Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

20/01/2011

il n'y a qu'à suspendre pour quelque temps le débit de ce livre qui aurait le crime d'être utile

 

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-grâce Bosc du Boucher, comtesse d'Argental

 

Aux Délices près de Genève

le 20 janvier 1764

 

Ce n'est pas un petit renversement du droit divin et humain que la perte d'un conte à dormir debout i et d'un 5è acte ii qui pourrait faire le même effet sur le parterre qui a le malheur d'être debout à Paris. J'ai écrit à mes anges gardiens une lettre ouverte que j'ai adressée à M. le duc de Praslin ; j'adresse aussi mes complaintes douloureuses et respectueuses à M. Jannel, qui étant homme de lettres doit favoriser mon commerce. Je conçois après tout que dans le temps que l'Antifinancier causait tant d'alarmes iii on ait eu aussi quelques inquiétudes sur L'Anti-intolérant iv. Ce dernier ouvrage est pourtant bien honnête, vous l'avez approuvé. MM. Les ducs de Praslin et de Choiseul lui donnaient leur suffrage , Mme de Pompadour en était satisfaite v. Il n'y a donc que le sieur évêque du Puy vi et ses consorts qui puissent crier . Cependant si les clameurs du fanatisme l'emportent sur la voix de la raison, il n'y a qu'à suspendre pour quelque temps le débit de ce livre qui aurait le crime d'être utile, et en ce cas je supplierais mes anges d'engager frère Damilaville à supprimer l'ouvrage pour quelques mois, et à ne le faire débiter qu'avec la plus grande discrétion. Ah! Si mes anges pouvaient m'envoyer la petite drôlerie vii de l'hiérophante de Paris viii, qu'ils me feraient plaisir ! Car je suis fou des mandements depuis celui de Jean-Georges ix. Mes anges me répondront peut-être qu'ils ne se soucient point de ces bagatelles épiscopales, qu'ils veulent qu'Olympie meure au cinquième acte, que c'est là l'essentiel. Je leur enverrai incessamment des idées et des vers. Mais pourquoi avoir abandonné la conspiration x? pourquoi s'en être fait un plaisir si longtemps pour y renoncer ? Si vous trouvez les Roués passables, que ne leur donnez-vous la préférence que vous leur aviez destinée ? Si vous trouvez les Roués insipides, il ne faut jamais les donner. Répondez à ce dilemme, je vous en défie ; au reste votre volonté soit faite en la terre comme au ciel ! Je me prosterne au bout de vos ailes.

 

N.B. - J'ai écrit une lettre fort bien raisonnée à M. le duc de Praslin sur les dîmes xi.

Respect et tendresse. »

 

 

i Les Trois Manières : où l'on trouve : « ...n’exagérer rien, chose assez difficile / Aux femmes, aux amants, et même aux avocats. » ,  «... il n’était point là de prêtre / Et, comme vous pouvez penser, /Des valets on peut se passer  /Quand on est sous les yeux du maître. », « Les dieux sont bons, les prêtres sont cruels. »

http://www.voltaire-integral.com/Html/10/05_Trois_Ma.html

 

 

ii Du Triumvirat ; cf. lettre du 18 janvier .

 

iii Le 13 janvier, V* juge ainsi l'ouvrage : « il est violent et porte à faux d'un bout à l'autre . Comment un conseiller au parlement peut-il toujours prononcer la chimère de son impôt unique, tandis qu'un autre conseiller devenu contrôleur général est indispensablement obligé de conserver tant d'autres taxes ? » Ouvrage écrit par Darigrand, avocat, à Paris : voir page 90 : http://books.google.be/books?id=96d7IwtHmlgC&pg=PA90&...

 

iv = Traité sur la Tolérance.

 

v Le duc de Choiseul a écrit à V* le 27 novembre 1763 : « Mme de Pompadour, Mme de Gramont, tous ceux qui ont lu le livre ... en ont été enchantés... ».

 

vi Le frère de Simon Le Franc de Pompignan ; cf. lettre du 4 novembre 1763 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/11/04/l...

 

vii Réf. au Bourgeois Gentilhomme.

 

viii L'Instruction pastorale de Mgr l'évêque de Paris sur les atteintes ... Cf. lettre à d'Alembert du 31 décembre : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2008/12/31/f...

 

ix L'évêque du Puy de 1742 à 1774 , Jean-Georges Lefranc de Pompignan ; cf. lettre du 4 novembre 1763 . Frère de Jean-Jacques Le Franc de Pompignan, adversaire des philosophes et de V*.

 

x  A savoir, abandonné le projet de donner Octave ou Le Triumvirat (ses « Roués ») à la Comédie Française sous le nom d'un jeune auteur ; cf. lettre aux d'Argental du 1er aout et 27 septembre 1763 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/09/27/v...

 

xi Toujours sur cette affaire avec le curé de Ferney, que V* veut faire juger par le Conseil du roi ; voir lettre du 1er août, 14 août, 27 septembre 1763 aux d'Argental.

Les commentaires sont fermés.