30/09/2022
On ne sait plus où se fourrer pour être bien. Je sais qu’il faut s’accommoder de tout mais cela n’est pas aussi aisé qu’on dirait bien
... De là à se fourrer dans des manifestations de rue stériles , et même nuisibles, il y a un grand pas , à ne pas faire si on a encore un brin de jugeotte .
« A Marie-Elisabeth de Dompierre de Fontaine, marquise de Florian
rue d'Anjou, au Marais
à Paris
Famille aimable, je vous embrasse tous. J’aimerais mieux assurément être picard que suisse 1 , et pour comble de désagrément, il faudra qu’au mois de mai je quitte la Suisse pour la Souabe 2. Il est comique que le bien d’un Parisien soit en Souabe ; mais la chose est ainsi. La destinée est une drôle de chose. Je ne dois ni ne veux mourir avant d’avoir mis ordre à mes affaires.
La destinée des Scythes est à peu près comme la mienne ; ce sont des orages suivis d’un beau jour. Ne regrettez point Paris quand vous serez à Hornoy, il n’y a plus à Paris que l’opéra-comique et le singe de Nicolet.
Je vois que les deux magistrats 3 resteront à Paris. Je prie le grand-turc de me dire pourquoi le baron de Tott 4 est à Neuchâtel . Il me semble qu’il n’y a nul rapport entre Neuchâtel et Constantinople.
Quand M. d’Hornoy rencontrera par hasard mon boiteux de procureur, je le prie de vouloir bien l’engager à recommander au marquis de Lézeau 5 de marcher droit.
Vous trouverez du blé en Picardie ; nous en manquons au pays de Gex : il faudra faire une transmigration à Babylone. On ne sait plus où se fourrer pour être bien. Je sais qu’il faut s’accommoder de tout mais cela n’est pas aussi aisé qu’on dirait bien.
Je finis, comme j’ai commencé, par vous embrasser du meilleur de mon cœur.
11è avril 1767. »
1 Le château de la marquise était en Picardie. (G.Avenel.)
2 Pour le Wurtemberg. (G.A.)
3 Mignot et d’Hornoy. (G.A.)
4 François, baron de Tott se trouva en effet à Neuchâtel en mission secrète du 16 janvier au 28 avril 1767 .
Voyez le Catalogue des correspondants. (G.A.)
Et voir : https://journals.openedition.org/ashp/1043
5 Son débiteur normand. que Voltaire appelle puant dans sa lettre du 28 mars 1760 à Cideville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/03/27/plus-on-avance-dans-sa-carriere-et-plus-on-est-convaincu-que-5591644.html
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29/09/2022
Nous avons passé tout à coup d’une grande abondance à une plus grande disette
... L'histoire nous montre qu'on peut s'en sortir : ce qui est rassurant ; même si c'est long : ce qui est parfaitement intenable .
« A François de Chennevières
Premier commis des bureaux de
la guerre, etc.
à Versailles
Je ne doute pas, mon cher ami, que vous n’ayez fait parvenir ma lettre à M. le chevalier de Rochefort 1. Je vous prie de lui dire combien je suis pénétré de toutes ses bontés. Je crois qu’on lui adresse à présent ses lettres à l’hôtel de Puisieux à Paris ; mais je n’en suis pas bien sûr.
Ce dont je suis bien sûr, c’est que nous sommes toujours bloqués par vos troupes dans le pays de Gex. Nous manquons de blé, et je suis très embarrassé pour en faire venir . Je manque d’argent avec lequel on achète du blé, et il faudra probablement que je fasse le voyage de Wirtemberg au mois de mai, pour aller arranger mes affaires avec la chambre des finances de ce pays-là, sur lequel j’ai une grande partie de mon bien . Après quoi je pourrai bien transplanter mes pénates à Lyon, jusqu’à ce que la guerre de Genève soit finie. Nous avons passé tout à coup d’une grande abondance à une plus grande disette. J’ai eu grande raison de faire les Scythes, car je suis en Scythie.
Je vous embrasse de tout mon cœur.
V.
11è avril 1767 à Ferney. »
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28/09/2022
on est très découragé quand les faux connaisseurs et les cabales décrient l’ouvrage à tort et à travers
... Fabrice Di Vizio, avocat borné et menteur, est un de ces malfaisants, avocat des "antivax" ( et bien entendu un chouchou de Cyril Hanouna qui se croit génial de mettre en lumière des minus habens de son niveau ) : https://www.la-croix.com/France/Lavocat-anti-vaccins-Fabrice-Di-Vizio-juge-pairs-2022-09-27-1201235148
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
11è Avril 1767
Je reçois deux lettres bien consolantes de M. d’Argental et de M. de Thibouville, écrites du 2 d’avril. Ma réponse est qu’on s’encourage à retoucher son tableau, lorsqu’en général les connaisseurs sont contents, mais qu’on est très découragé quand les faux connaisseurs et les cabales décrient l’ouvrage à tort et à travers . Alors on ne met de nouvelles touches que d’une main tremblante, et le pinceau tombe des mains.
Vous me faites bien du plaisir, mon cher ange, de me dire que mademoiselle Durancy a saisi enfin l’esprit de son rôle, et qu’elle a très bien joué ; mais je doute qu’elle ait pleuré, et c’était là l’essentiel . Madame de La Harpe pleure.
Je vais écrire à M. le maréchal de Richelieu 1, qui ne fait que rire de toutes les choses qui sont très essentielles pour les amateurs des beaux-arts, et je lui parlerai de mademoiselle Durancy comme je le dois. Mais vous avez à Paris M. le duc de Duras, qui a du goût et de la justice. Je suppose, mon cher ange, que vous avez raccommodé la sottise de Lacombe. Vous me demandez pourquoi j’ai choisi ce libraire : c’est qu’il avait rassemblé il y a deux ans, avec beaucoup d’intelligence, quantité de choses éparses dans mes ouvrages, et qu’il en avait fait une espèce de Poétique 2 qui eut assez de succès.
Il m’écrivit des lettres fort spirituelles. Je ne savais pas qu’il fût lié avec Fréron. Il me semble qu’il en a agi comme les Suisses, qui servaient tantôt la France et tantôt la maison d’Autriche. Enfin il me fallait un libraire, et j’ai préféré un homme d’esprit à un sot.
Il faut vous dire encore que, lorsque je lui envoyai la pièce à imprimer, mon seul but était de faire connaître aux méchants, et à ceux qui écoutent les méchants, qu’un homme occupé d’une tragédie ne pouvait l’être de toutes les brochures qu’on m’attribuait. Vous savez bien que je voulais prouver mon alibi.
A présent que je suis un peu plus tranquille et un peu plus rassuré contre la rage des Velches, j’ai revu les Scythes avec des yeux plus éclairés, et j’y ai fait des changements assez importants. Je crois que la meilleure façon de vous faire tenir toutes ces corrections éparses est de les rassembler dans le volume même ; j’y ferai mettre des cartons bien propres, afin de ménager vos yeux.
J’attends l’édition de Lacombe, pour vous renvoyer deux exemplaires bien corrigés. Mais croirez-vous bien que je n’ai pas cette édition encore ? La communication interrompue entre Lyon et mon petit pays me prive de tous les secours. J’ai vingt ballots à Lyon, qui ne m’arriveront probablement que dans trois mois. Je ne sais pas pourquoi je ris de la guerre de Genève, car elle me gêne infiniment, et me rend l’habitation que j’ai bâtie insupportable.
Si je ne puis avoir l’édition de Lacombe, je me servirai de celle des Cramer, quoiqu’elle soit déjà chargée de corrections qui font peine à la vue.
Quand vous aurez la pièce en état, je vous demanderai en grâce qu’on la joue deux fois après Pâques, en attendant Fontainebleau. Une fois même me suffirait pour juger enfin de la disposition des esprits, qu’on ne peut connaître que quand ils sont calmés.
Peut-être le rôle d’Athamare n’est pas trop fait pour Lekain. Il faudrait un jeune homme beau, bien fait, passionné, pleurant tantôt d’attendrissement et tantôt de colère, n’ayant que des paroles de feu à la bouche dans sa scène avec Obéide au troisième acte ; point de lenteur, point de gestes compassés.
Il faudrait d’autres vieillards que Dauberval, il faudrait d’autres confidents ; mais le spectacle de Paris, le seul spectacle qui lui fasse honneur dans l’Europe, est tombé dans la plus honteuse décadence, et je vous avoue que je ne crois pas qu’il se relève.
M. de La Harpe était le seul qui pût le soutenir ; le mauvais goût et les mauvaises intentions l’effraient. Il n’a rien, il n’a été que persécuté ; il pourra bien renoncer au théâtre, et passer dans les pays étrangers.
Vous me parlez des caricatures que vous avez de ma personne. Je n’ai jamais eu l’impudence d’oser proposer à quelqu’un un présent si ridicule. Je ne ressemble point à Jean-Jacques, qui veut à toute force une statue 3. Il s’est trouvé un sculpteur, dans les rochers du mont Jura, qui s’est avisé de m’ébaucher de toutes les manières . Si vous m’ordonnez de vous envoyer une de ces figures de Callot 4, je vous obéirai.
Je vous assure que je suis très affligé de n’être sous vos yeux qu’en peinture.
Mlle Saint-Val, comme je vous l’ai dit, me demande à jouer Olympie. Si elle a ce qu’on n’a plus au théâtre, c’est-à-dire des larmes : de tout mon cœur.
Vous trouvez qu’on peut faire un partage des autres pièces entre Mlle Dubois et Mlle Durancy . Votre volonté soit faite.
Je compte qu’une grande partie de cette lettre est pour M. Thibouville aussi bien que pour mes anges. J’obéirai d’ailleurs aux ordres de M. de Thibouville, à la première occasion que je trouverai.
Je me mets aux pieds de madame d’Argental. »
1 Lettre du 25 avril 1767 : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/05/correspondance-annee-1767-partie-31.html
2 La Poétique de M. de Voltaire. (G.Avenel.). Voir lettre du 29 mars 1766 à Lacombe : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/07/03/je-me-connais-trop-bien-pour-n-etre-pas-modeste-6325002.html
3 Voir lettre du 13 avril 1763 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/04/09/nous-avons-le-ridicule-de-demander-la-sante-a-un-malade-il-n-6042049.html
Voir la Lettre de Jean-Jacques à Christophe de Beaumont. (G.Avenel.) : http://www.rousseauonline.ch/pdf/rousseauonline-0027.pdf
et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Lettre_%C3%A0_Christophe_de_Beaumont
4 Dessinateur de grotesques , voir : https://www.google.com/search?client=firefox-b-d&q=figures+de+Callot&tbm=isch&chips=q:figures+de+callot,online_chips:jacques+callot:i1szy9IiNSQ%3D&usg=AI4_-kQHXia1OIP7zdedtHWw8fq1fwPcDw&sa=X&ved=2ahUKEwj1jZ_EtLX6AhXB4YUKHbOMCuYQgIoDKAB6BAgDEA8&biw=1366&bih=615&dpr=1
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27/09/2022
Ils commencent à n’aimer que les tours de passe-passe et les tours de force
... Ainsi sont les partis d'opposition, confrontés à une majorité relative, avec leurs appels aux manifestations virulentes et leur habitude de cacher leurs propres lâchetés . Vos blocages de roquets apeurés doivent avoir une fin ; vous allez être gâtés en tour de passe-passe : vous le voyez venir le 49-3 ?
« A Etienne-Noël Damilaville
10 Avril 1767 1
Je reçois, mon cher ami, votre lettre du 3è avril . Coqueley a certainement approuvé les infamies de Fréron sur la famille Calas 2. J’en suis certain ; mais, pour ne pas compromettre M. de Beaumont, retranchons ce passage. Je crois que vous pouvez très bien faire imprimer la lettre , par Merlin, avec l’addition que je vous envoie . Cette publication me paraît essentielle. Au reste les Velches sont bien velches ; mais il faut les forcer à goûter le noble et le simple. Ils commencent à n’aimer que les tours de passe-passe et les tours de force. Le goût dégénère en tout genre ; c’est aux Français à ramener les Velches. Je n’ai reçu encore ni le ballot, ni les mémoires pour Sirven, ni aucun envoi de Lyon. Je suis dans la position la plus désagréable et la plus gênante. Pourquoi faut-il que je sois dans un désert, et séparé de vous !
Je ne doute pas que vous n'ayez communiqué le premier chant de la guerre civile à Mme de Florian . J’ai pris la liberté de tirer une petite lettre de change sur vous en faveur de Briasson qui m'envoie des livres beaucoup trop chers par la voie de Dijon, lesquels me parviendront probablement dans six mois . »
1 Copie par Wagnière ; l'édition de Kehl ajoute un paragraphe tiré d'une autre lettre du 21 mars 1767 aux premières lignes du début, que donne seulement la copie Beaumarchais ; Beuchot complète, mais conserve cependant le paragraphe en question au lieu du second paragraphe originel .
2 Voir : https://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/191-charles-coqueley-de-chaussepierre
« Coqueley est pris entre les réclamations de Fréron et la colère de Voltaire : « Pourquoi laisse-t-on impuni le censeur de L’Année littéraire qui donne son infâme approbation», demande-t-il ? (D9737). C'est pourquoi C. avait demandé à Voltaire, en pleine affaire Calas, de le dissocier des attaques dont il était l'objet dans le journal de Fréron: «Je vous sais très bon gré», lui répond Voltaire, «d'avoir séparé votre cause de la sienne» (24 avril 1767, D14139). »
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26/09/2022
Je vous prie de me dire au vrai où les choses en sont
... Fratelli d'Italia !" L'Italie semble avoir un faible pour Giorgia Meloni, leur Marine Le Pen en pire (si c'était possible ) : https://www.francetvinfo.fr/monde/italie/elections-italie...
Ils sont assez bordéliques pour essayer cette voie de félés .
« A Jacques Lacombe, Libraire
Quai de Conti
à Paris
J'ai peur, monsieur, de vous avoir fait une demande très indiscrète en vous priant de donner vingt-cinq louis d'or à M. Lekain pour son honoraire . J'ignore quel nombre d'exemplaires vous avez tiré du faible ouvrage que je vous ai envoyé . Vous savez que les peintres donnent toujours quelques coups de pinceau à leurs tableaux, j’en ai donné quelques-uns aux miens . Vous me feriez plaisir de porter ces changements sur votre édition . Je suppose que vous avez fait garder quelques planches comme vous me l’aviez promis, mais si vous n'avez pu prendre cette précaution je vous prierais de faire des cartons . Il n'en faudrait que deux, l'un à la page 19 et l'autre à la page 54 .
Je n'ai point encore reçu le ballot que vous avez bien voulu m'envoyer, et probablement je ne le recevrai de longtemps . Je vous ai déjà mandé que les voitures de Lyon ne passaient plus du côté de Genève, et je vous ai prié de m'envoyer un exemplaire contresigné . Au reste, je compte vous envoyer incessamment un article concernant les Calas et les Sirven que vous pourrez annoncer dans vos feuilles .
Je finis par vous dire encore que si vous n'avez imprimé que peu d'exemplaires des Scythes il est juste que vous vous borniez à faire un présent de cent écus à Lekain, soit en livres, soit en bijoux, soit en argent, comme il voudra . En un mot, c'est à vous à proportionner ce petit présent au profit que vous aurez pu faire . Je compte toujours sur votre amitié, monsieur, et mes sentiments la méritent . Je vous prie de me dire au vrai où les choses en sont .
V.
8è avril 1767 ; à Ferney.
page 19
Obéide
…......................................................................................
De l'immortel Cyrus un fatal rejeton.
De la cour à jamais lorsque tout me sépare
Quand je dois tant haïr ce funeste Athamare,
Sans état, sans patrie et cachée en ces lieux
Tous les humains, Sulma, sont égaux à mes yeux.1
etc.
page 54
Athamare
…........................................................................................
Ton fils eût mérité de servir ma valeur .
Hermodan
Que dis-tu ?
Athamare ( à ses soldats )
Qu'on épargne à ce malheureux père
Le spectacle d'un fils mourant dans la poussière .
Fermez-lui ce passage .
Hermodan
Achève tes fureurs 2 etc. »
1 Les Scythes, II, 1 .
2 Les Scythes, IV, 5 .
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25/09/2022
Personne ne s’intéressera jamais plus que moi à tous vos avantages
... et à le déplorer messieurs et dames qui êtes nos gouvernants , président, ministres, sénateurs, députés et dirigeants de partis, et tous ceux qui sont payés démesurément par le travail des autres . On est bien loin de la nuit du 4 août 1789 et l'abolition des privilèges .
« A Louis-Amable Deprez de Crassier 1
Chevalier de Saint-Louis
etc.
à Saint-Genis
Monsieur,
Vous me pénétrez de joie en m’apprenant votre heureux succès . Je me flatte que tout sera bientôt réglé à votre satisfaction. Vous méritiez bien assurément la justice qu’on vous a rendue. Personne ne s’intéressera jamais plus que moi à tous vos avantages. Je suis bien fâché que mon âge et ma mauvaise santé m’empêchent de venir vous dire avec quels sentiments respectueux j’ai l’honneur d’être, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
Voltaire .
8è avril 1767 à Ferney. »
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24/09/2022
Quand la fripons s'affligent, ils faut que les honnêtes gens rient
... Goal !
« A Gabriel Cramer
à Tournay
Je vous prie, mon cher ami, de me faire envoyer par Chirol au Lyon d'or chez mon correspondant Souchay une douzaine d'exemplaires de la lettre à M. de Beaumont. Est-il vrai que l’ami Vernet soit parent du prédicant Vernet de Carcassonne, à qui le grand Covelle a rendu tant de justice dans ses Honnêtetés littéraires ? Quand la fripons s'affligent, ils faut que les honnêtes gens rient .
Mille tendres amitiés .
V.
Mardi matin [7 avril 1767] »
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