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20/05/2014

mes éloges et mes remerciements de la manière honnête dont vous vous êtres servi dans cette occasion pour prouver que vous êtes bon Français et bon sujet

... Non, non, vous ne trouverez jamais ce compliment dans la bouche de Miss Lepen Féminité-longueur-et-pointes après les élections au parlement européen car je compte bien que le "succès" du FN sera un mini-mini-mini succès, que j'espère très  proche du flop .

Quant à être sujet d'extrême droite, autant se poignarder avec une saucisse, de Francfort ou de Strasbourg, bien sûr .

 

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« A Etienne-François de Choiseul-Stainville, duc de Choiseul-Stainville

[vers le 30 mars 1759] 1

[Informe son correspondant qu'il a reçu de Frédéric II un poème contenant les deux strophes citées à propos de la lettre du 6 avril 1759 à d'Argental ; il l'invite à prendre en connaissance ainsi que de la réponse qu'il y a faite .]

1Le résumé ici donné peut être inféré de la lettre du 6 avril à d'Argental (http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/04/05/est-ce-l-infame-amour-propre-dont-on-ne-se-defait-jamais-bie.html ), de la réponse de Choiseul-Stainville du 20 avril 1759, ainsi que des Mémoires de V* lui-même . Voici les extraits de la réponse de Choiseul : « J'ai fait connaître au roi la façon dont vous vous êtes conduit à l'occasion de la pièce de vers du roi de Prusse, mais je n'ai pas mis sous les yeux de Sa Majesté cette pièce . Le roi de Prusse n'est pas meilleur poète qu'il n'est valeureux guerrier […] . Je n'imagine pas qu'il ait la hardiesse de faire imprimer son ode, ni de la divulguer, en tout cas, je vous envoie la réponse que je ferai imprimer sur le champ [...]

Si vous pouviez faire parvenir au roi de Prusse le conseil d'anéantir sa production, je crois que c'est ce qu'il y aurait de plus honnête . […] . Adieu, mon cher solitaire, je vous embrasse de tout mon cœur, et je vous laisse le maître de faire passer à Sa Majesté prussienne tout ce que je vous écris en vous renouvelant mes éloges et mes remerciements de la manière honnête dont vous vous êtres servi dans cette occasion pour prouver que vous êtes bon Français et bon sujet du roi . »

 

19/05/2014

celui qui met ses bottes à quatre heures du matin a un grand avantage au jeu contre celui qui monte en carrosse à midi

...

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« A FRÉDÉRIC II, roi de Prusse.
Quoique tout le monde soit en armes et en alarmes, j'ai pourtant reçu tous les paquets de Votre Majesté. L'épître 1 à Sa Béatitude madame l'abbesse de Quedlimbourg 2, sur Sa sacrée Majesté le Hasard, a bien un grand fonds de vérité; et, si cette épître était rabotée, je la regarderais comme le meilleur de vos ouvrages, et le plus philosophique. Il me paraît, par la date, que Votre Majesté s'amusa à faire ces vers quelques jours avant notre belle aventure de Rosbach. Certainement vous étiez le seul alors en Allemagne qui fissiez des vers. Le Hasard n'a pas été pour nous. Je pense que celui qui met ses bottes à quatre heures du matin a un grand avantage au jeu contre celui qui monte en carrosse à midi. Je souhaite passionnément que tout ce jeu finisse, et que vos jours soient aussi tranquilles qu'ils sont brillants. Votre Majesté daigne n'être pas mécontente du tribut de louange et de regret que j'ai payé à la mémoire de la plus respectable princesse qui fût au monde. Il est vrai que mon cœur dicta l'éloge assez vite; la réflexion l'a corrigé lentement.
Pardonnez, mais voici encore une strophe 3 que je soumets à votre jugement. Je n'avais pas, ce me semble, assez parlé du courage avec lequel cette digne princesse a fini sa vie :


Illustres meurtriers, victimes mercenaires,
Qui, redoutant la honte et surmontant la peur,
Animés l'un par l'autre aux combats sanguinaires,
Fuiriez, si vous l'osiez, et mourez par honneur;
Une femme, une princesse,
Qui dédaigna la mollesse,
Qui du sort soutint les coups,
Et qui vit d'une âme égale
Venir son heure fatale,
Était plus brave que vous.

 
Sort soutint fait une cacophonie désagréable; venir me paraît faible. Je ne trouve pas mieux, et j'avoue qu'après l'art de gagner des batailles, celui de faire des vers est le plus difficile.
Fuiriez, si vous l'osiez ! parlez pour vous, messieurs, dira Votre Majesté; et moi chétif, je soutiens que si César se trouvait seul, pendant la nuit, exposé incognito à une batterie de canon, et qu'il n'y eût d'autre moyen de sauver sa vie qu'en se mettant dans un tas de fumier, ou dans quelque chose de mieux, on y trouverait le lendemain matin Caïus Julius César plongé jusqu'au cou.
Cette lettre trouvera peut-être Votre Majesté à quelque batterie, mais non pas dans un tas de fumier. Heureux ceux qui sont sur leur fumier comme moi !
Recevez avec bonté, sire, les respects et les folies du vieux Suisse.

30è mars 1759 »

3 Cette strophe est la douzième de l'Ode sur la mort de Mme la princesse de Baireuth ; mais l'auteur l'a corrigée.

 

17/05/2014

je prends d'ordinaire fort peu de part à toutes les nouvelles

... Télévisées ! je préfère la radio, plus rapide plus fluide, sans images qui tournent en boucle faute de trouver de nouveaux sujets .

 Les quotidiens remplis de rubriques des chiens écrasés ne m'attirent pas non plus .

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« A Étienne de Champflour 1

lieutenant général de Clermont

à Clermont-Ferrand

en Auvergne

J'ai lu, monsieur, dans les gazettes un article qui m'a fait frémir et qui vous regarde 2; vous savez qu'il y a longtemps que je m'intéresse à vous; je vous prie de vouloir bien me mander ce qui en est . Je suis retiré du monde dans d'assez belles terres sur les frontières de Genève et de la Suisse, et je prends d'ordinaire fort peu de part à toutes les nouvelles ; mais celle-ci vous a rappelé à mon souvenir, et j'ai senti réveiller en moi tous les sentiments de mon ancienne amitié ; je ne sais si monsieur votre père est encore en vie 3, je le plaindrais bien d'avoir été témoin d'une catastrophe si cruelle ; je voudrais savoir si madame votre femme 4 n'est point la sœur de M. de La Porte , trésorier des pays conquis ; il est fort mon ami et c'est une raison de plus qui m'attache à votre famille ; vous me ferez plaisir de me tirer de l'inquiétude où cette triste nouvelle m'a mis . J'ai l'honneur d'être, monsieur, avec tous les sentiments que vous méritez, votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire

gentilhomme ordinaire du roi

comte de Tournay, à Tournay

pays de Gex par Genève

30 mars [1759] »

2 Le 14 février 1759, la sœur d’Étienne de Champflour, Jacquette, avait été assassinée par Pierre Roussillon, chanoine de la cathédrale de Clermont-Ferrand .Voir : http://gazetier-universel.gazettes18e.fr/numero/affiches-de-bordeaux-1758-1784/16-0

et : http://www.vieillard.fr/dossiers/dossiers.php?id_dossier=6

3 Jacques de Champflour était mort le 9 août 1745 .

4 Marguerite-Louise-Antoinette de La Porte, qui avait épousé Étienne en 1739 était en effet la sœur de Louis-Antoine de La Porte .

 

16/05/2014

je suis très en état de ne craindre personne

... Hormis moi !

 J'assure mes arrières !

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« A Élie Bertrand

premier pasteur

à Berne

30 mars [1759]

Mon cher ami, vos tremblements 1 sont partis et je partirai moi le plus tôt que je pourrai pour venir remercier M de Freydenrik et messieurs les curateurs, et surtout vous . Mme Denis et moi nous ferons ce voyage agréable le plus tôt que nous pourrons .

Nous sommes fort loin de craindre les brouillons que nous connaissons très bien ; et je suis très en état de ne craindre personne . Hélas mon ami j'ai plus de terrain que Genève et je suis le maître chez moi . Le chef des polissons 2 est mon vassal . J'ai des créneaux et des […]3 et peut-être avant qu'il soit peu le peuple dont vous me parlez aura besoin de moi . En attendant il gagne honnêtement avec moi et il est très soumis dans mon antichambre . C'est un M. Desmal,4 homme de beaucoup d'esprit , qui a fait L’Optimisme ou Candide et qui se moque encore plus que moi des sots . Mon cher ami, vivons tranquilles et aussi heureux qu'il est possible dans notre court pèlerinage .

Les jésuites échapperont, n'en doutez pas ; et peut-être dans un an ils seront tout puissants en Portugal comme ils le furent en France après l'assassinat de Henri IV .

Le roi de Prusse m'a écrit des choses bien extraordinaires . C'est un singulier homme, et ce siècle est un étrange siècle .

On dit que Haller se repent beaucoup d'avoir montré mes lettres et les siennes . Il a raison de se repentir . »

2 Vernet .

3 Un mot court avec un d au milieu a été fortement rayé .

4 Démad ; que V* le 1er avril 1759, dans une lettre au directeur du Journal Encyclopédique, Rousseau, déclare être son « frère M. Démad, actuellement capitaine dans le régiment de Brunsvik ».

 

15/05/2014

Je vous prie de trouver bon que je tire sur vous

... Dit en substance tout opposant à notre premier ministre tout neuf .

Il lui faudra aussi, comme à tout dirigeant, compter sur ses propres partisans - au sens membres du même parti-, pour lui faire avaler des couleuvres et être cocu mais content (mécontent aussi ! )!

 Maigre consolation, il ne sera pas seul !

 

 

« A Jean-Louis Labat, baron de Grandcour

Je vous prie , monsieur, d'avoir la bonté de me compléter les dix premiers 10 mille livres, en ayant la bonté de m'en envoyer 4000 . Je vous prie de trouver bon que je tire sur vous trois mille livres dans six jours pour commencement des quinze autres mille livres, convenues . Je vous embrasse mon cher baron . S'il y a quelques nouvelles je vous supplie de m'en faire part .

V.

29 mars [1759] »1

1 Sur le manuscrit , Labat a noté : « Voltaire le 29è mars 1759 – Rep[onse] le d[i]t jour et envoyé l'acte de dépôt. »

 

14/05/2014

sa pétulance augmente avec l'âge . Il n'a rien gagné sur ses défauts et rien perdu de ses talents

... A combien d'hommes peut-on dire ceci ?

A part Voltaire, je pense à Jean d'Ormesson . Je suis sans doute mal renseigné pour donner une presque-liste aussi courte, mais des hommes dont la pétulance augmente (à part la mienne, bien sûr ;-) ) , cela ne court pas les rues chez les gens de lettres . Je suis prêt à citer tous ceux que vous pouvez suggérer .

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 Pétulance ? Appétence ?

 

« A Germain-Gilles-Richard de Ruffey

Aux Délices 27 mars 1759

Nous sommes Mme Denis et moi, monsieur, les deux plus envieuses créatures de ce monde et Mme de Fontaine 1 est l'objet de notre rage . Elle va vous voir et nous restons entre nos Alpes et le mont Jura . Je présente mes regrets et mes respects à Mme de Ruffey . Vous m'avez permis de m'adresser à vous, monsieur, pour l'aveu et le dénombrement du fief de Ferney . Je vous envoie ce que j'ai . S'il faut ma minute du contrat, j'aurai l'honneur de vous la faire tenir . Je n'ai point encore fini avec Mgr le comte de La Marche . On ne peut être plus sensible que je le suis à vos bontés . Regardez-moi comme un homme qui vous sera attaché toute sa vie .

V. »

1 Mme de Fontaine écrivait des Délices à Ruffey le 21 mars : « Je pars dans six jours . Je ferai un petit séjour à Dole et j'arriverai à Dijon le mardi 3 avril . J'irai descendre chez vous puisque vous l'ordonnez [...] » Elle retournait à Paris après un séjour à Ferney où ses relations avec Mme Denis n'avaient pas été excellentes .

Voir la lettre de Mme Denis à Cideville du 8 juin 1759 : « J'ai été assez malade , mon cher ami ; c'est ce qui m'a empêchée de vous écrire . J'ai eu depuis le départ de ma sœur une inflammation d'entrailles qui m'a mise en danger, mais Tronchin n'a pas voulu me laisser mourir et m'a tirée d'affaire à merveille . J'ai eu depuis un an des moments de chagrin qui peuvent bien avoir occasionné cet accident . Je vous en ai dit une partie . Le voyage des ma sœur avait entièrement changé l'humeur, et j'ose dire le caractère de mon oncle ; mais , mon cher ami, quelque chose qui arrive, croyez qu'il m'était impossible de ne pas me soumettre au parti que j'ai pris . J'en ai connu tous les dangers avant de m'y engager, mais l'honneur et même le devoir me forçaient de m'y rendre . Depuis le départ de ma sœur, je suis beaucoup plus heureuse . Le Florian et la sécheresse de caractère de la dame aigrissaient le sien . Tout va mieux présentement . Cependant sa pétulance augmente avec l'âge . Il n'a rien gagné sur ses défauts et rien perdu de ses talents .

Je ne vous envoie pas l'ode, parce que je sais qu'elle est publique à Paris . Dites-moi l'effet de la lettre en prose qui suit cette ode . Elle est un peu salée, et frère Berthier y est vivement houspillé . L'auteur prétend qu'il a actuellement son franc-parler, et il en use le mieux du monde . Sa prudence n'est pas encore consommée, mais ses talents sont plus brillants et plus abondants que jamais . Il vient de faire une tragédie sous mes yeux qui me confond d'admiration. Il n'a été qu'un mois à la faire . C'est ce que j'ai vu de plus touchant, sans en excepter aucune de ses autres pièces . Elle n'est sa plus fortement écrite . Il a voulu faire du nouveau et mêler les rimes; je ne déciderai pas s'il a bien fait . Mais malgré cela je suis sure que la pièce fera un effet prodigieux . Il y a bien encore deux ou trois petits défauts que l'on pourrait corriger en une demi-heure si l'on osait lui faire la plus petite objection, mais cela devient impraticable . C'est une qualité qu’il a acquise depuis eux ans, bien fâcheuse pour lui et pour les personnes qui s'y intéressent, parce qu'il est impossible de l'empêcher de suivre son premier mouvement et de lui faire la moindre réflexion . Voilà ce qui tourmente ma vie et ce qui me cause le plus d'inquiétude par l'extrême amitié et le vif intérêt que je prends à lui . Vous croyez qu'après avoir fait une tragédie il se reposera du moins quelques jours . Point du tout . Le jour qu'il a fini les derniers vers du cinquième acte, l'impératrice de toutes les Russies lui a envoyé une grande compilation de mémoires pour l'histoire de son père, et il y travaille douze heures par jour . Elle a accompagné cela de martre zibeline et des plus belles hermines avec une prodigieuse quantité de thé du roi de la Chine, qui est excellemment bon . Je voudrais bien que vous puissiez en venir prendre .

Nous sommes à merveille avec M . le duc de Choiseul, il vient de nous accorder une grâce bien flatteuse et qui, par la suite, peut me devenir bien avantageuse . La terre de Ferney que mon oncle a achetée sous mon nom est franche et quitte de tous droits en plus grande partie, lorsqu'elle est possédée par un Genevois . Cet accord a été fait par traité entre la France et Genève ; mais si elle passe en d'autres mains, elle perd son droit à jamais, et quand un Genevois la rachèterait, il ne pourrait plus la recouvrer . Le roi par un brevet signé de sa main nous a conservé ce droit ce qui rend cette terre bien plus facile à vendre si jamais je voulais m'en défaire . Cette grâce était difficile à obtenir . Mme la marquise et M. le duc de Choiseul nous ont donné dans cette occasion toute sorte de marques de bonté .

J'ai actuellement un grand plaisir, Mlle Fel est aux Délices avec tous ses jolis rossignols et passera quinze jours avec nous . C'est une fille aimable , indépendamment de son talent, et sa voix m'enchante . Le concert de Lyon l'avait fait venir, ce qui lui a valu plus de deux cents louis . Je l'ai engagée de venir nous voir ; elle donne trois concerts à Genève et nous lui ferons une souscription de cinquante louis . Je n'avait point entendu de bonne musique française depuis mon départ de Paris et j'en avais besoin .

Adieu, mon cher ami, ne vendez point votre jolie terre . Si jamais je revois ma patrie, il serait bien plus doux de passer les étés à trente lieues de Paris qu'à cent vingt . Pour lors je vendrais la mienne . Qui sait s'il ne prendra pas fantaisie à mon oncle dans sa vieillesse de retourner à Paris, et si nous ne l’engagerons pas à vous y aller voir . Si cependant vous aviez envie de vous en défaire, je garderais la mienne, et il faudrait bien que vous vinssiez nous y tenir compagnie, mais tout bien pesé, croyez que Paris vaut mieux que Genève . Écrivez-moi des lettres que je puisse montrer . Écrivez quelquefois aussi à mon oncle, je voudrais réchauffer en lui l'ancienne amitié qu’il a eue pour vous, sans paraître y prendre trop d'intérêt, et je voudrais l'engager à vous prier de lui-même de nous venir voir . Écrivez-lui, écrivez-moi, mais surtout conservez-moi votre amitié . Songez que la mienne vous est acquise pour jamais . Adieu, vous me faites regretter mon pays ; je me souviens toujours des moments où nous causions avec le grand abbé si librement et avec cette liberté et cette confiance qu'on ne retrouve qu'avec ses vrais amis. »

Les rapports de Mme Denis avec de Ruffey peuvent laisser penser qu'ils ont dépassé ceux de la simple amitié .

 

13/05/2014

Le président vient d'avoir à Bâle un procès avec une fille qui voulait être payée d'un enfant qu'il lui a fait . Plût à Dieu que je pusse avoir un tel procès

... Dans notre lignée de présidents de la république à la réputation d'hommes à succès (féminins, car pour le reste ...), je vous laisse trouver duquel il est question en titre . Ou pourrait être ! Porter un casque ne protège pas de tout accident .

 Futur gros titre de journal people ou retour vers des faits connus ? Allez savoir !

 En tout cas on retrouve ici l'expression d'un grand regret de Voltaire, n'avoir pas eu d'enfant .

 

 

 

« A Frédéric II, roi de Prusse

Aux Délices , le 27 mars 1759

Sire, je reçois la lettre dont Votre Majesté m'honore, écrite le 2 mars de la main de votre secrétaire 1, mon compagnon suisse,signée Fédéric . Il paraît que Votre Majesté n'avait pas encore reçu le petit monument qu'elle a voulu que je dressasse de mes faibles mains à votre adorable sœur . En voici donc une copie que je hasarde encore dans ce paquet ; je le recommande à Dieu, aux housards, et aux curieux qui ouvrent les lettres . Votre paquet que j'ai reçu avec votre lettre contenait votre ode au prince Henri, votre épître à milord Maréchal 2 et votre ode au prince Ferdinand 3. Il y a dans cette ode un certain endroit dont il n'appartient qu'à vous d'être l'auteur . Ce n'est pas assez d'avoir du génie pour écrire ainsi , il faut encore être à la tête de cent cinquante mille hommes .votre Majesté me dit dans sa lettre qu'il paraît que je ne désire que les brimborions dont vous me faites l'honneur de me parler 4.

Il est vrai qu'après plus de vingt ans d'attachement, vous auriez pu ne me pas ôter des marques qui n'ont d'autre prix à mes yeux que celui de la main qui me les avait données . Je ne pourrais même porter ces marques de mon ancien dévouement pour vous pendant la guerre ; mes terres sont en France ; il est vrai qu'elles sont sur la frontière de Suisse ; il est vrai même qu'elles sont entièrement libres et que je ne paye rien à la France ; mais enfin elles y sont situées. J'ai en France soixante mille livres de rente ; mon souverain m'a conservé par un brevet la place de gentilhomme ordinaire de sa chambre . Croyez très fermement que les marques de bonté et de justice que vous voulez me donner ne me toucheraient que parce que je vous ai toujours regardé comme un grand homme . Vous ne m'avez jamais connu .

Je ne vous demande point du tout les bagatelles dont vous croyez que j'ai tant d'envie ; je n'en veux point ; je ne voulais que votre bonté : je vous ai toujours dit vrai quand je vous ai dit que j'aurais voulu mourir auprès de vous .

Votre Majesté me traite comme le monde entier ; elle s'en moque quand elle dit que le président se meurt . Le président vient d'avoir à Bâle un procès avec une fille qui voulait être payée d'un enfant qu'il lui a fait . Plût à Dieu que je pusse avoir un tel procès ; j'en suis un peu loin ; j'ai été très malade, et je suis très vieux ; j'avoue que je suis très riche, très indépendant, très heureux ; mais vous manquez à mon bonheur, et je mourrai bientôt sans vous avoir vu ; vous ne vous en souciez guère, et je tâche de ne m'en point soucier . J'aime vos vers, votre prose, votre esprit , votre philosophie hardie et ferme . Je n'ai pu vivre sans vous, ni avec vous . Je ne parle point au roi, au héros, c'est l'affaire des souverains ; je parle à celui qui m'a enchanté, que j'ai aimé, et contre qui je suis toujours fâché . »

1 Catt .

2« Épître au maréchal Keith sur les vaines terreurs de la mort et les terreurs d'une autre vie »Cette épitre imitée de Lucrèce combat la thèse de la survie de l'âme .Voir : http://friedrich.uni-trier.de/de/oeuvresOctavo/10/194/

3 Ode satirique dirigée contre les Français ; sur l'exemplaire qu'avait V*, il nota « Ode du roi de Prusse dans lesquelles il y trois strophes terribles » Voir « Ode au prince Ferdinand de Bronswic sur la retraite des Français en 1758 « : http://books.google.fr/books?id=jc4TAAAAQAAJ&pg=PA115&lpg=PA115&dq=ode+au+prince+ferdinand+fr%C3%A9d%C3%A9ric+II&source=bl&ots=CcL3f-lqN5&sig=Q2mEnYiKt1p63RaI0EKVLUq_sHI&hl=fr&sa=X&ei=qUlyU7T5A_Da0QX6hoG4CA&ved=0CDYQ6AEwAQ#v=onepage&q=ode%20au%20prince%20ferdinand%20fr%C3%A9d%C3%A9ric%20II&f=false

4 Cette lettre est incontestablement une réponse à la lettre du 2 mars 1759 de Frédéric . Or telle qu'elle est connue , il n'y a rien sur les « brimborions » [clé de chambellan et croix] . Elle est donc certainement incomplète dans l'état où elle est conservée ; on peut en juger par l'importante lettre à d'Argental du 6 avril 1759 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/04/05/est-ce-l-infame-amour-propre-dont-on-ne-se-defait-jamais-bie.html

C'est une des preuves que l'édition de cette lettre par les éditeurs de Kehl et par Koser-Droysen repose, non sur le texte reçu par V*, mais sur quelque minute antérieure à l'état de la lettre envoyée . En revanche il a déjà été question des « brimborions » dans la lettre du 9 février 1759 à Frédéric II : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/03/03/je-vous-regarderai-sire-comme-le-plus-grand-homme-de-l-europ-5313056.html