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03/07/2021

je vous serai attaché toute ma vie, soit que vous donniez des bénéfices à des prêtres, soit que vous les corrigiez de leur impertinence, soit que vous les méprisiez

... Alors à tous les coups, vous gagnez . E viva Voltaire !

 

 

« A Claire-Josephe-Hippolyte Léris de La Tude Clairon

Ferney 30è mars 1766 1

Vous allez être un peu surprise, mademoiselle ; je vous demande une cure. Vous allez croire que c’est la cure de quelque malade pour qui je vous prierais de parler à M. Tronchin, ou la cure de quelque esprit faible que je recommanderais à votre philosophie, ou la cure de quelque pauvre amant à qui vos talents et vos grâces auraient tourné la tête . Rien de tout cela ; c’est une cure de paroisse. Un drôle de corps de prêtre du pays de Henri IV, nommé Doleac 2, demeurant à Paris, sur la paroisse Sainte-Marguerite, meurt d’envie d’être curé du village de Cazaux. M. de Villepinte 3 donne ce bénéfice. Le prêtre a cru que j’avais du crédit auprès de vous, et que vous en aviez bien davantage auprès de M. de Villepinte . Si tout cela est vrai, donnez-vous le plaisir de nommer un curé au pied des Pyrénées, à la requête d’un homme qui vous en prie du pied des Alpes. Souvenez-vous que Molière, l’ennemi des médecins, obtint de Louis XIV un canonicat pour le fils d’un médecin 4.

Les curés qui ont pris la liberté de nous excommunier nous canoniseront quand ils sauront que c’est vous qui donnez des cures. Je voudrais que vous disposassiez de 5 celle de Saint-Sulpice.

Je ne sais pas quand vous remonterez sur le jubé de votre paroisse. Vous devriez choisir, pour votre premier rôle, celui de lire au public la déclaration du roi en faveur des beaux-arts contre les sots ; c’est à vous qu’il appartient de la lire 6.

Adieu, mademoiselle ; je vous supplie de vouloir faire souvenir de moi vos amis, et surtout d’être bien persuadée qu’il n’y en a aucun de plus sensible que moi à tous vos différents mérites; je vous serai attaché toute ma vie, soit que vous donniez des bénéfices à des prêtres, soit que vous les corrigiez de leur impertinence, soit que vous les méprisiez. »

1 Une mauvaise version de cette lettre, et sous la date de 1769, a été imprimée dans l’Almanach littéraire, 1790, page 158. (Beuchot.) .

Voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9737872r/f172.item

Ici, édition de Kehl , suivant minute avec corrections autographes .

2 Dans un article intitulé « Un curé de Cazaux-Pardiac » paru dans la Revue de Gascogne, avril[janvier ] 1891, Cyprien La Plagne-Barris a établi que son nom est Doliac et non Doleac comme le donne le manuscrit .

Chercher « Pardiac » dans https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5726273p/texteBrut

3 Le marquis de Villepinte est seigneur de Cazaux et doit une forte somme d'argent à Beyrie, trésorier des états de Bigorre, et c'est le candidat de ce dernier, Louis Barris, qui sera nommé curé . Voir page 433 : https://books.google.fr/books?id=lvTy8cg1p50C&pg=PA433&lpg=PA433&dq=marquis+de+Villepinte++seigneur+de+Cazaux&source=bl&ots=JMD7spgt0M&sig=ACfU3U01mPEKGbOjp7SgKjy3z7ANy4lEFw&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjvkdqQj8fxAhWHxYUKHbLbALgQ6AEwB3oECAUQAw#v=onepage&q=marquis%20de%20Villepinte%20%20seigneur%20de%20Cazaux&f=false

4 Phrase ajoutée par V* entre les lignes et dans la marge .

5 Les mots disposassiez de sont une correction autographe au texte primitif, donnassiez .

6 M. de Voltaire sollicitait vivement une déclaration du roi qui rendit aux comédiens l’état de citoyen, et qui les affranchit de l’excommunication lancée autrefois contre de vils baladins. Il n’eût pas fallu moins sans doute pour engager Mlle Clairon à remonter sur le théâtre. (Kehl.) — Voir ci-devant les lettres à M. Jabineau du 4 février 1766 et du 1er mars 1766 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/05/24/et-puis-n-est-il-pas-egalement-defendu-de-forcer-une-femme-a-6317899.html

et : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/06/02/je-vous-demande-en-grace-de-ne-point-fournir-des-armes-a-nos-adversaires.html

Je me connais trop bien pour n’être pas modeste

... C'est dit ! et je reste cependant v.t.h.e.t.o.s .

Cela rend modeste de voyager. On voit quelle petite place on occupe dans le  monde. Gustave Flaubert. | Ma-Citation.com

Dédicace à tous ceux qui sont sur les routes pour ce premier gros départ en vacances

 

 

« A Jacques Lacombe

Au château de Ferney, par Genève, 29è mars 1766 1

Je vous ai plus d’une obligation, monsieur : celle de vos soins, celle de vos présents, et celle de votre préface 2, de laquelle vous me faites un peu rougir, mais dont je ne vous dois pas moins de reconnaissance. Je crois vous avoir déjà dit 3 qu’ayant quitté la profession des Patrus 4 pour celle des Estiennes, vous vous tireriez mieux d’affaire en imprimant vos ouvrages que ceux des autres. Je doute que le petit recueil que vous avez bien voulu faire de tout ce que j’ai dit sur la poésie ait un grand cours ; mais, du moins, ce recueil a le mérite d’être imprimé correctement, mérite qui manque absolument à tout ce qu’on a imprimé de moi.

Au reste, vous me feriez plaisir d’ôter, si vous le pouviez, le titre de Genève ; il semblerait que j’eusse moi-même présidé à cette édition, et que les éloges que vous daignez me donner dans la préface ne sont qu’un effet de mon amour-propre. Je me connais trop bien pour n’être pas modeste ; je ne suis pas moins sensible à toutes les marques d’amitié que vous me donnez ; que ne puis-je être à portée de vous témoigner l’estime, la reconnaissance et l’amitié, avec lesquelles j’ai l’honneur d’être, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire. »

1L'édition de Kehl amalgame des fragments de cette lettre et des lettres du 5 avril et du 25 juin 1766, datant le tout du 26 mai 1766 . On donne ici l'édition Cayrol .

2 Celle de Poétique de M . de Voltaire, ou Observations recueillies de ses ouvrages, concernant la versification française [etc.], 1766, ouvrage anonyme : https://numelyo.bm-lyon.fr/f_view/BML:BML_00GOO0100137001100994982

4 Olivier Patru a été un avocat célèbre dont les Plaidoyers ont été publiés en 1670 et suiv. V* possède ses Œuvres diverses, 4è édition, Paris , 1732 : https://www.google.fr/books/edition/Plaidoyers_et_oeuvres_diverses_de/ujl1cKAk40YC?hl=fr&gbpv=1&pg=PP7&printsec=frontcover

ce n’est pas des roués, mais des fous, que je vous entretiendrai aujourd’hui. De quels fous ? m’allez-vous dire

... Ceux qui refusent la vaccination anti-Covid !

Que dire des soignants qui sont dans le camp des opposants ? Pourquoi trouver liberticide l'obligation de se faire vacciner ? Il s'agit de santé publique, tout doit être fait pour éradiquer le virus dans les plus grandes proportions . Qui se souvient de l'obligation faite à tout le personnel médical de se faire vacciner contre l'hépatite B ? Ce qui fut fait sans hurler "la liberté est morte", le sens de la responsabilité étant encore respecté . Autre temps, autres moeurs, on ne demandait pas aux politiciens ni aux syndicalistes d'avoir un pouvoir décisionnaire en matière médicale  .

Le virus ne passera pas par moi !

Pour info :

https://professionnels.vaccination-info-service.fr/Recomm...

Vie De Carabin on Twitter: "Les anti-vaccins 3/3 D'autres BD d'un étudiant  en médecine sur @VieDeCarabin… "

 

Un p'tit coup de gueule de Pierre Perret  ( à réactualiser ) : https://www.youtube.com/watch?v=zA2JjodD6IU

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

29è mars 1766

Mes divins anges, ce n’est pas des roués, mais des fous, que je vous entretiendrai aujourd’hui. De quels fous ? m’allez-vous dire. D’un vieux fou qui est Pierre Corneille, petit-neveu, à la mode de Bretagne, de Pierre Corneille, et non pas de Pierre Corneille auteur de Cinna, mais sûrement de l’auteur de Pertharite, qui n’a pas le sens commun.

Nous avions toujours craint, Mme Denis et moi, sur des notions assez sûres, qu’il ne sût pas gouverner la petite fortune qu’on lui a faite avec assez de peine. Figurez-vous, mes anges, qu’il mande à sa fille qu’elle doit lui envoyer incessamment cinq mille cinq cents livres pour payer ses dettes. M. Dupuits est assurément hors d’état de payer cette somme ; il liquide les affaires de sa famille ; il paye toutes les dettes de son père et de sa mère ; il se conduit en homme très sage, lui qui est à peine majeur ; et notre bonhomme Corneille se conduit comme un mineur. Nous vous demandons bien pardon, mes chers anges, Mme Denis, M. Dupuits, et moi, de vous importuner d’une pareille affaire ; mais à qui nous adresserons-nous, si ce n’est à vous, qui êtes les protecteurs de toute la Corneillerie 1? Non-seulement Pierre a dépensé en superfluité tout l’argent qu’il a retiré des exemplaires du roi, mais il a acheté une maison à Évreux, dont il s’est dégoûté sur-le-champ, et qu’il a revendue à perte. Il m’a paru fort grand seigneur dans le temps qu’il a passé à Ferney ; il ne parlait que de vivre conformément à sa naissance, et de faire enregistrer sa noblesse, sans savoir qu’il descend d’une branche qui n’a jamais été anoblie, et qu’il n’y a plus même de parenté entre sa fille et le grand Corneille. Il n’avait précisément rien quand je mariai sa fille : il a aujourd’hui quatorze cents livres de rente, et les voici bien comptées .

Sur M. Tronchin

600 livres

Pensions des fermiers généraux

400 ''

Sa place à Évreux

160 ''

Sur M. Dupuits

240 ''

Total

1400 livres

 

S’il avait su profiter du produit des exemplaires du roi, il se serait fait encore 500 livres de rente ; il aurait donc été très à son aise, eu égard au triste état dont il sortait.

Comment a-t-il pu faire pour 5 500 livres de dettes sans avoir la moindre ressource pour les payer ? Il a acheté, dit-il, une nouvelle maison à Évreux : qui la payera ? Il faudra bien qu’il la revende à perte, comme il a revendu la première. Il doit à son boulanger deux ou trois années. Vous voyez bien que le bonhomme est un jeune étourdi qui ne sait pas ce que c’est que l’argent, et qui devrait être entièrement gouverné par sa femme, dont l’économie est estimable. On pourra l’aider dans quelques mois ; mais pour les 5,500 livres qu’il demande, il faut qu’il renonce absolument à cette idée, plus chimérique encore que celle de sa noblesse.

Mes anges ne pourraient-ils pas avoir la bonté de l’envoyer chercher, et de lui proposer de se mettre en curatelle sous sa petite femme ? Il se fait payer ses rentes d’avance, dépense tout sans savoir comment, mange à crédit, se vêtit à crédit, et cependant il n’est point interdit encore. Pardon, encore une fois, de ma complainte ; notre petite Dupuits est désespérée ; sa conduite est aussi prudente que celle de son père est insensée. Agésilas, Attila, et Suréna, ne sont pas des pièces plus mal faites que la tête du jeune Pierre.

Respect et tendresse. 

V.»

1 Néologisme amusant du style historiographerie, déjà vu .

02/07/2021

Je ne crois pas que je parvienne jamais à faire établir de mon vivant une tolérance entière en France , mais j’en aurai du moins jeté les premiers fondements

... A lire sans modération : https://societe-voltaire.org/cqv/intolerant.php

"qu’il ne fût jamais permis de tuer personne sans avoir auparavant donné la vie à quelqu’un. Je ne sais rien de plus naturel et de plus juste" : voila une déclaration, d'une grande sécheresse mathématique, raisonnement par l'absurde, qui me laisse pantois, et me laisse supposer ici que Voltaire n'a pas réfléchi autant qu'il en a l'habitude et laisse transparaitre purement sa colère contre les souverains détestables,  assassins par l'intermédiaire de troupes en uniforme .

Dictionnaire de la guerre et de la paix - Frédéric Ramel - Dictionnaires  Quadrige - Format Physique et Numérique | PUF

https://www.puf.com/content/Dictionnaire_de_la_guerre_et_...

 

 

« A James Marriott 1

À Ferney 28è mars 1766 2

Votre lettre, monsieur, est comme vos ouvrages, pleine d’esprit et d’imagination. Je ne crois pas que je parvienne jamais à faire établir de mon vivant une tolérance entière en France , mais j’en aurai du moins jeté les premiers fondements, et il est certain que depuis quelques années, les esprits sont plus heureusement disposés qu’ils n’étaient. La philosophie humaine commence à l’emporter beaucoup sur la superstition barbare.

À l’égard des princes dont vous me parlez, qui souhaitent tant la population, et qui la détruisent par leurs guerres, je voudrais qu’ils fussent condamnés, eux et tous leurs soldats, à engrosser trente ou quarante mille filles avant d’entrer en campagne, et qu’il ne fût jamais permis de tuer personne sans avoir auparavant donné la vie à quelqu’un. Je ne sais rien de plus naturel et de plus juste.

À l’égard de la polygamie, c’est une autre affaire. Votre marchand de volaille était très estimable d’avoir deux femmes, il devait même en avoir davantage, à l’exemple des coqs de sa basse-cour ; mais il n’en est pas de même des autres professions ; votre marchand pondait apparemment sur ses œufs, et tout le monde n’a pas le moyen d’entretenir deux femmes dans sa maison . Cela est bon pour le Grand Turc, les rois d’Israël, et les patriarches . Il n’appartient pas aux citoyens chrétiens d’en faire autant. Je voudrais seulement que chacun de nos prêtres en eût une, et surtout chacun de nos moines, qui passent pour être très capables de rendre à l’État de grands services. Il est plaisant qu’on ait fait une vertu du vice de chasteté ; et voilà encore une drôle de chasteté que celle qui mène tout droit les hommes au péché d’Onan, et les filles aux pâles couleurs !

Si vous voyez milord Schesterfield et milord Littleton, je vous prie, monsieur, de vouloir bien leur présenter mes respects. J’aurais bien voulu vous écrire quelques mots dans votre langue, que j’aimerai toute ma vie, et pour laquelle vous redoublez mon goût ; mais je perds la vue, et je suis obligé de dicter que je suis, avec l’estime la plus respectueuse, monsieur,

votre, etc. »

2 L'édition de Kehl suivant le manuscrit présente le destinataire comme « M. Mariott, à Londres»

01/07/2021

Je le supplie de ne pas opposer tant de négligence à ma tendre amitié

... Ah qu'en termes charmants cette chose-là est dite .

 

 

« A Gabriel Cramer

à Genève

[26 mars 1766]

Je suis très affligé de la mort de Mme Constant, et bien étonné de n'avoir reçu aucune nouvelle de l'édition de monsieur Cramer depuis huit jours . Je le supplie de ne pas opposer tant de négligence à ma tendre amitié . »

 

On ne veut pas être milicien, même en temps de paix... On y sera peut-être moins effarouché de tirer au sort à qui servira l’État

... Demandez aux Suisses !

https://www.courrierinternational.com/sites/ci_master/files/styles/image_original_2048/public/assets/images/chappatte_2019-09-10-7892.jpg?itok=cN2QVtwa

 

 

 

« A David-Louis Constant de Rebecque, seigneur d'Hermenches Colonel

et major au régiment suisse

d'Eptingue

à Landrecies .1

[26 mars 1766]

Je ne croyais pas, monsieur, que je dusse mouiller de mes larmes la réponse que je vous dois depuis si longtemps 2. Je regretterai Mme Constant toute ma vie ; monsieur votre frère est inconsolable ; elle remplissait les devoirs d'épouse, de mère, et tous ceux de l'amitié 3. M. Constant reste avec quatre enfants . Que deviendront-ils ? Quel parti prendra-t-il ? Si ses enfants n'étaient pas aussi aimables qu'ils le sont, je dirais qu'il eût bien mieux fait de se point marier, et de rester auprès de vous . Je sais que vous êtes adoré dans votre régiment, je m'y attendais bien . M. le duc de Choiseul a fait en vous une bien bonne acquisition, et nous nous en apercevrons si nous avons le malheur d'avoir la guerre . Il y a eu dans nos quartiers un peu de mutinerie pour les milices . Beaucoup de gens qui craignaient d'avoir le gros lot à cette loterie, se sont enfuis à Genève . On ne veut pas être milicien, même en temps de paix . Il semble que tous ces gens-là soient devenus philosophes . Le pays où vous êtes est un peu plus guerrier . On y sera peut-être moins effarouché de tirer au sort à qui servira l’État .

Conservez-moi vos bontés, monsieur, et ne m'oubliez pas , je vous en prie, auprès de M. le duc d'Aremberg et de M. le prince de Ligne quand vous leur écrirez .

Mme Denis et toute ma petite famille postiche vous font les plus sincères compliments .

V. »

1 La fin de l'adresse a été ajoutée d'une autre main .