19/07/2019
Je m'applaudis de penser comme vous
... Oui , vous !
Non , pas vous ! surtout pas vous !
Vous, là , là, pas ici !
C'est entendu ? Ah qu'il est bon de s'entendre !
Qu'en pensez-vous ?
« A Félix-François Le Royer d'Artezet de La Sauvagère 1
Aux Délices 11 juin 1764
Je vous remercie, monsieur, de la bonté que vous avez eue de me faire part de vos découvertes et de vos observations 2. Je m'applaudis de penser comme vous . J'ai toujours cru que la nature a de grandes ressources . Je suis dans un pays tout plein de ces productions terrestres que les savants s'obstinent à faire venir de la mer des Indes . Nous avons des cornes d'Ammon de cent livres et de deux grains . Je n'ai jamais imaginé que de petites pierres plates et dentelées fussent des langues de chiens marins, ni que tous ces chiens de mer soient venus déposer quatre ou cinq mille langues sur les Alpes … Il y a longtemps que je suis obligé de renoncer à toutes ces observations qui demandent de bons yeux . Les miens sont dans un triste état, et ne me permettent pas même de vous assurer de ma main avec quels sentiments d'une estime respectueuse, j'ai l'honneur d'être, monsieur, votre etc. »
1Voir : https://data.bnf.fr/fr/15304051/felix-francois_de_la_sauvagere/
et : https://fr.wikipedia.org/wiki/F%C3%A9lix_Le_Royer_de_La_Sauvag%C3%A8re
2 Mémoire sur une pétrification mêlée de coquilles, qui se voit dans une petite pièce d'eau du château des Places, près de Chinon, en Touraine . Voir : Des singularités de la nature, XIV : https://books.google.fr/books?id=qzQHAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
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18/07/2019
donner à ceux qui peuvent défendre le bon goût contre le préjugé
... Est-ce ce qui vous motive M. Stéphane Bern ?
« A Etienne-Noël Damilaville
11 juin 1764
Mon cher frère, Gabriel Cramer n' a point fait tenir de Corneille commenté aux héros et héroïnes du théâtre. Il dit qu'il croyait que Pierre Corneille s'était chargé de donner les œuvres de Pierre aux Dumesnil, Clairon, Hus, Brizard et Lekain ; mais je vois bien qu'il faut que je me charge de tout . J'ai donc encore recours à vos bontés, et à celles de frère Thieriot pour délivrer des exemplaires à MM. Mariette, Beaumont, l'abbé Arnaud, Blin de Sainmore, Lekain, Brizard, et à Mlles Dumesnil et Clairon . Cela fait huit exemplaires, et pour aller plus vite on pourrait les donner brochés ; je laisse tout cela à la discrétion de frète Thieriot .
Vous sentez combien la cassation de l’arrêt toulousain me ranime . Voilà des juges fanatiques confondus, et l'innocence publiquement reconnue . Mais que peut-on faire davantage ? pourra-t-on obtenir des dépens, dommages et intérêts ? pourra-t-on prendre le sieur David à partie ? Je vois qu'il est beaucoup plus aisé de rouer un homme que de lui faire réparation . Je vous embrasse tendrement .
Écr l'inf .
Encore un petit mot, s'il vous plait .
Il y a un M. de Belloy qui a fait des tragédies, qui s'y connait, qui aime Racine . Il demeure chez M. Girardeau, dans l’impasse 1, dit-il, des Quatre Vents, près de la foire Saint Germain . Vous m'avouerez qu'un homme qui demeure dans un impasse, et non dans un cul-de-sac, n'est pas welche, et mérite un Corneille . Il me paraît essentiel d'en donner à ceux qui peuvent défendre le bon goût contre le préjugé . »
1 On connait la répugnance de V* pour tous les mots avec cul , ce qui d'ailleurs est contradictoire avec le reproche d'étroitesse d'esprit fait aux « Welches » . Quoi qu'il en soit, les dictionnaires étymologiques lui attribuent le premier emploi du mot impasse . Si le mot est ici masculin, c'est en raison de l'hésitation sur les noms commençant par une voyelle et terminés par un e (énigme, équivoque, etc.) . Le mot passe lui-même, attesté tardivement, a toujours été féminin . Voir : https://fr.wiktionary.org/wiki/impasse
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17/07/2019
sieur Potin compte gagner sa cause au parlement de Paris
... Et sieur de Rugy aussi . Ministre : sans vocation ni talent ni conviction. Ex-ministre : bon vent !
L'écologie, politiquement parlant, est aussi brouillonne que la météo . Bienvenue Mme Elisabeth Borne .
Une femme -ingénieur- qui sait de quoi elle parle
« A Charles Manoël de Végobre, Avocat
à Genève
[aux Délices 9 juin 1764] 1
Mille compliments à monsieur de Végobre, à M. Debrus et à M. Cathala sur la cassation de l'infâme arrêt de Toulouse 2. M. Beaumont l’avocat, qui plaide actuellement la légitimité du mariage du sieur Potin 3 compte gagner sa cause au parlement de Paris, et l'arrêt obtenu mettra en sureté les mariages des protestants, sans autre formalité 4.
Si Mme de Pompadour vivait encore, la veuve Calas et ses filles auraient une pension du roi . »
1 Date portée par Végobre sur le manuscrit .
2 Voir page 19 : http://visualiseur.bnf.fr/CadresFenetre?O=NUMM-23425&I=23&M=tdm
3 Voir lettre du 28 mai 1764 .
4 Voir article page 18 : http://visualiseur.bnf.fr/CadresFenetre?O=NUMM-23425&I=22&M=tdm
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16/07/2019
il faut s'amuser , les eaux, les fleurs et les bouquets consolent, et les hommes ne consolent pas toujours
... Mesdames, vous êtes bien placées pour le savoir . Un petit espoir subsiste heureusement, le "pas toujours" laisse entrevoir un "consolent quelques fois" rassurant .
« A Marie-Ursule de Klinglin, comtesse de Lutzelbourg
Aux Délices, 8è juin 1764
Nous ne comptions pas , madame, que Mme de Pompadour partirait avant nous . Elle a fait un rêve bien beau, mais bien court . Notre rêve n'est pas si brillant mais il est plus long et peut-être plus doux. Car quoiqu'elle eût toutes les apparences du bonheur, elle avait pourtant bien des amertumes, et la gène continuelle attachée à sa situation a pu abréger ses jours . Au reste, la vie est fort peu de chose dans quelque état qu'on se trouve, et il n'y a pas grand différence entre la plus courte et la plus longue ; nous ne sommes que des papillons dont les uns vivent deux heures, et les autres deux jours . Je suis un papillon très attaché à vous , madame . Il y a longtemps que je n'ai eu la consolation de vous écrire . Une fluxion sur les yeux qui m'a presque ôté la vue a dérangé notre commerce, mais elle n'a point été jusqu'à mon cœur . J'ai resté depuis dix ans dans ma retraite, comme vous dans la vôtre, nous sommes constants, mais je ne suis pas si sage que vous, aussi vivrez-vous plus de cent ans, et je compte n'en vivre que quatre-vingts . Vous auriez bien dû faire un joli jardin au Jar, cela est très amusant ; et il faut s'amuser , les eaux, les fleurs et les bouquets consolent, et les hommes ne consolent pas toujours .
Adieu, madame, mon cœur est à vous pour le reste de ma vie avec le plus tendre respect .
V. »
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15/07/2019
Je suis à vos pieds, je vous demande pardon de vous lanterner de ces menus détails . Vous voyez que j'écris de ma main assez lisiblement
... https://www.lemonde.fr/actualite-medias/portfolio/2019/07...
Il est encore d'autre journalisme que celui de Médiapart, heureusement !
« A Etienne-Noël Damilaville
8è juin , aux Délices, 1764 1
Gabriel Cramer qui sort de chez moi, mon cher frère, me dit qu'il fait donner des exemplaires cornéliens à Mlles Dumesnil , Clairon, Hus, à Lekain et à Brizard . Ainsi frère Thieriot aura cinq exemplaires de moins à gouverner . Je suis à vos pieds, je vous demande pardon de vous lanterner de ces menus détails . Vous voyez que j'écris de ma main assez lisiblement, mais c’est que la fluxion qui était sur les yeux est tombée sur la poitrine .
Dites-moi , je vous prie, mon cher frère, si la Gazette littéraire prend un peu de faveur . Il me semble que cette entreprise pourrait un peu nuire au commerce de maître Aliboron dit Fréron . Je suis enfoncé à présent dans des recherches pédantesques de l'Antiquité . Tout ce que je découvre dépose furieusement contre l'infâme . Ah ! si les frères étaient réunis ! Interim vale et me ama .
N.B. – Je ne sais , mon cher frère, si vous avez donné un Corneille à maître Cicéron de Beaumont . Il doit en avoir de préférence . N'est-il pas un des élus ? Permettez que je mette ici une lettre pour lui .
Il y a un M. Blin de Sainmore qui a fait un joli recueil de vers 2. Il lui faut un Corneille commenté . Je voudrais bien que frère Thieriot me fit l'amitié de le voir, de lui donner de ma part un exemplaire broché . Frère Thieriot pourrait l'engager à donner un supplément des fautes que je n'ai pas remarquées, et à faire en général quelques bonnes réflexions sur l'art dramatique . M. Blin de Sainmore en est très capable . Il demeure chez M. Borde, rue des Capucins ou des Capucines . Allons cher frère Thieriot, démenez-vous dans cette grande affaire . Cher frère donnez un peu de votre zèle à frère Thieriot, qu'il n’épargne pas les frais, nous paierons tout . »
1 L'édition de Kehl qui mêle des extraits de cette lettre et des lettres du 11 juin et du 13 juin 1764 donne ici une date fictive du 13 juin 1764 .
2 Voir lettre du 11 novembre 1763 à Blin de Sainmore : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/11/03/ce-sont-des-bagatelles-qui-echappent-qui-font-l-amusement-de-6102124.html
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14/07/2019
Quel dédommagement aura la famille ?
... La question se pose alors que les blessés de guerre sont à l'honneur aujourd'hui .
« A Gabriel Cramer,
à Genève
[7 ou 8 juin 1764]1
Monsieur Cramer est supplié de vouloir bien faire avoir à son premier garçon les livres qu'il demande à la bibliothèque . Id est Bochart 2, et Démonstration évangélique de Huet 3, sans quoi le griffonneur ne peut plus griffonner .
Lekain et consorts n'ont point reçu de Corneille ; monsieur Cramer est prié de vouloir bien mander s'il a donné ses ordres à ce sujet .
Il sait sans doute que l'arrêt par lequel on avait roué Calas a été cassé d'une voix unanime . Mais les os de ce pauvre Calas n'en ont pas moins été cassés . Quel dédommagement aura la famille ? Si Mme de Pompadour était en vie la pauvre veuve et ses filles auraient une pension 4. »
1 L'édition Gagnebin place la lettre en mai 1764 . Elle est ici datée par la date à laquelle parvint la nouvelle du verdict dans l'affaire Calas . Voir lettre du 9 juin 1764 à Manoël de Végobre .
2 Samuel Bochard est l'auteur de plusieurs livres et brochures ; V* a peu-être demandé ses Opera omnia, 1692 . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Samuel_Bochart
3 Voir lettre du 19 mai 1764 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/06/19/moins-de-nouvelles-moins-de-sottises-6159084.html
et : https://archive.org/stream/dmonstrationsvan05mign/dmonstrationsvan05mign_djvu.txt
4 Le roi n'en agit pas moins généreusement à leur égard . Mme Calas reçu quelques mois plus tard , sur la cassette royale, 12000 francs, chacune de ses filles 6000 et chacun de ses fils 3000 , Jeanne Viguier 3000, plus 6000 pour les frais de justice et de voyage , soit un total de 36000 francs .
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mettez en deux mots votre pensée ; cela vaudra beaucoup mieux
... M. le président de la République , soyez bref ! Vous parlez à la Grande Muette !
Tenez bon, mesdames, je n'en ai plus que pour une demi-heure
« A Marie-Françoise-Xavière de Lichtenstein, princesse de Ligne
Aux Délices 6 juin 1764
Brionne 1, de ce buste adorable modèle,
Le fut de la vertu comme de la beauté ;
L’amitié le consacre à la postérité,
Et s’immortalise avec elle.
Vous vous adressez, madame, à une fontaine tarie, pour avoir un peu d’eau d’Hippocrène. Je ne suis qu’un vieillard malade au pied des Alpes, qui ne sont pas le mont Parnasse. Ne soyez pas surprise si j’exécute si mal vos ordres. Il est plus aisé de mettre madame de Brionne en buste qu’en vers. Vous avez des Phidias, mais vous n’avez point d’Homère qui sache peindre Vénus et Minerve.
D’ailleurs, madame, vous écrivez avec tant d’esprit, que je suis tenté de vous dire : si vous voulez de bons vers, faites-les. Je ne peux que vous représenter la difficulté d’une inscription en rimes. Quatre vers sont bien longs sous un marbre ; mais il en faudrait cent pour exprimer tout ce qu’on pense de vous et de madame la comtesse de Brionne.
Jetez mes quatre vers au feu, madame, et mettez en prose,
L’amitié consacre ce marbre a la beauté et a la vertu.
Cela est plus dans le style qu’on appelle lapidaire ; ou bien jetez encore au feu cette inscription, et mettez en deux mots votre pensée ; cela vaudra beaucoup mieux.
Pardonnez à mon extrême stérilité, et agréez le profond respect, etc. »
1 Louise-Julie-Constance de Rohan-Montauban, femme de Charles-louis de Lorraine, comte de Brionne . Un peu plus tard, en janvier 1766, Walpole se rendra chez la princesse de Ligne pour voir ce buste . Voir : https://data.bnf.fr/fr/15090727/louise_julie_constance_de_rohan-montauban_brionne/
et : https://www.pinterest.de/pin/520517669422742196/
et : http://favoritesroyales.canalblog.com/archives/2012/07/29...
09:38 | Lien permanent | Commentaires (0)