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24/09/2022

Je fais beaucoup plus de cas de mon âme que de mon gosier

... C'est beaucoup dire, car si le gosier est à sec , je ne donne pas cher de la survie de l'âme  ; il est des lois naturelles inéluctables ; et encore faudrait-il d'abord que l'âme existât pour qu'elle ait une chance/risque de survivre .

 

 

« A Simon-Nicolas-Henri Linguet

Ferney, 6 Avril 1767 1

Je comptais, monsieur, vous remercier de jour en jour en connaissance de cause, et vous parler du plaisir que m’aurait fait le livre que vous avez bien voulu m’envoyer, mais je ne l’ai point encore reçu. Il est, depuis près de trois semaines, à la douane de Lyon. Il n’y a plus de communication entre Lyon et Genève. Votre livre est arrêté avec du vin de Bourgogne . Passe encore pour du vin, mais je ne puis supporter qu’on me prive d’un ouvrage dont on m’a dit tant de bien, et dans lequel j’espérais m’instruire. Je fais beaucoup plus de cas de mon âme que de mon gosier, et je consens que les soldats qui m’entourent boivent mon vin, pourvu que je vous lise.

Au reste, que puis-je vous répondre sur l’article de Jean-Jacques Rousseau, sinon que je le plains beaucoup d’avoir insulté ses amis et ses bienfaiteurs, d’avoir manqué à sa patrie et d’avoir mérité l’indignation des ministres à qui nous devons la paix.

J’ai l’honneur d’être, monsieur, avec tous les sentiments que je vous dois, etc. »

23/09/2022

Nous ajusterons le tout très proprement

... C'est une assurance poutinienne pour que les "référendums" [sic] entérinent l'annexion des territoires occupés d'Ukraine : https://www.lemonde.fr/international/live/2022/09/23/guer...

Que le diable emporte Poutine et sa clique avant peu !

 

 

« A Henri Rieu

[vers le 5 avril 1767]

Mon cher ami, envoyez-moi par le porteur votre exemplaire des Scythes, je le collationnerai avec le mien . Je crois qu'il y a environ une douzaine de vers qui nous manquent . Il y a aussi dans la préface quelques lignes d'oubliées . Nous ajusterons le tout très proprement . On m'a parlé des Homélies 1 ; dès que j'en aurai, je ne manquerai pas de vous en envoyer et je vous ferai part de toutes les nouveautés qui me tomberont entre les mains .

Venez nous voir, mon cher corsaire, vous n'avez point de meilleurs amis qu'à Ferney .

Prêtez-moi, je vous prie, Guillaume Tell 2 ; donnez-le au porteur ou envoyez-le chez Souchay au Lyon d'Or . »

22/09/2022

Il faut attaquer le monstre par les oreilles comme à la gorge

... Le monstre , c'est Poutine , il ne comprend que les coups .

 

 

« A Frédéric II, roi de Prusse

[vers le 5 avril 1767] 1

Sire,

Je ne sais plus quand les chiens qui se battent pour un os et à qui on donne cent coups de bâton, comme le dit très bien Votre Majesté 2, pourront aller demander un chenil dans vos États . Tous ces petits dogues-là, accoutumés à japper sur leurs paliers, deviennent indécis de jour en jour . Je crois qu'il y a deux familles qui partent incessamment mais je ne puis parler aux autres, la communication étant interdite par un cordon de troupes dont on vante déjà les conquêtes . On nous a pris plus de douze pintes de lait et plus de quatre paires de pigeons . Si cela continue, la campagne sera extrêmement glorieuse . Ce ne sont pourtant pas les malheurs de la guerre qui me font regretter le temps que j'ai passé auprès de Votre Majesté . Je ne me consolerai jamais du malheur qui me fait achever ma vie loin de vous . Je suis heureux autant qu'on peut l'être dans ma situation, mais je suis loin du seul prince véritablement philosophe . Je sais fort bien qu'il y a beaucoup de souverains qui pensent comme vous, mais où est celui qui pourrait faire la préface de cette Histoire de l’Église ? Où est celui qui a l'âme assez forte et le coup d’œil assez juste pour oser voir et dire qu'on peut très bien régner sans le lâche secours d'une secte ? Où est le prince assez instruit pour savoir que depuis dix-sept cents ans la secte chrétienne n’a jamais fait que du mal ? Vous avez vu sur cette matière bien des écrits auxquels il n'y a rien à répondre . Ils sont peut-être un peu trop longs, ils se répètent peut-être quelquefois les uns les autres . Je ne condamne pas toutes ces répétitions, ce sont les coups de marteau qui enfoncent le clou dont on perce la tête du fanatisme , mais il me semble qu'on pourrait faire une excellent recueil de tout ces livres en élaguant quelques superfluités et en resserrant les preuves . Je me suis longtemps flatté qu'une petite colonie de gens savants et sages viendraient se consacrer dans vos États à éclairer le genre humain . Mille obstacles à ce dessein s'accumulent tous les jours .

Si j’étais moins vieux, si j'avais de la santé je quitterais sans regret le château que j’ai bâti et les arbres que j'ai plantés pour venir achever ma vie dans le pays de Clèves avec deux ou trois philosophes et pour consacrer mes derniers jours sous votre protection à l'impression de quelques livres utiles .

Mais, Sire, ne pouvez-vous pas sans vous compromettre faire encourager quelque libraire de Berlin à les réimprimer tous et à les faire débiter dans l'Europe à un prix qui en rende la vente facile ? Ce serait un amusement pour Votre Majesté, et ceux qui travailleraient à cette bonne œuvre seraient récompensés dans ce monde plus que dans l'autre .

Comme j'allais continuer à vous demander cette grâce, je reçois la lettre dont Votre majesté m’honore du 24 mars . Elle a bien raison de dire que l'infâme ne sera jamais détruite par les armes, car il faudrait alors combattre pour une autre superstition qui ne serait reçue qu'en cas qu'elle fût plus abominable . Les armes peuvent détrôner un pape, déposséder un électeur ecclésiastique, mais non pas détrôner l'imposture .

Je ne conçois pas comment vous n'avez pas eu quelque bon évêché pour les frais de la guerre par le dernier traité, mais je sens bien que vous ne détruirez la superstition christicole 3 que par les armes de la raison .

Votre idée de l'attaquer par les moines est d'un grand capitaine . Les moines une fois abolis, l'erreur est exposée au mépris universel . On écrit beaucoup en France sur cette matière, tout le monde en parle . Les bénédictins eux-mêmes ont été si honteux de porter une robe couverte d'opprobre qu'ils ont présenté une requête au roi de France pour être sécularisés 4. Mais on n'a pas cru cette grande affaire assez mûre . On n'est pas assez hardi en France, et les dévots ont encore du crédit .

Voici un petit imprimé qui m'est tombé sous la main 5. Il n'est pas long, mais il dit beaucoup . Il faut attaquer le monstre par les oreilles comme à la gorge .

J'ai chez moi un jeune homme nommé M. de La Harpe qui cultive les lettres avec succès . Il a fait une épître d'un moine au fondateur de la Trappe qui me paraît excellente 6 . J'aurai l'honneur de l'envoyer à Votre Majesté par le premier ordinaire . Je ne crois pas qu'on le condamne à être disloqué et brûlé à petit feu comme cet infortuné qui est à Vezel et que je sais être un très bon sujet . Je remercie Votre Majesté, au nom de la raison et de la bienfaisance, de la protection qu'elle accorde à cette victime du fanatisme de nos druides .

Les Scythes sont un ouvrage fort médiocre . Ce sont plutôt les petits cantons suisses et un marquis français que les Scythes et un prince persan . Thieriot aura l'honneur d'envoyer de Paris cette rapsodie à Votre Majesté .

Je suis toujours fâché de mourir hors de vos États . Que Votre majesté daigne me conserver quelque souvenir pour ma consolation . »

1 Minute autographe à parti de Je ne me consolerai jamais, et dès lors fortement corrigée ; édition de Kehl .V* répond à la lettre du 24 mars 1767 de Frédéric, ce qui confirme la date du 5 avril proposée ici par plusieurs éditeurs , alors qu'elle ne figure pas sur le manuscrit . Une fois de plus la lettre de V* , avec ses audaces et ses hésitations,ne se comprend pas bien si on n'a pas lu la lettrede Frédéric II ; voir : Page 145 https://www.google.fr/books/edition/Oeuvres_de_Fr%C3%A9d%C3%A9ric_le_Grand/yRukOx2eQ3YC?hl=fr&gbpv=1&dq=oeuvres+de++fr%C3%A9d%C3%A9ric+II+de+prusse+tome+XXIII&pg=PP7&printsec=frontcover

2 Allusion au conte Les Deux Chiens et l'Homme (voir le début de la lettre de Frédéric II ).

3 Ce mot n'est déjà plus à l'époque qu'un archaïsme plaisant

4 Le 15 juin 1766, les bénédictins qui demandaient à quitter l'ordre avaient été autorisés à le faire ; voir Charles Guérin « Les Bénédictins français avant 1789 », Revue des questions bénédictines, 1er avril 1876, V, 479.

5 Sans doute l'Anecdote sur Bélisaire .

21/09/2022

Je voudrais que les  gens qui sont si fiers et si rogues sur leurs paillers voyageassent un peu dans l’Europe, qu’ils entendissent ce que l’on dit d’eux ... ils rougiraient

... Si toutefois ils comprenaient ce que l'on dit . En particulier, ceci s'adresse à nos chefs de partis politiques, débordant d'orgueil et fiers de leurs discours creux et surannés, coqs et poules les pieds dans le fumier .  

 

 

« A Daniel-Marc-Antoine Chardon 1

5è avril 1767

Monsieur,

Il paraît par la lettre dont vous m’honorez, du 27 de mars, que vous avez vu des choses bien tristes dans les deux hémisphères. Si le pays d’Eldorado avait été cultivable, il y a grande apparence que l’amiral Drack 2 s’en serait emparé, ou que les Hollandais y auraient envoyé quelques colonies de Surinam. On a bien raison de dire de la France : non illi imperium pelagi 3; mais si on ajoute : illa se jactet in aula.4  ce ne sera pas in aula tolosana .5

Je suis persuadé, monsieur, que vous auriez couru toute l’Amérique sans pouvoir trouver, chez les nations nommées sauvages, deux exemples consécutifs d’accusations de parricides, et surtout de parricides commis par amour de la religion. Vous auriez trouvé encore moins, chez des peuples qui n’ont qu’une raison simple et grossière, des pères de famille condamnés à la roue et à la corde, sur les indices les plus frivoles, et contre toutes les probabilités humaines.

Il faut que la raison languedochienne 6 soit d’une autre espèce que celle des autres hommes. Notre jurisprudence a produit d’étranges scènes depuis quelques années ; elles font frémir le reste de l’Europe. Il est bien cruel que, depuis Moscou jusqu’au Rhin, on dise que, n’ayant su nous défendre ni sur mer ni sur terre, nous avons eu le courage de rouer l’innocent Calas ; de pendre en effigie et de ruiner en réalité la famille Sirven ; de disloquer dans les tortures le petit-fils d’un lieutenant-général, un enfant de dix-neuf ans ; de lui couper la main et la langue, de jeter sa tête d’un côté, et son corps de l’autre, dans les flammes, pour avoir chanté deux chansons grivoises, et avoir passé devant une procession de capucins sans ôter son chapeau. Je voudrais que les  gens qui sont si fiers et si rogues sur leurs paillers voyageassent un peu dans l’Europe, qu’ils entendissent ce que l’on dit d’eux, qu’ils vissent au moins les lettres que des princes éclairés écrivent sur leur conduite ; ils rougiraient, et la France ne présenterait plus aux autres nations le spectacle inconcevable de l’atrocité fanatique qui règne d’un côté, et de la douceur, de la politesse, des grâces, de l’enjouement et de la philosophie indulgente qui règnent de l’autre ; et tout cela dans une même ville, dans une ville sur laquelle toute l’Europe n’a les yeux que parce que les beaux-arts y ont été cultivés ; car il est très vrai que ce sont nos beaux-arts seuls qui engagent les Russes et les Sarmates à parler notre langue. Ces arts, autrefois si bien cultivés en France, font que les autres nations nous pardonnent nos férocités et nos folies.

Vous me paraissez trop philosophe, monsieur, et vous me marquez trop de bonté, pour que je ne vous parle pas avec toute la vérité qui est dans mon cœur. Je vous plains infiniment de remuer, dans l’horrible château 7 où vous allez tous les jours le cloaque de nos malheurs 8. La brillante fonction de faire valoir le code de la raison et l’innocence des Sirven sera plus consolante pour une âme comme la vôtre. Je suis bien sensiblement touché des dispositions où vous êtes de sacrifier votre temps, et même votre santé, pour rapporter et pour juger l’affaire des Sirven, dans le temps que vous êtes enfoncé dans le labyrinthe de la Cayenne. Nous vous supplions, Sirven et moi, de ne vous point gêner. Nous attendrons votre commodité avec une patience qui ne nous coûtera rien, et qui ne diminuera pas assurément notre reconnaissance. Que cette malheureuse famille soit justifiée à la Saint-Jean ou à la Pentecôte, il n’importe ; elle jouit du moins de la liberté et du soleil, et l’intendant de la Cayenne n’en jouit pas. C’est au plus malheureux que vous donnez bien justement vos premiers soins ; et je suis encore étonné que, dans la multitude de vos affaires, vous ayez trouvé le temps de m’écrire une lettre que j’ai relue plusieurs fois avec autant d’attendrissement que d’admiration 9.

Pénétré de ces sentiments et d’un sincère respect, j’ai l’honneur d’être, monsieur, votre, etc. »

2 Le corsaire Sir Francis Drake : https://fr.wikipedia.org/wiki/Francis_Drake

3 Virgile ,  Æneid., liv. I, v. 142 ; l'empire de la mer n'est pas pour lui .

4 Virgile, Æneid., liv. I, v. 144., qu'elle se vante dans cette cour .

5 Dans la cour de Toulouse ; c'est-à-dire le parlement de Toulouse , en rapport à son rôle dans l'affaire Calas .

7 Le Palais de justice. (G.A.)

8Le manuscrit ajoute ici en Amérique, ce que V* a biffé .

9 Lettre du 27 mars 1767, conservée .

20/09/2022

Ce sont des vers qui ne sont bons que pour les rois

... et la reine Elisabeth II : https://en.wikipedia.org/wiki/Like_as_the_hart

et https://www.wisemusicclassical.com/features/2022/09/judith-weir-composes-new-work-for-state-funeral-of-queen-elizabeth-ii/

et https://www.classicfm.com/music-news/queen-funeral-music-...

Pas de rap ! étonnant, n'est-il pas ?

 

 

 

« A Philippe-Antoine de Claris, marquis de Florian

3è avril 1767 1

Mon cher grand-écuyer, parmi toutes mes détresses il y en a une qui m’afflige infiniment, et qui hâtera mon petit voyage à Montbéliard et ailleurs. Plusieurs personnes dans Paris accusent Tronchin d’avoir dit au roi qu’il n’était point mon ami, et qu’il ne pouvait pas l’être, et d’en avoir donné une raison très ridicule, surtout dans la bouche d’un médecin Je le crois fort incapable d’une telle indignité et d’une telle extravagance. Ce qui a donné lieu à la calomnie, c’est que Tronchin a trop laissé voir, trop dit, trop répété, que je prenais le parti des représentants, en quoi il s’est bien trompé. Je ne prends assurément aucun parti dans les tracasseries de Genève, et vous avez bien dû vous en apercevoir par la petite plaisanterie intitulée la Guerre genevoise 2, qu’on a dû vous communiquer de ma part.

Je n’ai d’autre avis sur ces querelles que celui dont le roi sera ; et il ne m’appartient pas d’avoir une opinion quand le roi a nommé des plénipotentiaires. Je dois attendre qu’ils aient prononcé, et m’en rapporter entièrement au jugement de M. le duc de Choiseul.

Voilà à peu près la vingtième niche qu’on me fait depuis trois mois dans mon désert.

Votre cidre n’arrivera pas, et sera gâté. Il arrive la même chose à mon vin de Bourgogne. Vingt ballots envoyés de Paris, avec toutes les formalités requises sont arrêtés, et Dieu sait quand ils pourront venir, et dans quel état ils viendront. J’aurais bien assurément l’honnêteté de vous envoyer des honnêtetés 3 ; mais on est si malhonnête, que je ne puis même vous procurer ce léger amusement.

Je me souviens bien en effet d’avoir envoyé quelques mauvais vers au roi de Danemark 4 ; il faut qu'ils aient fait le voyage de Copenhaguen à Paris, car assurément je n'en ai donné copie à personne , je n'en ai pas seulement gardé une . Ce sont des vers qui ne sont bons que pour les rois . Je ne sais si je vous ai mandé que je suis enchanté de la nouvelle calomnie 5 répandue sur les Calas. Il est heureux que les dévots, qui persécutent cette famille et moi, soient reconnus pour des calomniateurs. Ils font du bien sans le savoir ; ils servent la cause des Sirven. Je recommande bien cette cause à mon cher grand-turc 6. Il y a des gens qui disent qu’on pourrait bien la renvoyer au parlement de Paris. Je compte alors sur la candeur, sur le zèle, sur la justesse d’esprit de mon gros goutteux 7, que j’embrasse de tout mon cœur, aussi bien que sa mère . Vivez tous sainement et gaiement  il n’y a que cela de bon.

Nouvelles tracasseries encore de la part des commis, et point de justice ; et je partirai ; mais gardez-moi le secret, car je crains la rumeur publique. Je vous embrasse tous bien tendrement. »

1 L'édition de Kehl suivant la copie Beaumarchais et suivie des autres éditions, remplace un passage de cette lettre par l'alinéa concernant d'Etallonde dans la lettre du 14 janvier 1767 à Florian, cependant déjà imprimé à sa place ; voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/05/07/les-choses-dans-ce-monde-prennent-des-faces-bien-differentes-6380671.html

Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/05/correspondance-annee-1767-partie-26.html

2 La Guerre civile de Genève. (Georges.Avenel)

3 Les Honnêtetés littéraires. (G.A.)

5 On avait répandu le bruit que la servante catholique des Calas était morte, et qu’en mourant elle avait déclaré que Jean Calas était bien l’assassin de son fils. Voyez la Déclaration juridique. (G.A.)

6 Mignot. (G.A.)

7 D’Hornoy. (G.A.)

19/09/2022

Nous ne savons plus de quel côté nous tourner pour faire venir les choses les plus nécessaires à la vie ; et je mets les bons livres parmi les choses absolument nécessaires

... No comment . Avis à ceux qui perdent des milliers d'heures devant des écrans de jeux abrutissants et de Facebook-TicToc-Twitter-Insta ... etc.

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« A Etienne-Noël Damilaville

3è avril 1767 1

Je reçois, mon cher ami, votre lettre du 21è mars par M. Mallet, et je n’ai reçu encore aucun des envois que vous avez bien voulu me faire par Lyon. Tous les mémoires de M. de Beaumont en faveur des Sirven sont encore à la douane . Je ne sais pas quand je pourrai les avoir. Toute communication entre Lyon et Genève est interrompue.

M. Fournier vous avait envoyé l’étui de mathématiques 2 pour M. Lemberta , il y a environ trois semaines, par la même voie que vous aviez vous-même choisie, et par laquelle vous aviez reçu le factum des Sirven signé de toute la famille. Il était à croire que l’étui de mathématiques, qui coûte, comme vous savez, cent écus, vous parviendrait de même. Il faut que quelque grand mathématicien ait mis la main dessus et se le soit approprié ; car il est un des meilleurs ouvriers de l’Europe.

Nous ne savons plus de quel côté nous tourner pour faire venir les choses les plus nécessaires à la vie ; et je mets les bons livres parmi les choses absolument nécessaires .

Je suis actuellement séparé du reste du monde. Je me sais bien bon gré de vous avoir envoyé ma lettre pour M. Linguet 3. Je le croyais de vos amis intimes, puisqu’il m’envoyait son livre 4 par vous, et que M. Thieriot me l’avait vanté comme un des meilleurs ouvrages qu’on eût vus depuis longtemps. Je n’ai pas plus reçu le livre que les autres ballots ; mais je vous en crois sur ce que vous me dites, il est bon de savoir à qui on a à faire. Vous vous êtes conduit très sagement, je vous en loue, et je vous en remercie.

On m’a envoyé la lettre de l’abbé Mauduit 5. Il me semble qu’elle n’est que plaisante, et qu’elle n’a aucune teinture d’impiété. L’auteur s’égaie peut-être un peu aux dépens de quelques docteurs de Sorbonne, mais il paraît respecter beaucoup la religion . C’est, comme nous l’avons dit tant de fois ensemble, le premier devoir d’un bon sujet et d’un bon écrivain. Aussi je ne connais aucun philosophe qui ne soit excellent citoyen et excellent chrétien. Ils n’ont été calomniés que par des misérables qui ne sont ni l’un ni l’autre. Je ne sais point qui est M. de La Ferrière ; mais il paraît que c’est un Burrhus, je souhaite qu’il ne trouve point de Narcisse 6.

On m’avait déjà touché quelque chose de ce qu’on imputait à Tronchin 7. Je ne l’en ai jamais cru capable, quoiqu’il me fît l’injustice d’imaginer que je favorisais les représentants de Genève. Je suis bien loin de prendre aucun parti dans ces démêlés . Je n’ai d’autre avis que celui dont le roi sera. Il faudrait que je fusse insensé, pour me mêler d’une affaire pour laquelle le roi a nommé un plénipotentiaire. Je suis auprès de Genève comme si j’en étais à cent lieues, et j’ai assez de mes propres chagrins, sans me mêler des tracasseries des autres. Je suis exactement le conseil de Pythagore : Dans la tempête, adorez l’écho.

Adieu, mon très cher ami. E L.

On reçoit dans ce moment la nouvelle que l'étui de mathématiques est arrivé . Le quart de cercle que vous demandez 8 ne sera pas sitôt prêt . Vous savez que jamais les ouvriers de Genève n'ont été si profonds politiques et si mauvais artisans . On se donne beaucoup dans ce pays-là le passe-temps de se tuer . Voilà quatre suicides en six semaines,mais on n'accuse pas encore les pères de tuer leurs enfants . Il faut espérer que cette mode nous viendra de France .

Adieu, mon digne et vertueux ami . Souvenez-vous de ce que vous m'avez promis de donner à Mme de Florian . Embrassez bien pour moi le très aimable Lamberta . »

1 L'édition de Kehl suivant la copie Beaumarchais omet les trois premiers paragraphes et fait des deux derniers une autre lettre ; Beuchot restitue le début de la lettre, non sans en altérer la continuité .

2 La Lettre au conseiller, de d’Alembert. (Georges.Avenel.)

Voir lettre du 6 mars 1767 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/08/18/ils-aiment-la-liberte-comme-des-fous-et-moi-aussi-6396756.html

3 Sur cette lettre et sur les circonstances de son expédition, voir lettre du 14 ou 15 mars 1767 à Linguet : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/08/25/m-6397882.html

4 Théorie des lois civiles. (G.A.)

5 L’Anecdote sur Bélisaire. (G.A.)

6 Personnage de Britannicus de Racine, symbolisant le premier, le soldat bourru et loyal,le second , le favori intrigant et perfide . Voir : https://www.theatre-classique.fr/pages/pdf/RACINE_BRITANNICUS.pdf

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Britannicus_(Racine)

7 Voir lettre suivante premier paragraphe , ainsi que les lettres de Rochefort d'Ally qui dément ces propos, et de Fabry à Chaillou qui semble les confirmer . Voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/04/03/d47390cbc2b9a2aca95442bc49979283.html

8 Probablement la « lettre ostensible » reproduite à propos de la lettre du 21 mars 1767 à Damilaville , mais l'allusion au « quart de cercle » n'est pas claire : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/09/07/i...

 

Vous étiez très belle quand vous passâtes par ma cabane, en revenant des palais d’Italie. Vous ne devez avoir changé en rien

... On peut être patriarche et continuer à aimer les femmes en appréciant toutes leurs beautés .

 

 

« A Marie-Anne Fiquet du Boccage, etc.

Rue Neuve Saint -Augustin

à Paris

2è avril 1767 au château de Ferney 1

Bion et Moschus, madame, vous ont bien de l’obligation de les avoir embellis, et moi d’avoir bien voulu m’envoyer vos deux très jolies imitations 2. Je m’imagine que votre beauté est tout comme votre esprit. Vous étiez très belle quand vous passâtes par ma cabane, en revenant des palais d’Italie. Vous ne devez avoir changé en rien . Une femme ne s’avise point de faire des vers amoureux sans inspirer de l’amour.

Mon petit La Harpe est enchanté de la bonté que vous avez de le faire normand . Le voilà enrôlé sous vos drapeaux. C’est Sapho qui met Phaon de son académie . Il a plus d’esprit et de génie que Phaon, et peut-être autant de grâces . Cela n’a que vingt-sept ans.

Il semble fait également

Et pour le Pinde et pour Cithère,

Et pourrait être votre amant

Aussi bien que votre confrère.

Mais je vous avertis, madame, qu’il est coupable, comme moi, de préférer Jean Racine à Pierre Corneille. J’ai peur que, dans le fond de l’âme, vous ne tombiez dans le même péché. Je crois que c’est à cause de mon hérésie que Cideville ne m’écrit plus ; il m’a abandonné tout net comme un réprouvé. Faites-moi grâce : il ne faut pas que je sois excommunié partout.

Mille remerciements, madame, et mille respects.

V.

Comptez que je vous suis attaché pour le reste de ma vie .»

1 Post scriptum autographe .

2 Il ne s'agit ici ni de La Mort d'Abel, ni du Paradis perdu, imitations respectives de Gessner et de Milton comme le dit Besterman, mais d'une Imitation des Idylles de Bion et de Moschus dont Mme du Boccage a dû envoyer des morceaux manuscrits . Voir : http://remacle.org/bloodwolf/poetes/falc/bion/bionmoschus3.htm

et : https://books.google.fr/books?id=eJstyAEACAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

et : https://www.cairn.info/revue-litteratures-classiques1-201...