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31/05/2014

Je n'ai que le temps de plier ce billet

... Avant de déplier mes draps .

draps+torchons.jpg

 

 Bravo Toulon, bravo Castres , la troisième mi-temps va durer plus que la nuit , Toulonnais vous pouvez oublier de dormir , évitez de prendre le volant, il va y avoir de la viande saoule en pagaille .

 

 

« Au baron Heinrich Anton von Beckers

Monsieur, j'apprends dans le moment que Son Altesse Électorale m'a rendu justice et qu'elle a ordonné avec sa générosité ordinaire que je fusse payé sans aucun frais . C'est une obligation que j'ai à Votre Excellence . C'est l'accomplissement de ses promesses . Je lui souhaite dans son séjour à Paris autant de succès qu'elle a pour moi de bonté . Je lui fais mille excuses de tant de petites importunités pour une bagatelle . Je la prie de recevoir les sentiments de la respectueuse reconnaissance du Suisse Voltaire .

Au château de Tournay

8 avril 1759 1

Je n'ai que le temps de plier ce billet . »

1 On trouve cette lettre dans « Trois lettres inédites de Voltaire : sur les rentes viagères à Mannheim », Revue du XVIIIè siècle, 1976 .Elle ne figure pas dans l'édition Besterman . V* l'avait envoyée par Jean-Robert Tronchin , voir la lettre du 6 avril 1759 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/05/30/on-va-faire-de-si-grands-efforts-cette-annee-qu-il-faudra-to-5380963.html

 

30/05/2014

on va faire de si grands efforts cette année qu'il faudra tout l'esprit de M. le contrôleur général pour trouver, l'année qui vient, de l'argent au trésor royal

... Remplacez "royal" ( et par la même occasion , si le coeur vous en dit remplacez Royal ! ) par "public", et vous voyez, que la France soit en guerre armée (XVIIIè siècle et suivants, et précédents )  ou en guerre économique (XIXè, XXè, XXIè siècle), le résultat est identique : il faut trouver des sous, du pèze, du flouze, des picaillons, de l'oseille par tous les moyens et pas question de perdre du temps à rechigner, ça ne fait qu'empirer la dette .

 Vous voulez des espèces sonnantes et trébuchantes ? des clous !

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« A Jean-Robert Tronchin

[6è avril 1759]

Vous verrez, monsieur, par cette lettre pour M. le baron de Beckers 1, envoyé extraordinaire de Son Altesse Sérénissime Électorale palatine, et son premier ministre d’État, de quoi il s'agit . Je vous supplie de souffrir en paix la manière dont j'y parle de vous , et de vouloir bien avoir la bonté d'accompagner ma dépêche d'un petit mot de certificat, conforme à ce que j'écris à M. le baron de Beckers . Je vous supplie de vouloir bien cacheter le tout et de le lui faire tenir à Paris . J'ai oublié sa demeure, mais les lettres aux ministres étrangers sont rendues aussi exactement qu'elles sont ouvertes .

Je viens encore de faire quelques petites acquisitions à Ferney . Quand l’Électeur palatin, le duc de Virtemberg et le roi me payeraient aussi mal qu'on fait à Cadix, nous aurons toujours le lait de nos vaches Mme Denis et moi pour nous nourrir ; il n'y a que cela de bien sûr dans ce monde . On peut mourir de faim avec des rois, mais jamais avec des terres . Il me paraît qu'on va faire de si grands efforts cette année qu'il faudra tout l'esprit de M. le contrôleur général pour trouver, l'année qui vient, de l'argent au trésor royal .

J'embrasse tendrement mon cher correspondant .

V. »

1 Cette lettre n'est pas connue ; elle ne fut sans doute pas transmise, car en en accusant la réception le 9 avril, Jean6robert Tronchin fit des objections, fondées sans doute, aux réclamations que V* présentait à Beckers . Voir lettre du 11 avril 1759 à Jean-Robert Tronchin : « … J'ai donné sur le champ avis au baron de Beckers de la générosité avec laquelle l’Électeur palatin en a usé et je remercie même M. de Beckers qui n'y a contribué en rien . Ainsi vous avez très bien fait de ne lui point envoyer ma lettre, qui n'est plus de saison . »

Voir aussi lettre du 16 mars 1759 au baron von Beckers : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/05/01/vous-verrez-que-le-temps-se-consume-en-frais-et-que-chaque-moment-accumule.html

 

29/05/2014

Donné au milieu des masures sur une escabelle dans un grenier, de notre palais des chauve-souris

 

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...

 

 

 

« A Gabriel Cramer

Monsieur de Voltaire reviendra samedi au soir aux Délices afin de ne pas figurer le dimanche dans sa paroisse de Ferney, mais surtout pour voir monsieur Gabriel Cramer qu'il prie à souper et à coucher samedi .

Ce cher Gabriel aura les sujets d'estampes de Gravelot 1 qu'il fera partir lundi ; mais ce cher Gabriel aurait bien dû envoyer certaines épreuves ; il met ses amis à une rude épreuve en les négligeant ainsi ; qu'il ne s'avise pas d'être pococurante 2 comme monsieur son frère le cadet ; car comme dit l'autre je vomis les tièdes 3. Sur ce Dieu ait en sa sainte garde mon cher Gabriel .

Donné au milieu des masures sur une escabelle dans un grenier, de notre palais des chauve-souris, au milieu des maçons qui m'empêchent de dormir et qui me ruinent .

V.

Jeudi matin [5 avril 1759?]"

2 Pococuranté est le noble vénitien du chapitre xxv de Candide ; ce nom signifie « négligent » ; voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-candide-ou-l-optimisme-chapitre-xxv-120364038.html

3 Révélation, III,16 : http://saintebible.com/revelation/3-16.htm

 

 

 

 

 

28/05/2014

J'ai peur d'avoir trop vinaigré la salade

... Ce qui n'aurait pas gêné le Vert Galant amateur d'ail et autres senteurs vigoureuses .

gravelot henriade.jpg

 Dans un domaine plus actuel, la déclaration tartuffière de Copé , l’UMP avait «très vraisemblablement réglé des factures qu’elle n’aurait pas dû honorer», elles "auraient en réalité servi à financer des dépenses de la campagne présidentielle de 2012, afin de masquer un dépassement du plafond de dépenses.", à l'insu de son plein gré , évidemment . Dans le monde des tricheurs, je crois qu'on a là un des membres du top ten.

Nicolas Sarkozy  tenant lui aussi le flambeau,  bien entendu, doit trouver ces affirmations bien acides, et loin de la voix mielleuse de Carla ; tant pis ou tant mieux, selon vos goûts politiques et artistiques !

 

 

 

« A Gabriel Cramer

[3 avril 1759 ?]

Je vais travailler à Ferney aux sujets de Gravelot 1: mais apprenez mon cher Gabriel que le libraire Granger a l'agrément de M. de Malesherbes pour une nouvelle édition et qu'il fait des estampes qu'il prétend admirables . Je crois qu'il faudrait pour votre avantage vous entendre avec Granger, et qu'il se chargeât de votre nouvelle édition . Il n'y a service que je ne sois prêt à vous rendre .

On a fait cinq éditions de Candide à Paris, et à la fin on l'a défendu 2. Aussitôt on a commencé la sixième . L'épilogue de l'ode fera beau bruit . Ne manquez pas d'envoyer un exprès avec l'épreuve . Il faudra peut-être emmieller quelques endroits . J'ai peur d'avoir trop vinaigré la salade . »

1 Hubert-François Bourguignon Gravelot venait d'écrire à V* : Extrêmement flatté, monsieur, du choix que M. Cramer fait de moi pour les dessins de la grande édition qu'il projette de vos ouvrages … je soumets à votre révision le choix que j'ai fait des sujets pour votre Henriade … il fallait retrouver dans les tableaux la marche du poème … Quant au talent … vous en jugerez par les deux dessins que j'ai remis à M. Cramer » Voir également au sujet de cette édition et de celle de Granger une lettre de Gabriel Cramer à Gravelot écrite le 10 avril 1759 . Voir aussi : http://danville.hypotheses.org/924

2 C'est le 25 février que l'on commença à saisir Candide à Paris et le 26 qu'on en fit autant à Genève . Le 11 mai, le libraire Gosse devait encore signaler, dans une lettre de Genève à Tomaso Beccari « deux visites successives et inattendues [des magistrats et de la police] à l'occasion de deux livres qu'on avait soupçonnés d'avoir été imprimés ici sans permission,l'un intitulé Candide ou l'obtimisme [sic] imprimé Lyon, l'autre La Guerre littéraire entre M. de Voltaire et autres savants … imprimé à Lausanne où l'édition a été confisquée par ordre souverain. »

 

un vieux fou qui se ruine avec deux châteaux

...

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« A Jean-Louis Labat, baron de Grandcour

à Genève

Il faut, mon cher baron, que vous me rendiez un service . Vous en êtes bien capable . Ordonnez demain mercredi à votre correspondant de Paris de porter cent beaux louis d'or chez M. d'Argental, conseiller d'honneur du parlement , rue de la Sourdière à Paris et de lui dire que j'aurai l'honneur de lui confier bientôt l'usage qu'il aura d'en faire .

Je reviens de Ferney samedi . J'espère que dans le saint jour dominical je trouverai chez vous 4000 livres tournois nécessaires à un vieux fou qui se ruine avec deux châteaux .

Mille tendres respects à toute votre famille .

V.

Mardi [3 avril 1759] »1

1 Sur le manuscrit olographe, mention de Labat « aux Délices le 3 avril 1759 /De Voltaire / R[épondu] le 4è de / que j'ai fait sa commission / et qu'il aura 4000- /lundi » Voltaire toucha 4800 francs le 10 avril .

 

27/05/2014

je ne me mêle point, Dieu merci, des affaires des rois, et je me contente de plaindre les peuples

...

 le malheur des peuples.gif

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« A Jean-Marie-Samuel Formey

Au château de Tournay par Genève

le 3 mars [avril] 1759 1

J'ai reçu votre lettre 2 avec un très grand plaisir , monsieur, je me sers, pour vous répondre sans qu'il vous en coûte de frais, de la voie des mêmes négociants qui envoient mes paquets au Salomon et à l'Alexandre du Nord : il se pourrait bien faire que ce paquet-ci tombât entre les mains de quelques housards ; car le champ des horreurs est déjà ensanglanté dans le meilleur des mondes possibles ; mais on ne verra dans mes paquets que de quoi rire ; je ne me mêle point, Dieu merci, des affaires des rois, et je me contente de plaindre les peuples .

J'ai fort connu le meurtrier Manstein dont vous me parlez 3; Dieu veuille avoir son âme ; c'était un vigoureux alguazil : il avait arrêté le général Munich, et s'était battu avec lui à coups de poing pour le service de sa gracieuse impératrice ; il s'enfuit quelque temps après du beau pays de la Russie pour venir dans votre sablonnière . Il me montra ses mémoires de Russie, que je corrigeai à Potsdam . Pendant que nous étions occupés à cette besogne, le roi m'envoya des vers par un coureur . Manstein, impatient de voir que je préférais les vers de Frédéric à la prose de Manstein , s'en plaignit au modeste Maupertuis, lequel encore plus fâché de ce que le roi ne le consultait pas sur la manière d'exalter son âme et d'enduire le corps de poix-résine, s'avisa de dire que le roi n'envoyait qu'à moi son linge sale à blanchir .

Après avoir dit ce prétendu bon mot, il s'avisa de m'en faire l'honneur, et de là vinrent toutes les belles tracasseries qui n'ont fait aucun profit, ni à Frédéric le Grand, ni à Maupertuis, ni à moi .

Depuis ce temps-là milord Maréchal m'a parlé à ma campagne de ce manuscrit que je connaissais mieux que lui . On a proposé aux Cramer, libraires de Genève, de l'imprimer . Mais qui diable a pu vous dire que je l'avais voulu acheter mille ducats ! Pourquoi l'achèterais-je ? Vous me croyez donc bien riche et bien curieux ! Il est vrai que je suis bien riche, mais je ne donnerais pas mille ducats de l'ancien testament, à plus forte raison d'un manuscrit moderne .

Je vous assure que je suis très sensible à la perte que vous avez faite ; mais , s'il vous reste autant d'enfants que vous avez fait de livres, vous devez avoir une famille de patriarche 4. Je serais fort aise de voir votre Philosophe païen 5, attendu que je suis assez païen et assez philosophe . A l’égard de vos Consolations pour les valétudinaires 6, je n'en ai pas besoin depuis que j'ai recouvré la santé avec la liberté dans un séjour charmant . Envoyez-moi plutôt des conseils pour gouverner mes paysans et mes curés . J'ai acheté deux belles terres à une lieue des Délices , je suis devenu laboureur et je vais semer cette année avec la nouvelle charrue : cela me donne la santé . Je croyais n'avoir pas deux mois à vivre quand je vins aux Délices . Votre roi se serait amusé à faire de moi une plaisante oraison funèbre ; il me mandait l'autre jour que Maupertuis se mourait 7; si cela est, il mourra au lit d'honneur ; car il vient d'avoir un petit procès à Bâle 8 pour avoir fait un enfant à une fille, et il s'en est tiré fort glorieusement .

Vous avez donc travaillé aussi à l'Encyclopédie . Eh bien ! Vous n'y travaillerez plus : la cabale des dévots l'a fait supprimer, et peu s'en est fallu qu'elle n'ait été brûlée comme les œuvres de Calvin . Laissons aller le monde comme il va . Puisse la guerre finir bientôt, et que votre chancelier en signe les articles ! Faites-lui bien des compliments .

Si ce n'était pas une indiscrétion, vous me feriez un plaisir extrême à me mander ce qu'est devenu l'abbé de Prades 9.

Adieu, monsieur, je suis de tout cœur,

monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire

comte de Tournay, gentilhomme ordinaire

du roi etc. »

1 Date fausse, indiquée par Formey, car la lettre de Frédéric dont parle V* est du 2 mars 1759 .http://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/310-jean-henri-formey

2 Cette lettre ne nous est pas connue .

3 Formey premier éditeur de cette lettre dans Les Souvenirs d'un citoyen [page 294 : http://books.google.de/books?id=pXAGAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

], en donne un commentaire . Il avait écrit à V* de la part de la veuve du général Christopher Hermann von Manstein, qui, ayant entendu dire que V* offrait mille ducats pour les mémoires manuscrits de son mari, voulait savoir s'il était toujours dans les mêmes intentions . C'est à ces ouvertures que répond ici V* . En fait le livre, quoique rédigé en français devait être publié en anglais, [David Hume], Contemporary Memoirs of Russia from the year 1727 to 1744, Londres , 1770 .Voir : https://archive.org/stream/contemporarymem00mansgoog#page/n5/mode/2up

4 Formey eut une nombreuse progéniture, mais seulement sept ou huit de ses enfants survécurent .

6 Consolations pour les personnes valétudinaires, 1758 . http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k75719z

7 Dans sa lettre du 2 mars, Frédéric II demandait : « […] laissez […] mourir en paix un homme que vous avez cruellement persécuté, et qui selon toutes les apparences n'a plus que peu de jours à vivre. » Maupertuis mourra le 27 juillet 1759 .

 

26/05/2014

je volerai mes maçons et mes charpentiers pour vous donner un petit acompte si vous le trouvez bon

... Aurait pu dire Guéant à Nanard Tapie, en mal de copie comme il le nota  en omettant de spécifier car allant de soi, que les volés ne sont pas que maçons et charpentiers, mais tous les payeurs de l'impôt . Excusez un peu la taille de l'acompte !

 http://www.lemonde.fr/societe/article/2014/05/26/claude-gueant-appele-a-clarifier-son-role-dans-l-affaire-tapie_4425911_3224.html

 Faul-cul à l'oeuvre

guéant faux cul.jpg

 

« A Louis-Gaspard Fabry

maire et subdélégué

à Gex

A Ferney 3 mars [avril] 1759 1

Je suis venu à Ferney, monsieur, uniquement pour vous ; j'y resterai jusqu'à samedi, je volerai mes maçons et mes charpentiers pour vous donner un petit acompte si vous le trouvez bon ; n'ayant encore rien réglé avec Mgr le comte de La Marche 2 j'aurai l'honneur de transiger immédiatement avec lui aussitôt que les embarras et les agréments de son nouvel établissement lui permettront de songer à ces petites affaires, lesquelles sont assez considérables pour un particulier comme moi, réduit fort à l'étroit par tant de nouvelles acquisitions .

Il y a aussi beaucoup d'autres petites choses sur lesquelles je souhaiterais avoir l'honneur de vous entretenir . J'ai celui d'être avec tout l'attachement possible, et du meilleur de mon cœur, monsieur,votre très humble et très obéissant serviteur .

Voltaire . »

1 La date a été corrigée par Fabry qui mentionne : « N[ot]a le 4 avril j'ai reçu douze cents livres à compter du tiers qui me revient du lod de Ferney. » Fabry demandait vers le 30 mars : … déduction faite des 1200 livres que j'ai déjà vues, il me reste dû 2883.6.8 comme vous le verrez par le mémoire ci-joint. » Il signera la quittance des lods et ventes de Ferney le 7 août 1759.

2 Louis-François-Joseph de Bourbon : http://fr.wikipedia.org/wiki/Louis-Fran%C3%A7ois-Joseph_de_Bourbon-Conti

Il vient de se marier le 27 février 1759 à Marie-Fortunée d'Este-Modène .