04/05/2015
j'ai pris mon parti sur toutes les sottises de ce monde et sur les miennes .
... Surtout sur les miennes qui ne sont pas des moindres . Pour celles de ce monde, vous n'avez qu'à multiplier par 3 milliards et demi (sans compter les femmes et les petits enfants comme dit l'ami Rabelais ) et vous ne serez pas loin du compte ; ça donne le vertige et rend assez humble pour tenter de ne les pas augmenter .
C'est clair !
« A François de Chennevières
5 mai [1760] aux Délices
Mon cher correspondant, vous faites saigner le cœur par ce que vous dites de Mgr le duc de Bourgogne 1; il paraît qu'on doit s'attendre à le perdre ; on prétend pour comble de malheur que M. le duc de Berry 2 est attaqué de la même maladie ; je ne veux pas le croire ; de telles nouvelles sont trop affligeantes pour tous les bons citoyens . Je pense qu'il y aura des batailles avant que le prétendu congrès de Breda s'assemble . Je pense que si les Anglais nous donnent la paix, ce ne sera qu'à des conditions bien dures . Je pense que l'idée d'une descente en Irlande était très bonne, mais qu'il fallait avoir cinquante vaisseaux de ligne bien commandés 3; à force de penser à tout cela, je ne pense plus .
J'ai lu Spartacus que M. Saurin m'a envoyé ; la pièce n'est pas touchante , mais il y a de belles choses ; on veut à toute force en jouer une de moi où il y a des endroits très touchants, mais qui ne vaut rien ; je ne m'en embarrasse guère, j'ai pris mon parti sur toutes les sottises de ce monde et sur les miennes .
Voulez-vous bien permettre que cette lettre passe par vous, pour aller à M. Saurin ? Spartacus ne lui pas assez valu pour qu'il lui en coûte des ports de lettres de cent lieues .
Les Délices vous embrassent vous et la sœur du pot .
V. »
1 Voir lettre du 23 avril 1760 à Chennevières : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/04/21/je-ne-puis-souffrir-les-ricanements-des-etrangers-quand-ils-5607481.html
2 Le futur Louis XVI qui échappera à cette mort prématurée et dont V* saluera les débuts .
3 Voir lettre du 7 août 1759 à Jean-Robert Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/10/06/quand-il-s-agit-de-plaisir-on-est-bien-hardi-5462459.html
et lettre du 9 novembre 1759 au même : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/11/19/on-ferait-mieux-de-penser-a-une-paix-utile-plutot-que-de-rec-5493154.html
et lettre du 19 mars 1760 à la comtesse de Lutzelbourg : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/03/18/ce-qu-on-aime-fait-bien-porter-5585841.html
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03/05/2015
Je suis encore obligé de vous importuner
... Résistons !
Plier, tomber, se redresser, se relever sans cesse, c'est la vie .
« A Jean-François Joly de Fleury
Aux Délices 3 mai 1760
Je suis encore obligé de vous importuner 1 pour vous dire que je ne reçois que dans le moment la copie de la lettre à vous écrite par M. de Courteilles le 26 mars 2.
Je trouve qu'il s'est glissé une petite méprise dans cette lettre . Il est dit que le seigneur de Tournay observe que le délit a été commis au lieu de La Perrière qui relève bien de sa terre, mais il n'est point haut justicier . Il faut que cette méprise vienne de mon avocat au conseil . Il est de notoriété publique que je ne suis point seigneur de La Perrière . J'espère que cette petite inadvertance de mon avocat au conseil ne me nuira pas .
Le chapitre de Saint Victor auquel la seigneurie de Genève succéda affectait la souveraineté absolue sur tous ses fiefs, et ne relevait de personne du temps que le pays de Gex appartenait aux ducs de Savoie . Aussi lorsque les auteurs 3 de M. De Brosses achetèrent la juridiction de Tournay, sous les ducs de Savoie, il ne fût fait nulle mention de La Perrière qui ne dépendait pas des ducs de Savoie . Tout droit sur la Perrière comme sur les autres fiefs de Saint Victor a été cédé au roi, en 1749, et non au seigneur de Tournay . J'ai eu l'honneur monsieur de vous en administrer les preuves que j'ai pu avoir .
Le certificat en forme de la république ne peut être délivré que sur un ordre de vous, supposé qu'il en soit besoin . Si vous m'honorez de cet ordre, je requerrai de votre part la délivrance des actes qu'on ne peut donner à un particulier . Mais en attendant, monsieur, permettez-moi d'observer que si jamais les juges de Tournay avaient fait à La Perrière quelque acte de juridiction, quelque descente, quelque procédure (ce que je ne crois pas) ces actes seraient nuls de plein droit, soit avant , soit après 1749 .
Je suis avec beaucoup de respect
monsieur,
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire »
1 Voir lettre de la veille au même : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/05/02/le-paquet-que-j-ai-l-honneur-de-vous-envoyer-n-est-point-jur-5614497.html
2 C'est la lettre à laquelle répondra Joly de Fleury le 4 mai 1760 .
3 Ce terme d'ancienne jurisprudence désigne les personnes de qui l'on tient ses titres ou ses droits .
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02/05/2015
Le paquet que j'ai l'honneur de vous envoyer n'est point juridique
... Je ne suis pas Marine Le Pen qui fait agresser des Femen et se paye le luxe de les attaquer en justice .
Pour qui se prend-elle pour autoriser ses nervis à violer une propriété privée ?
Quelle gloire pour ses gros bras à petite quéquette et deux neurones à eux tous ? Marine , garde- les bien, ils ajoutent à ton aura de femme influente, à n'en pas douter , tout comme papy Le Pen qui appelle au secours (les cendres de) Jeanne d'Arc . Ridicule encore une fois, quand il ne se rend pas ignoble !
Tout cela laisse augurer du bien et du bon pour toute opposition si jamais le FN venait au pouvoir . Les journalistes du Petit Journal de Canal+ et ceux de France 5 ont déjà pu le tester à corps défendant .
ça donne vraiment envie de voter FN ! Non ?
« A Jean-François JOLY DE FLEURY,
intendant de Bourgogne 1
Aux Délices, 2 mai 1760.
Voici, monsieur, l'écrit que MM. les commissaires Moussard 2 et Saladin (délégués de la république de Genève pour signer le traité de 1749 3 avec les commissaires du roi) m'avaient remis, et qu'ils étaient prêts à signer lorsqu'on les a fait apercevoir qu'il fallait une délibération du conseil pour délivrer un acte en chancellerie concernant les traités de la république 4. Le paquet que j'ai l'honneur de vous envoyer n'est point juridique, mais il est de la main du syndic Moussard. Je ne peux avoir un certificat dans les formes que moyennant un ordre signé de vous, qui m'autorise à le demander.
En attendant, monsieur, que je puisse remplir cette formalité, cet écrit de la main de M. Moussard vous convaincra au moins qu'avant la transaction passée en 1749 entre le roi et Genève, cette ville avait la haute justice de tous les fiefs de Saint-Victor, et par conséquent de la Perrière. Le roi est haut justicier de cet endroit depuis 1749, et jamais le seigneur de Tournay n'a pu avoir cette juridiction.
J'attends vos ordres, et suis avec respect, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.
Voltaire. »
1 Jean-François Joly de Fleury de La Valette, intendant de Bourgogne de 1749 à 1761. Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Fran%C3%A7ois_Joly_de_Fleury
2 Pierre Moussard .
3 Traité concernant le statut du territoire de Gex .
4 Dans le cours de l'année 1758, un Suisse nommé Panchaud, qui habitait la Perrière, près de Prégny, sur la frontière de France et de Genève, donna un coup de sabre à un Savoyard qu'il avait surpris en flagrant délit de vol de noix. Panchaud fut poursuivi devant le bailliage de Gex, qui le condamna au bannissement et à 100 livres d'amende envers le seigneur haut justicier de Prégny et Tournay, c'est-à-dire envers Voltaire. Celui-ci fit d'abord peu d'attention à la sentence, mais lorsqu'on lui présenta la carte à payer, ou en d'autres termes un mémoire de 600 livres de frais occasionnés par la procédure, qui retombaient naturellement à la charge du seigneur sur la terre de qui l'attentat avait été commis, il se récria vivement, et soutint que la Perrière ne dépendait pas de Tournay, mais relevait directement du roi, à qui ce lambeau de terre avait été cédé, selon lui, par la république de Genève en 1749.
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01/05/2015
j'endoctrinerai les ignorants qui veulent boire en avril ce qu'il faut boire en novembre
... Comme ce fichu Beaujolais nouveau et autres pinards primeurs, venant de vignes qu'on fait pisser à outrance, et qui ont des réveils printaniers acidulés .
« A Ami Camp
à Lyon
Ne soyez en peine de rien, mon cher monsieur . J'aurai l'honneur de vous envoyer pour 18000 livres de lettres de change en mai et en juin et alors je pourrai demander un grouppe 1 après le paiement d'icelles .
Voulez-vous bien avoir la bonté d'envoyer ce chiffon à votre ami 2 dans votre premier paquet ?
Permettrez-vous que je vous supplie de donner vos ordres pour que j'aie
300 livres de savon
un baril de petites câpres
un baril d'olives
trois livres de belle cire à cacheter ?
J'ai reçu le vin, j'endoctrinerai les ignorants qui veulent boire en avril ce qu'il faut boire en novembre . Je vois que vous en savez plus qu'eux . Je vous remercie de vos bontés et de vos instructions de tout mon cœur .
Votre très humble et très obéissant serviteur .
V.
Aux Délices 2 mai [1760] »
1 Un group est un « sac d'argent cacheté qu'on envoie d'une ville à une autre » Littré .
2 Jean-Robert Tronchin, à Paris .
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