31/03/2023
Il y aura toujours de l'ignorance, de la sottise, et de l'envie, dans ma patrie; mais il y aura toujours aussi de la science et du bon goût
... Reste à savoir la proportion de chacun des ingrédients cités .
« Au prince Dmitri Mikhaïlovitch Golitsin
14 auguste 1767, à Ferney
Monsieur le prince,
Je vois, par les lettres dont Sa Majesté impériale et Votre Excellence m'honorent, combien votre nation s'élève, et je crains que la nôtre ne commence à dégénérer à quelques égards. L'impératrice daigne traduire elle-même le chapitre de Bélisaire que quelques hommes de collège calomnient à Paris. Nous serions couverts d'opprobre si tous les honnêtes gens, dont le nombre est très grand en France, ne s'élevaient pas hautement contre ces turpitudes pédantesques. Il y aura toujours de l'ignorance, de la sottise, et de l'envie, dans ma patrie; mais il y aura toujours aussi de la science et du bon goût. J'ose vous dire même qu'en général nos principaux militaires et ce qui compose le Conseil, les conseillers d'État et les maîtres des requêtes, sont plus éclairés qu'ils ne l'étaient dans le beau siècle de Louis XIV. Les grands talents sont rares, mais la science et la raison sont communes. Je vois avec plaisir qu'il se forme dans l'Europe une république immense d'esprits cultivés. La lumière se communique de tous les côtés. Il me vient souvent du Nord des choses qui m'étonnent. Il s'est fait, depuis environ quinze ans, une révolution dans les esprits qui fera une grande époque. Les cris des pédants annoncent ce grand changement comme les croassements des corbeaux annoncent le beau temps.
Je ne connais point le livre 11 dont vous me faites l'honneur de me parler. J'ai bien de la peine à croire que l'auteur, en évitant les fautes où peut être tombé M. de Montesquieu, soit au-dessus de lui dans les endroits où ce brillant génie a raison . Je ferai venir son livre; en attendant, je félicite l'auteur d'être auprès d'une souveraine qui favorise tous les talents étrangers, et qui en fait naître dans ses États. Mais c'est vous surtout, monsieur, que je félicite de la représenter si bien à Paris.
J'ai l'honneur, etc. »
1 Le livre de Le Mercier de La Rivière ; voir la lettre du 8 août 1767 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/03/29/je-vous-l-avais-bien-dit-qu-il-fallait-passer-sa-vie-a-comba-6435778.html
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30/03/2023
L'idée et l'exécution doivent vous faire également honneur
... M. Rima Abdul Malak , j'espère que le contrat signé avec M. Roland Lescure ne sera pas votre seul acte honorable dans le monde de la culture :
Je vous saurai gré de vouloir bien tout faire pour que la statue "Premier Désir" d'Emile Lambert , qui a disparu du parc du château de Voltaire à Ferney, soit retrouvée au plus tôt . Il est absolument intolérable qu'on ait pu voler cette oeuvre sans que le/la gardien.ne n'ait réagi ; ou alors à quoi sert la protection de vidéo-surveillance ?
« A Charles Eisen 1
Je commence à croire, monsieur, que La Henriade ira à la postérité, en voyant les estampes dont vous l’embellissez . L'idée et l'exécution doivent vous faire également honneur. Je suis sûr que l'édition où elles se trouveront sera la plus recherchée. Personne ne s'intéresse plus que moi aux progrès des arts; et plus mon âge et mes maladies m'empêchent de les cultiver, plus je les aime dans ceux qui les font fleurir . Soyez persuadé des sentiments d'estime et de reconnaissance avec lesquels j'ai l'honneur d'être,
monsieur,
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire
gentilhomme ordinaire
de la chambre du roi.
Au château de Ferney par Lyon, 14 août 1767. 2»
2 Copie Beaumarchais-Kehl ; édition La Henriade (Duchesne, 1770 ) dont le texte a été suivi . Ce billet consacre la réconciliation – ménagée par Thieriot – entre V* et la veuve Duchesne, précisément grâce aux illustrations d'Eisen .
Nous ne savons si cette lettre est ici bien à sa date. Les estampes d'Eisen furent faites pour l'édition de la Henriade qui parut en 1770. (Georges Avenel)
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29/03/2023
Je vois avec douleur qu'on a une bibliothèque nombreuse contre la religion chrétienne, qu'on devrait respecter. Vous savez que je ne l'ai jamais attaquée, et que je la crois, comme vous, utile à l'Europe
... Non seulement à l'Europe, ajouterais-je ! Si tant est qu'une religion puisse être utile .
« A Etienne-Noël Damilaville
14è auguste 1767
Mon cher ami, votre lettre du 8 ne m'a pas laissé une goutte de sang . Je crains que Mme d'Argental ne soit morte . C'est une perte irréparable pour ses amis. Que deviendra M. d'Argental ? Je suis désespéré, et je tremble.
M. le maréchal de Richelieu m'écrit sur l'aventure de Sainte-Foix . Croyez-moi 1 la chose est très sérieuse. J'espère qu'à la fin l'innocence des protestants sera plus reconnue au parlement de Bordeaux qu'à celui de Toulouse. Il me mande que La Beaumelle n'est point de son département. Ce La Beaumelle n'a été que fortement réprimandé et menacé par le commandant du pays de Foix, au nom du roi et que s'il était de la province de Bordeaux il aurait été plus que menacé . Ce n'est pas le silence de ce coquin que je demande, c'est une rétractation sans quoi on lui apprendra à calomnier. Ne tient-il qu'à débiter des impostures atroces, pour se taire ensuite, et laisser le poison circuler ? Lavaysse doit le renoncer pour son beau-frère, s'il ne se repent pas.
Il paraît tous les huit jours, en Hollande, des livres bien singuliers. Je vois avec douleur qu'on a une bibliothèque nombreuse contre la religion chrétienne, qu'on devrait respecter. Vous savez que je ne l'ai jamais attaquée, et que je la crois, comme vous, utile à l'Europe.
Il y a un monsieur Giraud avocat qui m'a envoyé un projet d'une école de déclamation, avec une lettre à laquelle je dois répondre depuis trois mois ainsi qu'à deux cents autres lettres . J'envoyais enfin ma réponse et je l'adressais à M. d'Argental qui le connaît . Mais l'état de Mme d'Argental m'oblige de m'adresser à vous . Faites parvenir, je vous prie, ma lettre à ce M. Giraud dont j'ignore la demeure .
Permettez que je vous prie d'envoyer à M. de Laleu ce certificat qui assure que votre ami est encore en vie, quoique cela ne soit pas tout à fait vrai. Mais, tant qu'il aura un souffle, il vous aimera.
V. »
1 Ces deux mots manquent dans toutes les éditions suivant la copie Beaumarchais .
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28/03/2023
Nous sommes dans des transes mortelles
... Au sens propre : https://www.liberation.fr/societe/sante/fin-de-vie-la-con...
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
13 auguste 1767 1
Ah mon Dieu! on me mande que Mme d'Argental est à l'extrémité. Je venais de vous écrire une lettre de quatre pages, je la déchire, je ne respire point. Mme d'Argental est-elle en vie ? Mon adorable ange, ordonnez que vos gens nous écrivent un mot. Nous sommes dans des transes mortelles. Un mot par un de vos gens, je vous en conjure.
V. »
1 Le manuscrit autographe est passé à la vente Dubrunfaut le 12 décembre 1884 à Paris .
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27/03/2023
Vous ne m'étonnez plus, et j'attends de grandes choses de vous en tout genre
... Mme Schiappa ! Quand bien même Mme Borne vous désapprouve (il est vrai qu'elle n'est pas près de figurer dans Play Boy, elle ! ): https://www.cnews.fr/france/2023-04-02/elisabeth-borne-ju...
« A János Fekete, comte de Galánta
A Genève, en passant, 12 août 1767 1
J'ai vu la personne qui a été assez heureuse pour être quelque temps auprès de vous 2. Je n'ai point été surpris de ce que j'ai lu. Vous ne m'étonnez plus, et j'attends de grandes choses de vous en tout genre . Je suis surtout édifié de votre piété . C'est un sentiment que vous fortifiez tous les.jours dans l'auguste cour où vous êtes 3. Votre homme m'a dit, monsieur, que vous réfuteriez la lettre d'un Bâlois à M. de La Miranda 4. C'est dans cette vue que je vous l'envoie. Je suis pénétré de vos bontés. J'ai l'honneur d'être avec les sentiments les plus respectueux,
monsieur
de Votre Excellence,
le très humble et très obéissant serviteur
RATEIVOL 5,
cathol. romain. »
1 Copie du XIXè siècle qui suit l'édition « Mes rapsodies, 1781 », de János Fekete, comte de Galánta .
2 Le baron de Fries, si l'on en juge par la lettre de Galanta du 14 juillet 1767 . ce messager avait apporté à V* du vin et un « paquet », c'est-à-dire des lettres .
3 La cour d'Autriche .
4 Allusion à une « Copie de la lettre d'un amman de Bâle , à M. le marquis de Miranda, camérier major du roi d'Espagne » , imprimée dans Mes Rapsodies, reproduite par TH. Besterman . Cette lettre signée « Erimbolt » attaque la censure des livres en Espagne . La « réfutation » de cette lettre apparaît dans Mes Rapsodies.
5 Anagramme de V*.
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26/03/2023
Je suis rempli d'espérance
...
« A Jean-Baptiste-Jacques Élie de Beaumont
Avocat en Parlements
à Paris
A Ferney 12 auguste 1767
Chacun a son procès dans ce monde mon cher Cicéron . Vous plaidez pro aris et focis 1 ; et moi je ne plaide que contre La Beaumelle . On m'a mandé que vraisemblablement vous seriez jugé au conseil des parties parce que l'affaire est trop compliquée pour le conseil royal . Je me flatte que vous gagnerez votre cause devant chaque tribunal que vous paraissiez . Vous m'avez fait un plaisir bien sensible en m'apprenant que ceux qui avaient trouvé d'abord quelque chose d'odieux dans le recours forcé à une loi sévère sont revenus entièrement à vous en voyant qu'au fond c'est une fille qui demande à rentrer dans le patrimoine de ses pères, en remboursant le prix de l'acquisition . Votre affaire envisagée sous son véritable point de vue me paraît bien favorable . Je suis rempli d'espérance .
Vous me parlez, mon cher Cicéron, d'une dame à qui vous avez présenté M. de La Harpe, qui a du crédit et qui peut le protéger . En voici une occasion, . Je demande à monsieur le contrôleur général 2 qu'il fasse donner à M. de La Harpe la moitié d'une vieille pension que j'ai depuis environ cinquante ans et que je néglige fort . Cette petite grâce qui après tout ne coûterait rien au roi, tirerait un jeune homme de mérite d'un état bien triste . Son discours qui vient de remporter le prix est un très bel ouvrage . Le grand Colbert encouragea souvent de moindres talents ; si vous croyez cette dame à portée d'appuyer ma requête, vous serez bienfaiteur de M. et de Mme de La Harpe, qui me paraissent joindre à leurs bonnes qualités celle de la reconnaissance .
Mes sincères respects je vous prie à Madame de Canon . Je vous embrasse très tendrement.
V. »
1 Pour les autels et pour les foyers .
2 Voir lettre de janvier 1767 [ ?] à Laverdy, contrôleur général, dont il faudrait peut-être reculer la date jusque vers la présente période : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/05/08/s-il-fallait-en-france-pensionner-tous-les-hommes-de-talent-6380823.html
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25/03/2023
il faut répondre à tout
... - Non !
- A tous ?
- Non plus !
« A Etienne-Noël Damilaville
12 auguste 1767 1
J'ai déjà eu recours à vous, mon cher et vertueux ami, pour avoir les Mémoires de La Porte 2 , ceux de La Rochefoucauld 3 et de Bassompierre 4 que j'ai perdus et qui me sont nécessaires . J'ajoute à cette prière celle de faire dire à Briasson qu'il m’envoie par les guimbardes de Lyon la traduction de la Préparation évangélique d'Eusèbe 5 et celle de Jamblique 6, avec ce qu'a écrit M. Linguet sur les empereurs de Rome .
Voici encore une nouvelle grâce que je vous demande . M. Diderot peut vous dire dans quel temps il croit qu'on ait écrit le Mercure trismégiste 7 que nous avons en grec . Je ne sais si je me trompe mais ce livre me paraît de la plus haute antiquité et je le crois fort antérieur à Timée de Locres . Engagez la Platon moderne à me donner sur cela quatre lignes d'éclaircissement que vous me ferez parvenir . Il y a loin de Mercure trismégiste à La Beaumelle mais il faut répondre à tout .
Voulez-vous bien avoir la bonté de faire rendre cette lettre à M. de Beaumont ? »
1 Édition de Kehl, voir note de lettre du 10 août 1767 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/03/30/un-pauvre-particulier-doit-etre-defendu-il-doit-decrier-au-m-6435867.html
2 Déjà réclamés à Cramer, comme ceux de Torcy , en 1756 .
3 François, duc de La Rochefoucauld : Mémoires de M.D.L.R. Sur les brigues à la mort de Louis XIII, 1664 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b86070229/f5.item
4 François de Bassompierre : Mémoires, 1723 : https://books.google.fr/books?id=g70OAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
5 V* n'a dans sa bibliothèque que l'ouvrage en latin : Praeparatio angelica, 1628 . https://remacle.org/bloodwolf/historiens/eusebe/preparation10.htm
7 Effectivement, ces ouvrages « hermétiques » sont antérieurs à l'ère chrétienne . V* semble n'en avoir fait usage que plus tard ; voir l'article « Hermès » du Dictionnaire philosophique, ainsi que le Commentaire sur l'Esprit des lois, chap. XX.
et : https://www.google.com/search?client=firefox-b-d&q=Commentaire+sur+l%27Esprit+des+lois%2C+chap.+XX
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