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31/10/2017

je ne vois pas comment on pourrait supposer que des Anglais (qui se piquent aujourd’hui d’être une nation généreuse) pussent faire une telle proposition

...http://tempsreel.nouvelobs.com/brexit/20160609.OBS2248/br...

Le doute pouvait subsister au jour de parution de cet article, mais désormais le Brexit prononcé relativise la "générosité" britannique .

 Dans la jungle de Calais, des migrants passent devant une inscription: "Amenez l'amour, arrêtez la guerre, merci. Nous voulons juste aller en Angleterre, s'il vous plaît".

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol , comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

A Ferney 23 décembre 1762

Je ne peux rien ajouter, mes favorables anges, à tout ce que je vous ai dit sur le futur, sinon que je suis content de lui de plus en plus. Les bons caractères sont, dit-on, comme les bons ouvrages , on en est moins frappé d’abord qu’on ne les goûte à la longue ; mais comme il n’a rien, et que de longtemps il n’aura rien, il est difficile de le marier sans la protection de M. le duc de Praslin ; et c’est sur quoi nous attendons vos ordres.

En attendant, il faut que je vous parle de mademoiselle d’Épinay ou de l’Épinay 1 ; ce n’est pas pour la marier. M. le maréchal de Richelieu paraît avoir usé de ses droits de premier gentilhomme de la chambre avec cette infante . Il veut la payer en partie par les rôles qu’avait mademoiselle Gaussin dans les pièces de votre serviteur . Il me demande une déclaration en faveur de la demoiselle, et même au détriment de l’infante Hus. Dites-moi, mes souverains, ce que je dois faire. Jamais je n’ai été moins au fait du tripot, et moins en état d’y travailler. Il faut finir mes tâches prosaïques, et attendre l’inspiration. Je crois que, s’il arrivait malheur aux pièces nouvelles, les comédiens pourraient trouver quelque ressource dans le Droit du Seigneur et dans Mariamne, telle qu’elle est ; car je vous avoue que je trouve très bon que la Salome dise à Mariamne qu’elle ne la regarde plus que comme une rivale 2. C’est précisément cette rivalité dont il s’agit, c’est de quoi Salomé est piquée ; et une femme à qui on joue ce tour dit volontiers à son adverse partie ce qu’elle a sur le cœur.

A l’égard de Zulime, pourquoi l’imprimer, si elle ne peut rester au théâtre ? et il me semble qu’elle ne peut y rester si on ne laisse la fin telle que je l’envoyai, et telle que nous l’avons jouée sur le théâtre de Ferney ? Vous m’avouerez qu’il est dur pour un pauvre auteur qu’on change malgré lui ce qu’il croit avoir bien fait. Il peut se tromper, cela n’arrive que trop souvent ; mais vous savez qu’il n’en est pas moins sensible, et surtout quand il a vu l’effet heureux des choses qu’on veut rayer dans son ouvrage, et qu’on y substitue des corrections dont il est mécontent, il a quelque droit d’être affligé.

Quant au duc de Foix rechangé en un autre personnage 3, n’est-ce pas un peu trop d’inconstance ? Souffrira-t-on plus aujourd’hui une méchante action dans un prince du sang qu’on ne la supporta autrefois ? n’y a-t-il pas des choses qu’il faut placer dans des temps éloignés, et qui révoltent quand elles sont présentées dans des temps éloignés, et qui révoltent quand elles sont présentées dans des temps plus récents ? ne vaut-il pas mieux mettre une proposition sanguinaire et barbare dans la bouche des Maures que dans celle des Anglais ?  Ce sont les Maures qui demandent le sang du héros de la pièce ; ce sont eux qui exigent qu’un prince français leur sacrifie son frère. En vérité, je ne vois pas comment on pourrait supposer que des Anglais (qui se piquent aujourd’hui d’être une nation généreuse) pussent faire une telle proposition à un prince de la race qui est à présent sur le trône. Assurément le moment n’est pas propre ; ce n’est pas le temps d’insulter les Anglais. Je crois que nos princes du sang et le duc de Bethford seraient également indignés, et que le public le serait comme eux.

Si cette idée insoutenable est tombée dans la tête de Lekain, vous lui ferez comprendre sans doute à quel excès il se trompe. Cela lui arrive bien souvent. Je confierai volontiers des rôles aux Lekain et aux Clairon, mais je ne les consulterai jamais.

Croyez-moi, encore une fois, qu’ils jouent le Droit du Seigneur et Mariamne, s’ils n’ont rien de nouveau ce carême. Je tâche d’oublier Olympie, afin d’en mieux juger, et de vous l’envoyer plus digne de vous. J’ai presque achevé l’Histoire générale, que j’ai conduite jusqu’à la paix pour ce qui regarde les événements politiques, et jusqu’à l’arrêt singulier du parlement contre l’Encyclopédie pour ce qui concerne l’histoire de l’esprit humain. On finit d’imprimer Pierre-le-Grand. Je serai bientôt libre, et je me rendrai au tripot ; car, entre nous, je l’aime autant que vous l’aimez.

Puissé-je, en attendant, faire un épithalame ! mais cela dépend de M. le duc de Praslin. Voilà bientôt ce qu’on appelle le jour de l’an . Je souhaite à mes anges toutes les félicités terrestres , car, pour les célestes n’y comptons pas.

V. »

1 Mlle de l'Épinay est plus connue sous le nom de Mme Molé (1740-1782) . Pierrette-Claudine-Hélène Pinet avait fait ses débuts le 21 janvier 1761, et fut reçue le 29 janvier 1763 . elle épousa le 10 janvier 1769 le fameux acteur François-René Molé . Si ce que dit V* est vrai, le véritable père de sa fille Elisabeth-Félicité, née le 23 juillet 1760, peut avoir été Richelieu .Voir Dictionnaire des comédiens, de Lyonnet ; voir : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2137871/f442.image

et voir : https://www.comedie-francaise.fr/fr/artiste/mlle-mole

et : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2137871/f440.image

2 Hérode et Mariamne, II, 2 : « Tremblez imprudente rivale ! » ; http://www.theatre-classique.fr/pages/programmes/edition.php?t=../documents/VOLTAIRE_MARIAMNE.xml#A2

3 Rebaptisé en duc de Vendôme .

30/10/2017

quand voulez-vous Don Sanche d'Aragon, triste pièce

... mais pas autant que celle jouée par Carlos Puigdemont, mi-apprenti sorcier, mi-prétentieux calife .

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Photo prémonitoire ? déjà derrière les barreaux !

 

 

« A Gabriel Cramer

[vers le 20 décembre 1762]1

Caro Gabrielé m'a oublié . Il m'avait promis la première feuille des Éclaircissements historiques 2 auxquels il y a des choses importantes à ajouter . Je renverrai les deux feuilles à la fois, quand voulez-vous Don Sanche d'Aragon, triste pièce de Pierre ? »

1 Passé à la vente Piot à Paris le 20 juin 1890, collection Portalis .

29/10/2017

vous voyagerez chez les nations étrangères avec plus de connaissance et de goût que vous n’en trouverez peut-être dans la plupart des pays que vous verrez

... monsieur le président, -soit dit sans vouloir vexer quelque nation que ce soit,- vous en verrez des vertes et des pas mures, et comme disait Shakespeare "il y a quelque chose de pourri" dans un trop grand nombre de pays . Vaille que vaille, il faudra y passer, diplomatie oblige .

 Image associée

Je n'en pense pas moins !

 

 

« A Ivan Ivanovitch Schouvalov

19è décembre 1762 , au château de Ferney

Enfin donc, monsieur, j’aurai la consolation de ne point mourir sans avoir eu l’honneur de vous voir. J’étais fort malade quand j’ai reçu par M. le prince de Galitzin, les douces espérances que vous m’avez données 1. Je vous ai déjà dit, je crois, du moins j’ai dû vous dire, que vous êtes, pour les arts de l’esprit et de l’agrément, ce que Pierre-le-Grand a été pour la police de son empire : la différence sera que vous voyagerez chez les nations étrangères avec plus de connaissance et de goût que vous n’en trouverez peut-être dans la plupart des pays que vous verrez. Je me flatte, monsieur, que vous aurez la bonté de m’informer du temps de votre départ. Vous passerez sans doute par l’Allemagne et par Genève pour aller en France . Vous verrez tantôt des cours brillantes, et tantôt des ermitages rustiques. Je suis dans le dernier cas . Vous ne verrez en moi qu’un philosophe champêtre , vous passerez de la magnificence à la simplicité, mais songez que c’est dans cette simplicité champêtre que se trouvent la vérité et l’effusion du cœur ; la vanité vous donnera ailleurs des fêtes , mais la cordialité vous fera les honneurs de Ferney et des Délices. Si vous venez en hiver, vous trouverez autant de neige que chez vous ; si vous venez au printemps, vous trouverez des fleurs.

Comme je suis précisément entre la France et l’Allemagne, je me flatte d’avoir l’honneur de vous voir à votre passage et à votre retour. Ce seront deux époques bien agréables dans ma vie. Cette espérance adoucit tous les maux auxquels la nature me livre ; je les souffre patiemment, et je vous désire ardemment. Votre Excellence doit être bien persuadée des tendres et respectueux sentiments de votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire. »

1 Lettre de Schouvalov du 29 octobre 1762 : « […] vous prenez trop de part à ce qui me regarde pour que je ne vous avertisse que j'ai pris le parti de faire un voyage . Vos sages conseils ont beaucoup contribué à ma résolution . Jugez de ma satisfaction lorsque je me représente d’avance de vous voir  […] . Je dois vous dire, monsieur, que depuis l'époque fatale pour moi [il était le favori de l'impératrice Elisabeth, décédée le 5 janvier 1762], je ne suis plus le même, je cherche vainement un bonheur, dont mon cœur ne connait plus ni le choix ni l'effet . Vous me servirez d'oracle . »

28/10/2017

on vous aura l'obligation d'avoir fait rendre justice à l'innocence, et de réprimer le fanatisme

... Qui sera le Pierre Mariette du XXIè siècle ? ou qui seront-ils/elles ?

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Oups ! pardon . Erreur de casting . Défaut de mise au poing !

 

 

« A Pierre Mariette

19è décembre 1762, au château de Ferney

J'espère, monsieur, que le procès des Calas va bientôt commencer, et qu'on vous aura l'obligation d'avoir fait rendre justice à l'innocence, et de réprimer le fanatisme . En attendant, je vous supplie de vouloir bien donner vos soins à faire expédier au conseil, l'approbation, et la permission qu'on dit nécessaires pour valider l'échange que nous venons de faire avec l’Église de la terre où nous demeurons . J'ai donné cette terre à ma nièce, c'est en son nom que l'on agit, et je crois qu'il n'est question ici que d'une affaire de forme . Mais s'il faut un peu de protection pour l'accélérer, je vous supplie de me mander à qui il faut que je m'adresse .

J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments que je vous dois, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire . »

C’est une belle époque, monsieur, dans les courtes archives de la raison humaine, que votre empressement généreux et celui de vos confrères à protéger l’innocence opprimée par le fanatisme

... Mais à quel ministre, homme d'Etat, avocat ou homme de loi pourrais-je faire ce compliment ? Je ne sais . Dans un avenir que je souhaite proche, peut-être ?

 Aphorismes

Pour l'instant nous n'avons qu'une bien modeste défense .

 

 

« A Jean-Baptiste-Jacques-Elie de Beaumont

19è décembre 1762, au château de Ferney

C’est une belle époque, monsieur, dans les courtes archives de la raison humaine, que votre empressement généreux et celui de vos confrères à protéger l’innocence opprimée par le fanatisme. Personne ne s’est plus signalé que vous ; non seulement vous êtes le premier qui ayez écrit en faveur des Calas, mais votre mémoire étant signé de quatorze avocats, devient une espèce de jugement authentique dont l’arrêt du conseil ne pourra guère s’écarter. M. Mariette a travaillé judiciairement pour le conseil, et M. Loyseau, en s’exerçant sur la même matière, rend un nouveau témoignage à la bonté de la cause et à votre générosité. Tout ce que j’ai lu de vous me rend très précieux tout ce que vous voudrez bien m’envoyer. Vous joignez la philosophie à la jurisprudence, et vous ne plaiderez jamais que pour la raison.

Je suis enchanté que vous soyez lié avec M. de Cideville . Son ancienne amitié pour moi me donnera de nouveaux droits sur la vôtre. Je présente mes respects à madame de Beaumont, et je vous jure que je vous donne toujours la préférence sur les autres de Beaumont 1, fussent-ils papes.

Votre très humble et très obéissant serviteur.

V. »



1 On ne connait pas de pape Baumont ou Belmonte, donc V* doit penser à l'archevêque de Paris Christophe de Beaumont (voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Christophe_de_Beaumont )

27/10/2017

je plante pour autrui , mais je n'ai jamais en ma vie travaillé que pour les autres, voilà ma jouissance

... Je n'aurai pas l'immodestie de m'attribuer cette attitude, même si je plante encore pour autrui, j'ai toujours travaillé pour mes proches et moi, et je n'en ai pas joui tous les jours, loin s'en faut, même si le plaisir du devoir accompli demeure . That's life !

cèdre neige 13_1_2010_1.JPG

J'aime à penser que ce cèdre au château de Voltaire est un descendant direct de ceux plantés par lui : ses "enfants"

 

 

« A David-Louis Constant de Rebecque, seigneur d'Hermenches

19è décembre 1762 ; au château de Ferney

Je ne savais où vous prendre, monsieur ; je vous croyais en Hollande quand vous étiez en Angleterre ; j'allais vous écrire à Londres quand on me dit que vous étiez à La Haye, et vous m'apprenez que vous êtes à Paris . Il y a très longtemps que je n'ai eu l'honneur de voir monsieur Constant ; il est prisonnier tous les soirs à quatre heures dans sa ville de guerre ; je crois qu'il en est sorti pour aller à Lausanne, et moi je m'amuse à faire un parc , dont je crois que vous serez assez content ; il est vrai que je plante pour autrui , mais je n'ai jamais en ma vie travaillé que pour les autres, voilà ma jouissance . Je ne suis point étonné que vous, qui êtes fait pour les plaisirs et pour la société, vous préfériez Londres et Paris au mont Jura ; mais quand vous aurez mon âge, vous trouverez qu'il n'y a rien de si doux que d’être chez soi, car tout aimable que vous êtes, je vous connais un fond de philosophie qui me fait croire que vous aimerez un jour la retraite .

Vous avez fait une action digne de vous, monsieur, en ménageant des protections en Hollande pour ceux que la fatale aventure des Calas pourrait forcer à changer de patrie . Heureusement cette cruelle affaire tourne mieux que l'on n'osait espérer ; les avocats de Pais se sont signalés, le cri public s'est élevé, et il dirigera la voix des juges .

J'espère même que cette horrible injustice produira quelque bien, elle ouvrira les yeux, et fera voir le danger du fanatisme ; quand la rigueur a fait des injustices dont on rougit, on penche vers la tolérance ; et la philosophie qui fait des progrès très rapides, rendra de jour en jour le gouvernement plus doux . Il est seulement à souhaiter que les cervelles de Toulouse soient un peu moins bouillantes .

Je crois que M. de Maurepas se contente de donner sa protection aux Calas, mais je ne pense pas qu'il leur prête sa plume . Je suis tout aussi incrédule sur la prétendue réforme des intendants ; on dit que le peuple ne les aime guère, mais ce n'est pas une raison pour qu'on les renvoie ; il semble même que ce serait changer entièrement la forme du gouvernement .

Je crois plus volontiers que vous me dites d'Eponime, il est plus aisé au parterre de faire tomber des pièces que des intendants ; je m'intéressais au succès de cette pièce sans connaître l'auteur ; le sujet est très intéressant, l'aventure d'ailleurs arriva en Bourgogne, province devenue la mienne ; car si je suis suisse à Lausanne, et genevois aux Délices, je suis bourguignon à Ferney .

J'irai bientôt voir le sombre Crébillon dont vous me parlez ; mais je n'aurai pas comme lui un beau tombeau dans une paroisse de Paris 1; j'ai renoncé aux vanités de ce monde, et à celles de l'autre monde .

Mlle Delon se moque de moi, elle me demande des lettres de recommandation, comme si elle en avait besoin, et comme si j'avais grand crédit dans une ville que j'ai quittée depuis douze ans 2, elle n'a qu'à se faire voir, et se faire entendre pour plaire, et je me mettrais sous sa protection si je voulais réussir . Mais Dieu merci, je ne prétends rien qu'à votre amitié, et à l'espérance de vous embrasser .

Je suis plus malingre que jamais, ainsi vous m'excuserez de ne pas vous écrire de ma main .

Votre très humble et très obéissant serviteur . »

2 Elle va à Cassel, où elle épousera Jean-Pierre-Louis de La Roche du Maine, marquis de Luchet , que l'on retrouvera dans la correspondance .Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Pierre-Louis,_marquis_de_Luchet

et : http://data.bnf.fr/12000743/jean-pierre-louis_de_la_roche_du_maine_luchet/

j'ai affaire à des gens têtus, et me voilà, si parva licet componere magnis

... Ceci est un sous titre ou l'in petto du discours de notre président en Guyane . Drôle de département ! Le maximum d'embrouilles pour un minimum de densité de population !

 https://fr.wikipedia.org/wiki/Guyane

 Image associée

... et pas de raton laveur !

 

« A Claude-Philippe Fyot de La Marche

A Ferney 18 décembre 1762 1

Mon digne magistrat, mon philosophe humain, où êtes-vous ? Que faites-vous? est-ce le malin peuple de Dijon, ou le tranquille séjour de La Marche, ou le fracas de Paris qui vous possède ? Je suis bien malheureux que nous ne soyons si voisins que pour ne point nous voir . Faudra-t-il que je meure sans avoir encore la consolation de philosopher un peu avec vous ?

Il y a une terrible tracasserie à l'Académie de peinture de Paris au sujet de votre dessinateur . Je lui avais bien dit qu'il fallait que toutes les estampes fussent de la même dimension ; on ne veut point de cette bigarrure . On a soulevé des souscripteurs ; on prétend que les figures de M. de Vosges sont trop grandes ; qu'elles doivent être de la même proportion que celles de Paris . Enfin c'est un schisme ; vous sentez bien que je suis pour la tolérance . Je crois qu'il importe peu que les Attila, les Pertharite, les Pulchérie, les Suréna, les Agésilas, les Don Sanche d'Aragon, soient grands ou petits ; mais j'ai affaire à des gens têtus, et me voilà, si parva licet componere magnis 2, comme le roi entre les jansénistes et les molinistes .

Voilà une affaire plus importante que je confie à votre amitié et à vos bontés . Je suis sur le point de marier la nièce de ce Corneille dont je suis le commentateur, et je ne la marie pas avec la raison sans dot : outre ce que je lui ai déjà assuré, il faut lui donner vingt mille francs, et je n'ai presque point de bien libre . J'ai compté que ces vingt mille francs seraient hypothéqués sur la terre de La Marche . Vous deviendrez avec moi le bienfaiteur de Mlle Corneille ; vous me ferez donc un plaisir extrême, mon digne magistrat, de m'envoyer une procuration en blanc par laquelle vous donnerez commission et pouvoir de stipuler en votre nom la reconnaissance d'une somme de 20 mille livres à vous prêtée par moi, au pays de Gex, le 13 septembre 1761, portant intérêts de mille livres et hypothéquée sur la terre libre de La Marche .

C'est dommage qu'on ne puisse marier les filles sans passer par ces tristes formalités .

Hymen , qui marchait seul,

Mène à présent à sa suite un notaire .3

Rien ne s’éloigne plus de l'âge d'or que les contrats de mariage . Il me semble que si quelqu'un était fait pour ramener ce bel âge sur la terre, c'était vous . Je l'ai trouvé jusqu'à présent dans ma retraite, mais la mauvaise santé m'en ferait un siècle de fer sans un peu de philosophie . Votre amitié est un beaume plus souverain pour mes maux que tous les philosophes présents et passés . Quand pourrai-je vous dire chez vous combien je vous aime et à quel point je vous respecte ?

Voltaire. »

1 Manuscrit olographe passé à la vente Charaway, 21 janvier 1888 ; l'édition Moulin donne un fac-similé entre les pages 232et 233 limité à la date et à la fin depuis Je l'ai trouvée … Pour le mois, V* avait d'abord écrit nov.

2 S'il est permis de comparer les petites choses aux grandes ; Virgile, Géorgiques , IV, 176 .

3 L'Ermite, conte de La Fontaine, II, xv, 37-38 . Il semble que V* relise ces contes dont il va bientôt s'inspirer dans les Contes de Guillaume Vadé .