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17/03/2024

je me flatte que vous aurez d’excellent vin cette année, et que vous voudrez bien que j’en boive cent bouteilles

... Hips !

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Santé gaillards !

 

 

« A Antoine-Jean-Gabriel Le Bault

Au château de Ferney ce 27 auguste 1768

Monsieur, je me flatte que vous aurez d’excellent vin cette année, et que vous voudrez bien que j’en boive cent bouteilles. M. le président de Brosses me fait boire la lie du vin de la terre de Tournay. Si vous vendiez votre vin aussi cher qu’il vend le sien, vous feriez une fortune immense. S’il veut vous prendre pour arbitre, vous êtes un gourmet en fait de procédés : j’en passerai par ce que vous ordonnerez. Au reste, si M. de Brosses ne veut pas me rendre justice, j’aime mieux souffrir que plaider ; et quoique j’aie beaucoup perdu avec lui dans cette affaire, j’aime mieux mon rôle que le sien.

Permettez-moi de présenter mes hommages à Mme Le Bault 1.

J’ai l’honneur d’être avec bien du respect,

monsieur,

votre très humble et très obéissant serviteur.

Voltaire. »

 

1 Née Jeanne-Jacquette Burteur , , morte à Dijon le 1er mai 1811.

Douée d’un talent musical très-remarquable, plusieurs personnes se souviennent d’avoir entendu Mme Le Bault, à quatre-vingt-cinq ou quatre-vingt-six ans, chanter des airs de Rameau, qui avait été à Dijon son premier maître de clavecin. Elle avait été fort belle. (Th. Foisset.)

Voir : http://www.archipicture.free.fr/france/bourgogne/cote_or/dijon33.html

Et en cas que vous me condamnassiez à ne recevoir aucun des adoucissements que je demande, je me croirais très-bien condamné

... J'aime trop l'imparfait du subjonctif pour vous en priver, ô vous qui massacrez le français sur les réseaux dits sociaux, et si vous criez haro sur moi, faites-le en respectant l'orthographe et la grammaire si vous pouvez, ça me consolerait !

 

 

« A Jean-Philippe Fyot de La Marche fils, premier président

26è auguste 1768, au château de Ferney.

Monsieur,

Après avoir perdu monsieur votre père 1, dont j’étais le contemporain, et ayant des organes bien moins forts que les siens, ne devant penser qu’à le suivre et à mettre quelque arrangement dans les affaires de ma famille, je prends la liberté de soumettre à votre opinion et à vos bontés la dernière lettre que j’ai été forcé d’écrire à M. le président de Brosses après dix années de vexations et de chagrins 2. Je me soumettrais sans aucune difficulté à tout ce que vous ordonneriez, s’il voulait vous prendre pour arbitre. Et en cas que vous me condamnassiez à ne recevoir aucun des adoucissements que je demande, je me croirais très-bien condamné.

M. de Brosses me réduit à manquer d’asile sur la fin de ma vie, en cas que je vende la terre de Ferney pour l’avantage de ma famille. Cette situation serait douloureuse, et en me faisant du mal il y perdrait lui-même, puisqu’en me retirant à Tournay il faudrait nécessairement que j’y fisse des dépenses qui tourneraient toutes à son profit. Son intérêt s’accorde visiblement avec l’humanité et la justice que je réclame, et qui sont si convenables à sa place.

Tous ces motifs semblent justifier, monsieur, la liberté que je prends auprès de vous ; j’espère que vous la pardonnerez aux sentiments qui m’ont attaché toute ma vie à vos parents, à vos amis, et surtout à votre personne, et que vous agréerez le profond respect avec lequel j’ai l’honneur d’être, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

Voltaire. »

1 Mort le 3 juin 1768 .