08/12/2018
il est évident que le roi ne veut que ce qui est juste et raisonnable ; il veut payer les dettes de l’État, et soulager le peuple
... Si Louis XV ne fut alors ni compris ni soutenu, il serait diablement extraordinaire que notre président réussisse à ramener à la raison notre peuple de râleurs chroniques, rois , eux, du y'a qu'à et du faut qu'on .
Quant aux lycéens-collégiens à genoux, mains sur la tête, il est bien dommage que ça ne soit pas plus souvent qu'on les voie calmés ainsi . Je n'ai aucune sympathie pour ces voyous habitués à tricher et détruire .
« A Etienne-Noël Damilaville
11è décembre 1763 1
Vous devez à présent, mon cher frère, avoir reçu quelques Tolérance. Il est vrai qu’elles ont été bien reçues des personnes principales 2 à qui les premiers exemplaires ont été adressés, dans le temps que M. Turrettin était chargé de votre paquet. Je crois même vous l’avoir déjà dit ; mais il faudra bien du temps pour que ce grain lève et ne soit pas étouffé par l’ivraie.
Vous savez sans doute que le livre attribué à Saint-Evremond est de Du Marsais, l’un des meilleurs encyclopédistes 3. Il est bien à désirer qu’on en fasse une édition nouvelle plus correcte. Je n’aime point le titre : Par permission de Jean, etc. L’ouvrage est sérieux et sage ; il ne lui faut pas un titre comique.
Je vous supplie de vouloir bien m’envoyer encore un exemplaire, car j’ai marginé tout le mien, suivant ma louable coutume.
Un libraire de Rouen, nommé Besogne, m’a bien la mine d’avoir imprimé cet ouvrage . Si on le lui renvoyait corrigé, il pourrait en faire une édition plus supportable.
Je reçois exactement ce qu’on m’envoie de Paris ; mais je crois m’apercevoir que le timbre de Genève n’est pas toujours respecté chez vous. Les livres vous arrivent très difficilement par la poste, à moins qu’ils ne parviennent sous l’adresse des ministres ; et c’est une liberté qu’on ne peut prendre que très rarement.
Vous avez dû recevoir, mon cher frère, un petit paquet pour amuser frère Thieriot.
Vous ai-je mandé que j’avais été fort content de Warwick 4, et que je conçois de grandes espérances de son auteur ?
Ne pourriez-vous pas, mon cher frère, charger Merlin de me faire avoir le Droit ecclésiastique 5, composé par M. du Boucher d’Argis ? On dit que c’est un fort bon livre, et qu’il y a beaucoup à profiter.
La nouvelle déclaration 6 du roi, que vous avez eu la bonté de m’envoyer, doit faire renaître la confiance, et rendre le roi et le ministère plus chers à la nation : il est évident que le roi ne veut que ce qui est juste et raisonnable ; il veut payer les dettes de l’État, et soulager le peuple. J’ose espérer que cette déclaration donnera du crédit aux effets publics.
Mon cher frère, recevez mes tendres embrassements, et embrassez pour moi les frères. Ecr. l’inf. »
1 L'édition Correspondance littéraire donne une version incomplète et sans nom de destinataire .
2 Praslin, Choiseul, Mme de Pompadour .
3 Il ne s'agit pas ici de l'Examen de la religion (voir lettre du 6 décembre 1763 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/11/30/quand-on-peut-servir-son-prochain-sans-risque-on-est-coupable-devant-dieu-d.html ) , mais de La Vraie religion traduite de l’Écriture sainte, 1761 . Cet ouvrage est aussi de La Serre, mais la page de titre l'attribue à Gilbert Burnet, « par permission de Jean, Luc, Marc et Matthieu » . Au début du texte, on suggère aussi une autre attribution à Saint-Evremond , et V* a écrit en marge de ce passage, dans son exemplaire : « Jamais il est de Dumarsais. » De même en face du faux-titre, on lit : « Ce livre n'est et ne peut être de Saint-Evremond, il est très mal écrit, et aussi mal fait que scandaleux . »
Voir : https://data.bnf.fr/atelier/11910323/de_la_serre/
On observe la contradiction entre cette appréciation et celle qu'on lit dans la lettre à Damilaville : ce qui peut faire douter certains de la sincérité d'autres marginalia de V* .
4 Sur cette tragédie de Marmontel, voir lettre du 19 novembre 1763 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/11/12/ce-neveu-la-a-une-belle-vocation-pour-ecrire-l-histoire-des-6104597.html
5 L’Institution du droit ecclésiastique de France, de Claude Fleury, paru d'abord à Paris en 1677 sous le pseudonyme de Charles Bonel ; plus tard l'ouvrage paru sous le vrai nom de l'auteur sous la forme d'une Nouvelle édition revue […] par M. Antoine-Gaspard Bouchet d'Argis, 1762-1763. Voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57537d.image et https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57538r.image
Et voir : https://data.bnf.fr/12247338/antoine-gaspard_boucher_d_argis/
6 Déclaration du 21 novembre 1763, enregistrée le 1er décembre, dans laquelle le roi annonçait une réforme des finances du royaume .
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