16/12/2012
je crois qu'en toute affaire le moindre bruit que faire se peut est toujours le mieux
... Pour vivre heureux, vivons cachés ... des journalistes, de la police, des gendarmes, du fisc, de sa concierge, de Fesses de bouc !!
Ne pas faire de vagues (comme disait Tabarly !)
« A M. Élie BERTRAND.
Au Chêne, à Lausanne, 9 septembre [1757].
Mon cher théologien, mon cher philosophe, mon cher ami, vous avez donc voulu absolument qu'on répondit à la lettre 1 du Mercure de Neuf Châtel. M. Polier de Bottens, qui méditait de son côté une réponse, vient de m'apprendre qu'il y en a une qui paraît sous vos auspices 2. Il m'a dit qu'elle est très-sage et très-modérée cela seul me ferait croire qu'elle est votre ouvrage. Mais, soit que vous ayez fait une bonne action, soit que j'en aie l'obligation à un de nos amis, c'est toujours à vous que je dois mes remerciements. Je lirai un journal pour l'amour de vous, et je ne lirai que ceux où vous aurez part. Il n'y a plus qu'une chose qui m'embarrasse. Vous savez avec quelle indignation tous les honnêtes gens de la ville voisine des Délices avaient vu l'écrit auquel vous avez daigné faire répondre. Je leur avais promis non-seulement de ne jamais combattre cet adversaire, mais d'ignorer qu'il existât. Je vais perdre toute la gloire de mon silence et de mon indifférence. On verra paraître une réfutation, on m'en croira l'auteur, ou du moins on pensera que je l'ai recherchée. On dira que c'est là le motif de mon voyage à Lausanne; ajoutez, je vous en supplie, à votre bienfait celui de me permettre de dire que je ne l'ai point mendié. Que votre grâce soit gratuite comme celle de Dieu.
Puisque la lettre est remplie, dit-on, de la modération la plus sage, n'est-il pas juste qu'on en fasse honneur à l'auteur ? Boileau se vanta, en prose et en vers 3, d'avoir eu Arnauld pour apologiste. Ne pourrai-je pas prendre la même liberté avec vous ? Je pars demain pour ma petite retraite des Délices j'espère que j'y trouverai vos ordres. J'ai besoin de quelque preuve qui fasse voir que je n'ai point manqué à ma parole. Une chose à laquelle je manquerai encore moins, c'est à la reconnaissance que je vous dois.
Il paraît que M. de Paulmy n'a point perdu sa place 4, et que le colonel Janus 5 n'a point gagné de victoire. Les fausses nouvelles dont nous sommes inondés sont assurément le moindre mal de la guerre.
Comme j'allais cacheter ma lettre, je reçois la vôtre; vous me mettez au fait en partie. Il y a un petit fou 6 à Genève, mais aussi il y a des gens fort sages. J'aurais bien voulu que M. Bachy 7 eût été votre voisin c'est un homme fort aimable, philosophe, instruit; on en aurait été bien content.
Il faut que je présente une requête par vos mains à M. le banneret de Freudenreich, protecteur de mon ermitage du Chêne. M. le docteur Tronchin m'a défendu le vin blanc . M. le bailli de Lausanne a toujours la bonté de me permettre que je fasse venir mon vin de France. Mais à présent que je suis dans la ville, il me faudra un peu plus de vin, et je crains d'abuser de l'indulgence et des bons offices de monsieur le bailli. Quelques personnes m'ont dit qu'il fallait obtenir une patente de Berne; je crois qu'en toute affaire le moindre bruit que faire se peut est toujours le mieux. Je m'imagine que la permission de monsieur le bailli doit suffire; ne pourriez-vous pas consulter sur mon gosier M. le banneret de Freudenreich ? Je voudrais bien pouvoir avoir l'honneur d'humecter un jour, dans la petite retraite du Chêne, les gosiers de M. et de Mme de Freudenreich, et le vôtre. Je retourne demain aux Délices, voir mes prés, mes vignes et mes fruits, et mener ma vie pastorale c'est la plus douce et la meilleure. Je vous embrasse tendrement.
V. »
2 « Réponse à la lettre insérée dans le Journal helvétique de juin adressée à M. de Voltaire » Journal helvétique Neufchâtel aout 1757 ; il s'agissait toujours de l'affaire Calvin-Servet . Voir lettre du 4 septembre 1757 à Bertrand : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/12/16/n-etant-point-de-la-paroisse-je-ne-dois-pas-entrer-dans-les.html
3 Voir Boileau Épîtres, X, vers 122 ; page 153 : http://books.google.fr/books?id=caA5AAAAcAAJ&pg=PA421&lpg=PA421&dq=Ep%C3%AEtres,++X,+vers+122+boileau&source=bl&ots=hOpuTFPyGc&sig=FQdW4dN9wceUdprvkt0CJ049mUc&hl=fr&sa=X&ei=PADOUKyxJMSwhAfrkIHwAw&ved=0CDMQ6AEwAA#v=onepage&q=Ep%C3%AEtres%2C%20%20X%2C%20vers%20122%20boileau&f=false
4 Le marquis récemment nommé ministre est tombé en défaveur (car n'étant pas un courtisan assidu) mais ne quitter son poste qu'en février ou mars 1758 .
5 Attaqué par deux majors-généraux autrichiens, près de Landshut, le 14 auguste précédent, Janus, colonel au service de Frédéric II, les avait repoussés vivement. (Clogenson.) Voir lettre du 2 septembre à François Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/09/01/si-quid-novisti-rectius-istis-candidus-imperti.html
7 Le comte François de Baschi Saint-Estève, ambassadeur de France à Lisbonne .http://gw1.geneanet.org/favrejhas?lang=fr;p=francois;n=de+baschi+saint+esteve
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n'étant point de la paroisse, je ne dois pas entrer dans les querelles des curés
... Pas plus que celles des imams, des rabbins, des gourous, des dirigeants potentiels de l'UMP ! dis-je au bistro en face de l'église .
« A M. Élie BERTRAND.
Lausanne, 4 septembre [1757] part le six
Plus la robe dont vous me parlez, monsieur, est salie ailleurs 1, plus la vôtre est pure. Je conseille aux gens en question de faire laver la leur, mais je ne gâterai pas la mienne en me frottant à eux. La robe royale est plus dangereuse encore; elle est trop souvent ensanglantée. S'il y a quelques nouvelles touchant les barbaries du meilleur des mondes possibles, vous me ferez un grand plaisir de soulager un peu ma curiosité. Vous ne me parlez point de la réponse que vous m'aviez annoncée dans votre précédente. Je vous demande en grâce de me dire si elle paraitra et, en cas qu'elle paraisse, je vous supplie instamment de faire ajouter que je n'ai aucune connaissance de cette dispute historique et critique, et que la lettre 2 qui m'est attribuée dans le Mercure de France, et sur laquelle cette dispute est fondée, n'est point du tout conforme à l'original. Ce que je vous dis est la pure et l'exacte vérité , en un mot, n'étant point de la paroisse, je ne dois pas entrer dans les querelles des curés.
Je suis très-fâché de la destitution de M. de Paulmy 3 plût à Dieu qu'il fût resté en Suisse . Il aurait écrit des lettres intelligibles et agréables.
Mille tendres respects à M. et Mme de Freudenreich. Si vous voyez M. l'avoyer Steiger, je vous supplie de lui dire que Mme de Fontaine lui fait ses compliments, et que je lui présente mon respect.
Je vous embrasse, mon cher philosophe, du meilleur de mon cœur.
V. »
1 Le 2 septembre Élie Bertrand a écrit : « J'ai quelquefois honte de ma robe, monsieur, quand je vois gens qui la portent se déshonorer par des cabales, dont l'envie est la première cause et que la malignité soutient . » Ici, V* fait allusion sans doute à Jacob Vernet .
2 La lettre à Thieriot, du 26 mars 1757; page 194 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411355v/f197.image
3 En fait le marquis n'a pas perdu sa place .Le marquis de Paulmy, devenu le successeur du comte d'Argenson son oncle, le 2 février 1757, comme ministre de la guerre, remplit ces fonctions jusqu'au 22 mars 1758. Il avait été ambassadeur en Suisse, de 1748 à 1751.
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15/12/2012
Souvenez-vous combien cette lettre me donna d'ombrage et combien vous me rassurâtes
... Lorsque je reçus ce pli du ministère de l'Intérieur il y a peu . Mais que me veut-on ? Va-t-il falloir encore passer au tiroir-caisse ?
Nenni, vous me rendiez ce petit point imperceptible dont l'absence ne m'empêchait pas de dormir, ni de conduire , plutôt bien (n'est-ce pas Mam'zelle Wagnière ?), si bien même que trois années sans fausse note (pas même de mon teinturier qui, lui, est plus scrupuleux que mon ex-garagiste) me valent de retrouver un permis avec "le nombre maximal de points" ( dommage, il n'y a pas de point bonus ).
Pour effacer le gris du ciel et le cafard : Softly, as in a morning sunrise : http://www.deezer.com/track/5796947
et un petit Eté indien de derrière les fagots : http://www.deezer.com/track/7385474
« A François TRONCHIN
conseiller d’État à Genève
Au Chêne à Lausanne 4 septembre [1757]
Mon cher maître et confrère je vous envoie deux lettres, celle de M. Bertrand premier pasteur de Berne, et celle que j'écris à M. le doyen Le Fort 1. Si après avoir vu ces pancartes et en avoir conféré avec M. Tronchin Boissier 2 et avec M. Esculape 3 après son retour d'Etoy, vous jugez à propos de faire rendre celle que j'écris à M. le ministre Le Fort, je vous supplierai en ce cas de vouloir bien avoir la bonté de recevoir la réponse . A l'égard de la lettre de M. Bertrand voulez-vous bien me la garder jusqu'à mon retour ? Vous voyez, mon cher ami avec quelle liberté je m'adresse à vous, mais enfin c'est vous qui m'avez débauché ? Souvenez-vous de la plaisante lettre qu'un certain Tartuffe 4 m'écrivit lorsque j'étais prêt de signer à Prangins avec M. de Labat . Souvenez-vous combien cette lettre me donna d'ombrage et combien vous me rassurâtes . J'ai ici un des plus beaux logements du monde mais votre amitié me fera toujours donner la préférence à l'ermitage des Délices ; vous me l'avez rendu cher et je me flatte que dorénavant il me sera plus cher encore . Je compte sur vous et sur vos amis . Mme Denis se joint à moi . Vous connaissez ses sentiments pour vous et combien nous vous sommes dévoués l'un et l'autre .
Vous saurez que le roi de Prusse vient de m'écrire qu'il ne doute pas que je n'aie partagé ses succès et ses malheurs et qu'il lui reste à vendre cher sa vie, etc.5 Sa sœur Mme de Bareith m'écrit la lettre la plus lamentable . Me voilà occupé à consoler des têtes couronnées mais elles ne feront jamais mon bonheur et vous ferez le mien .
Adieu le plus aimable des hommes .
Votre très honoré et obéissant serviteur ,
V. »
1 Lettre du 2 septembre à Le Fort : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/09/06/quoique-je-ne-lise-jamais-les-journaux.html
2 Jean-Robert II Tronchin (1710-1793), meilleure tête politique du patriciat genevois , qui organisa un grand dîner l'été 1756 pour honorer d'Alembert, puis fera condamner le Dictionnaire Philosophique en 1765 .
4 Ce Tartuffe est Jean-Jacob Vernet ; voir la réponse de V* du 9 février 1755 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/11/24/je-deteste-l-intolerance-et-le-fanatisme-je-respecte-vos-loi.html
5 Voir lettre du 1er septembre à J-R Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/12/15/je-l-exhorte-a-vivre-en-cas-qu-il-soit-absolument-malheureux.html
17:26 | Lien permanent | Commentaires (0)
je l'exhorte à vivre en cas qu’il soit absolument malheureux
... Ce qui ne s'adresse pas au pape qui par définition est "heureux comme un pape" .
B(i)en Oi(n)t xvi s'adresse à ses ouailles via Tweeter, ô merveille . Je me suis laissé dire qu'il a une technique bien à lui, il tape avec un seul doigt, l'index recouvert d'un préservatif pour éviter les virus informatiques et les fuites .
Son choix -si tant est qu'il soit en capacité de le faire- de nom de tweetos me fait diablement rire car il évoque irrésistiblement une éponge bien connue, avec ou sans gratounet, Spontex, car pour effacer toutes taches, du sol au plafond, gommer les péchés véniels, rendre vivables les péchés mortels suivez et lisez @pontifex !
@pontifex : je crois bien que c'est le seul pontife classé x (bien que l'histoire de la sainte religion catholique apostolique et romaine soit riche en gougnafiers papaux débauchés )
« A Jean-Robert TRONCHIN
Nous voilà dans notre nouvelle maison à Lausanne, mon cher correspondant . Mais nous n'y pouvons rien faire sans les bontés de M. Camp 1 . Mme Denis le supplie d'avoir la bonté de presser les envois qu’il a bien voulu promettre .
Je ne sais rien de nouveau sinon que je suis occupé à consoler le roi de Prusse et Mme de Bareith sa sœur . Le roi de Prusse m'a écrit qu'il lui restait de vendre cher sa vie 2 et je l'exhorte à vivre en cas qu’il soit absolument malheureux. Pour les autres rois je ne m'en mêle pas . Je vous embrasse du meilleur de mon cœur .
V.
A Lausanne 1er septembre [1757]
M. Camp voudrait-il ajouter à ses soins obligeants du drap couleur d'ardoise pour un justaucorps, la doublure de peluche de soie couleur de feu et des boutonnières brodées en brandebourg qu’on applique comme on veut ensuite sur l'habit ? S'il veut ordonner ces guenilles je lui serai bien obligé . Je lui demande pardon .
V. »
1 Voir par ex. note 3 de la lettre du 9 décembre 1754 à J-R Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/10/23/je-ne-sais-pas-si-on-plaindra-l-etat-ou-je-suis-ce-n-est-pas.html
2 Voir lettre du 29 août à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/12/13/il-y-a-des-sots-il-y-a-des-fanatiques-et-des-fripons-mais-je.html
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14/12/2012
vous m'avez débauché, et vous me laissez là
... Clament de trop nombreux ouvriers victimes de ce que l'on nomme pudiquement et hypocritement plans sociaux et qui n'ont certainement pas pour but de faire progresser le bien être social .
Mittal-Arcelor, Peugeot & Co.,..., Depardieu ( 2par2) mauvaise blague belge à lui tout seul, accrochés à la carotte du sacro-saint fric, débaucheurs directs ou indirects , méprisables .
http://nantesforum.forumactif.com/t17197p900-politique-et-presidentielles
« A M. Jacques-Abram-Elie-Daniel CLAVEL de BRENLES.
Mais, mon cher embaucheur, savez-vous qu'il est fort dur d'être à Lausanne quand vous n'y êtes point ? Vous faites des enfants, et vous ne m'en dites mot; vous m'avez débauché, et vous me laissez là. Notre bailli est bien plus honnête que vous; il est venu voir la comédie auprès de Genève. Il y a mené sa fille et sa nièce. Il a dîné aux Délices, et vous nous méprisez positivement. Mille tendres respects à Mme de Brenles, mille souhaits pour le petit.
Je vous embrasse en vous grondant.
V.
Un Anglais 1 vient de m'apporter Warburton 2. N'aviez-vous pas écrit pour des Warburton, Bolingbroke et Humes ?
Au Chêne, le 1er septembre 1757. »
2 William Warburton : He wrote a defence of revealed religion in his View of Lord Bolingbroke's Philosophy (1754), and Hume's Natural History of Religion called forth some Remarks ... "by a gentleman of Cambridge" from Warburton, in which his friend and biographer, Richard Hurd, had a share (1757) ; voir : http://en.wikipedia.org/wiki/William_Warburton
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Il est bien à souhaiter pour elle, et pour l'Allemagne, et pour l'Europe, qu'une bonne paix fondée sur tous les anciens traités finisse tant de troubles et de malheurs
... Pour la paix des armes, c'est un point acquis, pour la fin de la guerre économique, il y a encore bien des choses à voir .
Publication des ban(c)s François-Angela : mariage en blanc, ambiance glaciale
« A Mme Sophie-Frédérique-Wilhelmine de PRUSSE, margravine de BAIREUTH
Aux Délices, 29 août 1757.
Madame, j'ai été touché jusqu'aux larmes de la lettre dont Votre Altesse royale m'a honoré 1. Je vous demanderais la permission de venir me mettre à vos pieds, si je pouvais quitter cette nièce infortunée, et j'ose dire respectable, qui m'a suivi dans ma retraite, et qui a tout abandonné pour moi; mais, dans mon obscurité, je n'ai pas perdu un moment de vue Votre Altesse royale et son auguste maison. Votre cœur généreux, madame, est à de rudes épreuves. Ce qui s'est passé en Suède, ce qui arrive en Allemagne, exerce votre sensibilité. Il est à présumer, madame, que l'orage ne s'étendra pas à vos États. Mais votre âme en ressent toutes les secousses, et c'est par le cœur seul que vous pouvez être malheureuse. Puissent de si justes alarmes ne pas altérer votre santé ! C'est sans doute ce que vous représentent mieux que moi ceux qui sont attachés à Votre Altesse royale. Il est bien à souhaiter pour elle, et pour l'Allemagne, et pour l'Europe, qu'une bonne paix fondée sur tous les anciens traités finisse tant de troubles et de malheurs; mais il ne paraît pas que cette paix soit si prochaine.
Dans ces circonstances, madame, me sera-t-il permis de mettre sous votre protection cette lettre que j'ose écrire à Sa Majesté le roi votre frère 2? Votre Altesse royale la lui fera tenir si elle le juge
convenable; elle y verra du moins mes sentiments, et je suis sûr qu'elle les approuvera. Au reste, je ne croirai jamais les choses désespérées tant que le roi aura une armée. Il a souvent vaincu, il peut vaincre encore mais, si le temps et le nombre de ses ennemis ne lui laissent que son courage, ce courage sera respecté de l'Europe. Le roi votre frère sera toujours grand, et, s'il éprouve des malheurs comme tant d'autres princes, il aura une nouvelle sorte de gloire. Je voudrais qu'il fût persuadé de son mérite personnel, il est au point que beaucoup de personnes de tout rang le respectent plus comme homme que comme roi. Qui doit sentir mieux que vous, madame, ce que c'est que d'être supérieure à sa naissance !
Je serais trop long si je disais tout ce que je pense, et tout ce que mon tendre respect m'inspire. Daignez lire dans le cœur de frère Voltaire. »
1 Lettre du 19 aout contenant la lettre/billet de Frédéric II citée dans le lettre du 29 août à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/12/13/il-y-a-des-sots-il-y-a-des-fanatiques-et-des-fripons-mais-je.html
« De Madame la margravine de BAIREUTH.
Le 19 août [1757].
On ne connaît ses amis que dans le malheur. La lettre que vous m'avez écrite fait bien honneur à votre façon de penser. Je ne saurais vous témoigner combien je suis sensible à votre procédé. Le roi l'est autant que moi.
Vous trouverez ci-joint un billet qu'il m'a ordonné de vous remettre. Ce grand homme est toujours le même. Il soutient ses infortunes avec un courage et une fermeté dignes de lui. Il n'a pu transcrire la lettre qu'il vous écrivait. Elle commençait par des vers. Au lieu d'y jeter du sable, il a pris l'encrier, ce qui est cause qu'elle est coupée. Je suis dans un état affreux, et ne survivrai pas à la destruction de ma maison et de ma famille. C'est l'unique consolation qui me reste. Vous aurez de beaux sujets de tragédies à travailler. Ô temps ô mœurs ! Vous ferez peut-être verser des larmes par une représentation illusoire, tandis qu'on contemple d'un œil sec les malheurs de toute une maison contre laquelle, dans le fond, on n'a aucune plainte réelle.
Je ne puis vous en dire davantage; mon âme est si troublée que je ne sais ce que je fais. Mais, quoi qu'il puisse arriver, soyez persuadé que je suis plus que jamais votre amie.
WILHELMINE. »
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13/12/2012
Il y a des sots, il y a des fanatiques et des fripons mais je n'ai aucun commerce avec ces animaux, et je laisse braire les ânes sans me mêler de leur musique
... Aussi n'ai-je jamais été tenté par une carrière politique où ces animaux trouvent leur pitance .
Entre les ânes à deux pattes et ceux à quatre, vous voyez où va ma préférence
« A M. Jean le ROND d'ALEMBERT.
Aux Chênes 1, 29 août [1757].
Me voici, mon cher et illustre philosophe, à Lausanne; j'y arrange une maison où le roi de Prusse pourra venir loger quand il viendra de Neufchâtel, s'il va dans ce beau pays, et s'il est toujours philosophe. Il m'a écrit, en dernier lieu, une lettre héroïque et douloureuse 2. J'aurais été attendri, si je n'avais songé à l'aventure de ma nièce, et à ses quatre baïonnettes.
Je recommande à mon prêtre moins d'hébraïsme et plus de philosophie; mais il est plus aisé de copier le Targum 3 que de penser. Je lui ai donné Messie 4 faire; nous verrons comme il s'en tirera. Je n'ai point vu notre théologal de l'Encyclopédie; ce prêtre est allé à Évian, en Savoie. Il déménage Dieu le conduise ! Il est impossible que dans la ville de Calvin, peuplée de vingt-quatre mille raisonneurs, il n'y ait pas encore quelques calvinistes; mais ils sont en très-petit nombre et assez bafoués. Tous les honnêtes gens sont des déistes par Christ. Il y a des sots, il y a des fanatiques et des fripons mais je n'ai aucun commerce avec ces animaux, et je laisse braire les ânes sans me mêler de leur musique 5.
On dit que vous viendrez leur donner une petite leçon. N'oubliez pas alors les Délices, et venez faire un petit tour au Chêne; c'est le nom de mon ermitage lausannais. Les uns ont leurs chèvres, les autres ont leurs ormes 6; mais il faut être dans les lieux qu'on a choisis, et non pas dans ceux où l'on vous envoie. J'aimerais mieux être à Tobolsk de mon gré, qu'au Vatican par le gré d'un autre. J'ai encore de la peine à concevoir qu'on ne prenne pas de l'aconit, quand on n'est pas libre. Si vous avez un moment de loisir, mandez-moi comment vont les organes pensants de Rousseau, et s'il a toujours mal à la glande pinéale. S'il y a une preuve contre l'immatérialité de l'âme, c'est cette maladie du cerveau ; on a une fluxion sur l'âme comme sur les dents. Nous sommes de pauvres machines. Adieu vous et M. Diderot, vous êtes de belles montres à répétition, et je ne suis plus qu'un vieux tournebroche mais ce tournebroche est monté pour vous estimer et vous aimer plus que personne au monde . Ainsi pense la machine de ma nièce.
Je rouvre ma lettre, je me suis à grand'peine souvenu de ma face, j'en ai si peu ! Si vous voulez me fourrer à côté de Campistron et de Crébillon, ma face est à vos ordres. Mme de Fontaine fera tout ce que vous ordonnerez. J'aimerais mieux avoir la vôtre aux Délices. »
1 Où V* loue une belle maison ; voir lettre du 3 avril à Mme de Fontaine : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/04/03/je-vous-ai-deja-dit-que-tout-est-francais-a-lausanne.html
Le Chêne était la dernière rue de Lausanne, du côté de Genève, et celle qui
servait de communication entre la ville et la belle promenade publique nommée
Montbenon. (Note de M. Golowkin.)
2 Elle doit avoir été écrite vers le 12 août comme il le mentionne dans une lettre à sa soeur . Elle est suivie d'une « épigramme » que Wilhelmine jugea « trop forte » et garda, on ne la pas retrouvée .
« Je vous remercie de la part que vous prenez à mes succès et à mes malheurs . J'ai à peu près toute l'Europe contre moi, il ne me reste qu'à vendre cher ma vie et la liberté de ma patrie ; mes yeux seraient devenus des sources de larmes si ces temps d'horreurs ne faisaient que je trouve ma digne et respectable mère heureuse de ne pas voir ce qui arrive et ce qui peut arriver encore . » « Fr .»
3 Voir : http://fr.wiktionary.org/wiki/targum
4 Polier de Bottens, pasteur . Voir note page 62 et suiv. : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411336j/f65.image
5 D'Alembert avait reçu une lettre de « personnes respectables » de Genève et en avait fait part à V*, cette lettre ayant été publiée en une brochure . V* ne garda pas complètement le silencec ar dansz une pièce Les Torts : il met :
Le fanatisme est terrassé
Mais il reste l'hypocrisie .
Ce à quoi répondra l'horloger-poête David Rival par des vers pleins de malice envers V* :
Quant à vous célèbre Voltaire ,
Vous eûtes tort, c'est mon avis .
Vous vous plaisez dans ce pays
Fêtez le saint qu'on y révère …
Voir lettre du 24 décembre 1757 à Elie Bertrand : page 333 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411355v/f336.image
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