07/05/2014
J'ai trois terres, et trois procès au conseil ; tout cela m'amuse
... Heureuse nature que celle de Voltaire qui contre mauvaise fortune fait bon coeur .
http://www.terrededance.com/#!Processus-de-cr%C3%A9ation-de-lAuto-Portrait/c1qr3/1
[un peu ésotérique, mais bast, il est des sites plus désagréables ou sectaires ]
« A Sébastien DUPONT
Le conseil soussigné est toujours d'avis qu'il faut porter la Goll et les Goll à s'accommoder; que M. Dupont peut avoir des occasions de leur parler, et de les faire trembler sur l'événement du procès ; que, pendant la guerre, il ne sera pas permis d'attaquer M. le prince de Beauffremont, et qu'après la paix il sera très- dangereux de l'attaquer. Ledit conseil se fera fort de faire donner cinquante louis à M. Dupont, par le prince, pour ses peines ; il faut que les Goll en donnent autant ; nous les amènerons là, ou je ne pourrai, car je veux que mon ami. ait cent louis d'or de cette affaire, et que tout soit fini. J'ai trois terres, et trois procès au conseil ; tout cela m'amuse.
Je ne connais point de traité sur l'optimisme, mais une espèce de petit roman du chevalier de Mouy 1, intitulé Candide, ou l'Optimisme. Je l'adresse avec cette lettre à M. Dupont, par le canal de M. Defresnay 2. Le prêtre de Belzébuth 3 qui s'enivre avec des jésuites pourra peut-être être assez ivre pour écrire contre ce roman, avec l'aide du recteur allemand 4. Ce recteur d'ailleurs est le plus impudent personnage, et le plus sot cuistre de l'Europe.
Mille compliments à Mme Dupont ; le conseil embrasse tous les petits enfants.
V.
Au château de Tournay par Genève, 24è mars 1759.»
1Mouhy , Voltaire l'avait, en 1738, chargé de l'impression du Préservatif; voir tome XXII, page 371. : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113389/f381.image
2Fils de la directrice des postes de Strasbourg; une lettre de Voltaire, du 18 juin 1764, lui est adressée.
3 Guillaume Rinck von Baldenstein, prince-évêque de Bâle, voir lettre du 14 février 1754 à Marc-Pierre de Voyer, comte d'Argenson :
et du même jour à Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/02/24/quelques-justes-haussent-les-epaules-et-se-taisent.html
Voir aussi : http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F17054.php
4Kroust, frère du jésuite qui confessait encore à cette époque madame la dauphine. Voir lettre du 7 janvier 1755 à Dupont : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/11/05/j-ai-peur-que-les-places-d-alsace-ne-dependent-des-dames-de.html
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06/05/2014
il faut se contenter de penser pour soi, et laisser là le public qui ne mérite pas d'être instruit
...
Le public me laisse de marbre, si j'ose dire !
« A Élie Bertrand
J'enverrai, mon cher ami, votre amiante 1 à l'Académie de Lyon ; j'aurais voulu quelque chose d'un peu plus piquant, et dont le sujet eût donné plus d'exercice à votre esprit philosophique : envoyez-moi encore quelques petits morceaux afin de faire une cargaison honnête .
Je crois que l'Encyclopédie se continuera, mais probablement elle finira encore plus mal qu'elle n'a commencé , et ce ne sera jamais qu'un gros fatras . J'ai eu la complaisance d'y travailler lorsqu’il y avait encore un peu de liberté dans la littérature ; mais puisque les assassins des rois coupent les ongles aux gens de lettres 2 il faut se contenter de penser pour soi, et laisser là le public qui ne mérite pas d'être instruit .
Je crois les sottises lausannoises tout à fait finies . Mes sentiments pour vous et pour M. et Mme de Freudenreick ne finiront qu'avec ma vie .
La moitié de Genève sortit hier de la ville pour accompagner deux voleurs 3, l'autre moitié va à Lyon pour voir passer des rois 4. Cela est peu philosophe .
V.
21mars [1759] »
1 Il s'agit sans doute du manuscrit de la Dissertatio de amianto parue à Berne en 17560 . http://search.books2ebooks.eu/Record/nb_vtls000642827
2 On retrouvera cette formule retournée pour s'appliquer à la censure et à l'inquisition, notamment dans l'Eloge historique de la raison, composé vers 1774 ; voir : http://fr.wikisource.org/wiki/%C3%89loge_historique_de_la_raison
3 Les frères Pignatelli dont on a déjà parlé, par exemple dans le lettre du 31 décembre 1758 à François Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/01/19/j-apprends-que-m-tronchin-est-bien-empeche-avec-les-voleurs-5275932.html
4 Louis XV fit un voyage à Lyon destiné à lui faire rencontrer sa fille Marie-Louise-Elisabeth, femme de Philippe, duc de Parme, fils de Philippe V d'Espagne . La princesse mourra de la petit vérole à Versailles le 6 décembre 1759 .
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05/05/2014
la plupart vous viennent du pays des Cévennes où il y a beaucoup de fous ; ils se sont mis ici à être sots ; et ils finiraient par être méchants si on les laissait faire
... Aïe ! avec un tel choix de titre je ne vais pas me faire que des amis . J'ai seulement en tête le fait que nombre de Cévenols, suite à une lourde hérédité [sic] ont embrassé la carrière politique, sont allés dans la capitale ou à Strasbourg, et qu'il ne me déplait pas de les titiller en détournant un tantisoi une déclaration de Voltaire qui lui pensait aux fous de Dieu . D'autres régions auraient fait aussi bien l'affaire, je ne suis pas sectaire, et si vous voulez être cités à ce tableau de chasse, manifestez-vous , dénoncez votre région la plus détestée !
« A François-Louis Allamand 1
pasteur
par Vevey
à Bex
Je vous ai envoyé, monsieur, un paquet de sottises qui doit vous être venu par Lausanne ; mais j’aurais bien de la peine à en faire autant que maints de vos confrères en ont fait cette année ; je leur ai un peu fait donner sur les doigts ; mais il faudrait les leur couper pour les empêcher d'écrire leurs impertinences ; il est vrai que la plupart vous viennent du pays des Cévennes où il y a beaucoup de fous ; ils se sont mis ici à être sots ; et ils finiraient par être méchants si on les laissait faire ; votre style est si éloigné de celui de ces gens-là qu'il ne semble pas que vous soyez de leur métier ; mais puisque vous avez le malheur d'en être, oubliez-le toujours avec moi ; je ne vous connais que par vos lettres, si votre conversation est aussi aimable qu'elles, venez me voir , méprisez votre profession tant que vous pourrez ; faites votre devoir tellement quellement et dites toujours du bien de monsieur le prieur 2. C'est le conseil de Rabelais qui valait mieux que tous les prêtres de son temps et du nôtre ; je vous embrasse philosophiquement .
V.
Au château de Tournay par Genève 21 mars [1759] »
2 V* a écrit un essai intitulé Ce qu'on ne fait pas et ce qu'on pourrait faire (composé au plus tard en 1742) commençant ainsi : « Laisser aller le monde comme il va, faire son devoir tellement quellement, et dire toujours du bien de monsieur le prieur, est une ancienne maxime de moine . » C'est une formule proverbiale . Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-opuscule-ce-qu-on-ne-fait-pas-100400717.html
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04/05/2014
Je ne sais pas ce qu’il faut précisément d'argent pour faire ce compte, parce que le prix de l’argent change tous les jours
... Dis-je à la boulangère qui me demandait encore une fois de faire l'appoint en payant une misérable baguette 95 centimes alors qu'elle est à 55 centimes et meilleure au super marché du coin .
« A David Duval
[16 mars 1759 ?] 1
Cela coûte à Paris 3 livres, c'est-à-dire deux tiers moins .
J'ai donné 18 livres de France, et je consens d'en donner 18000 si à Lyon je n'en fais pas faire autant à quatre francs pièce . Je paye à Genève un tiers en sus . »
1 Edition Jean Martin « Voltaire et son passementier », Journal de Genève 11 février 1924 . Sur cette facture est écrite cette note : « 1759/
Monsieur de Voltaire doit à Duval fils remis à M. du Mas, février, 3. 3 armoiries brodées en or et argent à 6 livres pièce : £18
Pour acquit Genève le 16è mars 1759
Pour Duval fils
Téron »
« A David Duval
[vers le 20 mars 1759]1
Quand on a des bois et du gibier à garder il faut des gardes, quand on a des gardes il faut des bandolières . Les armoiries des bandolières coutent quatre livres à Paris, les plus ornées avec supports coûtent six livres . Comme les livres de France sont de deux cinquièmes moins fortes que celles de Genève, je conçois qu'on paye ici deux cinquièmes de plus . J'envoie donc 18 livres de Genève . Je ne sais pas ce qu’il faut précisément d'argent pour faire ce compte, parce que le prix de l’argent change tous les jours . M. Duval aura la bonté de faire le compte . J'ai donné 30 livres de France au porteur . »
1Voir « Voltaire et son passementier », Journal de Genève du 11 février 1924 . Le billet répond à une demande de Duval du 19 au verso duquel il figure .
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03/05/2014
Mes ouvriers me ruinent, il leur faut de l'argent tous les jours et je n'en ai point
... Dit un grand patron du MEDEF avant de s'offrir un jet privé ! Je ne citerai pas de nom, l'actualité économique n'étant pas avare de tels exemples ; j'ai mis patron MEDEF, mais ce discours ne connait pas de frontières .
Voltaire, lui, secoue les puces d'un de ses banquiers pour assurer la paye . Notons que Voltaire , tout comme vous et moi (d'aileurs plutôt moi), se heurte à cette redoutable et immémoriale mauvaise volonté du banquier à laisser sortir l'argent qu'on lui a confié . Il est bien évident que je n'embrasse pas mon banquier, fut-il/elle de toute beauté !
« A Jean de Türckheim
[vers le 17 mars 1759]
On a recours à ses amis dans l'occasion . Monsieur, pouvez-vous m'empêcher d'abandonner une pauvre petite maison que je fais bâtir ? Mes ouvriers me ruinent, il leur faut de l'argent tous les jours et je n'en ai point . Vous serait-il si difficile de me faire avoir une lettre de change de quatorze mille soixante et deux livres ? c'est je crois mon compte au 1er avril . Ou voulez-vous permettre que j'en tire une sur vous ? j'en ai un besoin un peu pressant, je suis une terre aride qu'il faut arroser tous les six mois, mais cette fois-ci je meurs de sécheresse , je me recommande à vos bontés et je vous embrasse de tout mon cœur . »
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02/05/2014
Quelque opération qu'on imagine il faut que le peuple la paye
... Nous voici prévenus, Voltaire est tout à fait lucide, tous les hommes politiques qui essayent de nous enfumer devraient bien économiser leur salive, et nos impôts par la même occasion .
« A François de Chennevières
Mon cher correspondant, je me suis toujours bien douté que les six cents millions étaient des Mille et Une nuits . Quelque opération qu'on imagine il faut que le peuple la paye . Vous faites toujours de jolis vers . Apparemment que vous ne payez rien . Je prends la liberté de vous recommander les deux lettres ci-jointes . Vous me voyez en commerce avec un avocat au conseil . Qui terre a , guerre a, et qui plume a, aussi . Mes respects à la sœur du pot 1.
17 mars [1759] »
1 La duchesse d'Aiguillon , elle était au chevet de Montesquieu , mort le 10 février 1755, et demanda à V* une épitaphe , qui ne la fit pas ; les « sœurs du pot » sont des religieuses qui vivent en communauté et soignent les malades . Voir aussi lettre à Thieriot du 27 février 1755 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/06/28/on-a-oublie-tout-net-les-petits-appartements-commodes-pour-l.html
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01/05/2014
Vous verrez ... que le temps se consume en frais, et que chaque moment accumule les intérêts que les banques exigent
... Ce n'est que trop vrai, et les dettes de la France en sont un monumental exemple à ne pas suivre . 50 milliards d'économie à faire ,OK, rien à redire , on n'a pas le choix, et comme le dit si bien Voltaire " il faut vouloir ce qu'on ne peut éviter" .
Mais, dans toute la mesure du possible, que le fisc et mon banquier cessent de vouloir me faire les poches .
« Au baron Heinrich Anton von Beckers
Au château de Tournay
par Genève, pays de Gex 16 mars 1759
Monsieur, quoique vous ayez bien des occupations, je suis pourtant obligé de vous importuner . Vous verrez par le mémoire ci-joint 1 le tort qu'on me fait dans votre absence de Manheim . J'envoie à Manheim pareil mémoire à M. eɛb Dhoir [sic] . C'est ainsi que signe celui qui m'écrit sans me donner d'autre renseignement . Je suis persuadé, monsieur, qu'un mot de votre excellence mettra fin à toutes les difficultés . J'attends tout de votre équité, de vos promesses, de celles de Son altesse Électorale, et de la bonté dont vous m'honorez . Vous verrez, monsieur, par mon mémoire très exact et très détaillé, que le temps se consume en frais, et que chaque moment accumule les intérêts que les banques exigent . Votre Excellence est occupée de plus grandes affaires dans lesquelles je lui souhaite tout le succès qui a toujours secondé vos négociations . Pour moi je suis sûr du succès de la petite prière que je vous fais . Et j'espère vous venir remercier à Shwetzingen au milieu de l'été . Je conserverai toute ma vie les sentiments respectueux d'attachement et de reconnaissance avec lesquels j'ai l'honneur d'être,
monsieur,de Votre Excellence
le très humble et très obéissant serviteur,
Voltaire. »
1 « Au département des finances du Palatinat
Lorsque j'eus l'honneur de placer 130 000 livres argent de France sur les caisses de Son Altesse Sérénissime Électorale, elle eut la bonté de vouloir bien permettre que je fusse toujours payé des arrérages en argent de France, et M. le baron de Beckers en conséquence m'a toujours fait toucher mon revenu aux termes accoutumés du 1er juillet et du 1er janvier sans aucune diminution et par les dernières lettres que j'eus l'honneur de recevoir de lui avant son départ pour Paris, il daigna me confirmer les intentions de Son Altesse Électorale, et m'assurer que je serais toujours payé sans supporter aucun frais de change, de différence d'espèces, ni de retardement de la part des banquiers .
C'est sur ce pied que j'ai toujours été payé, et c'est ainsi qu'en use avec moi la chambre des finances de M . le duc de Virtemberg qui a daigné passer avec moi la même transaction .
Cette bonté de Son Altesse Sérénissime Électorale Mgr l’Électeur Palatin est d'autant plus juste que quand je donnai mon capital de 130 000 livres je supportai tous les frais du change, et de la remise, et au lieu de débourser cent trente mille livres, je payai 130 389 livres 8 s., comme il est porté sur les registres des banquiers de Lyon J.-R. Tronchin et Camp, et comme ils me l'ont porté en compte le 12 août 1757, ce qui est aisé à vérifier, et ce que je certifie . Outre ces 130 389 livres il faut compter la commission ordinaire qui est de 1/2 %, 652 livres . Ainsi je déboursai de capital 131 041 £ 18 s.
C'est donc en vertu de ce déboursé de 1041 livres 18 s. de capital par-delà la somme principale de 130 000 livres stipulée, que, je suis fondé à demander à la chambre des finances, qu'elle veuille bien supporter les frais du paiement de mon revenu , comme j'ai supporté les frais du paiement du capital .
Je ne suis pas moins fondé en vertu de la bonté et de l'équité de Son Altesse Sérénissime Électorale et des promesses positives de M. le baron de Beckers .
Je n'ai rien reçu de trop l'année passée, parce qu'étant à la cour de Son Altesse Sérénissime Électorale je fus payé en louis d'or au cours du jour ; ce fut M. le baron de Beckers qui eût la bonté , et la politesse de m'apporter cet argent lui-même . Il n'y a pas d'apparence qu'il se soit trompé, ni que j'aie voulu recevoir plus qu'il ne m'est dû .
Au terme échu cette année 1759 au 1er janvier, j'ai eu besoin d'argent, et en conséquence des lettres de M. le baron de Beckers, j'ai pris la demi-année échue, chez Bontemps, banquier de Genève, correspondant de Finguerlin et Stolzemberg à Francfort . Le sieur Bontemps m'a compté 6500 livres de France , le 13 janvier, et les dits Finguerlin et Stolzemberg ne les ont point payées . Le banquier Bontemps exige les intérêts de cette somme par lui avancée ; et aujourd'hui il m'envoie un compte de 6672 £ 5 s., compte qui augmentera tous les jours, si messieurs de la chambre des fiances n'ordonnent aux banquiers de Francfort de payer les 6672 £ 5S. argent de France au banquier Bontemps de Genève .
Je ne doute pas que ma requête très claire, et très juste ne soit favorablement écoutée, et je supplie Messieurs de la chambre d'avoir la bonté d'ordonner qu'à l’avenir je sois payé de six mois en six mois sans frais de la somme de 6500 livres de France aux termes ordonnés du 1er juillet et 1er janvier, et en conséquence je donne ici ma quittance .
J'ai reçu de M. Bontemps, banquier de Genève, la somme de 6500 livres de France, à la décharge de la chambre des fiances de Son Altesse Sérénissime Mgr l’Électeur Palatin pour les derniers six mois de l'année 1758, de la rente de 130 00 livres argent de France, que Mgr l’Électeur a bien voulu me constituer .
Voltaire.
Fait au château de Tournay 17 mars 1759. »
Cette lettre du 17 mars 1759 fut nommée mémoire par Voltaire . Le 24 mars , l'Electeur palatin ordonna à la Caisse générale de payer correctement V*, ce qui fut fait, et même avec un certain excédent .
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