13/07/2019
Il ne faut pas que dans la place où vous êtes vous vous mêliez de pareilles affaires
... C'est un petit conseil à Emmanuel Macron, président, à propos de l'affaire de Rugy, affaire délicate pour un ministre indélicat .
Victor Hugo a déjà décrit la situation dans Ruy Blas ( prémonition ? Rugy blase ?! ):
"Bon appétit ! Messieurs !...
Ô ministres intègres !
Conseillers vertueux ! voilà votre façon
De servir, serviteurs qui pillez la maison !
Donc vous n'avez pas honte...
De Rugy, honte ? non ! juste en colère de se voir pris la main dans le pot de confiture . On attend mieux de ceux qui sont dotés de pouvoir .
« A Etienne-Noël Damilaville
6è juin 1764 1
Vraiment, mon cher frère, vous avez bon nez de ne point divulguer la petite correction fraternelle que le neveu de M. Eratou fait aux réformateurs et aux réformables . Il ne faut pas que dans la place où vous êtes vous vous mêliez de pareilles affaires . Les chers frères ont la force des lions quand ils écrivent, mais il faut qu'ils aient la prudence des serpents quand ils agissent .
J'ai une grande grâce à vous demander ; c'est d'engager sur-le-champ frère Thieriot à faire relier honnêtement son exemplaire de Corneille, et ceux qui sont destinés à M. Mariette et à Lekain . Je paierai sur-le-champ le prix de ces reliures . Je prie instamment frère Thieriot de me rendre ce service .
Je suis toujours malingre . Ecr l'inf . C’est la dernière volonté de votre ami . »
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12/07/2019
On ne veut plus rien aujourd’hui que par extrait ; et voilà pourquoi on n’a pas fait un bon ouvrage, depuis trente ans
...
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
6 juin [1764] 1
Anges célestes, quoi ! je ne vous ai pas mandé que Cornélie chiffon, que Chimène marmotte nous avait donné une fille ! il faut donc qu’il y ait eu une lettre de perdue, avec un petit cahier pour la Gazette littéraire. J’envoie ce paquet-ci, pour plus de sûreté, par M. le duc de Praslin, à qui je l’adresse. Il n’est pas douteux que M. l’abbé Arnaud aura un Corneille, aussi bien que les héros et les héroïnes tragiques . Mais il fallait que le ballot arrivât, et il faut 2 que les exemplaires soient reliés. Je n’ai pas la moitié, à beaucoup près, des exemplaires que j’avais retenus.
Si vous êtes curieux mes anges d'être au fait voici une lettre qui vous dira à peu près le mot de l'énigme 3. Elle est écrite à mon clerc par ce Guy Duchesne, libraire au temple du dégoût 4.
Vous n'aimez pas l’exterminé ni moi non plus . Puisque vos mains angéliques collent si proprement de petits papiers, eh bien collez donc celui-ci :
ANTOINE
Madame, il n'est plus temps, je n'en suis plus le maître,
Son trépas importait à notre sûreté,
Et l'arrêt aujourd'hui doit être exécuté . 5
Oui, je mourrai dans l’opinion que c’est une barbarie welche d’étrangler, de tronquer, de mutiler les sentiments . C’est l’Opéra-comique qui a mis à la mode cette abominable coutume. On ne veut plus rien aujourd’hui que par extrait ; et voilà pourquoi on n’a pas fait un bon ouvrage, depuis trente ans, en prose ou en vers. O Welches ! vous êtes dans la décadence, et j’en suis bien fâché.
J’ai mis enfin M. de Chauvelin, l’ambassadeur, dans la confidence de la conspiration. J’exige de lui et de madame sa femme le serment de ne rien révéler, mais mon paquet sera assurément ouvert par M. le comte de Viry 6. Voilà à quoi on est exposé dans les grandes affaires.
Je vous remercie bien, mes anges, des espérances que vous me donnez pour mes dîmes. Si je triomphe de l’Église, ce sera de votre triomphe. L’Église et le parterre sont des gens difficiles.
J’écrirai à M. de Lorenzi 7 et à M. Béliardi 8, s’il ne me vient rien par la voie de Cramer. M. Algarotti, qui m’aurait tout fourni, vient de mourir 9.
J’ai eu l’honneur de voir aujourd’hui Mme de Pusigneu 10 ; elle a voulu que je la reçusse en bonnet de nuit et en robe de chambre. Ma fluxion a un peu quitté mes yeux pour se jeter sur tout le reste. Je suis l’homme de douleur 11; mais je souffre le tout assez gaiement : c’est le seul parti qu’il y ait à prendre dans ce monde. Avez-vous vu les propositions de paix que m’a faites maître Aliboron 12, et ma petite réponse ?
Portez-vous bien surtout, mes divins anges. Ayez la bonté de présenter mes très sincères remerciements à M. Arnaud. Pardon.
V. »
1 Date complétée par d'Argental .
2 V* a ajouté il faut au-dessus de la ligne .
3 Lettre qui ne nous est pas parvenue , mais voir la réponse donnée à propos de la lettre du 21 mai 1764 à Damilaville [ http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/06/20/d-pourquoi-dieu-vous-a-t-il-cree-et-mis-au-monde-r-pour-le-servir-et-pour-e.html ] et surtout la seconde lettre signée Wagnière manifestement dictée par V* : « 4è juin 1764 aux Délices / « Monsieur, / « M. de Voltaire est toujours malade ; il vous prie très instamment pour votre intérêt, et un peu pour son honneur, de n'imprimer les pièces de théâtre qu'il a eu le malheur de faire à ce qu'il dit que suivant l’édition de Genève. . On avait horriblement mutilé à la comédie Le Droit du Seigneur par des scrupules chimériques qui ont disparu depuis . On avait aussi mutilé Zulime . Vous sentez combien il est désagréable pour l'auteur , pour le public et pour vous , d'imprimer la mauvaise leçon, tandis que l'auteur a fait lui-même imprimer la bonne . Il n’y a certainement d'autre remède que de substituer dans votre recueil, la bonne édition à la mauvaise, en vous servant de l'édition Cramer . M. de Voltaire vous offre de vous dédommager de vos frais, et il se flatte que vous ne ferez aucune difficulté de prendre un parti si raisonnable . La route de Dijon est très lente et très incertaine, celle de Lyon la plus commode et la plus sûre . J'ai l'honneur d'être bien véritablement, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur / Wagnière. »
4 Pierre Guy travaille pour les Duchesne, au Temple du Goût .
5 Ces vers figuraient au premier acte d'Octave, dans une scène supprimée ensuite . Depuis Si vous êtes curieux … , le passage biffé sur la copie Beaumarchais, manque dans les éditions ( voir :http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/08/correspondance-annee-1764-partie-19.html )
6 François Joseph, comte de Viry, ministre des Affaires étrangères de Sardaigne depuis mars 1764 .
7 Le comte Luigi Lorenzi, ministre de France à Florence .
8 Agostino Beliardi, agent de Choiseul en Espagne .
9 Voir lettre de juin 1764 à Cramer : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/07/08/le-cure-de-saint-sulpice-a-fait-banqueroute-6162669.html
10 Une des nièces du comte d'Argental qui a épousé Boffin d'Argenson, marquis de Pusigneu .
11 Isaïe, LIII, 3-...
12 Voir lettre du 23 mai 1764 à Damilaville et lettre du 24 mai 1764 à Panckoucke : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/06/25/j-ai-un-si-violent-mal-de-gorge-que-je-ne-peux-dicter-et-mes-yeux-sont-si-m.html
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11/07/2019
N’est-ce donc rien d’être guéri des malheureux préjugés qui mettent à la chaîne la plupart des hommes, et surtout des femmes ? de ne pas mettre son âme entre les mains d’un charlatan ? de ne pas déshonorer son être par des terreurs et des superstitions
... indignes de tout être pensant ? d’être dans une indépendance qui vous délivre de la nécessité d’être hypocrite ? de n’avoir de cour à faire à personne, et d’ouvrir librement votre âme à vos amis ?"
Beau programme de vie, n'est-il pas ? Merci Voltaire .
Et zut, flute et pataflute * au pape pour sa déclaration inepte suite au décès de Vincent Lambert, et la même chose aux parents bornés qui se sont pris pour le bon Dieu .
* A la place vous pouvez à votre gré mettre le mot de Cambronne à Waterloo ou de préférence le juron préféré du père Ubu, vu la situation des dix ans passés .
Papiste ?
« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand
4è juin 1764, aux Délices 1
J’écris avec grand plaisir, madame, quand j’ai un sujet ; écrire vaguement et sans avoir rien à dire, c’est mâcher à vide, c’est parler pour parler ; et les deux correspondants s’ennuient mutuellement, et cessent bientôt de s’écrire . Nous avons un grand sujet à traiter ; il s’agit de bonheur, ou du moins d’être le moins malheureux qu’on peut dans ce monde. Je ne saurais souffrir que vous me disiez que plus on pense, plus on est malheureux. Cela est vrai pour les gens qui pensent mal ; je ne dis pas pour ceux qui pensent mal de leur prochain, cela est quelquefois très amusant ; je dis pour ceux qui pensent tout de travers . Ceux-là sont à plaindre sans doute, parce qu’ils ont une maladie de l’âme, et que toute maladie est un état triste . Mais vous, dont l’âme se porte le mieux du monde, sentez, s’il vous plaît, ce que vous devez à la nature. N’est-ce donc rien d’être guéri des malheureux préjugés qui mettent à la chaîne la plupart des hommes, et surtout des femmes ? de ne pas mettre son âme entre les mains d’un charlatan ? de ne pas déshonorer son être par des terreurs et des superstitions indignes de tout être pensant ? d’être dans une indépendance qui vous délivre de la nécessité d’être hypocrite ? de n’avoir de cour à faire à personne, et d’ouvrir librement votre âme à vos amis ?
Voilà pourtant votre état. Vous vous trompez vous-même quand vous dites que vous voudriez vous borner à végéter : c’est comme si vous disiez que vous voudriez vous ennuyer. L’ennui est le pire de tous les états. Vous n’avez certainement autre chose à faire, autre parti à prendre, qu’à continuer de rassembler autour de vous vos amis . Vous en avez qui sont dignes de vous.
La douceur et la sûreté de la conversation est un plaisir aussi réel que celui d’un rendez-vous dans la jeunesse. Faites bonne chère, ayez soin de votre santé, amusez-vous quelquefois à dicter vos idées, pour comparer ce que vous pensiez la veille à ce que vous pensez aujourd’hui ; vous aurez deux très grands plaisirs, celui de vivre avec la meilleure compagnie de Paris, et celui de vivre avec vous-même ; je vous défie d’imaginer rien de mieux.
Il faut que je vous console encore, en vous disant que je crois votre situation fort supérieure à la mienne. Je me trouve dans un pays situé tout juste au milieu de l’Europe. Tous les passants viennent chez moi , il faut que je tienne tête à des Allemands, à des Anglais, à des Italiens, à des Français même, que je ne verrai plus , et vous ne vivez qu’avec des personnes que vous aimez.
Vous cherchez des consolations ; je suis persuadé que c’est vous qui en fournissez à Mme la maréchale de Luxembourg ; je lui ai connu une imagination bien brillante, et l’esprit du monde le plus aimable . J’ai cru même entrevoir chez elle de beaux rayons de philosophie ; il faut qu’elle devienne absolument philosophe : il n’y a que ce parti-là pour les belles âmes. Voyez la misérable vie qu’a menée Mme la maréchale de Villars dans ses dernières années ; la pauvre femme allait au salut, et lisait, en bâillant, les méditations du père Croiset 2.
Vous qui relisez Corneille, madame, mandez-moi, je vous prie, tout ce que vous pensez de mes remarques, et je vous dirai ensuite mon secret. Daignez toujours aimer un peu votre directeur, qui se ferait un grand honneur d’être dirigé par vous.
V. »
1 V* répond à la lettre de Mme du Deffand du 29 mai 1764 , disant : « Non, monsieur, je ne préférerais pas la pensée à la lumière, les yeux de l'âme à ceux du corps ; je consentirais bien plutôt à un aveuglement moral . Toutes mes observations me font juger, que moins on pense, moins on réfléchit, plus on est heureux . Je le sais même par expérience ; quand on a eu une grande maladie, qu'on a souffert de grandes douleurs, l'état où l'on se trouve dans la convalescence est un état très heureux […] quand on a beaucoup d'esprit et de talent on doit trouver en soi de grandes ressources ; il faut être Voltaire ou végéter . Quel plaisir pourrais-je trouver à mettre mes pensées par écrit ? Elles ne servent qu'à me tourmenter, et cela satisfait peu ma vanité ; […] vous avez une âme sensible, vous ne direz point des choses vagues, le moment où je reçois vos lettres, celui où j'y répond me consolent, m'occupent et même m'encouragent ; si j'étais plus jeune, je chercherais peut-être à me rapprocher de vous ; rien ne m'attache dans ce pays-ci , et la société où je me trouve engagée, me ferait dire ce que M. de La Rochefoucauld dit de la cour : elle ne rend pas heureux, mais,elle empêche qu'on ne le soit ailleurs . Je n'attribue pas mes peines et mes chagrins à tout ce qui m'environne . Je sais que c'est presque toujours notre caractère qui contribue le plus à notre bonheur et à notre malheur, mais comme vous savez nous l'avons reçu de la nature ; que conclure de tout cela ? C'est qu'il faut se soumettre […] Vous voulez que je vous dise mon sentiment sur votre Corneille, c'est certainement vous moquer de moi . Si je vous croyais j'hasarderais peut-être de vous obéir, mais comment aurais-je la témérité de vous critiquer par écrit ? Il faut que vous réitériez encore cet ordre pour que j'y puisse consentir . Je vous dirai seulement que vous êtes cause que je relis toutes les pièces de Corneille . Je n'en suis encore qu'à Héraclius ; je suis enchantée de la sublimité de son génie, et dans le plus grand étonnement qu'on puisse être en même temps si dépourvu de goût . Ce ne sont point les choses basses et familières qui me surprennent et qui me choquent , […] mais c'est la manière dont il tourne et retourne la même pensée, qui est bien contraire au génie et qui est presque toujours la marque d'un petit esprit ? La mort de M. de Luxembourg [Charles-François de Montmorency-Luxembourg, duc de Piney-Luxembourg, mort le 18 mai 1764] m'a fort occupée ; Mme de Luxembourg est très affligée . Je serais bien aise de lui pouvoir montrer quelques lignes de vous, qui lui marquât l'intérêt que vous prenez à sa situation, et que vous partagez mes regrets . »
2 Retraite spirituelle pour un jour chaque mois, de Jean Croiset, 1764 . Voir : https://data.bnf.fr/fr/12927799/jean_croiset/
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10/07/2019
J'espère un canonicat
... déclare, en substance Mme Dominique Tapie, emballée par la relaxe de son Nanard chéri . "C'est à voir " dirait papa François Ier qui, pourtant, donne l'auréole larga manu .
Et pourquoi pas, dans ce monde où le fric ouvre tant de portes ?!
« A Théodore Tronchin
[vers le 1er juin 1764] 1
Mon cher Esculape il est vrai que je me chauffe comme une cigogne, mais je souffre comme un diable . Je suis lépreux comme Naaman et triste comme Job . Je vous supplie d'en prévenir quiconque voudrait voir ce pauvre homme, afin qu'on ne dise pas morosus est, mais miser est 2.
Interea 3 je me recommande à vos bontés .
Le cardinal de Bernis est donc archevêque d’Albi 4. J'espère un canonicat .
Vale et me ama 5. »
1 Texte selon l'édition Gagnebin : « Voltaire démasqué par sa correspondance avec les Tronchin. »
2 il est morose […] il est malheureux .
3 Cependant .
4 Mme Du Deffand a écrit dans sa lettre du 29 mai 1764 : « M. le cardinal de Bernis a l'archevêché d'Albi. »
5 Porte-toi bien et aime-moi .
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très malingre, et par conséquent très négligent
... --( ce qui aurait pu être un des arguments de défense de son avocat )-- Bernard Tapie est relaxé . Pas escroc , mais pas blanc-bleu quand même ! Tricheur de haut niveau , baratineur et bonimenteur , ça, on ne pourra pas lui enlever . Fin du feuilleton fisco-judiciaire ?
« A Jean Ribote Charron, etc.
à Montauban
Le correspondant très malingre, et par conséquent très négligent, remercie le correspondant diligent pour tout ce qu'il a bien voulu lui communiquer . S'il veut avoir quelque nouvel exemplaire des petites brochures curieuses qu'on lui envoya l'année passée, il n'a qu'à donner une adresse, et il sera satisfait . Il est prié instamment, de mander s'il est vrai que le parlement de Toulouse ait condamné l'archevêque d'Auch à une amende pour son mandement en faveur des jésuites . On jugera les Calas dans quelques jours . Les deux frères Calas commencent à faire une petite fortune dans ce pays-ci ; malheur est bon à quelque chose . Le correspondant fait des compliments bien sincères au correspondant.
1er juin 1764 . »
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09/07/2019
Je m’intéresse beaucoup plus à une nouvelle actrice qu’à un nouveau prédicateur
...
« A Etienne-Noël Damilaville
1er juin 1764 1
Je reçois, mon cher frère, votre lettre du 24 mai, et la copie de votre beau sermon à frère Gabriel sur les devoirs de la société . Je vous aime tous les jours davantage, et vous m'engagez à être plus que jamais écr l'inf .2
Gardez, je vous prie, les exemplaires qui vous sont parvenus jusqu’à ce que nous puissions faire une liste de ceux à qui nous en donnerons . Je suis toujours émerveillé de M. d'Acquin qui demeure dans votre voisinage près de la rue saint-Paul . Il m'écrit qu'il me demande un Corneille, et tous mes ouvrages bons ou mauvais, il me parle d'un Avant-coureur qu'il dit donner au public toutes les semaines ; je lui donne tout, je souscris pour son Avant-coureur, et depuis ce temps je n'entends plus parler de lui .
Il me semble que les enthousiastes de Pierre Corneille commencent un peu à se calmer, aussi bien que les enthousiastes des Welches . Vous voyez qu'à la longue la vérité ne laisse pas d'avoir le dessus .
J’ai lu enfin le mandement de l’archevêque de Paris ; je vous avoue qu’il m’a paru modéré et raisonnable. Otez le nom de jésuite, il n’y aurait rien à lui répliquer ; mais il n’y a pas moyen d’avoir raison quand on soutient une société qui avait trouvé le secret, malgré sa politique, de déplaire à la nation depuis deux cents ans.
Est-il vrai qu’une jeune actrice 3 a débuté avec succès dans les rôles ingénus ? Je m’intéresse beaucoup plus à une nouvelle actrice qu’à un nouveau prédicateur. J’aime le tripot, et je veux que les Welches aient du plaisir.
A-t-on enfin jugé les Calas ? Cela me fait songer que nous devons un Corneille proprement relié à M. Mariette . Je vous demande en grâce d'acquitter cette dette le plus promptement que faire se pourra . Frère Thieriot pourrait servir dans cette affaire . Le voilà à présent attaché à un archevêque, mais je me flatte qu'il n’oubliera pas les profanes . Je soupire après l'Encyclopédie . Bonsoir, mon cher frère .
Écr l'inf. »
1 L'édition de Kehl, suite à la copie Beaumarchais, omet la plus grande partie de la lettre et la remplace par des extraits des lettres du 28 mai 1764 et du 6 juin 1764 : voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/07/correspondance-annee-1764-partie-18.html
2 Écrasez l'infâme devient un nom, à moins qu'on ne lise écr[aseur de ] l'inf[âme].
3 Une seule actrice débuta, à la fin de mai, à la Comédie, mademoiselle Sanlaville, et c’était pour les rôles de caractère. (Georges Avenel.)
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08/07/2019
Le curé de Saint-Sulpice a fait banqueroute
... Ou va le faire .
Notre Dame de Paris n'est pas la seule église touchée par les flammes (diaboliques, évidemment !) et l'appel aux fonds est lancé : http://www.leparisien.fr/paris-75/paris-apres-l-incendie-...
Aide toi, le ciel t'aidera !
« A Gabriel Cramer
[premiers jours de juin 1764] 1
Je vous envoie, mon cher Caro, le Kirker 2 et le Pline que vous avez eu la bonté de me faire prêter par la bibliothèque .
Je vous prie de m'envoyer trois Vadé .
M. Algarotti est mort 3, j'en suis bien fâché .
Le curé de Saint-Sulpice a fait banqueroute 4.
Je vous embrasse bien tendrement . »
1 L'édition Gagnebin propose de dater d'après la nouvelle de la mort d'Algarotti ; mais V* n'y fera ensuite allusion que le 6 juin 1764 .
2 Voir lettre du 1er mai à Cramer : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/05/29/je-fous-serai-tres-oblige-car-je-suis-devenu-horriblement-pedant.html
3 Mort le 3 mai 1764 à Pise : https://fr.wikipedia.org/wiki/Francesco_Algarotti
4 Mme Du Deffand a écrit à V* le 29 mai 1764 : « Le curé de Saint-Sulpice a donné sa démission, moyennent quinze mille livres de rente, c'est un M. Noguer, son vicaire , qui le remplace . » En fait ce remplacement n'eut pas lieu, et le vicaire resta en fonction jusqu'en 1777 . Le mot « banqueroute » n'est dans la bouche de V* qu'une ironie mordante, car la cure de Saint Sulpice avait les plus gros revenus de Paris .
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