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16/03/2011

queste coglionerie mi trastullano un poco

Les "coïonneries" de Volti me réjouissent toujours, et celle du jour m'incite à faire appel à Mam'zelle Wagnière qui doit, avec moi,  féliciter son pépé d'avoir donné ce bon titre à cette lettre .

 

 

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Il a l'art de faire remarquer, sans y toucher, que son correspondant ne lui écrit pas beaucoup, de donner des nouvelles en paraisssant les recevoir, de faire des demandes en soufflant les réponses, un jeu terriblement agréable à mes yeux.

A ce propos, Mam'zelle Wagnière, moi aussi je ne suis pas très assidu dans ma correspondance, mais soyez persuadée que je pense d'autant plus à vous que je vous écris peu . Je n'ai pas une réputation de bavard à défendre . 

http://www.deezer.com/listen-3984205

 

 

 

 

 

 

 

 

« A Etienne-François de Choiseul-Stainville, duc de Choiseul

 

« Folie à M. le duc de Choiseul i»

 

16è mars 1768

 

J'ai reçu avec satisfaction la lettre de bonne année que vous avez pris la peine de m'écrire en date du 4 janvier ; je continuerai toujours à vous donner des marques de mes bontés ; et quoique vous radotiez quelquefois j'aurai de la considération pour votre vieillesse, attendu que je connais votre sincère attachement pour ma personne, et les idées que vous avez de mon caractère . J'ai souvent fait des grâces à des Genevois quand vous m'en avez prié, quoiqu'ils ne les méritent guère . Ils m'ont excédé pendant deux ans pour leurs sottes querelle ; et quand ils ont obtenu un jugement définitif, ils ne s'y sont point tenus . C'était bien la peine que je leur fis l'honneur de leur envoyer un ambassadeur du Roi ii!

 

Je sais que vous avez très bien traité les troupes que j'ai fait séjourner neuf mois dans vos quartiers, que vous avez fourni le prêt à la légion de Condé iii, que vous avez eu dans votre chaumière pendant deux mois M. de Chabrillant iv et tous les officiers du régiment de Conti, et si M. de Chabrillant, chargé des plus importantes affaires, a oublié de marquer sa satisfaction à madame Denis qui lui a fait de son mieux les honneurs de votre grange, je prends sur moi de vous savoir gré de votre attention pour les officiers et des couvertures que vous avez fait donner aux soldats dans votre hameau .

 

Je n'ignore pas que le grand chemin ordonné par moi pour aller de l'inconnu Meyrin à l'inconnu Versoix dans l'inconnu pays de Gex vous a coupé quatre belles prairies, et des terres que vous ensemencez au semoir v. Cela aurait ruiné l'homme aux quarante écus vi de fond en comble, mais je vous conseille d'en rire .

 

Tout décrépit que vous êtes, on ne dira pas que vous êtes vieux comme un chemin ; car vous avez, ne vous en déplaise, soixante et quatorze ans passés et mon chemin de Versoix n'a qu'un an tout au plus .

 

Je sais que vous avez pleuré comme un benêt de ce que j'ai opiné dans le Conseil contre la requête de Sirven . Vous êtes trop sensible pour un vieillard goguenard tel que vous êtes . Ne voyez-vous pas que toutes les formes s'opposaient à l'admission de la requête de Sirven vii, et que dans les circonstances où je suis, il y a des usages consacrés que je ne dois jamais heurter de front ?

 

Consolez-vous . Je sais que Sirven est dans votre maison avec sa famille . Elle est bien infortunée et bien innocente . J'en aurai soin, je leur donnerai dans Versoix un petit emploi qui avec ce que vous leur fournissez les fera vivre doucement . Je ferai le bien que je peux, mais il m'est impossible de tout faire .

 

On m'a dit que La Harpe s'était pressé d'apporter à Paris votre second chant de La Guerre de Genève qui n'était pas achevé viii. Il faut que vous le raccommodiez . Est-il vrai qu'il y a cinq chants ?

 

Envoyez-les moi, queste coglionerie mi trastullano un poco ix. Elles me délassent de mille requêtes inconsidérées, et de mille propositions ridicules que je reçois tous les jours .

 

Je veux que vous me donniez la nouvelle édition du Siècle de Louis XIV . C'était un beau siècle, celui-là, pour les gens de votre métier . Je suis fâché d'avoir oublié de recommander à Taulès de vous fournir des anecdotes . Votre ouvrage en vaudrait mieux . C'est un monument que vous érigez en l'honneur de votre patrie . Je pourrai le présenter au roi dans l'occasion .

 

Portez-vous bien, et si vous avez quelques petits calculs dans la vessie et dans l'urètre prenez du remède espagnol x. Je m'en trouve bien . L'Espagne doit contribuer à ma guérison puisque j'ai contribué à sa grandeur et à celle de la France par mon pacte de famille xi.

 

Bonsoir ma chère marmotte, je crois que je deviens aussi bavard que vous .

 

15 mars 1768 signé Le duc de Choiseul. »

 

i Ce titre a été donné par Wagnière sur la minute de cette lettre pastiche où V* « simule » la lettre que pourrait lui adresser Choiseul .

ii Pour présider à la médiation ; Le Règlement de la Médiation a été refusé par le Conseil général le 15 décembre 1766 ;

voir lettre du 8 mars 1768 à Mme Denis : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/03/08/j...

 

iii Il a fourni l'argent avec lequel les officiers font l'avance de la paie aux soldats .

iv Joseph Dominique de Moreton, marquis de Chabrillan , colonel à 20 ans du régiment de Conti infanterie .

v V* était très fier de son semoir à cinq socs , à une époque où l'on sème encore à la main .

 

vi Allusion au conte du même titre paru en 1768 .

Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-conte-l-homme-a...

etc.

vii On avait demandé que l'affaire Sirven soit révisée par le Conseil du roi et non par le parlement de Toulouse .

Cf. lettre à Chardon du 3 février 1768 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/02/04/r...

 

ix Ces couillonneries m'amusent un peu .

xUne plante appelée Chanca piedra = briseur de pierre, en espagnol : voir : http://www.alphanatura.com/exportproduct/FRA/np3-02.html

xi Traité d'alliance entre France et Espagne signé le 15 août 1761 .

 

 

 

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