24/03/2023
Cette affaire est triste, mais la nécessité me forcera de prendre un parti que je déteste
... Macron dixit ?
« A Charles-Frédéric-Gabriel Christin fils
Avocat au Parlement
à Saint-Claude
A Ferney, 12 auguste 1767 1
Mon cher ami, je ne sais où en est l'affaire de Fantet, ni jusqu'à quel point le fanatisme persécute l'innocence . Si j'étais plus jeune, si je pouvais agir, je ne laisserais pas accabler ainsi un infortuné . Je fais de loin ce que je puis, et c'est fort peu de chose .
Le trésorier de M. le duc de Virtemberg ne me paye point et me fait des chicanes . Je crains de n'avoir de ressources que dans la justice . Mandez-moi si en me transportant à Besançon pour faire contraindre les fermiers je serai en droit de me faire payer les frais du voyage et du séjour selon l'usage des autres parlements . Cette affaire est triste, mais la nécessité me forcera de prendre un parti que je déteste .
Je vous embrasse du meilleur de mon cœur.
Votre très humble et très obéissant serviteur
V. »
1 L'édition de Kehl amalgame cette lettre et celles du 23 janvier 1767, 5 février , 2 mars , datant le tout du 25 février 1767 . Voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/05/17/il-est-impossible-que-les-moyens-de-force-que-l-on-emploie-p-6382322.html
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23/03/2023
Si vous aviez d'ailleurs quelques instructions à me donner sur tout ce qui peut faire honneur à la patrie et au ministère, vous pourriez compter sur ma docilité, sur ma discrétion, et sur ma reconnaissance.
... Qui dit mieux ? Qui , dans notre gouvernement un tantinet brinquebalant, est animé d'un telle bonne volonté ?
« Au chevalier Pierre de Taulès
A Ferney, 11 auguste 1767 1
Monsieur, on fait actuellement une nouvelle édition du Siècle de Louis XIV. Je fais usage de toutes les observations que vous eûtes la bonté de me communiquer il y a plus d'une année, et je vous réitère mes très humbles remerciements, souffrez qu'en même temps je vous envoie ce Mémoire . Il est fait pour venger la vérité que vous aimez, et l'honneur de la maison royale que vous servez. J'ai été forcé à cette démarche par ces deux motifs. Je soumets le mémoire à vos lumières et à vos bontés.
On m'a assuré qu'en 1685 ou 1686, il y eut un étrange traité entre l'empereur Léopold et Louis XIV, qui fut à peu près dans le goût du traité de partage fait si longtemps après. Léopold devait laisser le roi s'emparer de toute la Flandre, à condition qu'à mort du jeune Charles II, qui était d'une complexion très faible, Louis XIV laisserait Léopold s'emparer de l'Espagne 2. Le traité fut très secret, on n'en fit point de double, et l'original devait être remis au grand-duc de Florence. Louis XIV trouva moyen de l'avoir en sa possession. Les Mémoires de Torcy indiquent ce fait d'une manière confuse 3, et vous devez, monsieur, en avoir des preuves certaines. C'est une vérité que le temps permet enfin de révéler.
Si vous aviez d'ailleurs quelques instructions à me donner sur tout ce qui peut faire honneur à la patrie et au ministère, vous pourriez compter sur ma docilité, sur ma discrétion, et sur ma reconnaissance.
J'ai l'honneur d'être, avec tous les sentiments que je vous dois, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
1 Édition Taulès d'après laquelle il semble que la lettre lui ait été adressée sous son pseudonyme de Barrau .
Voir la lettre du 9 novembre 1767 à Chenevières : « Vraiment, mon cher ami, je suis fort aise que M. de Taulès soit M. de Barrau ... »
et page 44 de https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome44.djvu/54
2 C'est effectivement de Taulès que venaient les informations de V* à ce sujet ; voir lettre du 18 mai 1766 à Hennin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/08/11/venez-monsieur-reconnaitre-au-plus-tot-les-lieux-que-vous-vo-6331693.html
3 En fait, le passage du livre auquel V* fait allusion, J.-B. Colbert, marquis de Torcy : Mémoires de M ; de *** pour servir à l'histoire des négociations depuis le traité de Riswick jusqu'à la paix d'Utrecht, 1756-1757, n'est nullement obscur . Voir : https://www.monde-diplomatique.fr/1957/03/MOUSSET/22094
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22/03/2023
Je crois, madame, que si quelqu'un est assez heureux pour vous diriger, ce ne peut être qu'un homme du monde, un homme aimable qui n'a point de sots scrupules
... Mme Borne que pensez-vous du président, hiérarchiquement votre supérieur ? A-t-il les dons requis ? plus de mérite que M. Olivier Allix, et ce dernier était-il trop directeur ?
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lisabeth_Borne
« A Marie-Anne-Françoise Mouchard, comtesse de Beauharnais 1
[vers le 10 auguste 1767] 2
On dit, madame, que les divinités apparaissaient autrefois aux solitaires dans les déserts ; mais elles n'écrivaient point de jolies lettres ; et j'aime mieux la lettre dont vous m'avez honoré, que toutes les apparitions de ces nymphe de l'Antiquité . Il y a encore une chose qui me fait un grand plaisir, c'est que vous ne m'auriez point écrit, si vous aviez été dévote ou superstitieuse : il y a des confesseurs qui défendent à leurs pénitentes de se jouer à moi . Je crois, madame, que si quelqu'un est assez heureux pour vous diriger, ce ne peut être qu'un homme du monde, un homme aimable qui n'a point de sots scrupules . Vous ne pouvez avoir qu'un directeur raisonnable et fait pour plaire . Le comble de ma bonne fortune, c'est que vous écrivez naturellement, et que votre esprit n'a pas besoin d'art . On dit que votre figure est comme votre esprit . Que de raisons pour être enchanté de vos bontés ! Agréez, madame, la reconnaissance et le respect du vieux solitaire
V... »
2 Copie Beaumarchais-Kehl ; copie ancienne ; édition de Kehl qui place la lettre en mai 1772 , année déjà proposée par les deux copies . Mais il s'agit manifestement de la lettre à laquelle répond une lettre de Fanny de Beauharnais du 19 août 1767 ; d'où la date proposée ici .
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21/03/2023
Un pauvre particulier doit être défendu ; il doit décrier au moins le témoignage de son ennemi
... Gendarmerie contre manifestants - manifestants contre police ; qui est l'ennemi, qui est le particulier dans ces violences au motif d'opposition à une loi ou à un projet de "méga-bassine" ?
« A Etienne-Noël Damilaville
10 auguste 1767 1
Je viens de trouver enfin, mon cher ami, un premier volume de Corneille pour l'ami Thieriot . Comment veut-il que je le lui envoie ? Cela fait un très gros paquet, qui serait refusé à la poste .
Je crois qu'il faut laisser imprimer le mémoire qui devait précéder la nouvelle édition du Siècle de Louis XIV . C'est une affaire qui n'est pas seulement littéraire ; elle est personnelle à plusieurs grandes maisons du royaume qui m'ont témoigné leur indignation contre ce malheureux La Beaumelle 2 . Ses calomnies, peu connues peut-être à Paris, sont répandues dans les pays étrangers . Il m'a traité comme Louis XIV, et je ne suis pas roi . Un pauvre particulier doit être défendu ; il doit décrier au moins le témoignage de son ennemi . Je ne reviens point de mon étonnement quand mes amis me disent qu'il faut mépriser de telles impostures . Je n'entends pas quel honneur il y a à se laisser diffamer , et je suis bien persuadé qu'aucun de ceux qui me disent « Gardez le silence » ne le garderait à ma place .
Je crains toujours que le mémoire de Loiseau ne déplaise au ministère . La satire contre le gouvernement de Berne est un peu violente . Le mémoire n'est point juridique . Si messieurs de Berne se plaignent, on pourra s'en prendre à Loiseau .
Je ne sais plus comment va l'affaire de M. de Beaumont . Adieu, mon cher ami ; faites parvenir ce billet à Protagoras 3 . Pour Platon, il m'abandonne aussi bien que la cause commune . Je vous embrasse de tout mon cœur. »
1 Copie contemporaine Darmstadt B. ; autre copie contemporaine ; édition de Kehl, qui suivant la copie Beaumarchais amalgame des extraits de cette lettre et de celle du 12 août pour en faire une lettre datée « 12 août » la copie Beaumarchais y ajoute même des fragments de la lettre du 14 août .
2 Aucune trace de ces prétendus témoignages d'indignation .
3Voir lettre du même jour à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/03/29/je-ne-ris-point-quand-on-me-dit-qu-on-ne-paye-point-vos-pens-6435789.html
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20/03/2023
je ne ris point quand on me dit qu'on ne paye point vos pensions
... J'aimerais bien que ce soient vos paroles Mme Borne . Et que vous agissiez en conséquence .
« A Jean Le Rond d'Alembert
10 d'auguste [1767] 1
Mon cher philosophe saura que le maudit libraire n'a point voulu se charger de la seconde édition de la Destruction des prêtres de Baal 2. Il dit qu'on lui saisit une partie de la première à Lyon, qu'il ne veut pas en risquer une seconde; que personne ne s'intéresse plus à l'humiliation des prêtres de Baal; et il n'a point encore rendu l'exemplaire corrigé qu'on lui avait remis ; l'interruption du commerce désespère tout le monde.
Riballier, Larcher et Coger, sont trois têtes du collége Mazarin dans un bonnet d'âne. Ce sont les troupes légères de la Sorbonne; il faut crier Point de Mazarin!
Warburton est un fort insolent évêque hérétique, auquel on ne peut répondre que par des injures catholiques 3. Les Anglais n'entendent pas la plaisanterie fine; la musique douce n'est pas faite pour eux ; il leur faut des trompettes et des tambours.
Je fais la guerre à droite, à gauche. Je charge mon fusil de sel avec les uns, et de grosses balles avec les autres. Je me bats surtout en désespéré, quand on pousse l'impudence jusqu'à m'accuser de n'être pas bon chrétien et, après m'être bien battu, je finis par rire; mais je ne ris point quand on me dit qu'on ne paye point vos pensions: cela me fait trembler pour une petite démarche que j'ai faite auprès de monsieur le contrôleur général en faveur de M. de La Harpe 4 ; je vois bien que, s'il fait une petite fortune, il ne la devra jamais qu'à lui-même. Ses talents le tireront de l'extrême indigence, c'est tout ce qu'il peut attendre
Atque inopi lingua desertas invocat artes . 5.
A propos, je ne trouve point ma lettre à Coge pecus si douce 6 ; il me semble que je lui dis, d'un ton fort paternel, qu'il est un coquin. Interim vale, et me ama.7 »
1 V* répond à une lettre du 4 août 1767 ; voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/03/correspondance-avec-d-alembert-partie-46.html
2 L'ouvrage de d'Alembert Sur la Destruction des jésuites.
3 « La réponse de Warburton dans une petite feuille est juste …. » : voir lettre de d'Alembert ci-dessus .
4 Voir lettre de janvier 1767 à de Laverdy : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/05/08/s-il-fallait-en-france-pensionner-tous-les-hommes-de-talent-6380823.html
Le 12 août, La Harpe écrit à un ami, , non identifié, qu'il achève une tragédie qui le retiendra à Ferney jusqu'au mois d'octobre ; voir A. Jovicevich : « An Unpublished Letter of La Harpe », 1963 .
5 Pétrone ? Citation non identifiée . Et d'une langue impuissante il invoque les arts qu'il a désertés .
6 Lettre du 27 juillet 1767 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/03/21/il-ne-vous-reste-qu-a-vous-repentir.html
7 En attendant, porte-toi bien et aime-moi .
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19/03/2023
il sera ad natus promptus heriles
... Ministre ? Syndicaliste ? Bureau de parti politique ? ... Oui ! pour tous, ce me semble .
« A Pierre-Michel Hennin
Ma foi, monsieur, je crois que vous faites une bonne acquisition. Vous formerez ce jeune homme, il sera ad natus promptus heriles 1. Je vais écrire à M. le maréchal de Richelieu. Je suis d'ailleurs à vos ordres comme Gallien, et comme toute notre maison, et comme tout le pays . C'est-à-dire que vous avez mon cœur.
V.
9 auguste [1767]; aoust est bien welche. 2»
1 Horace, Epîtres, II, ii, 6 , inexactment cité . Traduction : docile aux commandements du maître .
2 Manuscrit olographe ; édition Correspondanace inédite, 1825 . Hennin a écrit le même jour à V* : lettre 6971 de https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411361p/texteBrut
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18/03/2023
Je vous l'avais bien dit qu'il fallait passer sa vie à combattre
... Y compris en retraite .
« A Etienne-Noël Damilaville
8 auguste 1767 1
Je vous ai obligation, mon cher ami, de m'avoir fait connaître jusqu'où un Coger pouvait porter l'insolence. M. Capperonnier vient de m'écrire une lettre dans laquelle il donne un démenti formel à ce maraud. Il est bon de répandre parmi les sages et les gens de bien la turpitude des méchants. Cette turpitude est bien punissable. Il n'est pas permis de prendre le nom de Dieu en vain 2. Je vous l'avais bien dit qu'il fallait passer sa vie à combattre. Un homme de lettres, pour peu qu'il ait de réputation, est un Hercule qui combat des hydres. Prêtez-moi votre massue, j'ai plus de courage que de force. Si j'avais de la santé, tous ces drôles-là verraient beau jeu.
Je voudrais voir le factum de l'adverse partie de Beaumont . J'ai lu le plaidoyer de Loiseau contre Berne 3 par-devant l'Europe . Le cas est singulier . Ce Loiseau veut se faire de la réputation à quelque prix que ce soit ; mais je crois qu'on s'intéressera fort peu à cette affaire dans Paris .
M.le prince Galitzin 4 me mande que le livre intitulé L'Ordre essentiel et naturel des sociétés politiques 5 est fort au-dessus de Montesquieu. N'est-ce pas le livre que vous m'avez dit ne rien valoir du tout ? Le titre m'en déplaît fort. Il y a longtemps qu'on ne m'a envoyé de bons livres de Paris.
Que ne puis-je causer avec vous ? »
1 Edition de Kehl ; voir note de la lettre du 3 août 1767 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/03/26/je-n-ai-rien-oublie-de-ce-qui-peut-servir-a-l-honneur-de-ma-patrie-et-a-cel.html
2 Exode, XX, 7 : https://www.bible.com/fr/bible/152/EXO.20.7.S21
3 Alexandre-Jérôme Loiseau de Mauléon : Défense apologétique du comte de Portes […] adressée à Leurs Excellences du conseil souverain de la république de Berne, 1767 : https://books.google.com.sv/books?id=1g1bAAAAQAAJ&pg=PA2&focus=viewport&hl=fr&output=html_text
4 Cette lettre n'est pas connue mais on a la réponse qu'y fit V* :
5 Cet ouvrage que V* a reçu par l'intermédiaire de Wargemont est le suivant : L'Ordre naturel et essentiel des sociétés politiques, 1767, de Pierre Paul François Joachim Henri Le Mercier de La Rivière . Voir : https://data.bnf.fr/fr/11911703/paul-pierre_lemercier_de_la_riviere/
et : https://www.kapandji-morhange.com/en/lot/84319/7486779
Cet ouvrage parut en 1767, deux volumes in-12 ou un volume in-4. La Rivière, invité à venir en Russie, arriva à Pétersbourg pendant une absence de l'impératrice, et, croyant qu'il allait être premier ministre, se pressa de louer trois maisons contiguës, où il fit toutes les dispositions ou distributions des appartements dans cette idée. Il commençait déjà l'organisation des bureaux , l'arrivée de l'impératrice le tira de ces rêves. Toutefois l'impératrice de Russie le dédommagea convenablement de ses dépenses. « Nous nous séparâmes contents, » dit l'impératrice à M. de Ségur; voyez Mémoires ou Souvenirs de Ségur, 1826, in-8°, III, 40.
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