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19/04/2022

n’ayant rien, on ne peut rien m’ôter ; j’ai tout donné

... Paroles de perdants du premier tour de la présidentielle en dessous des 5% nécessaires pour le remboursement des frais de campagne ?

Quelle est la réponse des banquiers , eux qui refusent si facilement et promptement les demandes des particuliers ? Deux poids, deux mesures ...

A moins que ce ne soit un débitant d'huile qui rode devant ses cuves vides : nouvelle affaire tournesol ! Les grossistes encore pourvus "arnaquent" les particuliers, le terme n'est que trop juste . Rappelons-nous quand même qu'il existe d'autres huiles, et basta girasol ! https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-e...

 

 

 

« De Voltaire et Marie-Louise Denis

à Antoine-Jean-Baptiste-Robert Auget, baron de Montyon 1

Ferney, par Genève, 9 janvier [1767]

Monsieur, c’est une grande consolation que vous soyez le juge de ma nièce, Mme Denis : car, pour moi, n’ayant rien, on ne peut rien m’ôter ; j’ai tout donné. Le château que j’ai bâti lui appartient ; les chevaux, les équipages, tout est à elle. C’est elle que les cerbères de bureau d’entrée persécutent ; nous avons tous deux l’honneur de vous écrire pour vous supplier de nous tirer des griffes des portiers de l’enfer.

Vous avez sans doute entre les mains, monsieur, tous nos mémoires envoyés à monsieur le vice-chancelier, qui sont exactement conformes les uns aux autres, parce que la vérité est toujours semblable à elle-même.

Il est absurde de supposer que Mme Denis et moi nous fassions un commerce de livres étrangers : il est très aisé de savoir de la dame Doiret de Châlons, à laquelle les marchandises sont adressées par une autre Doiret, toute la vérité de cette affaire, et où est la friponnerie.

Nous n’avons jamais connu aucune Doiret, y en eût-il cent : il y a une femme Doiret qui est venue dans le pays en qualité de fripière ; elle a acheté des habits de nos domestiques, sans que nous l’ayons jamais vue ; elle a emprunté d’eux un vieux carrosse et des chevaux de labourage de notre ferme, éloignée du château, pour la conduire ; et nous n’en avons été instruits qu’après la saisie.

Loin de contrevenir en rien à la police du royaume, j’ai augmenté considérablement la ferme du roi sur la frontière où je suis, en défrichant les terres, et en bâtissant onze maisons ; et, loin de faire la moindre contrebande, j’ai armé trois fois mes vassaux et mes gens contre les fraudeurs. Je ne suis occupé qu’à servir le roi, et j’ai trouvé dans les belles-lettres mon seul délassement à l’âge de soixante-treize ans.

Nous avons encore beaucoup plus de confiance en vos bontés, monsieur, que nous n’avons de chagrin de cette aventure inattendue. M. d’Argental peut vous certifier sur son honneur que nous n’avons aucun tort, Mme Denis, ni moi ; et mon neveu l’abbé Mignot, en est parfaitement instruit.

Nous espérons recouvrer incessamment des pièces qui prouveront bien que nous n’avons jamais eu la moindre connaissance du commerce de la femme Doiret, ni de sa personne : nous vous demandons en grâce d’attendre, pour rapporter l’affaire, que les pièces vous soient parvenues. Mme Denis est trop malade pour avoir l’honneur de vous écrire ; et moi, qui l’ai été beaucoup plus qu’elle, j’espère que vous pardonnerez à un vieillard presque aveugle si j’emploie une main étrangère pour vous présenter le respect avec lequel j’ai l’honneur d’être, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

Voltaire,

gentilhomme ordinaire du roi.



Je me joins à mon oncle avec les mêmes sentiments, monsieur. Votre très humble et très obéissante servante.

Denis. »

1 Jean-Baptiste-Robert Auget, baron de Montyon, mort le 19 décembre 1820 âgé de quatre-vingt-sept ans, a légué des sommes considérables aux hôpitaux de Paris, et a fait les fonds de différents prix que distribuent annuellement des classes de l’Institut.(Garnier.)

Voir : https://data.bnf.fr/fr/11887021/antoine-jean-baptiste-robert_auget_montyon/

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Baptiste_de_Montyon

Si votre tête repose sur les deux oreillers de la justice et delà compassion, daignez répandre la rosée de vos faveurs sur notre disette

... Petite prière au/à la futur.e président.e de la/le France .

Petit problème : il y a un "Si".

 

 

« A Etienne-François de Choiseul-Stainville, duc de Choiseul

9è janvier 1767 1

Mon héros, mon protecteur, c’est pour le coup que vous êtes mon colonel. Le satrape Elochivis 2 environne mes poulaillers de ses innombrables armées, et le bonhomme qui cultive son jardin au pied du mont Caucase 3 est terriblement embarrassé par votre funeste ambition.

Permettez-moi la liberté grande 4 de vous dire que vous avez le diable au corps. Maman Denis et moi, nous nous jetons à vos pieds. Ce n’est pas les Genevois que vous punissez, c’est nous, grâce à Dieu. Nous sommes cent personnes à Ferney qui manquons de tout, et les Genevois ne manquent de rien. Nous n’avons pas aujourd’hui de quoi donner à dîner aux généraux de votre armée.

À peine l’ambassadeur de votre Sublime Porte eût-il assuré que le roi de Perse prenait les honnêtes Scythes sous sa protection et sauvegarde spéciale, que tous les bons Scythes s’enfuirent 5. Les habitants de Scythopolis peuvent aller où ils veulent, et revenir, et passer, et repasser, avec un passe-port du chiaoux 6 Hennin ; et nous, pauvres Persans, parce que nous sommes votre peuple, nous ne pouvons ni avoir à manger, ni recevoir nos lettres de Babylone, ni envoyer nos esclaves chercher une médecine chez les apothicaires de Scythopolis.

Si votre tête repose sur les deux oreillers de la justice et delà compassion, daignez répandre la rosée de vos faveurs sur notre disette.

Dès qu’on eut publié votre rescrit impérial dans la superbe ville de Gex, où il n’y a ni pain ni pâte, et qu’on eut reçu la défense d’envoyer du foin chez les ennemis, on leur en fit passer cent fois plus qu’ils n’en mangeront en une année. Je souhaite qu’il en reste assez pour nourrir les troupes invincibles qui bordent actuellement les frontières de la Perse.

Que Votre Sublimité permette donc que nous lui adressions une requête qui ne sera point écrite en lettres d’or, sur un parchemin couleur de pourpre, selon l’usage, attendu qu’il nous reste à peine une feuille de papier, que nous réservons pour votre éloge.

Nous demandons un passeport signé de votre main prodigue en bienfaits, pour aller, nous et nos gens, à Genève ou en Suisse, selon nos besoins , et nous prierons Zoroastre qu’il intercède auprès du grand Orosmade, pour que tous les péchés de la chair que vous avez pu commettre vous soient remis. »

1 Seconde minute avec le dernier paragraphe et une correction autographe ; première minute avec des corrections autographes ; édition de Kehl . Les deux minutes ont reçu de Wagnière le titre suivant : « A Mgr le duc de Choiseul sur le cordon de troupes autour de Genève. »

2 Anagramme de Choiseul ; voir lettre du 3 janvier 1767 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/04/08/j-emporte-aux-enfers-ma-juste-indignation-6375571.html

4 Expression des Mémoires de Grammont, chap. iii. Voir lettre du 3 janvier 1755 à Hénault : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/11/01/je-suis-impotent-et-rabeti.html

5 Première version dans les deux manuscrits : tout le monde s'enfuit .

6 Dans l'empire ottoman, le chiaoux est une sorte de commissaire de police ou huissier : https://langue-francaise.tv5monde.com/decouvrir/dictionnaire/c/chiaoux

Passe encore pour du bœuf et des perdrix, mais manquer de casse ! cela est intolérable

... Ne nous méprenons pas, ce n'est pas de casse matérielle dont il s'agit, celle ci est plutôt surabondante en ce moment .

Passez-moi la casse et je vous passerai le  séné , telle est la politique de Poutine à ce jour qui renoue avec le grand jeu des échanges de prisonniers, réminiscence de la guerre froide sans doute ( KGB for ever ! ). Ce triste sire, à l'égal des produits sus-nommés nous fait bien ch....

On se dit tout" - Okapi 100% ADO – Le blog des années collège

-MOI d'abord !

-NON, moi !

 

 

« A Pierre de Buisson, chevalier de Beauteville

À Ferney, 9è janvier 1767 1

Monsieur, je comptais avoir l’honneur de venir présenter Les Scythes à Votre Excellence, et je déménageais comme la moitié de Genève ; mais il plut à la Providence d’affliger mon corps des pieds jusqu’à la tête. Je la supplie de ne vous pas traiter de même dans ce rude hiver. Je vous envoie donc les Scythes comme un intermède à la tragi-comédie de Genève.

On a logé des dragons autour de mon poulailler, nommé le château de Tournay. Maman D[enis] ne pourra plus avoir de bon bœuf sur sa [table ]. Elle envoie chercher de la vache à Gex. Je ne sais pas même comment on fera pour avoir les lettres qui arrivent au bureau de Genève. Il aurait donc fallu placer le bureau dans le pays de Gex. Ce qu’il y a de pis, c’est qu’il faudra un passeport du roi pour aller prendre de la casse chez Colladon 2. Passe encore pour du bœuf et des perdrix, mais manquer de casse ! cela est intolérable . Il se trouve à fin de compte que c’est nous qui sommes punis des impertinences de Jean-Jacques et du fanatisme absurde de De Luc le père 3, qu’il aurait fallu bannir de Genève à coups de bâton, pour préliminaire de la paix.

Que les Scythes vous amusent ou ne vous amusent pas, je vous demande en grâce de les enfermer sous cent clefs, comme un secret de votre ambassade. M. le duc de Choiseul et M. le duc de Praslin sont d’avis qu’on joue la pièce avant qu’elle paraisse imprimée. Je ne suis point du tout de leur avis ; mais je dois déférer à leur sentiment autant qu’il sera en moi.

Daignez donc vous amuser avec Obéide 4, et enfermez-la dans votre sérail, après avoir joui d’elle, et que M. le chevalier de Taulès en aura eu sa part.

Le petit couvent de Ferney, faisant très maigre chère, se met à vos pieds.

J’ai l’honneur d’être, avec un profond respect,

monsieur,

de Votre Excellence

le très humble et très obéissant serviteur.

Voltai[re]. »

1 Original signé dont le papier est endommagé .

2 Plusieurs écrivains genevois ont porté le nom de Colladon. Un Théodore Colladon, de Bourges, avait exercé la médecine à Genève au commencement du xviie siècle. Il est à croire qu’il y avait, en 1767, à Genève, un apothicaire de ce nom ; mais les expressions de casse, eau, bouteilles de Colladon, sont employées par Voltaire pour désigner les ouvrages philosophiques. (Beuchot)

Voir aussi lettre du 14 novembre 1757 à Schouvalov : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/01/30/vous-devez-avoir-recu-une-petite-caisse-d-une-liqueur-qu-on.html

3 Jacques-François de Luc, né en 1698, mort en 1780 ; voir une note page 541 du chant IV de la Guerre de Genève : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome9.djvu/551

4 Personnage de la tragédie des Scythes.

18/04/2022

cent pour nous plaindre , Et pas un pour nous secourir.

... Combien chacun des millions de terriens de pays en guerre peuvent-ils crier cette plainte ? En vain ...

 

 

« A François Achard Joumard Tison, marquis d'Argence, Brigadier des armées

du roi, etc.

à Angoulême

Je ne puis encore,mon cher marquis, vous envoyer cette ode 1. Il y a quelques stances qui sont peut-être un peu dangereuses dans le temps présent et qu'on pourrait malignement interpréter . Il faut que je les corrige afin que personne n'ait le prétexte de se plaindre . Mandez-moi, je vous prie, qu’elle est la date de votre lettre à M. le comte de Périgord 2, cela m'est important . Je ne sais si je vous ai envoyé la stance qui vous regarde . La voici.

Qu’il est beau, généreux d’Argence,
Qu’il est digne de ton grand cœur,
De venger la faible innocence 3
Des traits du calomniateur !

Souvent l’amitié chancelante
Resserre sa pitié prudente ;
Son cœur glacé n’ose s’ouvrir ;
Les amis sont réduits à feindre,
Nous en trouvons cent pour nous plaindre ,
Et pas un pour nous secourir.

Je vous souhaite une meilleure année qu'à moi . Voici le temps où les neiges me rendent aveugle et où je souffre de la tête aux pieds .

9è janvier 1767 .»

2  Sur cette lettre du marquis d'Argence, voir lettre du 8 décembre 1766 à celui-ci . Les mots comte de sont ajoutés entre les lignes par V* .

3  Le mot est écrit innonce dans le manuscrit original, la correction s'impose .

17/04/2022

Nous avons toujours dit la même chose

... Paroles de politiciens.ennes à la courte mémoire à l'heure du bilan de carrière .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

8è janvier 1767 au soir, partira le 10 1

Mes divins anges, nous recevons votre lettre du 3 janvier. Allons vite au fait : 1° L’affaire était si grave que la première chose que dit le receveur du bureau à cette dame, c’est qu’elle serait pendue : 2° Le fidèle Wagnière vous écrivit du bureau même pendant que les monstres du bureau écrivaient à monsieur le vice-chancelier ; 3° Cette affaire étant arrivée le 23 décembre au soir, nous n’avons eu de nouvelles détaillées de vous qu’aujourd’hui 8 janvier, et Lejeune a écrit quatre lettres à sa femme dans cet intervalle ; 4° Nous ne pouvions faire autre chose que d’envoyer mémoire sur mémoire au seul maître de cette affaire ; tous ces mémoires ont été uniformes. Nous avons toujours dit la même chose, et nous ne pouvions deviner que vous imagineriez d’alléguer que cette femme est parente de notre femme de charge, attendu que nous ne l’avons jamais dit dans nos défenses dont vous avez copie, et que Wagnière, à qui cette lettre est dictée, n’énonça point du tout cette défaite 2 dans la lettre qu’il a eu l’honneur de vous écrire du bureau.

La femme même articula dans le procès-verbal qu’elle avait une parente en Suisse, mais non pas à Ferney . Elle déclara qu’elle ne nous connaissait point, et voici le certificat que Wagnière vous en donne, en cas que vous ayez perdu sa lettre. Il nous a donc fallu absolument marcher sur la même ligne et soutenir toujours, ce qui est très vrai, que nous n’avons connu jamais la femme Doiret, et que nous ne vendons point de livres.

5° Il est très vrai encore que le bureau de Collonges est en faute jusque dans sa turpitude, et que sa barbarie n’est point en règle. S’il a cru que la dame Doiret et son quidam 3 voulaient faire passer en France des choses criminelles, il devait s’assurer d’eux : première prévarication.

Il n’était pas en droit de saisir les chevaux et le carrosse d’une personne qui venait faire plomber ses malles, qui se déclarait elle-même, et qui ne passait point des marchandises en fraude selon les ordonnances . Seconde prévarication. Il pouvait même renvoyer ces marchandises sans manquer à son devoir, et c’est ce qui arrive tous les jours dans d’autres bureaux. Mme Denis est légalement autorisée à redemander son équipage, dont d’ailleurs cette femme Doiret s’était servie frauduleusement, en achetant des habits de nos domestiques et en empruntant d’eux nos équipages et des malles.

6° Nos malles ne nous sont revenues au nombre de deux que parce que les commis mirent les papiers dans une troisièmes pour être envoyés à monsieur le vice-chancelier.

7° Il est impossible que, si nous passons le moins du monde pour complices de la femme qui faisait entrer ces papiers, nous ne soyons exposés aux désagréments les plus violents.

8° Quand nous ne serions condamnés qu’à la plus légère amende, nous serions déshonorés à quinze lieues à la ronde, dans un pays barbare et superstitieux. Vous ne vous connaissez pas en barbares 4.

9° Si on ne trouve pas un ami de M. de La Reynière qui obtienne de lui la prompte et indispensable révocation du nommé Jeannin, contrôleur du bureau de Sacconex, entre Genève et Ferney, l’affaire peut prendre la tournure la plus funeste.

Cette affaire, toute désagréable qu’elle est, ne doit préjudicier en rien a celle des Scythes ; au contraire, c’est une diversion consolante et peut-être nécessaire. Il serait bon sans doute que la pièce fût jouée incessamment, et que les acteurs eussent leurs rôles ; mais sans deux bons vieillards et sans une Obéide qui sache faire entrevoir ses larmes en voulant les retenir, et qui découvre son amour sans en parler, tout est bien hasardé. J’ai d’ailleurs fait imprimer l’ouvrage pour prévenir l’impertinente absurdité des comédiens, que Mlle Clairon avait accoutumés à gâter toutes mes pièces ; ce désagrément m’est beaucoup plus sensible que le succès ne pourrait être flatteur pour moi.

J’imagine que l’épître dédicatoire n’aura pas déplu à MM. les ducs de Praslin et de Choiseul ; et c’est une grande consolation pour le bonhomme qui cultive encore son jardin au pied du Caucase, mais qui ne fera plus éclore de fleurs ni de fruits, après une aventure qui lui ôte le peu de forces qui lui restait . Ce bon vieillard vous tend les bras de ses neiges, de Scythie aux murs de Babylone.

V.

 

Je déclare que je n’ai jamais articulé dans aucun papier que la dame Doiret eût des parents dans la maison. Fait à Ferney, 9è janvier 1767.

Wagnière.



Je déclare la même chose, comme ayant été présent.

Racle.



C’est sur quoi nous avons insisté dans toutes nos lettres ; nous n’avons proposé l’intervention de M. de Courteilles que comme le croyant à portée, par lui ou par ses amis, d’engager les fermiers généraux, chargés du pays de Gex, à casser au plus vite ce malheureux. Nous vous répétons que c’est un préalable très important pour empêcher que notre nom ne soit compromis et que nous ne soyons exposés à un procès criminel.

Vous avez, mes divins anges, un résumé exact de l’affaire. Puisqu’elle dépend de M. de Montyon, que nous avons vu aux Délices, nous allons lui écrire 5. Vous connaissez sans doute le conseiller d’État qui préside à ce bureau. Nous avions espéré que monsieur le vice-chancelier aurait la bonté de décider lui-même cette affaire, et qu’il commencerait par s’informer s’il y a en effet une femme Doiret à Châlons, à laquelle la malle pleine de papiers est adressée. Il est fort triste que cette aventure soit discutée devant des juges qui peuvent la criminaliser 6; mais nous comptons sur votre zèle, sur votre activité, sur vos amis. Nous n’avons rien à nous reprocher, et s’il arrive un malheur 7, on aura la fermeté de le soutenir, malgré l’état languissant où l’on est, et malgré la rigueur extrême d’un climat qui est quelquefois pire que la Sibérie. N’en parlons plus, mes chers anges, il n’est question que d’agir auprès de M. de Montyon et du président du bureau, non pas comme demandant grâce, mais comme demandant justice et conformément à nos mémoires, dont aucun ne dément l’autre. Nous ne voulons point nous contredire comme Jean-Jacques. Voilà notre première et dernière résolution, dont nous ne nous sommes jamais départis, comme nous ne nous départirons point des tendres sentiments qui nous attachent à vous pour toute notre vie.

V. »

1 Déclaration de Racle écrite et signée par lui ; le manuscrit daté par des gloses de l'éditeur a été suivi par toutes les éditions .

2 Le mot défaite est employé au XVIIIè siècle au sens de mauvaise excuse .

3 Jeannin .

4 Phrase ajoutée de la main de V* .

6 V* a souligné ce mot qui est usité en termes de droit pour signifier « transférer une affaire du civil au criminel » à l'inverse de civiliser .

7 D’être forcé de déguerpir. (Georges Avenel.)

16/04/2022

la ridicule infamie que des Velches ont attachée à réciter ce qu’il est glorieux de faire

... Les mesures que veut prendre Marine Le Pen concernant l'écologie et autres sujets sensibles sont aberrantes , quand bien même elles sont présentées comme plus que géniales par cette bonimenteuse de foire, qui débite son texte d'arnaqueuse . Vaut-il mieux entendre cela qu'être sourd ? Non . Franchement, il est grand  temps de ressortir la machine à claques .

 

 

« A Claude-Joseph Dorat Ancien

mousquetaire du roi, etc.

rue de Vaugirard, à l'ancienne Académie

à Paris

À Ferney, ce 8è janvier 1767 1

Monsieur, à la réception de la lettre dont vous m’avez honoré, j’ai dit, comme saint Augustin : Ô felix culpa 2 ! Sans cette petite échappée dont vous vous accusez si galamment, je n’aurais point eu votre lettre, qui m’a fait plus de plaisir que l’Avis aux deux prétendus sages 3 ne m’a pu causer de peine. Votre plume est comme la lance d’Achille, qui guérissait les blessures qu’elle faisait.

Le cardinal de Bernis, étant jeune, en arrivant à Paris, commença par faire des vers contre moi, selon l’usage, et finit par me favoriser d’une bienveillance qui ne s’est jamais démentie. Vous me faites espérer les mêmes bontés de vous, pour le peu de temps qui me reste à vivre, et je crie Félix culpa ! à tue-tête.

J’ai déjà lu, monsieur, votre très joli poème sur la déclamation 4; il est plein de vers heureux et de peintures vraies. Je me suis toujours étonné qu’un art, qui paraît si naturel, fût si difficile. Il y a, ce me semble, dans Paris beaucoup plus de jeunes gens capables de faire des tragédies dignes d’être jouées qu’il n’y a d’acteurs pour les jouer. J’en cherche la raison, et je ne sais si elle n’est pas dans la ridicule infamie que des Velches ont attachée à réciter ce qu’il est glorieux de faire. Cette contradiction velche doit révolter tous les vrais Français. Cette vérité me semble mériter que vous la fassiez valoir dans une seconde édition de votre poème.

Je ne puis vous dire à quel point j’ai été touché de tout ce que vous avez bien voulu m’écrire. J’ai l’honneur d’être, avec tous les sentiments que méritent la candeur de votre âme et les grâces de votre génie, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire .

P. S. Ma dernière lettre à M. le chevalier de Pezay 5 était écrite avant que j’eusse reçu la vôtre. J’en avais envoyé une copie à un de mes amis ; mais je ne crois pas qu’il y ait un mot qui puisse vous déplaire, et j’espère que les faits énoncés dans ma lettre feront impression sur un cœur comme le vôtre. »

1 Original signé ; édition C.-J. Dorat: Mes nouveaux torts, 1775 .Voir : https://data.bnf.fr/fr/documents-by-rdt/11900414/te/page1

2 Ce mot de St Augustin est inclus dans l'Exultet de la messe du dimanche de Pâques : https://fr.wikipedia.org/wiki/Exultet

Voir la note 3 : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome29.djvu/592

4 Même lettre, même note .

Nous sommes bloqués, et nous mourons de faim . C’est assurément le moindre de mes chagrins

... Pourvu que ça n'arrive pas aux Ukrainiens , résistants avec un moral extraordinaire .

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

Jeudi matin, 8 janvier 1767 1

Mon cher ami, en attendant que je lise une lettre de vous, que j'attends aujourd’hui 2, il faut que je vous communique une réponse que j’ai été obligé de faire à M. de Pezay 3, au sujet des vers de M. Dorat, que vous devez avoir vus, et qui ne sont pas mal faits. Vous verrez si j’ai tort de regarder Jean-Jacques Rousseau comme un monstre, et de dire qu’il est un monstre. Le grand mal, dans la littérature, c’est qu’on ne veut jamais distinguer l’offenseur de l’offensé. M. Dorat a ses raisons pour suivre le torrent, puisqu’il s’y laisse entraîner, et qu’il m’a offensé de gaieté de cœur, sans me connaître. J’arrête ma plume, en attendant votre lettre, et je vous prie de communiquer à M. d’Alembert celle que j’ai écrite à M. de Pezay, avant que M. Dorat m’eût demandé pardon.

Nous avons reçu votre lettre du 3 de janvier. Nos alarmes et nos peines ont été un peu adoucies, mais ne sont pas terminées.

Il n’y a plus actuellement de communication de Genève avec la France . Les troupes sont répandues par toute la frontière ; et, par une fatalité singulière, c’est nous qui sommes punis des sottises des Genevois. Genève est le seul endroit où l’on pouvait avoir de la viande de boucherie et 4 toutes les choses nécessaires à la vie . Nous sommes bloqués, et nous mourons de faim . C’est assurément le moindre de mes chagrins. Je n’ai pas un moment pour vous en dire davantage. Tout notre triste couvent vous embrasse.

Voudriez-vous bien, mon cher ami, envoyer à M. de Laleu, dans une enveloppe, mon certificat de vie puisque je vis encore . »

1 Copie contemporaine Darmstadt B. ; édition de Kehl . Les mots jeudi matin de la date et le dernier paragraphe manquent sur le manuscrit .

2Sur le manuscrit : que je compte recevoir . Voir lettre du 22 décembre 1766 à Pezay : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/03/27/tous-les-ministres-savent-assez-quelle-est-la-conduite-punis-6373580.html

4 Les six mots qui précèdent ne figurent que sur le manuscrit .