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23/10/2014

On ne sait plus que penser, madame, ni à quoi aboutiraient les victoires

... De la droite, de la gauche, du capitalisme, du centre, de l'OM, des virus, de mon ex, des terroristes, de Sarko, des Israëliens, des moustiques-tigres, de la vodka sur le pétrole, ...

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« A Charlotte-Sophie von Altenburg, comtesse Bentinck

née comtesse d'Oldembourg

à Vienne

Autriche 1

3 octobre [1759]

On ne sait plus que penser, madame, ni à quoi aboutiraient les victoires . Mais ce n'est point à moi à raisonner des affaires publiques . Je ne suis occupé que des vôtres et j'ai toujours le même zèle contre votre chicaneur . On lui a joué quelques tours qui ne sont pas indifférents et dont monsieur l'avocat du triangle 2 serait extrêmement content . Tout ce que j’entends de ce brave monsieur du triangle me transporte d'admiration .

Quand vous serez rassasiée des cours, quand vous voudrez vous faire philosophe, ne prenez plus la Suisse pour votre retraite, ne dépensez plus des sommes immenses pour être mal à Montriond . Souvenez-vous qu'il y a des terres libres, indépendantes à une lieue des Délices sur la frontière de France, des terres où vous seriez souveraine comme à Kniphause . Peut-être un jour viendrez-vous y vivre, mais je mourrai en vous attendant .

Voyez-vous quelquefois notre ambassadeur ?3 N'en êtes-vous pas bien contente ?

Vous devez l'être plus que de nos opérations de guerre .

L'oncle et la nièce sont à vos pieds .

V. »

1 Manuscrit avec mention « fco Nuremberg »

 

22/10/2014

la tranquillité du vieux philosophe qui ne veut point boire de ciguë

... Bien qu'ayant avalé force couleuvres !

Du bon vin est bien préférable à mon goût pour assurer un tranquille état de bien-être .

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« A ma belle philosophe Louise-Florence-Pétronille de Tardieu d'Esclavelles d'Epinay

 

[vers le 1er octobre 1759]

 

Comment se porte ma belle philosophe ? Depuis huit jours on parle beaucoup à Paris de certaines choses 1. Je compte sur votre amitié et sur celle de M. G. 2 et je recommande à vos bontés la tranquillité du vieux philosophe qui ne veut point boire de ciguë. »

 

1 Sans doute la Relation … de la mort du jésuite Berthier . Voir : http://www.baillement.com/lettres/voltaire.html

 

2 Melchior Grimm, compagnon de Mme d'Epinay .

 

21/10/2014

On se moque de vous et de vos discours et de vos dénonciations . Mon Dieu que cela est bête !

... Aujourd'hui,  on oserait même dire "comme c'est con!"  lorsqu'on entend des hommes politiques de tous bords casser du sucre sur le dos des partis adverses et, quand ils n'en ont pas assez, déguiller des membres de leur propre camp .

Ridicules ! Ridicule d'utiliser tant de temps en vaines parlottes dignes d'un meeting de crapauds à la saison des amours ou d'un discours de Kim Jung Un .

 

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

Aux Délices 1er octobre [1759] 1

A mon cher ange

Il saura que sur ses ordres on transcrit à force la chevalerie 2 et qu'on l'enverra incessamment comme affaire du conseil, à M. de Courteilles . Pour La Femme qui a raison, patience, s'il-vous-plait . Ce seraient deux femmes qui auraient raison en un jour et c'est trop à la comédie . Pour madame Scaliger qui fait la troisième, elle verra qu'on a été en tous les points de l'avis de ses remontrances . Au reste nous jouons après-demain Mérope sur mon petit théâtre vert et or . Vous voyez bien mes divins anges qu'en faisant le rôle de Narbas, faisant bâtir, faisant mes vendanges et faisant battre en grange, je ne peux guère songer à La Femme qui a raison .

Eh bien ne vous l'avais-je pas dit que si ce M. d'Espagnac était commissaire des remontrances il y aurait des difficultés ? Quel homme ! Plus il est épineux, plus je vous remercie .

A monsieur l’ambassadeur 3

Si son excellence prend le chemin de Genève nous tâcherons de lui donner la chevalerie sur mon théâtre grand comme la main, et si elle lui plait nous serons bien fiers . Tous les spectateurs feront serment de n'en point parler, et je réponds que Paris n'en saura rien . Nous voudrions seulement savoir quand monsieur l'ambassadeur passera par chez nous . Je lui réitère les plus tendres remerciements .

A monsieur de Chauvelin l'intendant

Puisque ma sangsue 4 ne sert qu'à le faire rire, je m'accommode sérieusement avec elle . J'aime à payer ce qui est dû, mais injustice et rapacité révoltent ma bile, et l'allument . Je suppose que monsieur de Chauvelin a toujours la rage du bien public .

A monsieur l'abbé de Chauvelin

Qu'il soit averti que les remontrances du parlement 5 n'ont réussi dans aucun pays de l'Europe . Il est triste d'avoir la guerre contre les Anglais, mais puisqu'ils nous battent, il faut bien que nous payions l'amende .

A monsieur Omer de Fleury

A qui en avez-vous M. Omer ? votre frère l'intendant est aimable, mais quelle fureur avez-vous d'être un petit Anitus 6? On se moque de vous et de vos discours et de vos dénonciations . Mon Dieu que cela est bête !

Somme totale

Le sens commun paraît exilé de France, mais il réside chez mes anges avec la bonté et l'esprit .

N.B.- Comment pourrons-nous parler de ces grands chevaliers ? et dire que tout Français est à craindre 7 tandis que tout le monde nous donne sur les oreilles?ah mon divin ange que j'ai bien fait de me composer une petite destinée indépendante ! que j'ai bien choisi mes retraites ! que je m'y moque du genre humain !

Atque metus omnes strepitum que Acherontis avari subjicio pedibus .8

Mais mon refrain, mon triste refrain est toujours que je mourrai sans avoir revu mon cher ange . Il n'y a pas d'apparence que je revienne dans le pays des Anitus et des Fréron . Je suis continuellement partagé entre le bonheur extrême dont je jouis et la douleur de votre absence .

V. »

1 Sur le manuscrit d'Argental a ajouté l'année et « Ré[pondu] ».

2 Tancrède .

3 Bernard-Louis Chauvelin . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard-Louis_Chauvelin

4 « commise par les fermes générales », voir lettre du 7 septembre 1759 à Jacques-Bernard Chauvelin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/10/05/la-sangsue-commise-par-les-fermes-generales-exige-le-centiem-5461778.html

5 Allusion aux difficultés soulevées par le parlement de Besançon ; voir les Remontrances , II, 172-221 . Voir Germain-Louis de Chauvelin : http://fr.wikipedia.org/wiki/Germain-Louis_Chauvelin

6 L'un des accusateurs de Socrate, et V* fait souvent allusion à lui .

8 Je foule aux pieds toutes les craintes que provoquent les flots grondants du vorace Achéron ; Virgile, Géorgiques, 491-492 librement adaptés par V*.

 

cet homme extraordinaire moitié héros moitié fou ... son exemple devait servir de leçon aux conquérants qui auraient autant d'ambition et moins de valeur

... "Servir de leçon" et non pas "servir de modèle", subtil distinguo qui peut se solder par une conquête pacifique telle celle de la santé et du bien-être général de tous humains (et autres êtres vivants si affinités) plutôt que bains de sang et cendres .

Conquérants sanguinaires, circulez, il n'y a rien pour vous , ni compliments, ni citations à l'ordre du mérite . Tout comme Voltaire, je vous hais : "Je hais les conquérants, fiers ennemis d’eux-mêmes,...", voir lettre à Frédéric II : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/05/26/je-hais-les-conquerants-je-songe-a-l-humanite-sire-avant-de.html

 

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« A Gabriel de Seigneux, seigneur de Correvon

[septembre-octobre 1759]1

[…] Il est vrai que je suis occupé actuellement de l'histoire de Pierre le Grand ; elle n'est peut-être pas si divertissante pour le commun des lecteurs que celle de ce don Quichotte du Nord qui couchait en bottes, et qui se battait avec ses cuisiniers et ses secrétaires contre dix mille Turcs ; mais l'histoire d'un législateur qui a créé des villes et des hommes, vaut bien aux yeux d'un philosophe tel que vous les prouesses d'un chevalier errant . Il y a trente ans que j'ai dit dans l'histoire de cet homme extraordinaire moitié héros moitié fou que son exemple devait servir de leçon aux conquérants qui auraient autant d'ambition et moins de valeur [...] »

1 Ce fragment de lettre est une citation par Seigneux dans une lettre non datée à Johann Jakob Bodmer, de la lettre originale . Après avoir cité ceci, il écrit : « Il [V*] me mande qu'il viendra nous voir cet hiver ; mais pour peu de temps je crois . Il a de belles terres nouvellement acquises et un théâtre à Tournay qui le retiendront, sans compter peut-être quelque autre motif . Si j'avais comme ce célèbre confrère cent mille livres de rente, il me semble que je glisserais sur des sujets qui l'ont beaucoup affecté . » On déduit la date d'après ce commentaire .

Voir : http://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/745-gabriel-seigneux-de-correvon

et : http://fr.wikipedia.org/wiki/Johann_Jakob_Bodmer

 

20/10/2014

Je ne veux avoir affaire à aucun créancier

... Voila qui est clair !

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« A François Guillet, baron de Monthoux

[septembre-octobre 1759]

Je suis prêt monsieur à faire ce que vous demandez et je serai très satisfait d'obliger un gentilhomme de votre mérite et de votre probité . Il n'y a qu'à m'envoyer le modèle d'une transaction par laquelle il paraitra que vous êtes le maître des seigneuries en question, et que pour partie du paiement de ces acquisitions je vous prête vingt mille livres sous première hypothèque privilégiée . Il faut que le notaire exprime toutes les conditions fidèlement et nettement, que copie de vos contrats d'acquisition soient jointes à la copie du contrat qui sera passé entre nous . Tout étant en règle et en forme je vous donnerai une lettre de change sur Lyon de 20000 livres de France 1. Cette affaire ne doit être sujette à aucune difficulté . Je ne veux avoir affaire à aucun créancier . Il est nécessaire que la terre sur laquelle je vous prête de l'argent soit franche et quitte, que le revenu de mes vingt [mille 2] livres soit assuré sans aucune réserve sur cette terre, sans être assujetti à aucun droit, à aucun impôt, à aucune diminution et surtout aucun procès avec personne et que je sois votre premier créancier par privilège . Votre intérêt et le mien exigent que la chose soit d'une netteté extrême .

A vos ordres et sans cérémonie

votre très humble et très obéissant serviteur

V. »

1 Selon une note de Jean Pommier, V* avait alors 500 000 francs chez le banquier Tronchin Jean-Robert . Monthoux avait acheté le manoir d'Annemasse le 29 mars 1759 et avait besoin d'argent pour terminer l'affaire . Voir lettre précédente de juin 1759: http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/08/04/je-ferai-tout-ce-que-l-etat-present-de-mes-affaires-peut-me-5422639.html

2 V* a oublié mille .

 

Nous répétons mardi en habits pontificaux

... Et nous nous répétons, disent les évêques qui ne changent toujours pas d'avis à propos du cas des divorcés et des homosexuels au sein de l'Eglise : niet, nein, no, non, ... amen .

 

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« A Louise-Suzanne Gallatin Vaudenet

[septembre-octobre 1759]

Vous me donnez plus de figues, madame, qu'il n'y en a dans le pays de papimanie et moi, madame, je suis comme le figuier de l’Évangile, sec et maudit 1; ce n'est pas comme acteur, c'est comme très attaché à toute votre famille que je m'intéresse bien vivement à la santé de Mme Gallatin Rolaz 2.

Nous répétons mardi en habits pontificaux 3. Ceux qui ont des billets viendront s'ils veulent . Je suis à vous madame pour ma vie .

V. »

1 Évangile de Matthieu, XXI , 18-19 et Évangile de Marc XI, 12-14 ; V* reprend souvent cette image du figuier maudit satiriquement . On note d'autre part le jeu de mots implicite sur papefigues (protestants) et papimanie (catholicité) ; voir lettre du 2 septembre 1758 à Algarotti : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/10/14/temp-067c4a2d4104530d19a456670bd9ad3a-5195701.html

2 Le fils de Mme Gallatin, Jean, né en 1733 épousa Sophie-Albertine Rolaz en 1755, et mourut en 1765 .

3 D'où l'on peut déduire que la pièce jouée est Mérope .

 

19/10/2014

J'avais déjà vu vos figues, madame

... Honni soit qui mal y pense !

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« A Louise-Suzanne Gallatin Vaudenet

Genève

[septembre-octobre 1759]

J'avais déjà vu vos figues, madame,1 avant d'avoir vu votre billet qui s'est longtemps égaré parmi des habits de théâtre . Nos plaisirs ont nui à mes devoirs, celui de vous marquer tout mon respectueux empressement me sont toujours bien chers . Allons, encourageons celle de vos filles qui a du talent pour notre petit tripot . C'est à elle d'embellir les fêtes de Tournay .

V. »