, madame, tant de curiosité . Ces dignes objets de consolation sont présents sans cesse à mon souvenir . Mon cœur est toujours plein de Gotha . Je ne suis qu'un vieux Suisse, mais quand je serais un jeune Parisien, je regretterais votre cour et votre auguste famille et la grande maitresse des cœurs . Agréez madame mon profond respect .

V. »

1 Jean-Louis Labat , homme d'affaires , baron de Grandcour.

2 La duchesse répond le 16 septembre 1758 : « La mort du duc de Weimar [Ernest Auguste Constantin, mort le 28mai 1758] nous devait être très indifférente par les mesures qu’il avait prises [...] il avait déclaré d'abord le roi de Danemark et la jeune veuve tuteurs et administrateurs de son pays et de ses enfants, car [...] la duchesse vient encore d'accoucher d'un second prince [Frédéric Ferdinand Constantin , né le 8 septembre 1758]. quelque temps après [...] [il ajoute] un codicille par lequel il rend le roi de Danemark tuteur honoraire et exécuteur [...] , le duc de Brunswick père de la duchesse, administrateur et curateur jusqu'au temps de la majorité de cette princesse, et il exige en même temps de cette dernière de demander d'abord après le décès [...] veniam etatis chose inouïe pour une princesse [...] . La duchesse [...] demande veniam etatis à l'empereur, qui accorde sa prière mais lui adjoint comme tuteur et administrateur le roi de Pologne électeur de Saxe : ce qui fait un préjudice pour toute la maison de Saxe . Car de cette manière l'empereur rejette le testament , le codicille, et met en doute la faculté des princes de pouvoir disposer de la tutelle de leurs enfants et de l'administration de leurs États . »

Veniam etatis : voir page 83 : http://books.google.fr/books?id=GWtGAAAAYAAJ&pg=PA83&lpg=PA83&dq=veniam+etatis&source=bl&ots=xWGSOTuLnO&sig=vRSyCMiA1NPav95oGNartsiPJUo&hl=fr&sa=X&ei=kMplUoqwDdCR0QXu7IC4Dg&ved=0CDEQ6AEwAA#v=onepage&q=veniam%20etatis&f=false

 

20/10/2013

Le curé était venu l'oindre sur le champ et craignait beaucoup, à ce qu'il m'a dit, que ce ne fut de l'huile perdue parce que le patient ne paraissait pas prendre goût à la cérémonie [extrême onction !]

 ... Eh oui, il n'y a pas de petites économies dans le bas clergé .

 Personnellement je trouve un côté "cautère sur une jambe de bois" à toutes ces simagrées ; un peu d'huile , si sanctifiée fut-elle, permet-elle de glisser entre les  griffes du vilain Lucifer et de venir lubrifier les portes du paradis ? J'ai comme un doute existentiel , peut-on faire une bonne sauce avec du saint chrême , où est-ce simplement pour accompagner dignement un bon vieux bouillon de onze heures ?

 

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Pour une belle burette, c'est une belle burette !


 

 

« A Pierre-Michel Hennin

[vers le 5 septembre 1758] 1

Je supplie instamment monsieur Hennin de vouloir bien excuser un malade s'il n'a pas l'honneur d'aller le voir et je le supplie de ne pas oublier l'homme du monde qui a été le plus tôt et le plus sensible à son mérite . Je me flatte qu’avant d'aller sur la tombe du pauvre Patu, il n'oubliera pas le squelette des Délices .

V. »

1 Cette lettre fut rangée par Pierre Hennin dans un dossier portant la mention : « premiers jours de septembre 1758 » . elle était accompagnée des vers suivants écrits de la main de V* sur une carte à jouer :

Tendre et pure amitié dont j'ai senti les charmes,

Tu conduisis mes pas dans ces tristes déserts,

Tu posas cette tombe, et tu gravas ces vers

Que mes yeux arrosaient de larmes .

Au dos de cette carte, Hennin écrivit : « Ces vers sont de M. de Voltaire et de sa main . Il les fit pour être mis par M. H, à la fin de l'épitaphe qu'il se proposait d'élever à la mémoire de son ami Patu à St Jean-de-Maurienne. » [lieu du décès de Patu le 20 août 1757 , à son retour d'Italie].

Avec cette carte s'en trouve une autre portant également une note de la main de V*, en italien : « Venezia, il signor Algarotti ./ a Padua la comtesse Wortley Montaigu ./ a Sienna l'abbate Franquini , governatore./ a Firenze alcuni academici mei buoni fratelli ./ a Roma il cardinale Passionei . » Hennin a noté : « Commissions que M. de Voltaire m'a données de sa main à Genève le 4 septembre .

Le 17 septembre Hennin écrira de Turin à V* : « Arrivé à St Jean de Maurienne, je me suis informé de la fin de mon pauvre Patu . Ses hôtes m'ont dit qu'un instant après être descendu de sa voiture il était tombé en faiblesse et s'était endormi insensiblement du sommeil éternel . Le curé était venu l'oindre sur le champ et craignait beaucoup, à ce qu'il m'a dit, que ce ne fut de l'huile perdue parce que le patient ne paraissait pas prendre goût à la cérémonie ./ […] ces bonnes gens […] l'enterrèrent parmi les nobles à la cathédrale . […]

/ J'ai réfléchi , monsieur, sur l'inscription que vous avez eu la bonté de faire […] outre qu'elle ne parle pas de lui, il me semble qu'on ne peut guère traiter un pays de tristes désert à la barbe de ses habitants . Je joins ici celle que je me propose d'y faire graver si vous l'approuvez . [à la fin de la lettre ]/ A la mémoire de Claude Pierre Patu écuyer / avocat au parlement de Paris / né à Paris le [un blanc] octobre 1729 . / Il eut dans un corps faible/un coeur sensible et généreux / un esprit vif et pénétrant . / Il cultiva la littérature et la poésie / et ses premiers succès/ lui présageaient une grande réputation . Estimé en Angleterre/ applaudi à Rome / chéri dans sa patrie / il mourut à St Jean de Maurienne / dans le cours de ses voyages / le 20 août 1757 . / P.M.H. Son compatriote et son ami / après avoir versé des pleurs sur sa tombe, / y a fait graver cette épitaphe/ le 9 septembre 1758. »

 

19/10/2013

Je cours un très grand risque d'être ruiné en France

... Dit Nanard le Malin !

Et paraphrasant Voltaire je lui dirais "Tâchez de ne pas l'être en Belgique, ou autre pays qu'il vous plaira d'utiliser ." Il est beau de penser à sa progéniture (en lui assurant un pactole), et ce cher Laurent Tapie suit les traces de son illustre géniteur . Hélas !

Toujours la frite ?

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« A Charlotte-Sophie von Altenburg, comtesse Bentinck

née comtesse d'Oldembourg

à Lausanne

Aux Délices 5 septembre [1758]

On ne se porte pas trop bien aux Délices, madame, mais on vous y est très attaché . Nos désastres publics sont grands . Le naufrage paraît universel . Il faut que chaque particulier songe à rassembler les débris de son vaisseau . Je cours un très grand risque d'être ruiné en France . Tâchez de ne pas l'être en Allemagne . Les princes font le malheur du genre humain . Heureux qui se met à portée d'être indépendant d'eux .

J'espère avoir l'honneur de vous voir avant votre triste voyage de Vienne . Puissiez-vous en rapporter deux choses nécessaires , fortune et tranquillité . Je vous plains d'être à Montriond par un si mauvais temps . Nous ne sommes pas moins à plaindre d'être loin de vous . Vous m'appelez donc ingrat 1 à votre tour ! Mais je ne passe pas six mois sans vous écrire .

Mille respects .

V. »