31/10/2011
Puisque les hommes sont assez barbares pour punir de mort la faute d'une fille qui dérobe une petite masse de chair aux misères de la vie
http://www.doctissimo.fr/html/sante/mag_2000/mag1215/dossier/sa_3400_ivg_niv2.htm
Je salue cette grande dame
« A Jacques Abraham Élie de Brenles
Prangins, 31 décembre [1754]
Puisque les hommes sont assez barbares pour punir de mort la faute d'une fille qui dérobe une petite masse de chair aux misères de la vie, il fallait donc ne pas attribuer l'opprobre et les supplices à la façon de cette petite masse de chair . Je recommande cette malheureuse fille à votre philosophie généreuse 1. Nous espérons avoir l'honneur de vous voir à Prangins, quand vous aurez fini cette triste affaire . Il est vrai que nous sommes, ma nièce et moi, dans une maison d'emprunt, et qu'il s'en faut de beaucoup que nous ayons un ménage monté ; mais le régisseur de la terre nous aide, et nous sommes d'ailleurs des philosophes ambulants qui, depuis quelque temps, ne sommes point accoutumés à nos aises .
Nous resterons à Prangins jusqu'à ce que nous puissions nous orienter . Je vois qu'il est très difficile d'acquérir ; qu'importe après tout, pour quatre jours qu'on a à vivre, d'être locataire ou propriétaire ? La chose vraiment importante est de passer ces quatre jours avec des êtres pensants .
Je n'en connais point avec qui j'aimasse mieux achever ma vie que M. et Mme de Brenles ; nous n'avons de compatriotes que les philosophes, le reste n'existe pas . Je reçois, dans le moment, une lettre de la pauvre Mme Goll 2 ; son sort est fort triste d'avoir été obligée d'épouser un Goll, et de l'avoir perdu . On la chicane sur tout ; on ne lui laisse rien . Le mieux qu'elle puisse faire serait de venir se retirer avec nous auprès de Lausanne . Je lui ai offert la maison que je n'ai pas encore ; j'espère qu'elle et moi nous serons logés l'un et l'autre des mains de l'amitié .
« Je m'unis à mon oncle, madame, pour vous prier de faire l'honneur à deux ermites de les venir voir, dès que M. de Brenles sera libre . Il y a longtemps que j'ai celui de vous connaître de réputation, et, par conséquent, la plus grande envie de jouir de votre aimable société . Je vous jure que si je n'étais pas garde-malade , je serais demain à Lausanne, pour vous dire combien je suis sensible à toutes vos politesses, et le désir que j’ai de mériter votre amitié .
Denis »
Venez donc l'un et l'autre quand vous pourrez dans ce vaste ermitage, où vous ne trouverez que bon visage d'hôte . Venez recevoir mes tendres remerciements ; venez ranimer un malade, et vous charmerez sa garde .
Voltaire. »
1 De Brenles est avocat et professeur de droit, et V* lui demande d'aider une jeune femme accusée d'infanticide ou d'avortement .
2 Sa logeuse à Colmar ; voir page 23 : http://books.google.fr/books?id=jEUbAAAAYAAJ&pg=PA23&dq=jean+ulrich+de+goll&hl=fr&ei=tK2uTr2mKISVswbPkKjdDw&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved=0CDMQ6AEwAA#v=onepage&q=jean%20ulrich%20de%20goll&f=false
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29/10/2011
On commence à me regarder actuellement comme un homme mort
On peut de nos jours aussi regarder certains candidats aux élections présidentielles, non seulement comme des "hommes" / femmes mort(e)s, mais encore pis, comme des boulets . Je ne citerai aucun nom, mais suivez mon regard ( pour l'occasion, je louche, ce qui fait que droite et gauche se retrouvent unis dans un flou, non pas artistique, mais diantrement désagréable ! ) .
Prohibitions modernes que je vous laisse apprécier !
J'ai un petit coup de coeur pour l'interdiction de passer à pieds (?), toucher(?) et surtout regarder !
Curieusement, seuls les hommes n'ont pas le droit de pisser ; dites-moi, pourquoi cette discrimination ?
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
A Prangins, pays de Vaud, 30 décembre [1754]
Je vous souhaite une bonne année, mon cher ange, à vous, à Mme d'Argental, à M. Pont de Veyle, à tous vos amis . Mes années seront bien loin d'être bonnes ; je les passerai loin de vous . Les bains d'Aix ne me rendront pas la santé ; je voudrais que l'envie de vous plaire me rendît assez de génie pour arranger les Chinois 1 à votre goût; mais l'aventure du Triumvirat fait trembler les sexagénaires .
Solve senescentem 2…................ Horace
Il est vrai que le Triumvirat 3 aurait réussi, si j'avais été à Paris ; l'auteur ne sait pas l'obligation qu'il avait à ma présence pour son Catilina 4. On commence à me regarder actuellement comme un homme mort ; c'est ce qui fait que Nanine 5 a réussi, en dernier lieu . Le mot de Proscription, qu'on lisait sur les décorations du Triumvirat, était fait pour moi 6. Cela me donne un peu de faveur . Si les comédiens entendaient leurs intérêts, ils joueraient à présent toutes mes pièces, et je ne désespérerais pas qu'Oreste 7 n'eût quelque succès ; mais je ne dois plus me mêler des vanités de ce monde .
Je vous demande pardon, mon cher et respectable ami, de vous importuner de mes plaintes contre Lambert 8. Je vous supplie de lui faire parvenir cette nouvelle lettre, et d'exiger de lui qu'il envoie chez Mme Denis tous mes livres ; c'est assurément un détestable correspondant . Je suis honteux de lui écrire une lettre plus longue qu'à vous ; mais il faut épargner ce port, et j'ai tant à me plaindre de Lambert que je n'ai pu être court avec lui . Mme Denis, ma garde-malade, vous fait mille compliments . »
3 Pièce de Crébillon père ; voir : http://www.mediterranees.net/histoire_romaine/ciceron/crebillon/index.html
et :http://www.theatre-classique.fr/pages/programmes/edition....
V* reprendra le titre pour sa propre version de cette tragédie qui sera représentée en 1764. Voir :http://books.google.fr/books?id=ZE40AAAAMAAJ&pg=PA171...
4 Pièce de Crébillon père, Prosper Jolyot de Crébillon ;
voir : http://www.mediterranees.net/histoire_romaine/catilina/crebillon/index.html
5 Comédie de V* , jouée le 16 juin 1749 pour la première fois : http://books.google.fr/books?id=9146AAAAcAAJ&printsec...
Voir aussi , à propos de la place des femmes au sein de certaines pièces : http://philosophie-et-litterature.oboulo.com/place-femmes-sein-trois-pieces-suivantes-mariage-figaro-beaumarchais-nanine-25675.html
6 Les éditions du Triumvirat de V* étaient accompagnées de deux ouvrages en prose: l’un surle Gouvernement et la Divinité d’Auguste; l’autre intitulé des Conspirations contre les Peuples, et des Proscriptions.
7 Oreste fut joué à Paris, pour la première fois, le 12 janvier 1750. Voltaire y assista en loge grillée. La pièce avait été lue en novembre 1749, chez le comte d’Argental ; voir : http://books.google.fr/books?id=gTUHAAAAQAAJ&pg=PA44&lpg=PA44&dq=oreste+voltaire&source=bl&ots=5VwWWio8xA&sig=oapiIgnuEUUmQnad8n-pVxfDiEA&hl=fr&ei=lg2sTveYN4XMhAfHwqhs&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=7&ved=0CEQQ6AEwBg#v=onepage&q&f=false
8 Lambert s'est permis de faire imprimer les œuvres de V* ,sans son consentement, et dans une version pleine d'erreurs . Voir lettres précedentes à d'Argental .
18:20 | Lien permanent | Commentaires (0)
nous ne pouvons nous passer ni d'habits ni de livres
Pas plus que Mme Denis et son tonton préféré, je ne peux vivre sans habits et sans livres ; toutefois , je dois à la vérité de dire que je vivrais plus facilement sans habits ( mon passé de sans-culotte ressurgit ! ) que sans livres , surtout les écrits de l'inimitable Volti .
Il est d'autres "livres" dont il ne peut se passer ...
Notre incorrigible amateur de café me fait sourire à l'évocation de ces "dix-huit livres de café" planquées dans une caisse et pour lesquelles les autorités suisses pouvaient demander des droits, alors qu'en ma verte jeunesse, mes parents passaient la frontière proche de Genève pour s'approvisionner en café helvétique , moins cher, au nez et à la barbe des gabelous français ; juste (?) retour des choses . Il est vrai qu'ils n'avaient point de recommandation, point de piston; point de "M. Hermani" pour faciliter ce modeste système D . Le café n'en était que meilleur .
L'art du café a plus d'un sens :
http://www.dailymotion.com/video/x4pcrk_de-l-art-de-faire...
« A Sébastien Dupont
Avocat
A Prangins, par Nion, pays de Vaud, 26 décembre [1754]
Vous êtes aussi essentiel qu'aimable, mon cher ami ; je vous parlerai d'affaires aujourd'hui . J'ai laissé cinq caisses entre les mains de Turckeim de Colmar, frère du Turckeim de Strasbourg . Je lui ai mandé, il y a un mois, de les faire partir, et je n'ai point eu de ses nouvelles . C’est l'affaire des messagers, me dira-t-on ; ce n'est pas celle d'un avocat éloquent et philosophe, j'en conviens , mais ce sera celle d'un ami . Je vous demande en grâce de parler ou de faire parler à ce Turckeim . Ces caisses contiennent les livres et les habits de Mme Denis et les miens, et nous ne pouvons nous passer ni d'habits ni de livres . Nous sommes venus passer l'hiver dans un beau château, où il n'y a rien de tout cela, et nous comptions trouver nos caisses à notre arrivée . J'ai donné au sieur Turckeim les instructions nécessaires ; je n'ai pas même oublié de lui recommander de payer les droits, en cas qu'on en doive, pour dix-huit livres de café qui sont dans une des caisses . Je l'ai prié de se munir d'une recommandation de M. Hermani pour le bureau qui est près de Bâle . Je n'ai rien négligé, et je n'en suis pas plus avancé . Il semble que mes ballots soient à la Chine, et Turckeim aussi ; mais vous êtes à Colmar, et j'espère en vous . J'ai écrit deux fois, en dernier lieu à ce Turckeim, par Mme Goll ; mais pendant ce temps là, elle était occupée du départ de son cher mari pour l'autre monde, et elle aura pu fort bien oublier de faire rendre mes lettres . Je m'imagine qu'elle ira pleurer son cher Goll à Lausanne, et que Mme de Klinglin n'aura plus de rivale à Colmar .
Je n'ai point encore vu M. de Brenles ; mais il viendra bientôt, je crois, nous voir dans notre belle retraite . Nous nous entretiendrons de vous et du R. P. Kroust, pour peu que M. de Brenles aime les contrastes . Je resterai ici jusqu'à la saison des eaux . Je n'ai pas trouvé dans le pays de Vaud le brillant et le fracas de Lyon, mais j'y ai trouvé les mêmes bontés . Les deux seigneurs de la régence de Berne m'ont fait tous deux l'honneur de m'écrire , et de m'assurer de la bienveillance du gouvernement . Il ne me manque que mes caisses . Permettez donc que je vous envoie le billet de dépôt dudit Turckeim ; le voici . Je lui écris encore . Je me recommande à vos bontés .
Notez bien qu'il doit envoyer ces cinq caisses par Bâle, à M. de Ribaupierre, avocat à Nion, pays de Vaud . J'aimerais mieux vous parler de Cicéron et de Virgile, mais les caisses l'emportent . Adieu ; je vous demande pardon, et je vous embrasse .
V. »
01:33 | Lien permanent | Commentaires (0)
27/10/2011
il est incorrigible, et c'est un libraire tout comme un autre
A propos "d'incorrigible", permettez-moi de vous faire part d'une tactique déloyale de la part de vendeurs sur EBay .
La voici : à chaque enchère que je fis, une enchère supérieure de 0.50 € apparut dans deux secondes suivantes, et ce, jusqu'à la dernière seconde du temps imparti . Résultat : "Vous n'avez pas remporté l'objet" !!
Il aurait été plus honnête d'annoncer un prix de retrait de l'objet si un plancher d'enchère n'était pas atteint ; il aurait été plus honnête de ne pas artificiellement inventer un enchérisseur concurrent, qui, ô merveille, me contrait immédiatement à quelque heure que j'intervienne .
Avez-vous déjà vécu ce type de contrariété ?
Viens-je de redécouvir le fil à couper le beurre dans ces médiocres méthodes E Baysiennes ?
Je crois bien m'être fait E-Bayser !!! Cocu, mais pas content .
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
A Prangins, pays de Vaud, 25 décembre [1754]
Mon cher ange, vous ne cessez de veiller, de votre sphère, sur la créature malheureuse dont votre providence s'est chargée . Je suis toujours très malade dans le château de Prangins, en attendant que mes forces revenues, et le saison plus douce, me permettent de prendre les bains d'Aix, ou plutôt en attendant la fin d'une vie remplie de souffrances . Ma garde-malade vous fait les plus tendres compliments, et joint ses remerciements aux miens . Je n'ai ici encore aucun de mes papiers que j'ai laissés à Colmar ; ainsi je ne peux vous répondre ni sur les Chinois, ni sur les Tartares , ni sur les Lettres que M. de Lorges 1 veut avoir . Je crois au reste que ces lettres seraient assez inutiles . Je suis très persuadé des sentiments que l'on conserve, et des raisons que l'on croit avoir . Je sais trop quel mal cet indigne avorton d'une Histoire universelle, qui n'est certainement pas mon ouvrage, a dû me faire ; et je n'ai qu'à supporter patiemment les injustices que j'essuie . Je n'ai de grâce à demander à personne, n'ayant rien à me reprocher . J'ai travaillé, pendant quarante ans, à rendre service aux lettres ; je n'ai recueilli que des persécutions ; j'ai dû m'y attendre, et je dois les savoir souffrir . Je suis assez consolé par la constance de votre amitié courageuse .
Permettez que j'insère ici un petit mot de lettre pour Lambert, dont je ne conçois pas trop les procédés . Je vous prie de lire la lettre, de la lui faire rendre ; et, si vous lui parliez, je vous prierais de le corriger ; mais il est incorrigible, et c'est un libraire tout comme un autre .
Je ne peux rien faire dans la saison où nous sommes, que de me tenir tranquille . Si les maux qui m'accablent, et la situation de mon esprit, pouvaient me laisser encore une étincelle de génie, j'emploierais mon loisir à faire une tragédie qui pût vous plaire ; mais je regarde comme un premier devoir de me laver de l'opprobre de cette prétendue Histoire universelle, et de rendre mon véritable ouvrage digne de vous et du public . Je suis victime de l'infidélité et de la supposition la plus condamnable . Je tâcherai de tirer de ce malheur l'avantage de donner un bon livre qui sera utile et curieux . Je réponds assez des choses dont je suis le maître, mais je ne réponds pas de ce qui dépend du caprice et de l'injustice des hommes . Je ne suis sûr de rien que de votre cœur . Comptez, mon cher ange, qu'avec un ami comme vous on n'est point malheureux . Mille tendres respects à Mme d'Argental et à tous vos amis . »
20:51 | Lien permanent | Commentaires (0)
26/10/2011
à ceux qui sont aussi attachés aux papes que je le suis
NDLR - Suite à un emploi du temps perturbé, le scripteur de ce blog est à la ramasse (sic) pour annoter correctement les lettres de Voltaire mises en ligne . Cela ne saurait durer, promet-il . Que saint Volti le soutienne !
Tout comme Volti, il est très attaché aux papes, surtout ceux d'Avignon ! Foin des eaux d'Aix !
« A Jacques-Abram-Elie Clavel de Brenles
Au château de Prangins, près Nion, 20 décembre [1754]
Je crains, monsieur, que vous ne soyez malade comme moi . Mme Goll m'avait fait craindre pour votre poitrine, et rien ne peut me rassurer qu'une lettre de vous . J'aurais couru à Lausanne, si les douleurs continuelles dont je suis tourmenté me l'avaient permis . La première chose que j'ai faite en arrivant à Prangins a été de vous en donner part ; et le premier sentiment que j'ai éprouvé a été de me rapprocher de vous . Les médecins m'ont conseillé les eaux d'Aix ; ceux de Lyon et de Genève se sont réunis dans cette décision ; mais moi je me conseille votre voisinage, et la solitude .
J'ai reçu une lettre de M. l'avoyer de Steiger, que j'avais eu l'honneur de voir à Plombières ; il me conserve les mêmes bontés qu’il me témoigna alors ; ainsi, monsieur, je suis plus que jamais dans les sentiments que je vous confiai , quand j'étais à Colmar, et que vous daignâtes approuver . Je crois qu'il ne peut plus être question d'Allaman , ni d'aucune autre terre seigneuriale, puisque les lois de votre pays ne permettent pas ces acquisitions à ceux qui sont aussi attachés aux papes que je le suis . J'ai donc pris le parti de me loger, pour quelque temps au château de Prangins, dont le maître est ami de ma famille . J'y suis comme un voyageur, ayant du roi mon maître la permission de voyager . Ma mauvaise santé ne sera qu'une trop bonne excuse, si je me fixe dans quelque douce retraite, à portée de vous, et si j'y finis mes jours dans une heureuse obscurité . On m'a parlé d'une maison près de Lausanne appelée la Grotte, où il y a un beau jardin . On dit aussi que M. d'Hervart, qui a une très belle maison près de Vevai, pourrait la louer ; permettez que je vous demande vos lumières sur ces arrangements . C'est à vous, monsieur, à achever ce que vous avez commencé . C'est vous qui m'avez fait venir dans votre patrie ; je n'ai l'air que d'y voyager, mais vous êtes capable de m'y fixer entièrement .
J'ai reçu une lettre de M. de Bottens, qui me paraît concourir aux vues que j'ai depuis longtemps . Je ne sais si M. des Gloires est à Lausanne ; il m'a paru avoir tant de mérite que je le crois votre ami . Je ne demande à la nature que la diminution de mes maux, pour venir profiter de la société de ceux avec qui vous vivez, et surtout de la vôtre . La retraite où mes maux me condamnent m'exclut de la foule ; mais un homme tel que vous sera toujours nécessaire au bonheur de ma vie . Je crois que voici bientôt le temps où vous allez être père, si on ne m'a point trompé . Je souhaite à Mme de Brenles des couches heureuses , et un fils digne de vous deux . Mme Denis, ma nièce, vous assure l'un et l'autre de ses obéissances . Vous ne doutez pas, monsieur, des sentiments de reconnaissance et d'amitié qui m'attachent tendrement à vous .
Voltaire
J'aurais souhaité que M. Bousquet n'eût point mandé à Paris mes desseins . »
22:13 | Lien permanent | Commentaires (0)
25/10/2011
Je ne suis point embarrassé de moi, mais je le suis de ceux qui veulent bien joindre leur destinée à la mienne ; ceux-là ont besoin de courage
Bis repetita : à annoter sans tarder ...
See you later !
Fleurs immortelles, à l'image de Voltaire .
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
Au château de Prangins, le 19 décembre [1754]
J'apprends, mon cher ami, qu'on a fait chez vous une nouvelle lecture des Chinois, et que les trois magots n'ont pas déplu ; cependant, s'il vous prend jamais fantaisie d'exposer en public ces étrangers, je vous prie de m'en avertir à l'avance, afin que je puisse encore donner quelques coups de crayon à des figures si bizarres . Voici le temps funeste où Royer et Sireuil vont me disséquer . Figurez-vous que j'avais fait donner à Pandore une très honnête fête dans le ciel par le maître de la maison ; je vous en fais juge . Un musicien doit-il être embarrassé à mettre en musique ces paroles :
Aimez, aimez, et régnez avec nous ;
Le dieu des dieux est seul digne de vous .
Sur la terre on poursuit avec peine
Des plaisirs l'ombre légère et vaine ;
Elle échappe, et le dégoût la suit.
Si Zéphire un moment plait à Flore,
Il flétrit les fleurs qu'il fait éclore ;
Un seul jour les forme et les détruit.
Aimez, aimez, et régnez avec nous ;
Le dieu des dieux est seul digne de vous .
Les fleurs immortelles
Ne sont qu'en nos champs ;
L’Amour et le Temps
Ici n'ont point d'ailes.
Aimez, aimez, et régnez avec nous .
Acte III
On a substitué à ces vers :
Les Grâces
Sont sous vos traces ;
Régnez,
Triomphez ;
Un tendre amour
Veut du retour .
C'est ainsi que tout l'opéra est défiguré . Je demande justice, et la justice consiste à faire savoir le fait .
Tandis que Royer me mutile, la nature m'accable de maux, et la fortune me conduit dans un château solitaire, loin du genre humain, en attendant que je puisse aller chercher aux eaux d'Aix en Savoie une guérison que je n'espère pas . Je vous rends compte de toutes les misères de mon existence . Ce ne sont ni les acteurs de Lyon, ni le parterre, ni le public, qui m'ont fait abandonner cette belle ville . Je vous dirai en passant qu'il est plaisant que vous ayez à Paris Drouin et Bellecour, tandis qu'il y a à Lyon trois acteurs très bons, et qui deviendraient à Paris encore meilleurs ; mais c'est ainsi que le monde va. Je le laisse aller, et je souffre patiemment . Je souhaite que ma nièce ait toujours assez de philosophie pour s'accoutumer à la solitude et à mon genre de vie . Je ne suis point embarrassé de moi, mais je le suis de ceux qui veulent bien joindre leur destinée à la mienne ; ceux-là ont besoin de courage . Adieu, je vous embrasse mille fois . »
19:58 | Lien permanent | Commentaires (0)
faire sentir à M. de Sireuil l’énormité du danger, les parodies de la Foire, et les torche-culs de Fréron
A annoter sous peu !
Wait and see !!
Ci-dessus, torche-cul fréronien ...
"A Nicolas-Claude Thieriot
Au château de Prangins, pays de Vaud, le 19 décembre [1754]
Me voilà si perclus, mon ancien ami, que je ne peux écrire de ma main . Vous avez donc aussi des rhumatismes, malgré votre régime du lait ?
Vous ne sauriez croire avec quelle sensibilité j'entre dans le petit détail que vous me faites de ce que vous appelez votre fortune . On ne s'ouvre ainsi qu'à ceux qu'on aime, et j'ai, depuis environ quarante ans, compté toujours sur votre amitié . Vous devez vivre à Paris gaiement, librement, et philosophiquement .
Ces trois adverbes joints font admirablement . Molière, Femmes savantes, III, 11.
Mais , certes, vous me contez des choses merveilleuses, en m'apprenant que votre ancien Pollion 1, et l'Orphée aux triples croches, et Ballot-l'imagination, ne vivent plus ni avec Pollion ni avec vous .
Le diable se met donc dans toutes les sociétés, depuis les rois jusqu'aux philosophes .
Je ne savais pas que vous connussiez M. de Sireuil . Il me paraît par ses lettres un fort galant homme . Je suis persuadé que lorsqu'il s’arrangea avec Royer pour me disséquer, il m'en aurait instruit s'il avait su où me prendre . Il faut que ce soit le meilleur homme du monde ; il a eu la bonté de s'asservir au canevas de son ami Royer ; il fait dire à Jupiter :
Les Grâces
Sont sur vos traces ;
Un tendre amour
Veut du retour .
Comme le parterre n'est pas tout à fait si bon, il pourrait, pour retour, donner des sifflets . Royer est un profond génie ; il joint l'esprit de Lulli à la science de Rameau, le tout relevé de beaucoup de modestie . C'est dommage que Mme Denis, qui se connait un peu en musique, n'ait pas entendu la sienne ; mais Mme de La Popelinière l'avait entendue autrefois, et il me semble qu'elle n'en avait pas été édifiée . D'honnêtes gens m'ont mandé de Paris qu'on n'achèverait pas la pièce . J'en suis fâché pour messieurs de l'hôtel de ville 2, car voilà les décorations de la terre , du ciel, et des enfers, à tous les diables . M. de Sireuil en sera pour ses vers , Royer pour ses croches, et le prévôt des marchands pour son argent . Pour moi, en qualité de disséqué, j'ai présenté mon cahier de remontrances au musicien et au poète . Il me prend fantaisie de vous en envoyer copie, et de vous prier de faire sentir à M. de Sireuil l’énormité du danger, les parodies de la Foire, et les torche-culs de Fréron . C'est bien malgré moi que je suis obligé de parler encore de vers et de musique :
Nunc itaque et versus et caetera ludicra pono . Horace
Je bois les eaux minérales de Prangins, en attendant que je puisse prendre les bains d'Aix en Savoie . Tout cela n'est pas l'eau d'Hippocrène .
Je vous embrasse de tout mon cœur . Mme Denis vous est bien obligée de votre souvenir ; elle vous fait ses compliments . Quand vous voudrez écrire à votre ancien ami le paralytique, ayez la bonté d'adresser votre lettre à M. Tronchin, banquier à Lyon. »
1 Le financier La Popelinière (ou Pouplinière) , -grand admirateur de la musique baroque, et de Rameau en particulier, « l'Orphée aux triples croches »,- chez qui vit Thieriot .
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