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14/06/2017

le fond de la religion est entièrement semblable dans tous les cœurs bien nés

... lesquels ne sont pas majoritaires, hélas !

 

 

« A Gabriel Cramer

[vers le 25 juillet 1762]

Dans le mémoire de Donat Calas après l'exorde qui finit je crois par ces mots :

nous attendons en silence que les grâces que ce silence même méritera

mettez

Il n'appartient pas à un jeune homme , à un infortuné de décider laquelle des deux religions est la plus agréable à l'être suprême . Tout ce que je sais c'est que le fond 1 de la religion est entièrement semblable dans tous les cœurs bien nés, que tous aiment également Dieu, leur prince et leur patrie 2.

Je prie instamment monsieur Cramer de vouloir bien m'envoyer l'épreuve ce soir . »

1 V* a d'abord écrit ici : c'est qu'un fonds de .

2 Le Mémoire de Donat Calas pour son père, sa mère et son frère (œuvre de Voltaire) est daté du 22 juillet 1762 et contient aussi une « Déclaration de Pierre Calas » datée du jour suivant . L'addition que l'on a ici fut légèrement modifiée avant la publication .

 

13/06/2017

Je vous souhaite, monsieur, l’avancement que vous méritez

... et "beaucoup d’officiers qui pensent comme vous" !

Dans le même temps, je serais plus que satisfait, monsieur le président, si vous pouviez éviter d'assister à des matchs de foot qui sont prétextes à des concentrations d'intolérants notoires : les supporters, genre d'humains au fanatisme difficilement compréhensible, extrêmistes moutonniers . J'ose espérer que notre vie diplomatique et notre protocole républicain vous dispenseront de ce pensum improductif .

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Foot = sport complet qui fait travailler tout le corps excepté le cerveau (ce serait trop demander à ces gougnafiers )

 

 

« A Joseph-Augustin-Prosper de La Motte-Geffrard

Aux Délices le 25 juillet 1762

Vous m’avez envoyé un trésor 1, monsieur, j’en ferai bientôt usage . Il y a des mots de Henri IV qui pénètrent l’âme. Il y a des anecdotes curieuses, mais les paroles de ce grand roi sont plus curieuses encore. Il aimerait mieux, dit-il, être turc que catholique 2; mais dans quel temps s’exprime-t-il ainsi ? C’est lorsque les prédicateurs canonisaient en chaire l’empoisonneur du prince de Condé 3, et qu’ils excitaient les bons catholiques à empoisonner ou à assassiner le grand Henri 4. Dieu préserve son successeur des billets de confession, et des Damiens, et de la guerre avec les Anglais ! Je vous souhaite, monsieur, l’avancement que vous méritez, et au roi, beaucoup d’officiers qui pensent comme vous. Recevez les très humbles et très respectueux remerciements de votre obligé serviteur.

V. »

2 Ce qu'a écrit Henri IV est : « Si je n'étais pas huguenot, je me ferais turc », ce qui est assez différent ; voir l'Essai sur les mœurs,CLXXIV (5ème lettre ) : voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Essai_sur_les_m%C5%93urs/Addition

4 Ici Henri IV, et non Henri de Condé .

 

12/06/2017

Vous verrez combien l'esprit de fanatisme est plus funeste que l'esprit de corps

... Et il est bien nécessaire de s'en souvenir en période électorale , les extrêmistes ayant un projecteur démesuré en cette occasion .

 

 

 

« A Germain-Gilles-Richard de Ruffey

J'ai l'honneur de vous envoyer, monsieur, votre numéro 16 . Tout ce que j'ai lu sur cette affaire achève de me prouver que toutes nos lois ont comme Janus deux visages, ou plutôt, que nous n'avons point de lois, et qu'aucun état en France n'a de bornes reconnues . Le numéro 16 m'a fait bâiller, mais je crois que les pièces que je vous envoie vous ferons pleurer et frémir . Vous verrez combien l'esprit de fanatisme est plus funeste que l'esprit de corps . Cette affaire commence à faire à la cour le bruit qu'elle mérite, et peut-être ne fera-t-elle que du bruit .

Encore une fois, plus je vois tout ce qui se passe dans le monde, et plus j'aime ma retraite . Il est vrai que Jean-Jacques brûlé à Genève, et banni de Berne, est retiré dans une vallée inconnue de Neufchâtel , mais je doute que ses paradoxes et ses contradictions politiques plaisent au roi de Prusse 1. Ce petit bonhomme a voulu être singulier, et ne sera jamais que singulier . On dit qu'un jour le chien de Diogène rencontra la chienne d'Érostrate, et lui fit des petits dont Jean-Jacques est descendu .

Adieu, monsieur, les tracasseries de votre parlement finiront, parce qu'il faut que tout finisse . Je vous embrasse tendrement .

V.

21è juillet 1762 aux Délices. »

1 La principauté de Neuchâtel relevait du roi de Prusse .

 

11/06/2017

La superstition est le plus abominable fléau de la terre

... Et allez , zou ! allez ! vous dis-je, lire votre horoscope, gogos dangereux pour vous et vos concitoyens . Que le diable vous patafiole, s'il pouvait exister .

 

 

 

« A Isaac Pinto, etc .,Rue Coquillière, vis-à-vis la Rue des Vieux-Augustins à Paris.

Aux Délices par Genève 21è juillet 1762 1

Les lignes dont vous vous plaignez, monsieur, sont violentes et injustes 2. Il y a parmi vous des hommes très instruits et très respectables, votre lettre m'en convainc assez . J'aurai soin de faire un carton dans la nouvelle édition 3. Quand on a un tort il faut le réparer et j'ai eu tort d’attribuer à toute une nation les vices de plusieurs particuliers .

Je vous dirai avec la même franchise, que bien des gens ne peuvent souffrir ni vos lois, ni vos livres, ni vos superstitions ; ils disent que votre nation s'est fait de tout temps beaucoup de mal à elle-même, et en a fait au genre humain . Si vous êtes philosophe, comme vous paraissez l'être, vous pensez comme ces messieurs, mais vous ne le direz pas . La superstition est le plus abominable fléau de la terre ; c'est elle qui de tous les temps a fait égorger tant de juifs et tant de chrétiens ; c'est elle qui vous envoie encore au bucher chez des peuples d'ailleurs estimables . Il y a des aspects sous lesquels la nature humaine est la nature infernale . On sécherait d'horreur si on regardait toujours par ces côtés . Mais les honnêtes gens en passant par la Grève où l'on roue, ordonnent à leur cocher d'aller vite , et vont se distraire à l'opéra du spectacle affreux qu'ils ont vu sur leur chemin .

Je pourrais disputer avec vous sur les sciences que vous attribuez aux anciens Juifs, et vous montrer qu'ils n'en savaient pas plus que les Français du temps de Chilpéric 4; je pourrais vous faire convenir que le jargon d'une petite province, mêlé de chaldéen, de phénicien et d'arabe, était une langue aussi indulgente et aussi rude que notre ancien gaulois, mais je vous fâcherais peut-être et vous me paraissez trop galant homme pour que je veuille vous déplaire . Restez juif, puisque vous l’êtes, vous n'égorgerez point quarante-deux mille hommes pour n'avoir pas bien prononcé shibboleth 5, ni vingt-quatre mille pour avoir couché avec des Madianites 6 ; mais soyez philosophe, c'est tout ce que je peux vous souhaiter de mieux dans cette courte vie .

J'ai l'honneur d'être, monsieur, avec tous les sentiments qui vous sont dus, votre très humble et très obéissant serviteur.

V.

chrétien, gentilhomme ordinaire de la

chambre du roi très chrétien »

1 Copie contemporaine sur laquelle on lit deux mentions : l'une de Malesherbes, « J'ai fait copie de cette lettre sur l'original que M. Pinto m'a communiqué . » ; l'autre , d'une autre main, notant que le manuscrit original est autographe à partir de J'ai l'honneur . La copie a été suivie ici .

2 Pinto avait annoncé vers le 10 juillet 1762 à V* ses Réflexions critiques sur le 1er chapitre du tome VIIè des Œuvres de M. de Voltaire, 1762, . Le passage qu'il visait est au début du volume V( et non VII) de la Collection complète, 1756 . Il forme maintenant la première section de l'article « Juifs » du Dictionnaire philosophique . Sur Pinto, voir Arthur Hertzberg, The french enlightment and the Jews, 1968 . sur ses relations avec V* voir J. S. Wijler, 1923 .

3 V* ne tint pas cette promesse et ne fit pas de carton .

4 C'est largement le sujet du Taureau blanc .

5 Juges , XII, 6 .

6 Nombres, XXV, 6 .

 

 

10/06/2017

Vous avez jeté des germes qui produiront un jour plus qu’on ne pense

... Monsieur le président .

... Du moins nous le souhaitons .

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"Pourvu qu'il ait la main verte" aurait dit Nicolas Hulot !

 

 

« A Louis-René de Caradec de La Chalotais

Aux Délices, le 21 juillet 1762

Je crois, monsieur, que c’est à vos bontés que je dois la réception de votre nouveau chef-d’œuvre 1. Tous les deux sont d’autant plus forts, qu’ils sont ou paraissent être plus modérés. Les jésuites diront : hœc est œrugo mera 2. Tous les bons Français vous doivent des remerciements de ces mots : en un mot, des maximes ultramontaines.

Ces deux ouvrages sont la voix de la patrie, qui s’explique par l’organe de l’éloquence et de l’érudition. Vous avez jeté des germes qui produiront un jour plus qu’on ne pense. Et quand la France n’aura plus un maître italien 3 qu’il faut payer, elle dira : c’est à M. de La Chalotais que nous en sommes redevables.

Vous m’avez donné tant d’enthousiasme, monsieur, que je m’emporte jusqu’à prendre la liberté de recommander à votre justice l’affaire de M. Cathala, négociant de Genève. Il implore le parlement pour être payé d’une dette. C’est un très honnête homme, très exact, et incapable de redemander ce qui ne lui est pas dû. Je sais bien qu’en qualité d’huguenot, il sera damné ; mais en attendant, il faut qu’il ait son argent en ce monde.

Pardonnez-moi, monsieur, la démarche que je fais auprès de vous. Je sais qu’il est très inutile de vous solliciter, mais je n’ai pu m’empêcher de vous dire combien j’estime la probité de mon huguenot. Je ne suis point suspect de favoriser les mécréants, puisque je viens de faire bâtir une église.

Je n’ai point d’expressions pour vous dire avec quel respect j’ai l’honneur d’être, etc.»



2 Voilà du pur vert-de-gris ; Horace, Satires, I, 100-101 . Voir , au figuré : http://www.cnrtl.fr/definition/vert-de-gris

3 Le pape .

 

Nous ne réussirons peut-être qu'à faire redire tantum relligio potuit suader malorum , mais il est important qu'on le redise souvent et que les hommes puissent apprendre enfin que la religion ne doit pas faire des tigres

... Des tigres ? mes chers gros chats pardonnez-nous cette réputation de férocité qu'on vous attribue et qui n'est en réalité qu'une horreur humaine , que Voltaire a passé sa vie à dénoncer .

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http://chlapin.blogspot.fr/2009/09/les-religions-autres-r...

 

 

« A Pierre-Robert Le Cornier de Cideville, ancien

conseiller du Parlement de Rouen

En sa terre de Launay

par Rouen

Aux Délices 21 juillet [1762] 1

Mon cher et ancien ami, nous oublions donc tous deux ce monde frivole et méchant à cent cinquante lieues l'un de l’autre . Il vaudrait mieux l'oublier ensemble, mais la destinée a arrangé les choses autrement . Cette destinée qui m'a fait tantôt goguenard tantôt sérieux, qui m'a rendu maçon et laboureur, me force à présent de soutenir un roué contre un parlement . Le fils du roué m'avait fait verser des larmes. Je me suis trouvé enchaîné insensiblement à cette épouvantable affaire qui commence à émouvoir Paris . Nous ne réussirons peut-être qu'à faire redire tantum relligio potuit suader malorum 2, mais il est important qu'on le redise souvent et que les hommes puissent apprendre enfin que la religion ne doit pas faire des tigres .

Jean-Jacques qui a écrit à la fois contre les prêtres et contre les philosophes, a été brûlé à Genève dans la personne de son plat Émile, et banni du canton de Berne où il s'était réfugié . Il est à présent entre deux rochers dans le pays de Neufchâtel croyant toujours avoir raison et regardant les humains en pitié . Je crois que la chienne d'Erostrate ayant rencontré le chien de Diogène fit des petits dont Jean-Jacques est descendu en droite ligne . Pour moi je crois que je suis devenu dévot . J'ai, dans certaine tragédie de Cassandre, un grand-prêtre qui est aussi modéré que Joad est brutal et fanatique . J'ai une veuve d'Alexandre religieuse dans un couvent . Les initiés s'y confessent et communient . Je veux que vous assistiez à cette œuvre pie quand vous serez à Paris . Jouissez en attendant des agréments de la campagne, cultivez votre aimable esprit, et souvenez-vous que vous avez au pied des Alpes des amis qui vous chérissent tendrement .

V. »

1 Cideville avait écrit à Voltaire le 30 juin précédent .

2 Tant la religion a pu conseiller de crimes ; Lucrèce, De natura rerum, I, 101 .

 

09/06/2017

Combattons contre nous-mêmes jusqu’au dernier moment . Chaque victoire est douce

... Il s'agit ici de combats et victoires personnels, intimes, et non électoraux , où les combats fratricides sont courants et où les victoires ont un goût aigre . 

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« Au cardinal François-Joachim de Pierre de Bernis

21 juillet 1762 aux Délices

Lisez cela 1, monseigneur, je vous en conjure, et voyez s’il est possible que les Calas soient coupables. L’affaire commence à étonner et à attendrir Paris, et peut-être s’en tiendra-t-on là. Il y a d’horribles malheurs qu’on plaint un moment et qu’on oublie ensuite. Cette aventure s’est passée dans votre province ; Votre Éminence s’y intéressera plus qu’un autre. Je peux vous répondre que tous les faits sont vrais ; leur singularité mérite d’être mise sous vos yeux.

Cette tragédie ne m’empêche pas de faire à Cassandre toutes les corrections que vous m’avez bien voulu indiquer . Malheur à qui ne se corrige pas soi et ses œuvres ! En relisant une tragédie de Mariamne, que j’avais faite il y a quelque quarante ans, je l’ai trouvée plate et le sujet beau . Je l’ai entièrement changée . Il faut se corriger, eût-on quatre-vingts ans . Je n’aime point les vieillards qui disent , j’ai pris mon pli. − Eh ! Vieux fou, prends-en un autre ; rabote tes vers, si tu en as fait, et ton humeur, si tu en as . Combattons contre nous-mêmes jusqu’au dernier moment . Chaque victoire est douce. Que vous êtes heureux, monseigneur ! Vous êtes encore jeune 2, et vous n’avez point à combattre.

Natales grate numeras ? ignoscis amicis ?3

E per fine bacio il limbo della sua sacra porpora.4

V. »

 

1Suivant les éditions antérieures il s'agirait de l'Histoire d’Élisabeth Canning , or en fait cet ouvrage n'avait pas encore été publié . Il doit donc s'agir des Pièces originales concernant les Calas dont il est question dans la lettre du même jour à Ruffey  et pour l'édition de Paris dans la lettre du 26 juillet 1762 à Damilaville ;voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1762-partie-21-123088947.html

2 Bernis, né en 1715 n'avait donc que 47 ans .

3 Comptes-tu sans chagrin les anniversaires ? Pardonnes-tu à tes amis ? ; Horace, Épîtres, II, 210 .

4 Et pour finir je baise le limbe de votre pourpre sacrée .