26/03/2022
Songez bien, encore une fois, que, si nous n’avons pas le bonheur d’obtenir une évocation, nous aurons pour nous le cri de l’Europe, qui est le plus beau de tous les arrêts
... J'espère que c'est ce que pensent les Ukrainiens, n'en déplaise à Jo Biden .
« A Etienne-Noël Damilaville
22 Décembre 1766.
Mon cher ami, l’autre Sémiramis ne valait pas celle-ci 1 . Le Ninus 2 n’était qu’un vilain ivrogne ; j’admire sa veuve, je l’aime à la folie. Les Scythes deviennent nos maîtres en tout . Voilà pourtant ce que fait la philosophie. Des pédants chez nous poursuivent les sages, et des princesses philosophes accablent de biens ceux que nos cuistres voudraient bannir 3.
Que M. de Beaumont fasse comme il voudra, mais je veux avoir son mémoire, je veux donner aux Sirven la consolation de l'imprimer 4. Songez bien, encore une fois, que, si nous n’avons pas le bonheur d’obtenir une évocation, nous aurons pour nous le cri de l’Europe, qui est le plus beau de tous les arrêts. Je compte toujours que M. Chardon sera le rapporteur. Pour moi, si j’étais juge, je condamnerais le bailli de Mazamet à faire amende honorable, à nourrir et à servir les Sirven le reste de sa vie.
Je doute fort que le roi permette la convocation des pairs au parlement de Paris ; ou je me trompe fort, ou il en sait beaucoup plus qu’eux tous . Il apaise toutes les noises en temporisant.
Genève est un peu plus difficile à mener que notre nation, mais à la fin on en viendra à bout.
Je me suis aperçu qu'il y a bien des fautes dans la scène du Scythe ; mais en gros je voulais savoir comment vous et Platon l'avez trouvée 5 .
J’embrasse tendrement le favori de ma Catherine 6. Je vais écrire à ma Catherine, et lui dire tout ce que je pense d’elle.
Mandez-moi des nouvelles de la pomme de Guillaume Tell : vous êtes Normand 7, vous devez vous intéresser aux pommes 8. Oh ! comme je vous embrasse !
Je vous prie, mon cher ami, de m’envoyer une lettre de change sur Lyon, de cinquante louis, dont voici la quittance. L’affaire de Lamberta traîne un peu en longueur ; mais elle se fera, malgré le dérangement où l’on est 9. »
1 Catherine II. V* envoie la copie de sa réponse à Damilaville ( lettre du même jour à Catherine II : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/03/24/j... )
2 Pierre III, son mari qu'elle avait fait tuer .
3 D'après la copie Beaumarchais , l'édition de Kehl met brûler .
4 L'édition de Kehl pour éviter de dramatiser, affaiblit le texte en mettant le lire .
5 Ce paragraphe manque dans la copie Darmstadt .
6 Diderot. .
7 Damilaville était né près de Saint-Clair-sur-Epte.
8 Cette phrase manque aussi dans la copie Darmstadt .
9 Tout ce paragraphe est omis dans la copie Darmstadt .
19:06 | Lien permanent | Commentaires (0)
Je vous souhaite d’ailleurs,... une maîtresse potelée, tendre, pleine d’esprit, et pourtant fidèle. Jouez du flageolet pour elle, et du violon pour vous
... En tout bien, tout honneur .
« A Michel-paul-Guy de Chabanon
A Ferney, 22 décembre 1766
Il y a longtemps que j’aurais dû vous remercier, mon cher confrère d’avoir fait votre tragédie. Vous savez combien j’aime à corrompre la jeunesse, et combien j’adore les talents. M. de La Harpe travaille chez moi dix heures par jours ; et moi, vieux fou, j’en ai fait tout autant. La rage des tragédies m’a repris comme à vous ; mais, de par Melpomène, gardons-nous bien de les faire jouer. Figurez-vous que Zaïre fut huée dès le second acte, que Sémiramis tomba tout net, qu’Oreste fut à peu près sifflé . La même Adélaïde du Guesclin, redemandée par le public, avait été conspuée par cet aimable public ; que Tancrède fut d’abord fort mal reçu, etc., etc., etc.
Je conclus donc, et je conclus bien, qu’il faut faire imprimer sa drogue ; ensuite les comédiens donnent notre orviétan sur leur échafaud, s’ils le veulent ou s’ils peuvent ; et notre pauvre honneur est en sûreté , car remarquez bien qu’ils ne représenteront jamais une pièce imprimée que quand le public leur dira : Jouez donc cela, il y a du bon dans cela, cela vous vaudra de l’argent. Alors ils vous jouent, ils vous défigurent ; mademoiselle Dumesnil court à bride abattue, une autre dit des vers comme on lit la gazette, un autre mugit, un autre fait les beaux bras, et la pièce va au diable ; et alors le public, qui est toujours juste, comme vous savez, avertit, en sifflant, qu’il siffle messieurs les acteurs et mesdemoiselles les actrices, et non pas le pauvre diable d’auteur.
Ce parti me paraît prodigieusement sage, et d’une très fine politique. Faites imprimer votre Eudoxie ou Eudocie, quand nous en serons tous deux contents, et alors je vous réponds que les comédiens mêmes ne pourront la faire tomber.
Je vous souhaite d’ailleurs, pour l’année 1767, une maîtresse potelée, tendre, pleine d’esprit, et pourtant fidèle. Jouez du flageolet pour elle, et du violon pour vous. Cultivez les beaux-arts, jouissez de la vie. Vous êtes fait pour être une des créatures les plus heureuses, comme vous êtes des plus aimables. Maman et moi, et Cornélie-Chiffon, et tous ceux qui ont eu l’honneur de vous voir, vous font leurs plus tendres compliments.
V.»
10:34 | Lien permanent | Commentaires (0)