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30/04/2014

Quel Tronchin aurons-nous aujourd'hui à Tournay à quatre heures ?

... Quelle tronche ai-je eu aujourd'hui à quatre heures ?

Du mat' ? Décalquée sur l'oreiller .

De l'aprè'm ? les yeux bien en face des trous .

Et demain ? va savoir ! 

Sim_tronche.jpg

 

 

« A François Tronchin

conseiller d'Etat

à Genève

Quel Tronchin aurons-nous aujourd'hui à Tournay à quatre heures ?

Ce mardi [vers mars 1759] »

 

29/04/2014

c’est une très mauvaise politique à MM. les magistrats de Genève de souffrir que les domestiques leurs fassent la loi . Ce n'est pas le moyen de plaire au peuple, mais d'être écrasés par le peuple

... Oignez le vilain , il vous poindra, poignez le vilain , il vous oindra .

 Rassurez-vous, -s'il en est besoin,- les magistrats de Genève n'ont guère de mansuétude pour le peuple de nos jours, ni eux ni ceux des autres pays de notre globe .

Mais, nom de nom, depuis quand est-ce le peuple qui fait la loi ? 1789 ? vous voulez rire , ça se saurait ! Quand les députés et ministres auront des rétributions raisonnables et pas plus d'avantages (dispendieux et à mes yeux hors la loi) que vous et moi, alors, peut-être pourra-t-on parler de représentants du peuple .

Plaire au peuple ? quelle drôle d'idée !

 plaire au peuple.jpg

 

 

« A Jean Vasserot de Châteauvieux

[mars 1759 ?] 1

Voici le fait .

Le nommé Bourgeois, engagé à Lausanne pour jardinier 2 sous la convention expresse que je le renverrais si je n’étais pas content de lui, convention dont je peux faire serment, a été non seulement surpris par Mlle Maton vendant les légumes de mon jardin, mais a causé mille scandales dans ma maison, n'a jamais travaillé, et a bu le vin de Bourgogne qu'on a volé à M. le professeur Pictet . On l'a chassé . Il mérite punition, et c’est une très mauvaise politique à MM. les magistrats de Genève de souffrir que les domestiques leurs fassent la loi . Ce n'est pas le moyen de plaire au peuple, mais d'être écrasés par le peuple . Cette ville est peut-être la seule au monde, où les domestiques soient les maîtres . Si le nommé Bourgeois s'était ainsi conduit à Tournay ou à Ferney, je l'aurais fait mettre au cachot . Je déteste le despotisme mais il faut subordination et justice . Voilà mon code .

Maintenant je vous supplie , mon cher monsieur, de [voul]oir bien me dire comment il faut [ ] un jardinier [ ] qui est huit jours entiers sans travailler . Peut-on alors présenter requête contre lui ? et demander permission de le renvoyer poliment ?

Au reste , monsieur, Mlle Maton non seulement 3 a pris le jardinier en question en flagrant délit de vol domestique, mais Mlle Genou, étrangère, y était présente . Elle est à Paris . Nous ferons venir sa déposition par devant notaire .

Il est d'une extrême conséquence, dans une grosse maison, de n'être pas l'esclave de ceux qui sont à nos gages .

J'attends vos ordres et votre avis . Submisse 4.

V.

A l'égard de Chouet il a le vin fripon 5. »

1 Le manuscrit est gravement endommagé .

2 V* a d'abord écrit « domestique ».

3 « non seulement » est ajouté au dessus de la ligne .

4 Humblement .

 

28/04/2014

Il serait bon que cet écrit fut signé

...

signature voltaire.jpg

 

« A Jean-Louis Labat, baron de Grandcour

[mars 1759 ?]

Je supplie notre cher baron de vouloir bien me faire tenir un double du compte de M. Bontemps, et d'avoir la bonté d'ajouter ce qu'il doit en coûter pour l'intérêt du retardement de la cour palatine . Il serait bon que cet écrit fut signé de M. Bontemps afin que je l'envoie au sérénissime électoral .

Je serai très obligé à mon cher baron . »

 

 

 

« A Jean-Louis Labat, baron de Grandcour

[mars 1759 ?]

Monsieur le baron de Grandcour est très instamment supplié de vouloir bien ne pas oublier le petit compte de M. Bontemps . Si je l'avais eu aujourd’hui, je l'aurais envoyé à la cour de Manheim. »

 

 

27/04/2014

C'est l'éternité à venir qui fait l'optimisme, et non le moment présent

... Qui, lui, incite fermement au pessimisme sur presque tous les fronts . Mais au diable l'éternité de possible possible félicité selon  la "justice " divine , je préfère un présent agréable avec les humains sur cette terre .

 L'optimisme , c'est croire aux pommes qui viendront immanquablement

 DSCF6098 futures pommes.png

 

« A Jacob Vernes

[vers le 15 mars 1759]

J'ai lu enfin Candide . Il faut avoir perdu l'esprit pour m'attribuer cette coïonnerie . J'ai, Dieu merci, de meilleures occupations . Si je pouvais excuser jamais l'inquisition , je pardonnerais aux inquisiteurs du Portugal d'avoir pendu le raisonneur Pangloss pour avoir soutenu l'optimisme . En effet cet optimisme détruit visiblement les fondements de notre sainte religion ; il mène à la fatalité ; il fait regarder la chute de l'homme comme une fable, et la malédiction prononcée par Dieu contre la terre promise , comme vaine . C'est le sentiment de toutes les personnes religieuses et instruites : elles regardent l'optimisme comme une impiété affreuse .

Pour moi qui suis plus modéré, je ferais grâce à cet optimisme pourvu que ceux qui soutiennent ce système ajoutassent qu'ils croient que Dieu, dans une autre vie, nous donnera, selon sa miséricorde, le bien dont il nous prive en ce monde selon sa justice . C'est l'éternité à venir qui fait l'optimisme, et non le moment présent .

Vous êtes bien jeune pour penser à cette éternité et j'en approche .

Je vous souhaite le bien-être dans cette vie et dans l'autre . »

 

26/04/2014

Elle dit que l'amitié doit se nourrir par la confiance, que les lettres de nos amis doivent toujours nous apprendre quelque chose

... Hier Mme Denis, aujourd'hui Mam'zelle Wagnière pensent et disent la même chose sur l'amitié . Je ne peux correspondre avec la première, mais j'ai le bonheur de connaitre la seconde grâce à Voltaire, un de nos traits d'union .

Nos lettres sont rares, nous ne sommes pas des bavards et notre confiance est intacte .

Que rêver de plus agréable ? Nous voir plus souvent ?

Oui !

 DSCF6081 amitié confiante.jpg

 

 

 

 

« A Henri Lambert d'Herbigny, marquis de Thibouville 1

rue des Saints Pères

à Paris

Au château de Tournay par Genève

15 mars [1759]

J'ai lu enfin mon cher marquis ce Candide dont vous m'avez parlé, et plus il m'a fait rire plus je suis fâché qu'on me l'attribue . Au reste quelque roman qu'on fasse, il est difficile à l'imagination d'approcher de ce qui se passe trop réellement sur ce triste et ridicule globe depuis quelques années 2. Mais nous nous intéressons un peu, Mme Denis et moi, aux malheurs publics, à la persécution suscitée contre des philosophes très estimables, à tout ce qui intéresse le genre humain, et quand nos amis ne nous parlent que de pièces de théâtre et de romans qui nous sont parfaitement inconnus, que voulez-vous que nous répondions ? Elle dit que l'amitié doit se nourrir par la confiance, que les lettres de nos amis doivent toujours nous apprendre quelque chose . Je suis mort au monde, il faut des élixirs pour me rappeler à la vie . Votre amitié est le meilleur de tous . L'oncle et la nièce sont également sensibles à votre mérite, et vous seront toujours très tendrement attachés . »

2 Entre autres la Guerre de Sept ans qui est en cours .

 

25/04/2014

prêt à payer s'il est décidé que je le doive ; et priant qu'on ne fasse point de frais à un homme assez épuisé

... Après avoir beaucoup payé de sa personne ...

L’Homme fatigué par József Somogyi, en Hongrie.

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« A Antoine-Benoit Girard de Propiac 1

Je n'ai point plaidé au conseil au sujet du centième denier qu'on exige pour la vente à vie de Tournay, frontière de Gex et de Genève . J'ai seulement eu l'honneur d'écrire à M. de Chauvelin 2. J'ai représenté que la terre de Tournay est réputée étrangère, comme étant dans l'ancien dénombrement, et exempte de toute imposition et taxe, qu'elle est conservée dans ses immunités, exemptions et franchises depuis l’acquisition du pays de Gex par Henri IV, que ces franchises ont été conservées par Louis XIV au traité d'Arau 1658 ; que Sa Majesté le roi régnant a spécialement maintenu cette terre, en lui faisant perdre ses privilèges ; que je pouvais aussi bien faire mon contrat à Genève qu'à Gex ; que si ce contrat avait été fait à Genève, on n'aurait point demandé le paiement du centième denier .

En un mot je réclame les droits de la terre, prêt à payer s'il est décidé que je le doive ; et priant qu'on ne fasse point de frais à un homme assez épuisé par cette acquisition . J'ajoute seulement, qu'en cas que la terre fût soumise au centième denier malgré ses privilèges, je prie qu'on n'exige pas le droit de douze mille livres de réparations, lesquelles 12000 livres par le contrat même ne sont point exigibles si je meurs dans trois ans ; je demande à MM. les fermiers généraux, 1° si je dois le centième denier d'une terre réputée étrangère, libre de tous droits et taxes, et si je dois le centième denier d'un argent qui ne doit pas être employé si je meurs dans trois ans . Je prie monsieur Girard d'envoyer copie de ma lettre à qui il appartiendra 3.

J'ai l'honneur d'être son très humble et très obéissant serviteur

Voltaire

Aux Délices près de Genève 15 mars 1759 »

1 En tête de lettre Voltaire a noté « mémoire ». Voir aussi lettre du 15 février 1759 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/03/18/abusant-d-autant-plus-de-son-emploi-5325318.html

 

24/04/2014

Je ne perdrai cette ambition qu'avec la vie

... Celle de faire connaître Voltaire à travers sa correspondance .

Il me faudra bien des jours et années pour mener à bien ce projet . Je vous impose également d'avoir sous les yeux quelques uns de mes états d'âme, qui , eux, ne passeront pas à la postérité , sinon virtuelle par la grâce des électrons et de quelques galettes de silicium (ou autre selon les progrès de la technique ) .

Longue vie à Hautetfort mon hébergeur ! (voeu très intéressé ).

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« A Ivan Ivanovitch Schouvalov

A Tournay, par Genève

14 mars 1759

Monsieur, je reçois en même temps une lettre de vous et une lettre des grandes Indes 1, datées du même mois ; le courrier qui m'a rendu celles dont Votre Excellence m'honore du 20 janvier n'a pas à ce que je vois des ailes aux talons comme Mercure , ou bien apparemment quelque parti prussien lui aura coupé les ailes dans sa route ; vous me coupez furieusement les miennes , monsieur, en me privant des mémoires que vous aviez eu la bonté de me promettre sur les exploits militaires du csar Pierre, sur ses lois, sur sa vie privée, et encore plus sur sa vie publique 2; j'ai tout au plus de quoi composer un recueil très sec de dates et d'évènements ; mais je suis très loin d'avoir les matériaux d'une histoire intéressante ; je ne peux pas imaginer, monsieur, que vous avez abandonné un projet si noble et si digne de vous , projet dont tout votre empire doit désirer l'exécution, et auquel je présume que votre auguste souveraine s'intéresse ; je suis très sensible à votre thé de la Chine 3 , mais je vous avoue que des instructions sur le règne de Pierre le Grand me seraient infiniment plus précieuses ; mon âge avance, je ferai mettre sur mon tombeau ci-gît qui voulait écrire l’histoire de Pierre le Grand .

Je ne doute pas, monsieur, que Votre excellence n'ait d'autres occupations qui emportent la plus grande partie de son temps ; mais s'il vous en reste, songez, monsieur, que c'est moi qui vous conjure aujourd'hui de ne pas oublier le héros sans les soins duquel vous ne seriez peut-être pas aujourd’hui un des génies les plus cultivés et des plus aimables de l'Europe ; votre esprit s'est embelli de toutes les sciences que ce grand homme a fait naître ; la nature a beaucoup fait pour vous, mais Pierre le Grand n'a peut-être pas fait moins . J'ai l'ambition d'être de votre école, de travailler sous vos ordres . Je ne perdrai cette ambition qu'avec la vie .

J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments que je vous dois

monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire

comte de Tournay

J'ai eu l’honneur de vous écrire par M. le comte de Keizerling auquel j'adresse cette lettre . »

1 Aucune de ces lettres ne nous est parvenue .

2 Le 31 mars 1759, Schouvalov répond : « Enfin après bien du retard, dont je vous fais mille excuses, j'ai l'honneur de vous expédier tout ce que j'ai pu rassembler jusqu'à présent de matériaux […] j'aurais été bien plus prompt à vous les fournir sans la grande difficulté qu'il y avait à les rassembler et les faire traduire, et les rendre moins confus [...]M. de Soltikoff […] part exprès pour vous les remettre [...] »

3 « M. de Soltikoff est aussi chargé, monsieur, de vous offrir de ma part quelques pelleteries […] j'ai joint quelques livres de thé de la Chine de la meilleure qualité […].

Voici les numéros des espèces du thé. C'est le même dont l'empereur de la Chine fait usage, je l'ai eu de Pékin directement, et j'en joins ici les noms par singularité pour la prononciation chinoise . N° 1 . Lun Dzin ouv izun.. N° 2. Loun dzun may. N° 3. Manichwal . N° 4. Julan.. N° 5 . Dzin Dzilan Dzou. »