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11/11/2012

La réputation a toujours été comptée parmi les forces véritables des royaumes

... Et des républiques, les vrais royaumes étant minoritaires .Cette affirmation est si vraie qu'elle a un écho particulier en notre temps .

Aujourd'hui on s'intéresse surtout aux finances, au PIB, à la dette des pays, avant de se soucier des qualités de leurs habitants . On supprime (ou non) les notes à l'école, mais toutes les banques ont les yeux rivés sur le stylo rouge  qui peut biffer un A . Ô vexation ! ô angoisse ! Mon dieu, je sens que je vais défaillir, n'en plus dormir, faire un caca nerveux, me fier à mon horoscope, lire le dernier roman à la mode, jouer au foot !

Il est à croire que tous les gouvernants sont encore des gosses craignant le maître ( pardon , professeur des écoles ) et les parents indignés par leur cancre . Assez de coups de bâton, ils ne soignent pas . Place aux décisions, pas à la trouille !

Individellement, craignons davantage les réputations désastreuses sur le Net

 

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« A M. Ivan Ivanovitch SCHOUVALOW 1
chambellan de l'impératrice Élisabeth de Russie, à Moscou.

Aux Délices, 24 juin.

Monsieur, j'ai reçu les cartes que Votre Excellence a eu la bonté de m'envoyer. Vous prévenez mes désirs, en me facilitant les moyens d'écrire une Histoire de Pierre le Grand 2, et de faire connaître l'empire russe. La lettre dont vous m'honorez redouble mon zèle. La manière dont vous parlez notre langue me fait croire que je travaillerai pour mes compatriotes, en travaillant pour vous et pour votre cour. Je ne doute pas que Sa Majesté l'impératrice n'agrée et n'encourage le dessein que vous avez formé pour la gloire de son père.
Je vois avec satisfaction, monsieur, que vous jugez comme moi que ce n'est pas assez d'écrire les actions et les entreprises en tout genre de Pierre le Grand, lesquelles, pour la plupart, sont connues l'esprit éclairé, qui règne aujourd'hui dans les principales nations de l'Europe demande qu'on approfondisse ce que les historiens effleuraient autrefois à peine.
On veut savoir de combien une nation s'est accrue quelle était sa population avant l'époque dont on parle, quel est, depuis cette époque, le nombre de troupes régulières qu'elle entretenait, et celui qu'elle entretient; quel a été son commerce, et comment il s'est étendu, quels arts sont nés dans le pays quels arts y ont été appelés d'ailleurs, et s'y sont perfectionnés; quel était à peu près le revenu ordinaire de l'État, et à quoi il monte aujourd'hui; quelle a été la naissance et le progrès de la marine quelle est la proportion du nombre des nobles avec celui des ecclésiastiques et des moines, et quelle est celle de ceux-ci avec les cultivateurs, etc.
On a des notions assez exactes de toutes ces parties qui composent l'État, en France, en Angleterre, en Allemagne, en Espagne; mais un tel tableau de la Russie serait bien plus intéressant, parce qu'il serait plus nouveau, parce qu'il ferait connaître une monarchie dont les autres nations n'ont pas des idées bien justes, parce que enfin ces détails pourraient servir à rendre Pierre le Grand, l'impératrice sa fille, et votre nation, et votre gouvernement, plus respectables. La réputation a toujours été comptée parmi les forces véritables des royaumes. Je suis bien loin de me flatter d'ajouter à cette réputation ce sera vous, monsieur, qui ferez tout en m'envoyant les mémoires que vous voulez bien me faire espérer, et je ne serai que l'instrument dont vous vous servirez pour travailler à la gloire d'un grand homme et d'un grand empire.
Je vous avoue, monsieur, que les médailles sont de trop 3. Je suis confus de votre générosité, et je ne sais comment m'y prendre pour vous en témoigner ma reconnaissance. Je sens tout le prix de votre présent; mais un présent non moins cher sera celui des mémoires qui me mettront nécessairement en état de travailler à un ouvrage qui sera le vôtre. 

J'ai l'honneur d'être avec des sentiments véritables de respect et de reconnaissance

de Votre Excellence

Monsieur

le très humble et très obéissant serviteur,

Voltaire

gentilhomme ordinaire de la chambre du roi »

1 Il y a deux Schowalow, ou plutôt Schouvalow, également correspondants de Voltaire, qu'ils sont allés tous deux voir à Ferney l'oncle Jean Schouvalow, et le comte André Schouvalow, le neveu, auteur de l’Épître à Ninon. Il s'agit, dans toute la partie de la correspondance qui va suivre, de Ivan (Jean) Schouvalow, qui fut le favori d'Élisabeth, et non de Catherine II. Voir l'Intermédiaire des chercheurs et des curieux, du 30 septembre 1864, page 240 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k61439k/f253.image.langFR

Voir aussi : http://www.cosmovisions.com/Schouvalov.htm

2 Qui deviendra , compte tenu de la délicatesse du sujet ( la vie de Pierre Ier n'étant pas totalement exemplaire ! ) l'Histoire de la Russie sous Pierre le Grand : http://books.google.fr/books?id=4i8HAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

 

Je ne sais cependant, madame, qui je dois féliciter davantage, ou ceux qui sont écrasés par des bombes avec leur femme et leurs enfants, ou ceux que la nature condamne à souffrir toute leur vie

... Humour noir!

Pour accompagner la célèbration de l'armistice du 11 novembre 1918, fin de la première grande boucherie du XXè siècle, et que Voltaire pressentait ( pas la date mais ce type d'horreur ) : "avec le temps on pourra parvenir à égaler toutes les misères et toutes les horreurs des temps les plus héroïques" . La Guerre de Sept Ans lui donnera raison . On l'a faite", refaite, et ça continue .

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« A Louise-Dorothée von MEININGEN, duchesse de SAXE-GOTHA

Aux Délices, près de Genève, 24 juin [1757], par Lyon et Strasbourg,
chemin un peu long.

Madame, ce sont les lettres dont Votre Altesse sérénissime m'honore, qui sont charmantes. Vous ressemblez aux déesses d'Homère qui, selon Mme Dacier 1, adoucissent le ton sévère des combats. Il me semble que votre esprit est, comme vos États, tranquille au milieu des agitations publiques.
Le meilleur des mondes possibles est bien vilain depuis deux ans mais il y a longtemps qu'il est sur ce pied-là. Cette nouvelle secousse n'approche pas encore de celles des siècles passés mais avec le temps on pourra parvenir à égaler toutes les misères et toutes les horreurs des temps les plus héroïques. Il y aurait bien du malheur si des armées prussiennes, autrichiennes, russiennes, hanovriennes, françaises, etc., ne ruinaient pas au moins une cinquantaine de villes, ne réduisaient à la mendicité quelque cinquante mille familles, et ne faisaient périr quatre ou cinq cent mille hommes. Voilà déjà le quart de Prague en cendres. On ne peut pas dire encore Tout est bien ; mais cela ne va pas mal, et avec le temps l'optimisme sera démontré. Je ne sais cependant, madame, qui je dois féliciter davantage, ou ceux qui sont écrasés par des bombes avec leur femme et leurs enfants, ou ceux que la nature condamne à souffrir toute leur vie, et qui sont entre les mains des médecins pour achever leur belle destinée. J'ai l'honneur d'être du nombre des derniers, et sans cela j'aurais la consolation d'écrire plus souvent à Votre Altesse sérénissime.
J'ai quelque envie de vivre, madame, pour voir le dénoûment de toute cette grande tragédie, qui n'en est encore qu'au second acte. Mais je voudrais vivre surtout pour me mettre à vos pieds car, quand même ce monde ne serait pas le meilleur des mondes, votre cour est assurément pour moi la meilleure des cours possibles. Je ne sais, madame, aucune nouvelle dans ma retraite, tant mieux quand il n'y en a point, car la plupart des nouvelles publiques sont des malheurs. Je suis toujours dans cette maison de campagne qui m'est chère par le nom du prince qui l'a occupée 2. J'y fais des vœux pour la prospérité de Votre Altesse sérénissime, et pour toute votre auguste maison. Je pense
souvent à la grande maîtresse des cœurs, et, faute de papier, je finis avec un profond respect. 

V.»

1Née Anne Le Febvre . Traductrice de l'Odyssée d'Homère .Voir : Éloge de Mme Dacier : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8603853c.r=madame+dacier.langFR

et : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1081559/f3.image.r=madame%20dacier.langFR

2 Un des fils de la duchesse a séjourné aux futures Délices avant que V* en fasse l'acquisition .

 

10/11/2012

Ces gros petits crapoussins-là s'imaginent qu'il n'y a qu'à boire et manger; ils crèvent comme des mouches, et nous maigrelets, nous vivons.

 ... Et moi, moins maigrelet que certains l'assurent, je suis allé trainer une dernière fois mes guètres dans le parc du château de Voltaire, sous la pluie, avant sa fermeture au grand public . Trempé . Un petit copain et une grande amie étaient dans mes pensées . Nostalgie . 

Le château rouvrira fin mars-début avril 2013, et d'ici là les travaux de réfection et modification de l'orangerie et de la chapelle devraient être bien avancés . Il y a six ans bien comptés que celà aurait dû être fait, mais je ne vous apprendrai plus rien sur les lenteurs administratives que tous nous connaissons au quotidien, sauf peut-être une exception : le fisc, autre race de crapoussins . 

Cette photo n'est pas en noir et blanc ...

 Croisée du destin ?

croisée close chez volti 0492.png

 

 

« A Marie-Elisabeth de Dompierre de Fontaine

à Paris
[juin 1757]

Votre idée, ma chère nièce, de faire peindre de belles nudités d'après Natoire 1 et Boucher 2 pour ragaillardir ma vieillesse, est d'une âme compatissante, et je suis reconnaissant de cette belle invention. On peut aisément, en effet, faire copier à peu de frais on peut aussi faire copier, au Palais-Royal, ce qu'on trouvera de plus beau et de plus immodeste 3. M. le duc d'Orléans accorde cette liberté. On peut prendre deux copistes au lieu d'un. Si par hasard quelque brocanteur de vos amis avait deux tableaux, je vous prierais de les prendre, ce serait autant d'assuré. Quand ces tableaux feraient cinq pieds, il ne m'importe . Deux d'une dimension et deux d'une autre feront encore mon affaire . Des tableaux de 3 pieds à 3 pieds et 1/2 sur 4 à 4 pieds 1/2 de haut sont ce qu'il me faut . Je ne vous gêne en rien . Vous avez le temps et je vous serai très obligé . Je m'en rapporte absolument à vos bontés .
Vous ornerez ma maison du Chêne 4 comme vous avez orné celle des Délices. La maison du Chêne est plus grande, plus régulière elle a même un plus bel aspect; mais c'est le palais d'hiver, c'est pour le temps de nos spectacles, les Délices sont pour le temps des fleurs et des fruits. Ce n'est pas mal partager sa vie pour un malingre.
M. Tronchin dit que vous êtes fort contente de votre santé, et se vante toujours de la mienne; mais c'est une gasconnade.
Votre sœur est actuellement tout occupée des meubles pour la maison du Chêne. Elle insiste beaucoup sur une boule de lustre qu'elle prétend vous avoir demandée. Elle sera occupée en hiver de ses habits de théâtre. Nous espérons que vous viendrez voir encore nos douces retraites elles valent bien la vie de Paris, quand on a passé le temps des premières illusions; et, en vérité,Paris n'a jamais été moins regrettable qu'aujourd'hui.
Je suis toujours en peine des succès du char assyrien 5. Il y a certaines plaines dans le monde où il ferait un effet merveilleux. Je m'y intéresse plus qu'à Fanime 6.
Si vous voulez vous amuser, conduisez cette Fanime avec le fidèle d'Argental. Encore une fois, tout ce que je souhaite, c'est que Mlle Clairon soit aussi touchante dans ce rôle que l'a été Mme Denis. Si la pièce est bien jouée, elle pourra amuser votre Paris, tout autant que l'histoire de monsieur Damiens, que le parlement va donner au public en trois4 volumes in-4° 7.
Vous ferez comme il vous plaira avec Lekain et Clairon pour l'impression, si on imprime cette élégie amoureuse en dialogues: car, après tout, Fanime n'est que cela; mais de l'amour est quelque chose.
Il y a donc un Pagnon 8 de moins sur le globe. Ces gros petits crapoussins9 -là s'imaginent qu'il n'y a qu'à boire et manger; ils crèvent comme des mouches, et nous maigrelets, nous vivons.
Vivez, aimez-moi. Mille compliments à frère, à fils, au conducteur du char d'Assyrie.
Bonjour. »

1 Né à Nîmes en 1700, mort en 1777 : http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles-Joseph_Natoire

2 Né en 1703 à Paris, mort en 1770 : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Boucher

3 Les nus féminins que V* aime à voir . On notera qu'il se soucie presque plus de la taille des tableaux, adaptée en fonction des pièces qui les recevront, que du sujet . Il tient également à avoir de « beaux cadres bien dorés ».On peut en voir encore quelques-uns dans son château de Ferney .

4 Rue du Grand Chêne à Lausanne, sa récente acquisition en abandonnant Monrion .

6 Suite à de multiples remaniements Zulime fut nommée Fanime ,et Médime . Voir :http://www.monsieurdevoltaire.com/article-zulime---avertissement-81729398.html

7 Les Pièces originales et procédures du procès fait à François Damiens, publiées en 1757, par Le Breton, greffier criminel du parlement de Paris, sont en un vol. in-4°, et en quatre vol. in-12. Voir : http://books.google.fr/books?id=optBAAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

8 Son vrai nom était sans doute Paignon. Ce membre de la famille, dont il est question était secrétaire du roi depuis 1722. Il est nommé dans l'Almanach royal de 1757 , mais n'y est plus en 1758 .

9 Personne dont l'allure rappelle celle du crapaud ; terme familier datant de 1752 .

 

 

09/11/2012

les grandes passions, qui font faire de grands efforts, me donneront du courage

... Et me soutiendront dans la rédaction de ce blogounet !

 Ce jour, nous avons un appel du 18 juin un peu particulier, puisque c'est celui de Voltaire, qui bien qu'un peu rétro (on ne l'a pas attendu pour utiliser des chars sur les champs de bataille depuis l'antiquité ) a un point commun avec le général de Gaulle : les chars ! N'oublions pas que notre général préféré était dans les blindés lorsque faute de carburant nous avons pris la pâtée en 39-40 .

Voltaire, nouveau Léonard de Vinci ? heureusement, non ! Génial, seulement !

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 Une de mes B. D. préférées: http://leonard.bd.free.fr/albums_collections.php

 

« A M. le maréchal duc de RICHELIEU.

Aux Délices, 18 juin [1757].

Il est bien vrai que mon cher d'Argental, le grand amateur du tripot, devait montrer à mon héros certain histrionage; mais vraiment, monseigneur, vous avez d'autres troupes à gouverner que celle de Paris, et ce n'est pas le temps de vous parler de niaiseries.
Je voudrais bien pouvoir faire incessamment un petit voyage vers l'Alsace ou dans le Palatinat. Je n'aime plus à voyager que pour avoir la consolation de voir mon héros; mais vous ne sauriez croire combien je suis devenu vieux. Toutes mes misères ont augmenté, et un apothicaire est beaucoup plus nécessaire à mon être qu'un général d'armée. J'espère cependant que les grandes passions, qui font faire de grands efforts, me donneront du courage.
Donnez-vous le plaisir, je vous en prie, de vous faire rendre compte par Florian 1 de la machine dont je lui ai confié le dessin. Il l'a exécutée il est convaincu qu'avec six cents hommes et six cents chevaux on détruirait en plaine une armée de dix mille hommes.
Je lui dis mon secret au voyage qu'il fit aux Délices l'année passée. Il en parla à M. d'Argenson, qui fit sur-le-champ exécuter le modèle. Si cette invention est utile, comme je le crois, à qui peut-on la confier qu'à vous ? Un homme à routine, un homme à vieux préjugés, accoutumé à la tiraillerie et au train ordinaire, n'est pas notre fait. Il nous faut un homme d'imagination et de génie, et le voilà tout trouvé. Je sais très-bien que ce n'est pas à moi de me mêler de la manière la plus commode de tuer des hommes. Je me confesse ridicule mais enfin, si un moine 2, avec du charbon, du soufre, et du salpêtre, a changé l'art de la guerre dans tout ce vilain globe, pourquoi un barbouilleur de papier
comme moi ne pourrait-il pas rendre quelque petit service incognito? Je m'imagine que Florian vous a déjà communiqué cette nouvelle cuisine. J'en ai parlé à un excellent officier qui se meurt, et qui ne sera pas par conséquent à portée d'en faire usage. Il ne doute pas du succès il dit qu'il n'y a que cinquante canons, tirés bien juste, qui puissent empêcher l'effet de ma petite drôlerie, et qu'on n'a pas toujours cinquante canons à la fois sous sa main dans une bataille.
Enfin j'ai dans la tête que cent mille Romains et cent mille Prussiens ne résisteraient pas. Le malheur est que ma machine n'est bonne que pour une campagne, et que le secret connu devient inutile; mais quel plaisir de renverser à coup sûr ce qu'on rencontre dans une campagne ! Sérieusement, je crois que c'est la seule ressource contre les Vandales victorieux. Essayez, pour voir, seulement deux de ces machines contre un bataillon ou un escadron. J'engage ma vie qu'ils ne tiendront pas. Le papier me manque; ne vous moquez point de moi ne voyez que mon tendre respect et mon zèle pour votre gloire, et non mon outrecuidance, et que mon héros pardonne à ma folie. »

 

08/11/2012

Vous souvenez-vous du temps où vous montiez si agilement à l'échelle pour me dénicher un livre

... Non ?! Pardonnez-moi, je vous ai prise pour la bibliothéquaire .

Montée si haut que je vous retrouve dans les nuages .

Nébuleux ! non ?

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Cette question, on ne risque pas de la poser à quelque humain que ce soit à la Très Grande Bibiothèque parisienne qui est robotisée au dernier point, mais susceptible de pannes tout autant qu'un personnel humain réclamant des augmentations par voie de grève .

 

 

 

« A dom Augustin FANGÉ 1
à Sénones.

Aux Délices, près de Genève 14 juin 1757

J'ai reçu, monsieur, à ma campagne dans le voisinage de Genève les livres que vous avez bien voulu m'envoyer dans lesquels était votre lettre 2. Voilà bien des remerciements que je vous dois . Votre souvenir, vos bontés et votre itinéraire très curieux de Suisse 3 me pénètrent de reconnaissance .

J'admire la force du tempérament de monsieur votre oncle 4 elle est égale à celle de son esprit. Il a résisté en dernier lieu à une maladie à laquelle toute autre constitution eût succombé. Personne au monde n'est plus digne d'une longue vie. Il a employé la sienne à nous fournir les meilleurs secours pour la connaissance de l'antiquité. La plupart de ses ouvrages ne sont pas seulement de bons livres, ce sont des livres dont on ne peut se passer 5. Je vous prie, monsieur, de vouloir bien lui dire qu'il n'y a personne au monde qui ait pour lui plus d'estime que moi. J'ai assurément les mêmes sentiments pour le neveu et j'ajoute, monsieur, que si vous vous occupez des mêmes études que ce savant homme vous y porterez un esprit encore plus philosophique que lui . Je voudrais bien que ma santé me permit de venir quelque jour dans vos cantons et que je puisse encore jouir de votre aimable société et de votre bibliothèque . Vous souvenez-vous du temps où vous montiez si agilement à l'échelle pour me dénicher un livre et pour me montrer la page dont j'avais besoin ? Il s'en faut bien que j'aie de pareils secours dans le pays que j’habite .

La personne qui désirait placer quelque fonds sur une communauté libre et indépendante de la France a pris son parti avant que je reçusse l'honneur de votre réponse . Mais c'est une affaire qui peut se renouer à la première occasion . C'est une veuve d'environ cinquante ans qui voudrait des rentes viagères exactement payées au denier dix ; elle ne pourrait mieux faire que de se mettre entre les mains d'une communauté à la tête de laquelle vous êtes . Je ne désespère pas de venir faire cette affaire avec vous si elle vous agrée et si elle ne souffre aucune difficulté .

J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments que je vous dois

Monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur .

Voltaire . »

1 C'est ainsi que ce nom est écrit dans la Vie du très-révérend père dom Augustin Calmet, abbé de Senones; 1762, in-8°. Cette Vie est de dom Augustin Fangé, son neveu, qui était né au commencement du XVIIIe siècle. (Beuchot.)

Voir : http://books.google.fr/books?id=4905AAAAcAAJ&pg=PA15&lpg=PA15&dq=Vie+du+tr%C3%A8s-r%C3%A9v%C3%A9rend+p%C3%A8re+dom+Augustin+Calmet,+abb%C3%A9+de+Senones&source=bl&ots=Ef_l8meTrn&sig=giHfvOSQgjijbUOf8iwunhc25TY&hl=fr&sa=X&ei=48ibUJyTDeXP0QWR3YG4Cg&ved=0CCcQ6AEwAQ#v=onepage&q=fang%C3%A9&f=false

2 Les livres avaient été gracieusement envoyés à V* par Fangé, coadjuteur de Senones en même temps qu'une lettre datée du 25 avril 1757 .

4 Dom Calmet (Antoine Augustin) mourra le 25 octobre 1757 .Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Augustin_Calmet

5 On sait ce que V* a fait des pieux ouvrages de Dom Calmet, entre autres le Dictionnaire de la Bible assaisonné à la sauce Taureau Blanc : voir : http://narratologie.revues.org/323?lang=en

 

07/11/2012

la France perdra quelques hommes et prodigieusement d'argent par sa guerre sur terre et sur mer

... 1757 ... 2012 ... 2013 ... C'est toujours vrai !

 

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« A Jean-Robert TRONCHIN , banquier à Lyon

Aux Délices 13 juin [1757]

Je reçois votre lettre du 12 mon cher monsieur . Corneille comparait Montauron à Auguste 1. J'ai envie de vous comparer à Titus car vous me faites tous les jours des plaisirs 2. Tantôt ce sont des provisions immenses de sucre, tantôt huit tonneaux de vin, des milliers de bouchons de bouteilles, des billets de loterie, des cent trente mille livres à des électeurs, avec des pelles et des pincettes 3. Je vous remercie de tout . M. Camp est bien aimable . Il est aussi serviable que vous et cela entre encore dans mes remerciements .

Je crois comme vous que M. le maréchal de Richelieu pourra bien aussi avoir son armée . La France en ce cas aura trois généraux au lieu d'un . Il y a des gens qui prétendent qu'un est plus que trois dans cette arithmétique .

Ce qui est sûr c'est que la France perdra quelques hommes et prodigieusement d'argent par sa guerre sur terre et sur mer, et que jamais on n'a fait les choses à plus grands frais. 4

Mme Denis vous fait mille compliments . Aimez toujours les deux solitaires suisses .

V. »

1 Dans la dédicace de Cinna . Voir : http://books.google.fr/books?id=gBEwAAAAYAAJ&pg=PA8&a...

3 Voir lettres précédentes avec les demandes variées de V*

4 Ces lignes depuis « Je crois comme vous ... » ont été mises par erreur sous la date du 4 juin dans l'édition Gaullieur .

 

Voudriez-vous avoir la bonté de me faire savoir quel est le parti le plus facile et le moins coûteux ?

... Ah ! sacré Volti, toujours à la recherche du meilleur rapport qualité/prix !.. 

 

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« A Ami CAMP

Votre cher associé Jean Robert m'a promis monsieur, de faire tenir 130 000 livres tournois pour mon compte à l’Électeur palatin 1. Cela peut paraître plaisant mais cela est vrai . Il m'a mandé qu'il se pourrait servir de la voie de la Hollande . Il serait convenable que son Altesse Électorale les reçût incessamment par Francfort . Vous venez de cette ville . Vous y avez des correspondances ; je vous demande vos avis et vos bons offices . Voudriez-vous avoir la bonté de me faire savoir quel est le parti le plus facile et le moins coûteux ?

Un petit mot d'instruction je vous prie , à votre très humble et obéissant serviteur et correspondant .

V.

Jeudi [9 juin 1757] »

1 Voir lettre du 29 mai 1757 à JR Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/11/02/j...