30/11/2021
Il y a des pays et des occasions où il faut savoir garder le silence
... Leur liste est sans fin . Il y a un renouvellement de la censure sans cesse .
A vous de l'écrire selon vos connaissances , croyances, préférences , appartenances .
« Au chevalier Jacques de Rochefort d'Ally
1er septembre 1766
Comptez, monsieur, que mon cœur est pénétré de vos bontés. Je ne savais pas que ce fût vous qui m’aviez envoyé un factum qui m’a paru admirable. Le petit mot qui l’accompagnait m’avait paru être de la main de M. Damila. Pardonnez à la faiblesse de mes yeux . Mes organes ne valent rien, mais mon cœur a la sensibilité d’un jeune homme. Il a été touché de quelques aventures funestes, mais ma sensibilité n’est point indiscrète. Il y a des pays et des occasions où il faut savoir garder le silence. Mon cœur ne s’ouvre que sur les sentiments de la reconnaissance et de l’amitié qu’il vous doit. Je ne souhaite plus que de vous revoir encore ; et si je peux l’espérer, je me tiendrai très heureux.
J’ai appris de M. le duc de La Vallière qu’il prenait la maison de Jansin . Ce qui est sûr, c’est qu’il l’embellira, et que ceux qui y souperont avec lui passeront des moments bien agréables. Oserais-je vous supplier, monsieur, de vouloir bien faire souvenir de moi Mgr le duc de La Vallière et M. le prince de Beauvau, si vous les voyez ? Je me souviens que M. le duc d’Ayen m’honorait autrefois de ses bontés. Vous serez mon protecteur dans toutes les compagnies des gardes. J’ai connu autrefois des gardes du corps qui faisaient des tragédies ; mais je les crois plus brillants encore en campagne qu’au Parnasse. Je suis obligé de finir trop vite ma lettre, le courrier part dans ce moment.
Je vous suis attaché pour ma vie. »
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29/11/2021
Dites-moi, je vous en prie, s'il est vrai qu'on trouve deux ou trois articles obscurs dans le projet de la médiation
...Also sprach Angela : https://actu.orange.fr/monde/l-allemagne-entre-dans-l-apr...
« A Gabriel Cramer
à Tournay
Je vous prie instamment, mon cher ami, de m'envoyer deux douzaines d'avis au public sur les Sirven, et deux douzaines de Philosophe ignorant .
Souvenez-vous de M. de Saint-Florentin .
Dites-moi, je vous en prie, s'il est vrai qu'on trouve deux ou trois articles obscurs dans le projet de la médiation 1, qui d'ailleurs me paraît fait pour opérer le bonheur public ?
Je vous embrasse de tout mon cœur.
Jeudi au soir [août-septembre 1766].
1 Minuté en août, achevé à la fin septembre, approuvé en octobre, le projet de médiation est remis au syndic le 24 novembre 1766.
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28/11/2021
on n’empêche point la désertion
... Petits sans grade, et auto-proclamées têtes de partis potentielles partent en débandade dans un peu tous les bords . Chefs et chefaillons, même foi branlante et orgueil mal placé . Comme à Koh Lanta, n'oublions pas qu'il n'en restera qu'un .
« A Philippe-Charles-François-Joseph de Pavée, marquis de Villevielle
31è auguste 1766
Il est très vrai, monsieur, qu’il y a eu des ordres sévères à Besançon ; mais vous avez affaire à M. Éthis, qui est aussi sage que zélé pour la bonne cause.
Je crois que M. le duc de Choiseul trouvera très bon le jugement que votre humanité a fait rendre. Il me semble qu’il pense à peu près comme vous sur les déserteurs. On tue inutilement de beaux hommes qui peuvent être utiles, et on n’empêche point la désertion. André Destouches 1 avait raison.
Puisque vous ne venez, monsieur, qu’au mois de septembre, je prends la liberté de vous envoyer ces deux lettres qu’on avait adressées à Ferney. Plût à Dieu que ce petit ermitage pût avoir l’honneur de vous recevoir toutes les fois que vous allez à votre régiment ! Ayez la bonté d’apporter avec vous un ou deux exemplaires du livre nouveau dont vous me parlez, nous ferons des échanges. Recevez mes très tendres et très respectueux compliments.
V. »
1 Voir André Destouches à Siam, morceau attaché au Philosophe ignorant . Voir :https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k30453238/f168.image.r=siam
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27/11/2021
Nous savons que les commencements sont toujours difficiles, et qu’il faut se roidir contre les obstacles
... C'est ce qu'a fait Mam'zelle Wagnière-LoveVoltaire en se lançant courageusement dans l'édition de son blog remarquable http://www.monsieurdevoltaire.com/archive/2008-11/ et en le maintenant contre vents et marées , fidèlement .
Je suis toujours heureux de son amitié .
Bon treizième anniversaire .
« A Etienne-Noël Damilaville
31 auguste 1766 1
Nous vous remercions, monsieur, ma famille et moi, de la part que vous voulez bien prendre à l’établissement que nous projetons. Nous savons que les commencements sont toujours difficiles, et qu’il faut se roidir contre les obstacles . Je conseillerais à M. Tonpla de faire un petit voyage par la diligence de Lyon . C’est l’affaire de huit jours ; il verrait les choses par lui-même . Il s’aboucherait avec votre ami. On saurait précisément sur quoi compter. Il est certain que cet établissement peut faire un très grand bien, et que l’utile y serait joint à l’agréable. La liberté entière du commerce le fait toujours fleurir . La protection dont on vous a parlé est sûre. Le petit voyage que je propose peut se faire dans un grand secret ; et M. Tonpla, allant à Lyon, sous le nom de Tonpla, ou sous celui de M. son cousin, ne donnera aucune alarme à aucun négociant.
Nous avons reçu des lettres d’Abbeville qui sont très-intéressantes. Nous aurons du drap de Vanrobais 2 qui sera de grand débit, et nous espérons n’avoir point à craindre la concurrence.
M. Sirven me charge de vous présenter ses très humbles remerciements. Quelques étrangers ont pris beaucoup de part à son malheur ; mais on ne s’est adressé à aucun homme de votre pays : on craint que la pitié ne soit un peu épuisée. Nous espérons grâce à vos bontés avoir bientôt le mémoire de M. de Beaumont . J'en ai vu la première esquisse, elle promettait un chef-d’œuvre . Son mémoire pour M. de La Luzerne est très bien fait ; mais il n'est pas étonnant que les juges n'ayant encore aucune preuve contre le porteur des pistolets, aient 3 condamné à un an de prison celui qui a donné les coups d'épée . Toutes les apparences sont en faveur de M. de La Luzerne ; mais enfin il n'y a point de preuves juridiques que les pistolets appartinssent à son adversaire . M. de Beaumont sera vraisemblablement plus heureux dans l’affaire des Sirven . Votre ami nous a écrit pour vous supplier de lui envoyer le plus tôt que vous pourrez le mémoire de M. de Gennes pour feu M. de La Bourdonnais . Il veut avoir une suite des causes célèbres, et il ne lui manque que le factum . Ma femme, mon neveu, et moi, nous vous embrassons de tout notre cœur.
Votre etc.
Boursier. »
1 Dans l'édition de Kehl manque la fin depuis Nous espérons grâce à […] , omise dans la copie Beaumarchais .
2 Voir note 1 , page 424 de la lettre à lord Hervey en 1740 https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome35.djvu/424#cite_note-1
3 Correction du texte de Besterman qui notait ayant, mauvaise lecture pour aient .
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26/11/2021
il y avait certains quartiers où elle ne pénétrait jamais ; et quand elle a voulu en approcher, elle n’y a trouvé que ses plus cruels ennemis
... Dire que c'est presque la situation de notre police qui doit affronter jour après jour des dealers salopards et des voyous assassins .
« A Louise-Florence-Pétronille de Tardieu d'Esclavelles d'Epinay
[Mme de La Live d'Epinay
place Vendôme
à Paris ]
Que toutes les bénédictions se répandent sur ma belle philosophe et sur son prophète ! que leurs cœurs sensibles et honnêtes gémissent avec moi des horreurs de ce monde, sans en être troublés ! qu’ils voient d’un œil de pitié la frivolité et la barbarie ! qu’ils jouissent d’une vie heureuse, en plaignant le genre humain ! Le prophète me l’avait bien dit, que les étoiles du Nord deviennent tous les jours plus brillantes. Tous les secours pour les Sirven sont venus du Nord. On pourrait tirer une ligne droite de Darmstadt à Pétersbourg, et trouver partout des sages.
J’ai vu dans mon ermitage deux princes 1 qui savent penser, et qui m’ont dit que presque partout on pensait comme eux. J’ai béni l’Éternel, et j’ai dit à la raison , quand gouverneras-tu le Midi et l’Occident ? Elle m’a répondu qu’elle demeurait six mois de l’année à la Chevrette 2 avec l’imagination et les grâces, et qu’elle s’en trouvait très-bien ; mais qu’il y avait certains quartiers où elle ne pénétrait jamais ; et que quand elle a voulu en approcher, elle n’y a trouvé que ses plus cruels ennemis. Elle dit que la plupart de ses partisans sont tièdes, et que ses ennemis sont ardents.
Je me recommande aux prières de ma belle philosophe et de mon cher prophète.
V.
30è auguste 1766.3 »
1Voir lettre du 1er février 1766 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/09/22/je-fais-bien-pis-je-crois-que-j-ai-raison-6339187.html
2 Maison de campagne de Mme d’Épinay.
3 L'édition Correspondance littéraire n'identifie pas le destinataire et corrige La Chevrette en La Briche .
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25/11/2021
homo sum , cela suffit
...
Moi, avant épilation
https://www.youtube.com/watch?v=oSIoP7h4B_M
« A Michel-Paul-Guy de Chabanon
30 auguste 1766
Vous vous êtes douté, mon cher confrère, que j’étais affligé des horreurs dont la nouvelle a pénétré dans ma retraite ; vous ne vous êtes pas trompé. Je ne saurais m’accoutumer à voir des singes métamorphosés en tigres ; homo sum 1 cela suffit pour justifier ma douleur. Je vois avec plaisir que la vie frivole et turbulente de Paris vous déplaît ; vous en sentez tout le vide : il est effrayant pour quiconque pense. Vous avez heureusement deux consolations toujours prêtes, la musique et la littérature. Vous ferez votre tragédie quand votre enthousiasme vous commandera, car vous savez qu’il faut recevoir l’inspiration, et ne la jamais chercher.
Vous souvenez-vous que vous m’aviez parlé de Mme de Scallier 2? Il y a quelques jours qu’une dame vint dans mon ermitage avec son mari ; elle me dit qu’elle jouait un peu du violon, et qu’elle en avait un dans son carrosse ; elle en joua à vous rendre jaloux, si vous pouviez l’être ; ensuite elle se mit à chanter, et chanta comme Mlle Le More ; et tout cela avec une bonté, avec un air si aisé et si simple, que j’étais transporté. C’était Mme de Scallier elle-même avec son mari, qui me paraît un officier d’un grand mérite. Je fus désespéré de ne les avoir tenus qu’un jour chez moi. Si vous les voyez, je vous supplie de leur dire que je ne perdrai jamais le souvenir d’une si belle journée.
J’ai eu depuis une autre apparition de Mme de Saint-Julien, la sœur du commandant de notre province. Il est vrai qu’elle ne joue pas du violon, et qu’elle ne chante point ; mais elle a une imagination et une éloquence si singulières que j’en suis encore tout émerveillé. Même bonté, même naturel, mêmes grâces que Mme de Scallier, avec un fonds de philosophie qui est rare chez les dames. Ces deux apparitions devaient chasser les idées tristes que donne la méchanceté des hommes . Cependant elles n’ont pas réussi 3. Si quelque chose peut faire cet effet sur moi, c’est votre lettre : elle m’a fait un extrême plaisir. Il m’est bien doux de voir les grands talents et la raison joints à la sensibilité du cœur.
On m’a parlé d’un Artaxerce 4 qui a, dit-on, du 5 succès. Les pauvres comédiens avaient besoin 6 de ce secours. L’opéra-comique est devenu, ce me semble, le spectacle de la nation. Cela est au point que les comédiens de Genève se préparent à venir jouer sur mon petit théâtre un opéra-comique. On dit qu’ils s’en tirent à merveille, mais ils ne peuvent jouer ni une tragédie de Racine, ni une comédie de Molière.
Vous m’annoncez une nouvelle bien agréable, en me flattant que Mlle Clairon pourrait venir. Je n’ai plus d’acteurs, mon théâtre est perdu pour la tragédie, mais j’aime bien autant sa société que ses talents. Elle se lassera elle-même de la déclamation, et elle sera toujours de bonne compagnie. Ce qu’elle pense et ce qu’elle dit vaut mieux que tous les vers qu’elle récite, surtout les vers nouveaux.
Toute ma petite famille vous remercie tendrement de votre souvenir ; la vôtre doit bien contribuer à la douceur de votre vie. Je me mets aux pieds de madame votre mère et de madame votre sœur. Adieu, monsieur ; conservez-moi une amitié qui me sera toujours chère, et que je mérite par tous les sentiments que vous m’avez inspirés pour toute la vie. »
1 Je suis homme ; Térence : Heauton timorumenos, Ac ; I, sc. 1 : http://remacle.org/bloodwolf/comediens/Terence/eauton.htm
2 Voir lettre d'août 1766 à Hennin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/11/09/voici-une-grande-diablesse-de-virtuose-venitienne-qui-vient-6348474.html
3 Ces deux mots sont remplacés par pu réussir dans les éditions .
4 Pièce d'Antoine-Marin Le Mierre, représentée le 20 août 1766 avec un succès mitigé : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57723787.texteImage
5 Ce mot manque dans la copie Beaumarchais .
6 Mot précédé de grand dans les éditions .
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24/11/2021
C'était (dit l’historien ) César Nostradamus, un petit homme noir
... Nos descendants hésiteront pour donner une identité au "César Nostradamus" de 2021-2022, balançant entre Ciotti le petit, et Zemmour le noir, tous deux prophètes, astrologues qui feraient bien d'apprendre à lire des bilans et en tirer des prévisions qui ne soient pas des coquecigrues *.
* J'aime bien ce mot, l'image de la bestiole vaut bien celle d'une licorne .
« A Jacques Lacombe, Libraire
Quai de Conti
à Paris .
29è auguste 1766
L'auteur dont vous êtes l'éditeur, monsieur, me prie de vous importuner encore pour une faute qui s'est glissée dans l'histoire des proscriptions 1. C'est à l'article qui concerne le massacre de Mérindol et de Cabrières .
Ce fut (dit l'auteur) la seule proscription revêtue des formes de la justice .
Cela n'est pas exact, les templiers avaient été proscrits juridiquement . Vous êtes prié de mettre :
Ce fut la seule proscription revêtue des formes de la justice ordinaire, car les templiers furent condamnés par des commissaires que le pape avait nommés, et c'est en cela que le massacre de Mérindol porte un caractère plus affreux que les autres, etc. (comme dans le manuscrit ) .
Il y a encore une autre faute :
C'était (dit l’historien ) César Nostradamus, un petit homme noir . Il faut ôter, petit .
Je vous réitère, monsieur, tous les sentiments que je vous ai voués . »
1 Ces corrections furent effectivement apportées dans l'essai intitulé « Des conspirations contre les peuples ou des proscriptions », qui fut joint par V* dans Octave . Voir page 9 de https://fr.wikisource.org/wiki/Des_conspirations_contre_les_peuples/%C3%89dition_Garnier
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