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30/06/2014

Je veux peupler mes terres d'hommes et de perdrix

... Des perdrix, peu . Des hommes, prou . Je dirai même de perdrix, nenni, d'hommes , à renoncion , de nos jours en ce pays de Gex qui doit une part de son développement à ce Patriarche génial, Voltaire .

Mais la gallinette cendrée et sa cousine perdrix n'ont aucune chance de réapparaitre ici .

 Danger !!

 galinette cendrée.jpg

 

 

« A Jean-Robert Tronchin

16 mai [1759]

On a établi en Italie une académie de lésine 1 dont les statuts sont très plaisants . Je me fais mon cher ami membre de cette académie . Votre lettre silhouettique opère . Vos conseils seront suivis . Plus de marché de seize ou 17 mille livres courant ; je rogne tout, et même les galons . En voici les dimensions . Ce qui est cramoisi sera vert, et ces losanges 2 plus petites, et tout est dit, et surtout bon marché . Quarante sous l'aune s'il se peut, et au dessous, 150 aunes de Lyon suffiront . Boutons d'étain, galons unis pour chapeaux et sans deux envers, et le tout suivant les règles de l'académie de lésine; ainsi pour juments 3 de charrette, carrosse et charrue . À votre loisir, mon cher monsieur .

Votre honteux serviteur se réforme sur tout excepté sur la casse, car il veut obéir à tous les Tronchin, et ne prétend point négliger l'un pour plaire à l'autre .

La cavalcade des croupiers et croupières est fort plaisante . Dieu veuille que les peuples ne fournissent pas leur foin et leur paille à tous ces chevaux !

Voici une affaire qui après la casse est tout ce que nous avons de plus important . M. le duc de La Vallière m'envoya des œufs de perdrix, à votre adresse par la diligence de Lyon, mon cher correspondant . Entendez-vous ? des œufs de perdrix ; nous n'avons aux Délices que des colimaçons, aux domaines de Tournay, Ferney, Choudens 4, Deodati 5, Poncet 6, Burdet 7, etc., que des renards, des loups et des curés . Je veux peupler mes terres d'hommes et de perdrix . Envoyez-moi mon cher ami la petite caisse des œufs . Mes poules couveuses les attendent.

Votre très humble obéissant serviteur .

V.

Autre incident . La dame Eustache, marchande de toile à Rouen, qui prétend n'avoir été payée pour ses ballots de toile à vous adressés, et à moi parvenus, doit tirer sur vous 1000 livres et envoyer son compte . Bonsoir. L'homme aux minuties embrasse l'homme aux grandes affaires . »

1 Le mot de lésine désignait primitivement une alêne de cordonnier . Le sens dérivé de parcimonier vient des statuts d'une « Compagnie de lésine » fondée à Florence vers la fin du XVIè siècle . Elle était formée de pauvres qui raccommodaient eux-mêmes leurs souliers, ce qui nécessitait l'emploi d'une lésine .

2 Ce mot était déjà en train de passer au masculin à l'époque .

3 V* a d'abord écrit chevaux, rayé .

4 Jacques-Louis de Choudens avait aussi vendu à V* une propriété à Colovrex . L'incertitude des titres de propriété devait avoir de fâcheuses conséquences ; voir lettre du 24 décembre 1759 à Joseph-Marie Balleidier, du 3 avril 1760 à Bordier, du 25 avril 1760 à François de Bussy, du 7 mai 1760 à François Tronchin .

6 Il peut s'agir de Claude Poncet qu'on retrouvera par la suite ; voir lettre du 14 mars 1760 à Ami Camp

7 Pour cette acquisition, on trouvera plus loin des lettres la concernant .

29/06/2014

Si on ne m'aide pas on aura grand tort . Et pour m'aider il faut me laisser faire . Si tous les possesseurs de terres en usaient comme moi, l’État s'en trouverait mieux

... Liberté d'entreprise, l'idée n'est pas nouvelle, on est loin des contraintes administratives et des subventions de toutes sortes . Le bâton répressif réglementaire et/ou financier est de plus en plus employé , hélas . Ce qui ouvre la porte à de nouvelles formes de fraudes, du détournement de subventions au cheval qui meugle sans oublier le Bordeaux au Canard WC . Quel merveilleux bénéfice pour l'Etat !

 En attendant qu'on me laisse faire, reprenons des forces

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« A François de Bussy 1

L'oncle et la nièce, monsieur, sont enchantés de vos bontés . Nous aimons les négociations autant que nous craignons les intendants . Si vous avez le temps de lire notre mémoire nous le recommandons à votre esprit trancheur de petites difficultés et à votre cœur bienfaisant . Nous présentons nos humbles et très inutiles actions de grâce , mais tendres et sincères à M. le duc de Choiseul . Ni lui ni vous qui songez à l'Europe, ne savez ce que c'est que de faire valoir au milieu des renards, des loups et des neiges des Alpes, des terres qui manquent d'habitants, où l'on ne connait point l'argent de France, où l'on parle le patois de Charlemagne et où les fermiers généraux entretiennent encore quatre-vingt-quatre commis, ce qui est à peu près le nombre de mes sujets . Ils font bonne chère ; et mes paysans ont les écrouelles, les hommes ont la moitié d'une culotte, et les femmes la moitié d'une chemise . Je peuple le pays de Suisses, j'y établis un haras du roi . Je mets hommes, chevaux, boeufs et moutons dans un pays où il n'y avait que des glaces, des ronces et deux curés . Si on ne m'aide pas on aura grand tort . Et pour m'aider il faut me laisser faire . Si tous les possesseurs de terres en usaient comme moi, l’État s'en trouverait mieux . Absit vanitas 2, ma terre de Ferney était autrefois souveraine, je ne demande qu'à être laboureur et meunier . Je compte sur la protection de M. le duc de Choiseul, sans quoi je me serai ruiné à faire du bien . Prenez mon cher négociateur cette affaire à cœur je vous en conjure . J'espère qu'enfin toutes les vôtres réussiront .

Remerciement, attachement, reconnaissance de la part de votre très humble et très obéissant serviteur.

V. Suisse.

Aux Délices 16 mai [1759] »

1 Le manuscrit porte les mentions « à M. de Bussy » et « M. de Voltaire R[épon]du le 28 mai 1759 » ; Mme Denis envoie le même jour elle aussi un mot .Voir lettre du 18 avril 1759 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/06/11/vous-avez-toujours-aime-les-femmes-comme-disait-le-cardinal.html

et aussi : http://edl.revues.org/268#ftn27

2 Sans vanité .

28/06/2014

la queue de Socrate . Puisse cet ouvrage faire trembler les fanatiques !

...

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Socrate est-il nul en calcul mental pour devoir compter sur ses doigts ?

 

 

 

 

« A Gabriel Cramer

[mai 1759]

Cher Gabriel n'auriez-vous rien sur les cosaques ? Pourriez-vous me trouver les voyages de Corneille Lebruin 1? Ces deux petits secours me sont absolument nécessaires .

Je vous envoie la queue de Socrate 2. Puisse cet ouvrage faire trembler les fanatiques ! Envoyez-moi je vous prie au plus tôt un exemplaire . »

1 Cornélis de Bruyn, Reizen, 1714 ; V* avait dans sa bibliothèqyue de Ferney l'édition de Rouen de la traduction, sous le titre Voyage au Levant . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Cornelis_de_Bruijn

et : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b23007623

et : http://books.google.fr/books?id=FXThLMSphYAC&printsec...

2 Socrate était imprimé le 20 juin 1759 et le composition de l'Histoire de l'empire de Russie commença vers la même époque, d'où la date proposée pour cette lettre .

 

27/06/2014

On applaudit aujourd'hui aux opérations de finances, mais quand les bourgeois de Paris et de Lyon se verront obligés de payer la taille vous verrez qu'ils jetteront les hauts cris

... C'est un cri universel et qui a franchi les siècles jusqu'à nos jours , à l'égal du Big bang . En attendant le Big crunch .

 

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 Pousser de très hauts cris

 

« A Jean-Robert Tronchin

à Lyon

12 mai 1759 aux Délices

Vraiment, monsieur, il ne s'agit point ici de bagatelles . Il n'y [est] point question d'environ deux ou trois cent mille malheureux francs de France, ni de nouveaux domaines à payer . Il s'agit de casse ; vingt livres de casse sont un objet plus important pour moi que vingt mille livres d'annuités ou de billets de loterie ; je me plaindrai à M. Tronchin le docteur, il lavera furieusement la tête de l'infâme droguiste qui a envoyé des bâtons de casse vides et pourris . De bonne casse est bonne, dit Molière 1, mais de mauvaise casse est une chose affreuse . N'allez pas croire au moins mon cher ami que je m'en prenne à vous, je vous rends trop justice ; je sais bien que vous ne vous connaissez point en casse aussi bien que moi, je sens avec joie ce petit avantage que j'ai sur vous .

À l'égard des juments dont j'ai eu l'honneur de vous parler, je vous réitère ma très humble prière, attendu que je ne ferai jamais de reproche à votre marchand de chevaux, comme j'en fais à votre apothicaire ; je ne suis point pressé de mes deux juments, elles seront bien reçues en mai, en juin, en juillet, en quelque temps qu'elles viennent, et quand elles arriveront bridées, embouchées, avec harnais de carrosse et harnais de trait, elles seront mieux reçues encore, le tout à votre commodité, mon cher monsieur, et à condition que vous m'avouerez que je suis le plus fatigant de tous les correspondants ; on dit que la grande affaire du petit Boudon ne va pas trop bien . On applaudit aujourd'hui aux opérations de finances, mais quand les bourgeois de Paris et de Lyon se verront obligés de payer la taille vous verrez qu'ils jetteront les hauts cris .

Le roi de Prusse me mande du 22 avril qu'il croit avoir ruiné les projets des Autrichiens pour toute la campagne 2. Il y a grande apparence qu’en effet on leur a détruit d'immenses magasins .

Les colimaçons détruisent tout aux Délices . Les rois et limaçons font grand mal cette année .

Je vous embrasse .

V. »

1 Dans Le Malade imaginaire , ac. III, sc, 1 ; http://www.toutmoliere.net/acte-3,405452.html

 

26/06/2014

c'est assurément le plus grand général d'armée de l'Europe , j’aimerais mieux qu'il en fût le pacificateur

... Pacificateur version US ? Comptez vos abattis et planquez-vous, ça va péter tous azimuts !

 

Le-Pacificateur.jpg

 

 Nespresso ! on ne dira jamais assez le mal qu'il peut faire

 

 

« A Élie Bertrand

premier pasteur de l’Église française

à Berne

12 mai [1759] aux Délices

Je suis devenu un peu paresseux depuis quelque temps mon cher ami, je ne vous ai point informé que j'avais envoyé votre lettre à l'abbé Pernetti 1; je ne vous ai point dit non plus combien l'Académie de Lyon est flattée de vous avoir parmi ses membres, et à quel point on a été content de tout ce que vous avez envoyé ; vous devez avoir reçu des nouvelles des libraires de l'Encyclopédie, l'édition de l'ouvrage qui pourtant se fera un jour, rencontre aujourd'hui bien des difficultés ; l'affaire des protestants entreprise par Boudon 2 n'en rencontre pas moins ; je crois que les Autrichiens essuient encore plus de difficultés avec le roi de Prusse, il m'écrit du 22 avril 3 qu'il a dérangé tous leurs projets de campagne sans sortir de sa place . Si cela est c'est assurément le plus grand général d'armée de l'Europe , j’aimerais mieux qu'il en fût le pacificateur ; adieu mon cher philosophe, mille tendres respects à M. et Mme de Freudenreickh .

Je vous embrasse .

V. »

 

25/06/2014

Il est bon d'avoir des terres mais il faut aussi avoir des chausses

...

chausses.jpg

http://valdaspe.free.fr/spip.php?article8

 

 

« A Jean-Robert Tronchin

10 mai [1759]

Le bonhomme patriarche du pays de Gex voit, mon cher correspondant, qu'il a plus de bœufs, de vaches et de moutons que vous n'avez à lui de sacs de mille livres .

Non seulement vous avez donné pour l'achat de ma terre promise

162 150 £

mais vous m'avez encore envoyé

24000

et en paiements à M. Cathala et en fournitures vous aurez à vue dépensé à peu près diverses fois

 

10000

ce qui joint à la traite sur le baron

90000

fait environ

286 150 £

 

Cela posé je ne vois pas trop comment je pourrais demander encore environ trente-deux mille livres pour arrondir mon domaine patriarcal . Il me semble qu'il ne me resterait rien ou presque rien . Il est bon d'avoir des terres mais il  faut aussi avoir des chausses . J'attendrai jusqu'à la fin du mois pour recevoir vos avis et pour me déterminer . En attendant je me borne à donner des chausses à mes gens , et des galons unis et peu chers à leurs chapeaux, mode à mon gré très impertinente . Si leurs boutons pouvaient être de drap, je crois que cela serait moins cher que du cuivre . Pour leurs galons en voilà la dimension . Je voulais m'adresser à Turin mais je donne la préférence à Lyon puisque vous y êtes , et je n'ai recours qu'à vous . Il faut bien me soumettre à vos volontés .

Vos Délices sont charmantes, la terrasse sur votre grand chemin de Lyon augmentera le prix de cette retraite . Il ne faut pas dire que le terrain est maudit de Dieu . Il l'est terriblement . Je crois que les cendres de Servet volèrent dans le potager et le rendirent stérile .

Mme Denis et moi nous vous renouvelons les plus tendres et le plus sincères amitiés .

V. »

 

24/06/2014

Tout est horriblement cher à Genève

... Pour vous en convaincre, allez-y, et vous comprendrez pourquoi on trouve une foule de voitures immatriculées CH sur les parkings des supermarchés de la zone frontalière française, que ce soit au pays de Gex ou du côté haut-savoyard d'Annemasse .

Essayez aussi de vous loger en étant Smicard français dans cette même zone frontalière, face au SMIC genevois qui tourne autour de 3200€, et vous saurez ce qu'est le pouvoir d'achat suisse qui fait que les loyers ont des allures parisiennes copiées sur les genevoises , on atteint des sommets effarants , les propriétaires français ne manquant pas de profiter de l'aubaine .

Point d'argent, point de Suisse

 

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 Genevois type;  selon tous les autres cantons, ce sont des "grandes gueules"

 

« A Jean-Robert Tronchin

à Lyon

Délices 7 mai [1759]

Sur votre lettre d'hier, mon cher correspondant, je vois, et Mme Denis voit, que vous joignez à vos connaissances celle d’habiller toute une maison . N'avez-vous jamais fait de fourniture pour les troupes? vous parlez à merveilles . Faites pour le mieux et au meilleur marché pour douze domestiques . Tout est horriblement cher à Genève .

Le roi de Prusse m'écrit aujourd’hui de Landshutt, 18è avril 1 . Mais il doit s'être passé quelque chose depuis .

Ne fait-on pas des galons à Lyon pour livrée ? Bonjour, la poste part .

V. »

1 Où Frédéric II conclut : « Si les vers paraissent que je vous ai envoyés, je n'en accuserai que vous . Votre lettre prélude sur le bel usage que vous en voulez faire ; mais c'est de quoi je m'embarrasse très peu . » Voir page 78 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f90.image.r=frederic